14 juin 2008

LES ROIS MAGES

Analyse d'une chanson phallocratique

Pour contrer un terrible retour en arrière

http://mai68.org/ag/1404.htm
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http://kalachnikov.org/ag/1404.htm

        Bonjour à toutes et à tous,

    J'ai récemment participé à une soirée où se trouvaient entre dix et quinze personnes dont quatre femmes. J'ai été, à un moment donné, amené à parler de la célèbre chanson de Sheila "Les rois mages" ; que j'ai bien sûr qualifiée de phallocratique. Un homme participant à la soirée a dit instantanément qu'il ne voyait pas en quoi cette chanson pouvait être phallocratique. Au début, j'ai cru à une provocation, surtout que l'homme en question avait, à un moment donné de sa vie, fait partie de la FA (Fédération anarchiste) ; mais, non, il avait l'air sérieux. Je n'ai pas réagi immédiatement tellement j'étais choqué, espérant qu'une des personnes ici présente prendrait mon parti. Mais il n'en fut rien, et pourtant, il y avait quatre femmes dans la soirée. Pire, l'une d'elles dit même que la vie d'une femme telle que décrite dans le refrain de cette chanson était un rêve !

    Pour moi, le choc fut total !

    Je n'ai pas répondu immédiatement, et la conversation est passée à autre chose ; mais, en repensant aujourd'hui à cette soirée, je me dis qu'un terrible retour en arrière à déjà eu lieu, et que ce qui était devenu évident lors des années 70 grâce à une lutte acharnée, a depuis été perdu, et qu'il faut le reconquérir. Dans les années 70, il n'était nul besoin de prouver que le refrain des "Rois mages" était phallocratique. C'était évident pour tout le monde. À la façon dont les personnes présentes à cette récente soirée ont réagi, je mesure l'ampleur des dégats, l'ampleur du retour en arrière. Je sais à quoi est dû ce retour en arrière. Il est dû au SIDA ; et je l'avais prévu ; et j'ai même remarqué, il y a des années, un début de retour en arrière. Maintenant, depuis cette soirée, je me dis qu'il faut refaire tout le travail ou presque.

    Alors voilà :

    Commençons par lire le refrain :

Comme les Rois Mages en Galilée
Suivaient des yeux l'étoile du Berger
Je te suivrai, où tu iras j'irai
Fidèle comme une ombre jusqu'à destination

    Déjà, première chose qui devrait sauter aux yeux dans cette chanson chantée par une femme qui s'adresse à un homme, c'est le mot "ombre". Combien de fois les féministes des années soixante-dix ont dénoncé que, sous la phallocratie, les femmes n'étaient que les ombres de leurs maris qui, eux, étaient leurs soleils ? C'était l'image la plus récurrente pour dénoncer que les femmes étaient les esclaves des hommes !

   Maintenant qu'il est, du moins je l'espère, évident pour toutes et tous que ce refrain est éminemment phallocratique, Sheila rêvant d'être l'ombre de son amoureux qui, lui, est vu comme une étoile (le soleil n'est rien de plus qu'une étoile), examinons le sens du refrain.

    "Où tu iras j'irai" signifie, au sens figuré, que la femme ne prendra part à aucune des décisions du couple : l'homme décidera de tout !

    Mais cette proposition, "Où tu iras j'irai", si on l'interprête seulement au pied de la lettre, c'est-à-dire géographiquement, doit être mise en relation avec l'évolution de la loi sur le mariage. Avant 1974, cette loi précisait que le mari, et lui seul, décidait du lieu de résidence du couple. Heureusement, après 74, sous Giscard, un énorme rapport de force établi dans la rue a obligé le pouvoir à changer le texte de cette loi ; et, dorénavant, le lieu de résidence du couple doit être décidé d'un commun accord.

    Alors, nul doute que le "où tu iras j'irai", qu'on le prenne au pied de la lettre ou non, est éminemment phallocratique.

    Maintenant qu'on a bien avancé dans l'analyse (et croyez bien que je regrette fort d'avoir été obligé de faire une telle analyse en l'an 2008 !), allons un peu plus loin et Remarquons que la femme qui chante ce refrain promet une fidélité absolue. Il ne s'agit pas seulement de la fidélité d'une "ombre" au sens strict du mot, comme l'ombre d'une potiche, par exemple ; il s'agit aussi d'assurer la fidélité, sur le plan sexuel, de la femme qui chante. Mais, aucune réciprocité n'est demandée à l'homme à qui elle s'adresse ! Normal : en phallocratie, il est admis qu'un homme puisse tromper sa femme ; mais la femme, elle, n'a aucun droit à cette même liberté ! Quel fut mon étonnement quand j'appris qu'un récent épisode du feuilleton "Plus belle la vie", feuilleton destiné à éduquer le bon peuple, trouvait normal qu'un homme soit plus tenté par le vagabondage sexuel que sa femme ; et que, dans un tel cas, LUI était plus pardonnable qu'elle ! Quand je parlais de retour en arrière...

    Mais, remarquez bien que ce n'est pas seulement sur le plan de la fidélité sexuelle que la femme qui chante le refrain des rois mages ne demande rien en retour à l'homme à qui elle s'adresse... Et c'est bien normal : en phallocratie, la femme doit tout à l'homme et l'homme ne lui doit rien.

        Bien à vous,
        do
        http://mai68.org

Post-scriptum : étant révolutionnaire, il va de soit que je suis, et d'une façon absolue, pour l'amour libre. Me faut-il préciser « et aussi pour l'égalité » ? Alors voilà, puisqu'en cette triste époque il faut tout préciser : liberté ! égalité ! solidarité ! sexualité !


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