21 juillet 2001

 

Des esprits torturés

Maintenant que personne ne peut plus nier la torture généralisée pratiquée par l'armée française en Algérie (ou du moins dans chaque "unité combattante", à quelques très rares exeptions près) entre 54 et 62, le dernier "exercice de style" dont usent aujourd'hui la plupart des débatteurs invités à se prononcer sur la question consiste, non point à la condamner et encore moins à la regretter et encore moins à s'en repentir mais à la "connaître", ou mieux à la "reconnaître"! La belle affaire maintenant que tout le monde sait !

Le "devoir de mémoire" consistant à dénoncer le colonialisme français pour ce qu'il était, une spoliation et un viol des peuples colonisés, s'est mué en "devoir de reconnaissance" et, qui plus est, de "reconnaissance" partagée, impliquant par là que les atrocités furent le fait des deux camps, renvoyées ainsi dos à dos les deux parties. Comme si il y avait jamais eu "jeu égal".

"Donnant donnant, tu torturais, je torturais, nous torturions. Oui, la torture et les atrocités existaient ... bien sûr, mais des deux côtés. Et puis n'étions-nous pas en guerre (cette "guerre" d'Algérie, appelée officiellement durant 40 années les "évènements d'Algérie" ou "les opérations de maintien de l'ordre") et y a-t-il jamais eu de guerre propre ?", se lamentent nos militaires et nos politiques se renvoyant la balle des responsabilités et se jettant à la figure les cadavres torturés des deux camps.

"Mais enfin aujourd'hui, nous le "reconnaisssons". Nous allons même échanger nos archives avec nos ex-colonisés ! Nous sommes quitte ! Reconnaissons le aujourd'hui de concert, et pourquoi pas la main dans la main, comme KHOL et MITTERRAND l'ont fait après 3 guerre franco-allemande." Avec la différence qu'entre les Allemands et les Français, il s'agissait de deux puissances militaro-industrielles analogues qui se faisaient la guerre ! Il s'agissait alors d'adultes consentants, en pleine possession de leurs forces militaires et morales (ou du moins le croyaient-ils…) . Tandisque dans le cas des guerres coloniales, il s'agissait de la lutte de libération de peuples faibles (militairement parlant s'entend, bien que culturellement égaux sinon souvent supérieurs) opprimés, massacrés (30 000 morts à Sétif en 1945, 95 000 à Madagascar ... etc. etc.) niés, méprisés, pillés contre une puissance occidentale occupante dominatrice.

Les sexagénaires franchouillards qui aujourd'hui redressent fièrement la tête, parlent de "reconnaissance mutuelle", d'honneur sauf, voire prêchent la réconciliation et refusent de convenir que les crimes du colonialisme, de l'esclavage à l'exploitation économique (toujours actuelle...), furent des crimes imprescriptibles contre l'humanité perpétrés au nom de "valeurs" dont l'Occident se croit toujours porteur, font penser à ces vieux pédophiles qui, sortis de prison, serreraient la main de leurs anciennes petites victimes sous les flashs des médias.

André Monjardet


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