10 mars 2001

 

          La citation de guy debord que tu as mise en exergue est extraite de son livre "La société du spectacle" qui, je te le rappelle, est paru en 1967, juste un an avant le mouvement de mai 68 dont tu sais que les situationnistes sont les seuls à l'avoir prévu parce qu'ils sont les seuls à avoir vraiment tout fait pour le faire venir et pour l'approfondir. Il faut donc croire que guy debord lui-même n'a pas voulu attendre trop longtemps ! De toute façon, s'il était peut-être possible, à cette époque, d'attendre, il ne l'est plus aujourd'hui. Car si la fin (écologique) du monde n'a pas encore commencé, c'est que ça ne va pas tarder. Nous n'avons plus le temps, il faut se dépécher!

          De surcroix, comme debord savait très bien ce qu'il faisait, lui ainsi que ses amis situs, je crois qu'il faut comprendre cette citation, à cette époque, non pas tant d'un point de vue temporel que d'un point de vue spatial. Je veux dire que debord entendait surtout exprimer son refus de faire des alliances avec des groupes se disant révolutionnaires mais l'étant moins, voire bien moins, que l'internationnale situationniste.

          Ensuite, dans ton premier paragraphe, tu parles de " une critique qui se cherche encore ". As-tu lu ma thc (théorie du concept, facilement trouvable sur mon site) ?

          Tu dis : " Nous pensons également que ni ce texte ni aucun autre ne pourra, par la seule force de la théorie, abattre le citoyennisme. " Es-tu sûr de ne pas te tromper d'ennemi ? l'ennemi, je pense que c'est encore et toujours le capital, pour parler à la karl marx, le spectacle pour parler à la debord ou le Concept, c'est-à-dire l'esclavage au concept, pour parler à la do. Si trop de monde fait trop d'effort théorique sur le " citoyennisme ", si trop de monde s'acharne à le combattre, alors le citoyennisme aura atteint son but : détourner nos attaques de notre véritable ennemi, le capital. Il ne faut pas donner trop d'importance aux neo-citoyens ! Car le citoyennisme n'est pour le moment qu'une mode. Lui accorder trop d'importance pourra lui donner une vraie vie ! Je crois qu'il faut le dénoncer pour ce qu'il est, simplement, sans écrire des pages et des pages sur lui ! il suffit d'en dire qu'il n'est rien d'autre qu'un mouvement de sympatisants du Parti " Socialiste " destiné essentiellement à détourner vers un vote de gauche les personnes qui pourraient être attirées par la révolution ! Ensuite, il suffit de dire aux gens que les choses ne se passant pas à Porto Alegre, mais à Davos, c'est à Davos qu'il fallait être, et pas à l'autre bout du monde ! Faire plus que ça, c'est non pas détruire le citoyennisme, c'est, bien au contraire, le renforcer en lui accordant une importance qu'il n'a pas mais qu'il aimerait bien avoir.

          Ensuite, tu t'aventures à décrire le citoyennisme. Et tu le décris exactement comme il le souhaite, comme il veut qu'on croit qu'il est : un mouvement honnête et réformiste. Non ! il faut appuyer là où ça fait mal : le " mouvement citoyen " n'est rien d'autre que le nom que le PS a donné à son organisation de jeunesse !

          A propos du " vieux mouvement ouvrier ", tu dis comme ça que " Ce projet se ramenait, dans ses diverses manifestations, à une reprise du mode de production capitaliste par les prolétaires ". Je m'inscris en faux ! Premièrement, je peux te dire que dans les années 1970, il n'était absolument pas question pour moi de me battre pour si peu ! Et je n'étais pas le seul dans ce cas. Bien loin de vouloir l'auto-exploitation du prolétariat, nous voulions la suppression de toute forme d'oppression, et donc la suppression des classes sociales et du prolétariat en particulier. Nous voulions tout bouleverser, tout réinventer (le slogan " l'imagination au pouvoir ", malgré ses défauts, dit bien ce qu'il veut dire !). Nous disions que : " le bleu restera gris tant qu'il n'aura pas été ré-inventé ! " Nous voulions changer la vie.
          Mais, que la révolution veuille tout bouleverser, ce n'est pas nouveau. Bien des utopistes se sont aventurés, au XIXeme siècle et peut-être avant, à décrire une société qui n'aurait absolument rien à voir avec la nôtre ! karl marx ne s'est d'ailleurs pas privé de les critiquer. Il n'est tout simplement pas question, avant la révolution, de décrire ce que sera la société révolutionnaire. Il n'en est pas question parce que tant que la révolution n'est pas là dans toute sa puissance, nous sommes tous plus ou moins conditionnés par la société telle qu'elle est, et nous n'avons donc pas la possibilité d'imaginer ce que sera la société révolutionnaire tant que la révolution n'aura pas détruit ce conditionnement !

          Plus tard, après avoir tenté de le justifier, tu prétends que le deuil de la révolution a été fait. Là aussi, je dis non ! Tant que subsistera un brin d'oppression, subsistera aussi le désir de révolution. Dans les annexes de la théorie du concept, sous le titre " le spectacle de l'effondrement du communisme " Yvette explique bien comment l'ennemi s'y est pris pour tenter de faire croire que le communisme, ça ne marchait pas et que de toute façon, c'était encore pire que le capitalisme ! Quand l'ennemi cherche à nous faire croire quelque chose, il faut seulement nous demander : " Quel est l'intérêt des capitalistes à ce qu'on croit de telles balivernes ? "

          Plutôt que dater la naissance du " mouvement citoyen " en décembre 1995, je l'aurais plutôt daté avec l'arrivée du mouvement ATTAC.

           Tu dis : " On peut constater que le citoyennisme ne récupère pas un mouvement qui serait plus radical. Ce mouvement est simplement absent ". Et je dis que tu es aveugle, que ce mouvement existe bel et bien : c'est celui des émeutiers de Seattle, de Nice et de Davos. C'est de ce retour de la révolution que José Bové et Porto Alegre veulent nous détourner.

          Quant à " La privatisation du secteur public [qui] continue de plus belle ", j'en parle dans le journal N°53.

          Ensuite, quasiment tout le début de ton chapitre III se déduit immédiatement, sans avoir besoin de réfléchir, du fait que le " mouvement citoyen " n'est que l'organisation de jeunesse du PS ; notamment la nature nébuleuse des forces vives du citoyennisme. Il aurait donc été inutile de l'écrire si tu avais dit les choses simplement, comme je le propose.

         Puis, tu prétends constater " que le réformisme surgit toujours dans des moments de crise du système capitaliste. " Mais je ne comprends pas ce qui te permet de dire ça. Car chaque fois que quelqu'un parle de révolution, il se trouve une autre personne pour lui répondre qu'il faut faire les choses petit à petit, réforme après réforme. Partout et de tout temps le réformisme a tenté de récupérer les révolutionnaires ! C'est bien sûr encore le cas aujourd'hui !

          Quant à Keynes, il a dit essentiellement qu'il fallait substantiellement augmenter les salaires des ouvriers car ainsi cela ferait un grand nombre de gens pour acheter les marchandises et que cela résoudrait la crise de 1929, présentée comme une crise de surproduction. Mais tout cela est très rigolo, car je ne vois pas trés bien pourquoi il faudrait crever de faim, comme en 1929, sous prétexte qu'il y a trop de patates ! Je crois que la " crise de 29 " fut un gigantesque bluff de la part du capital, destiné à faire croire au prolétariat qu'il était matériellement impossible de le traiter mieux que ce que les capitalistes faisaient. Quand à la proposition de Keynes, il s'agissait en fait d'acheter le prolétariat, en lui donnant des salaires nettement plus conséquent, pour qu'il accepte de ne pas faire la révolution. Une telle proposition avait déjà été faite bien plus tôt par Hitler dans Mein Kampf. Keynes n'a fait que la reprendre tout en la présentant d'une façon un peu plus subtile !

          La " deuxième guerre mondiale " n'a été faite que pour vaincre la tentative de révolution qui avait lieu en Europe dès 1936.

          Tu dis aussi : " Nous affirmons qu’il n’y a pas actuellement de crise capitaliste ", mais comme je ne sais pas ce que tu entends par là, je me contenterai de dire que la crise actuelle n'est peut-être pas celle du capital, mais qu'elle est bien celle de l'humanité, car c'est au train où vont les choses, et elles vont de plus en plus vite, que l'humanité se précipite vers le précipice qui l'engloutira définitivement. C'est ça, le progrès, qui s'accélère de jour en jour, et à propos duquel on essaie de nous dire que nous ne pouvons rien contre lui, alors que pourtant, ce que l'homme a fait, il peut le défaire !


          Ce ne sont pas les " citoyens " qui sont dans une impasse, mais l'humanité toute entière.

          Je serais assez d'accord avec ton chapitre IV. Mais tu dis que la classe ouvrière a disparu. Et là, je ne suis pas du tout d'accord, même en utilisant ton vocabulaire (" classe ouvrière "), car s'il est vrai qu'il y a de moins en moins d'ouvriers en fRANCE, il y en a par contre de plus en plus dans le monde entier. Il n'y en a jamais eu autant, même à la proportionnelle !
           Mais de toute façon, je préfère l'expression " prolétariat ", où le prolétaire est celui qui n'a aucun contrôle sur l'emploi de sa vie et qui le sait. Et des gens qui n'ont aucun contrôle sur l'emploi de leur vie, des prolos, il y en a de plus en plus en fRANCE même. Pour le prouver, il me suffit de te rappeler que tu as écrit toi même que la classe moyenne cultivée et la petite bourgeoisie ont vu leurs privilèges et leur influence politique fondre comme neige au soleil :  marx appelait cela la prolétarisation ! (voir l'intervention 206 pour plus de précisions)
          Peu avant 68, Marcuse avait déjà annoncé que la disparition du prolétariat était accomplie. Bien sûr, les situationnistes se sont moqués de lui, et mai 68 est venu leur donner raison ! Tu as tout aussi tord aujourd'hui que Marcuse hier.

          A un moment, tu parles d'Auchan. Je préférais le Mamouth. Car on pouvait dire : " Mamouth écrase les prix et ses employés ! ", mais si dans ce slogan on remplace le mot " Mamouth " par " Auchan ", le charme est perdu.

          Tu sembles croire que l'anti-américanisme est du racisme. Certainement pas ! Je suis moi-même anti-américain primaire, mais mon anti-américanisme ne touche que les chefs des américains ! J'aime Géronimo et Jimmy Hendrix, ainsi que Jim Morrisson ! " les américains ", ce n'est qu'une expression : les américains ont été dans la lune, paraît-il, mais je ne suis pas sûr qu'ils y aient tous été. De la même façon, quand je dis que je hais profondément les américains, il y en a en fait assez peu que je déteste vraiment et je ne suis pas raciste. Il se trouve seulement que la mondialisation, c'est la mondialisation de l'Empire Américain. Le dénoncer est certes de l'anti-américanisme, mais je ne vois pas le rapport avec le racisme !

          Quant au début de ton chapitre 5, je te conseille tout simplement de relire les situationnistes en général et debord en particulier. Ça t'évitera de les insulter (tout en prenant certaines précautions) en disant : " Ils ne voyaient pas (mais à ce moment-là qui pouvait le voir ?) en quoi le mode de production capitaliste était capitaliste " !

          Après avoir à nouveau parlé de la disparition de la classe ouvrière et de son mouvement, ainsi que de la gestion ouvrière du capitalisme (choses à quoi j'ai déjà répondu), tu dis que " Le vieux mouvement ouvrier n’ayant pu aboutir à la communauté humaine se change ainsi en simple intéressement aux profits capitalistes ". C'est carrément n'importe quoi. Intéresser les prolos au profits capitalistes, cela avait déjà été proposé par De Gaulle lors de mai 68 pour tuer ce mouvement ! Il appelait ça " la participation ", et, bien entendu, cela avait été refusé par le mouvement.

          Sur l'écologie, je suis assez d'accord avec le texte que Bernadette écrivit il y a une bonne dixaine d'années.

          Tu dis : " La morale du travail, autrefois partagée également par la bourgeoisie et le prolétariat, est en train de se dissoudre ". Il me parraît indispensable de remarquer avec marx que l'idéologie dominante est l'idéologie de la classe dominante. C'est la raison pour laquelle le prolétariat est prisonnier de la morale du travail. As-tu lu le droit à la paresse que Lafargue écrivit déjà au XIXème siècle ? Sais-tu que debord conseillait il y a plus de trente ans : " Ne travaillez jamais ! "

          Dans ton chapitre VI, tu dis, en parlant de la révolution : " La mondialisation du capital et la dissolution des capitaux nationaux impliquent qu’il s’agira d’un mouvement mondial ". On pourrait croire que tu penses que ce n'était pas déjà une nécessité avant ?

          Quand tu parles " d’agir face au capitalisme tel qu’il se présente ici, là où nous sommes, parce qu’ici, là où nous sommes, c’est là que se joue réellement... ", là, je suis tout à fait d'accord avec toi, et ce que tu dis là est très important. C'est pourquoi je le note alors que d'habitude, quand j'étais d'accord avec toi, je n'ai pas toujours éprouvé le besoin de le préciser. Mais faire la révolution ici n'empêche pas d'aller participer aux émeutes de Seattle, Nice ou Davos ! De tels rendez-vous sont d'une importance extrème eux aussi !

          Sur l'individu, tu peux lire mon texte.

          Tu dis, comme bien d'autres avant toi, que " on ne peut aujourd’hui rien changer sans finalement tout changer. " C'était vrai et ça l'est toujours, bien sûr, puisque c'est là la différence entre un révolutionnaire et un réformiste !

         Tu sembles découvrir maintenant certaines choses, mais tu en tires la conclusion éronée comme quoi cela est neuf.

          Dans ta " conclusion provisoire ", tu dis que " Le prochain mouvement révolutionnaire devra aussi trouver son propre langage ", c'est certainement vrai du point de vue de la théorie du concept. Cependant, le vieux vocabulaire est encore largement valable, il faut seulement le compléter un peu, et, surtout, il est absolument nécessaire de cesser d'être esclave du concept.

          Tu dis : " Seuls ceux qui n’ont aucun pouvoir sur le monde peuvent dire n’importe quoi, sans crainte d’être jamais démentis, puisqu’ils savent que leurs propos sont sans conséquences. ", et à peine plus loin, tu dis aussi : " dans le monde capitaliste seuls ceux qui dominent peuvent prétendre à dire la " vérité ", puisqu’ils la créent eux-mêmes, et détiennent le monopole de la " parole vraie ". " N'est-ce pas un peu contradictoire ?

          Tu dis : " L’appel " révolutionnaire " à la subjectivité, résidu du surréalisme et du situationnisme vaneigemiste, est plus que jamais réactionnaire ". Sache que les situs disaient qu'il n'y avait de situationnisme que chez les ennemis des situationnistes. Et une fois de plus il me parraît nécessaire que tu lises mon texte sur l'individu, car la subjectivité n'a rien de réactionnaire.

          Quand tu dis " Nous ne doutons d'ailleurs pas que nombre d'individus qui sont aujourd'hui englués dans les contradictions du citoyennisme par louable désir d'agir sur le monde, n'en viennent un jour à rejoindre ceux qui désirent réellement le transformer. ", j'ai envie de rajouter que s'ils sont à l'autre bout du monde, à Porto Allegre, ils ne pourront pas rejoindre les révolutionnaires pour " tout casser " à Davos ! D'un côté les " casseurs ", de l'autre ceux qui ne cassent rien !

          Voici l'essentiel de mes remarques :1°) Le " mouvement citoyen " n'est rien d'autre que le nom que le PS a donné à son organisation de jeunesse ! 2°) Tu dis : " On peut constater que le citoyennisme ne récupère pas un mouvement qui serait plus radical. Ce mouvement est simplement absent ". Et je dis que tu es aveugle, que ce mouvement existe bel et bien : c'est celui des émeutiers de Seattle, de Nice et de Davos. C'est de ce retour de la révolution que José Bové et Porto Alegre veulent nous détourner. En refusant de voir ce mouvement, tu es en train de commettre la même erreur, d'avoir le même aveuglement que raoul vaneigem, qui, en 68, ne vit pas arriver le mouvement qu'il avait lui même prévu et se retrouva coincé dans le sud de la fRANCE alors que les choses se passaient à Paris, ce qui lui valut son exclusion de l'internationnale situationniste !

          Maintenant, il me faut rajouter que même si ma réponse à ton texte apparaît comme très critique, je n'ai presque jamais pris la peine de préciser les phrases que tu as écrites et avec lesquelles j'étais d'accord ! Je n'ai aucun doute par rapport à tes intentions révolutionnaires. Car je vois bien que tes intentions sont bonnes.

          Amicalement,
          do

PS) Si je n'ai rien dit sur ton texte placé en intervention 218, c'est parce que je suis d'accord avec à peu près tout ! Je suis seulement étonné, que de telles erreurs apparaissent dès que tu développes ce texte (intervention 219). mais est-ce bien les mêmes personnes qui ont écrit les deux textes ?

          

          


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