6 novembre 2001

 

À propos des attentats du 11 septembre 2001 à New York :

Pour voir l'original, en anglais, cliquer ici. English Here or here

L'opinion publique musulmane subodore un complot par Warren Richey
in The Christian Science Monitor (quotidien américain) du mardi 6 novembre 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
[The Christian Science Monitor tire à 120 000 exemplaires. Publié à Boston, cet élégant tabloïd est réputé pour sa couverture des affaires internationales. La fondatrice de la Christian Science Church, Mary Baker Eddy, a créé ce journal en 1908 à l'âge de 87 ans en réaction contre la presse à sensation. Publié du lundi au vendredi, avec une sélection hebdomadaire distribuée à l'étranger, le journal de Boston est l'un des fleurons de la presse américaine. http://www.csmonitor.com]

Les Etats-Unis s'orientent vers le recours à la 'communication' en direction du monde musulman, en faisant appel aux services de spécialistes en relations publiques expérimentés et en répondant plus rapidement aux vidéos d'Oussama Bin Laden.

Amman - Les efforts déployés par les Etats-Unis afin d'enrôler dans leur lutte contre le terrorisme international les Arabes et les Musulmans, au niveau de la rue, vont tout droit dans le mur.
Contrairement à la majorité des Américains, qui considèrent qu'Oussama Bin Laden est le suspect numéro '1' des attentats du 11 septembre dernier, l'opinion publique s'oriente dans une toute autre direction, dans les pays arabes et musulmans. La plupart des musulmans débattent de théories 'alternatives' et beaucoup parmi eux font leur l'une de ces théories, qui l'emporte haut la main sur toutes les autres : elle fait l'hypothèse que les attentats du 11 septembre ont été menés à l'instigation des services secrets israéliens, le Mossad.
Ce scepticisme généralisé au sujet de la responsabilité alléguée de M. Bin Laden est la preuve la plus éclatante qui ait été apportée jusqu'ici du fait que les Etats-Unis sont en train de perdre lamentablement ce qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui 'la guerre des Relations Publiques'. Conscients de ce problème, les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux sont en train d'examiner le recours à des méthodes plus sophistiquées afin de contrer l'exploitation faite par M. Bin Laden de l'ulcération musulmane.
Après que la chaîne par satellite Al-Jazira ait diffusé le dernier communiqué de Bin Laden, samedi dernier, accusant les Etats-Unis de mener une guerre contre l'Islam et qualifiant les dirigeants arabes qui soutiennent l'ONU d''infidèles', un ancien diplomate américain s'est rendu devant les caméras et les micros de cette même chaîne, suivie de manière assidue par trente-cinq millions de téléspectateurs, et il a communiqué la réplique du gouvernement américain aux propos de Bin Laden, dans un arabe 'impeccable'.
Tout en saluant cette performance, les spécialistes du Moyen-Orient disent que les Musulmans attendent un changement substantiel dans la politique américaine (vis-à-vis d'Israël, de l'Irak et de l'Afghanistan), plutôt qu'une (relative) élévation du débat intellectuel...
Dans le même temps, les théories d'un complot (au sujet des attentats) prolifèrent, même parmi les hauts responsables des gouvernements arabes ayant rejoint la coalition.
"Le niveau atteint par la récurrence des théories du complot est incroyable : cela vous donne tout simplement l'envie de hurler", dit un diplomate occidental en poste à Amman, auquel un responsable de haut rang du gouvernement jordanien vient de donner une conférence sur le rôle 'évident' du Mossad...
Le ministre syrien de la défense, Mustafa Tlass, a partagé une opinion similaire avec un groupe d'universitaires britanniques venus lui rendre visite, le mois dernier.
De telles attitudes soupçonneuses et de telles théories du complot ne sont pas quelque chose de nouveau, au Moyen-Orient, où le Mossad est souvent considéré comme une force maléfique tapie derrière des événements inexplicables sans son intervention. Dans le cas de Bin Laden, ces attitudes ont eu pour effet de gravement miner la tentative déployée par le président Bush afin de faire en sorte que la sympathie pour les cinq mille victimes innocentes des attentats trouve une traduction 'naturelle' dans la mise en place d'une campagne internationale concertée contre le terrorisme. "Non seulement nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde (avec les Moyen-orientaux) : nous ne sommes pas sur les ondes du tout, et l'administration Bush en est bien consciente", dit Michael Hudson, directeur des études arabes à l'Université Georgetown de Washington.
L'absence de preuve irréfutable d'un lien entre Bin Laden et les attentats, à laquelle se surajoute ce que de nombreux commentateurs arabes et musulmans considèrent comme une précipitation mise par les Américains à formuler leur sentence, aboutit à une prolifération de théories alambiquées.
Parmi celles avancées par les éditorialistes de journaux jordaniens, syriens, égyptiens, publiés à Londres, en Cisjordanie et ailleurs, on trouve :
- Les attentats sont l'ouvre du "grand manitou juif sioniste qui contrôle l'économie mondiale, les médias, et la politique."
- Bush a donné l'ordre des détournements d'avions et des attentats afin de renforcer sa mainmise sur le pouvoir à Washington et faire oublier les controverses sur le décompte des bulletins (de l'élection présidentielle), en Floride.
- Des extrémistes japonais ont fait les attentats pour se venger des bombes nucléaires lancées sur Hiroshima et Nagasaki, en 1945, par les Américains.
- La Chine (ou la Russie, c'est au choix) a lancé les attaques afin de saper les efforts américains visant à développer un bouclier de missiles de défense.
La floraison des théories du complot est la conséquence inévitable du contrôle de l'information exercé par le gouvernement, dans ces pays. Afin de compenser cette censure, les commentateurs s'efforcent de discerner la vérité en lisant entre les lignes. Il est fréquent que la spéculation résultant de ces tentatives tourne autour de la question : "à qui profite le crime ?"
"C'est le manque d'information et une certaine naïveté qui alimentent les théories du complot : les gens tentent de recourir à leur propre intuition pour imaginer ce que l'on est en train de leur cacher", dit Jon W. Anderson, anthropologue de l'Université Catholique de Washington DC. "Il y a un sérieux problème de diplomatie publique, chez les Américains, qui ne peut qu'alimenter la floraisons des théories du complot."
Afin de contrer cette absence de communication, l'administration Bush est en train de recruter des experts en relations publiques (du secteur libéral) afin de lancer des campagnes médiatiques en direction du Moyen-Orient.
Les spécialistes du Moyen-Orient sont sceptiques. "Penser le problème en termes de publicité, c'est être réellement à côté de la plaque", dit M. Hudson, de l'Université Georgetown. "Le message n'est pas le support, absolument pas", dit-il : "Ce qui est crucial, c'est que vous devez avoir quelque chose à dire".
Bien loin de voir dans les Etats-Unis une puissance œuvrant à une paix juste et durable, nombreux sont les Musulmans à se demander si le véritable objectif des Etats-Unis ne serait pas, par hasard, de faire la guerre à l'Islam afin de rendre la région plus sûre pour Israël. L'utilisation, par Bush, du mot 'Croisade' dans ses premiers discours après les attentats est encore citée, par certains Musulmans, pour en apporter, à leurs yeux, la preuve.
Dans la 'rue arabe' (ou musulmane), la politique et les objectifs des Etats-Unis sont quasi unanimement rejetés.
Une des théories les plus frappantes, en circulation actuellement, est celle de l'allégation selon laquelle les Juifs américains auraient été avertis par avance de ne pas se rendre à leur travail dans les tours du World Trade Center de New York, le matin où les attentats ont eu lieu. C'est ce que l'on prétend être la 'preuve' que le Mossad aurait été l'instigateur des attentats.
"Pourquoi les médias n'ont-ils pas insisté sur le fait que 4 000 Juifs ne sont pas allés à leur boulot dans les tours, précisément le 11 septembre ?" demande Lina, une lycéenne palestinienne vivant à Amman. Ses deux camarades, portant toutes deux le fichu islamique, hochent la tête en acquiescement...
"Les Israéliens sont ceux qui ont tout à y gagner", dit Samer, employé d'un magasin de vêtements.
D'après ces analyses, le Mossad aurait réalisé les attentats du 11 septembre afin d'entraîner les Etats-Unis dans ce qui allait être appelé à devenir une opération conjointe américano-israélienne contre l'Islam, les Etats-Unis visant Bin Laden en Afghanistan et Israël se chargeant, de son côté, des fondamentalistes musulmans en Palestine...
Une autre théorie explicative, chez certains musulmans, consiste à dire que Bin Laden ne pouvait avoir les capacités nécessaires, en aucun cas, pour mener à bien les attentats depuis son repère afghan.
"Bin Laden est visé à cause de ces attentats", ajoute Mahmoud, lycéen d'origine saoudienne vivant en Jordanie. "mais il n'y a aucune preuve qu'il y ait été mêlé".
En réalité, des preuves substantielles et circonstanciées, de plus en plus nombreuses, indiquent qu'il y a eu participation de membres du réseau Al-Qa'ida dans l'organisation des attentats. Mais la question de savoir si les enquêteurs ont découvert un quelconque lien direct impliquant personnellement Bin Laden reste en suspens.
Certains Arabes disent qu'il est déjà trop tard, qu'ils ne font absolument pas confiance aux Etats-Unis, qui ne diront jamais la vérité. "Nous pensons que ce n'est pas Oussama Bin Laden qui a fait le coup, même si une multiplication d'indices voudraient faire accroire le contraire", dit Ahmad, employé dans un restaurant.
Nida, ophtalmologue à Amman, acquiesce. "Si l'on ne révèle pas de preuve irréfutable, cela signifie que ce n'était pas Bin Laden. Mais ça, les Américains ne l'admettront jamais", conclut-elle.

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Commentaire de do :

          Les Arabes ne voient pas qu'il est impossible au Mossad de faire un tel coup sans, au strict minimum, non seulement l'autorisation, mais aussi la complicité des services secrets américains. Il va de soit qu'il est possible que l'idée vienne du Mossad, mais il est inenviseageable qu'ensuite la CIA n'ait pas pris les choses en main, et c'est bien dommage que les Arabes ne voient pas ça. Ils sont probablement aveuglés par la colonisation sioniste de la Palestine. Pourtant ils savent bien que sans les USA, Israël n'est rien... mais bien trop rares doivent être, dans la population arabe (dans le reste de la population mondiale, c'est pas mieux !), celles et ceux qui savent relier diverses connaissances. Dommage.

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WORLD
from the November 06, 2001 edition


Muslim opinion sees conspiracy

Warren Richey Staff writer of The Christian Science Monitor

AMMAN, JORDAN - America's effort to enlist street-level support among Arabs and Muslims in the fight against international terrorism is running into a brick wall.

Although most people in the United States consider Osama bin Laden the prime suspect behind the Sept. 11 terror attacks, public opinion throughout the Arab and Islamic worlds is moving in a completely different direction. Most Muslims are entertaining alternative theories, and many are embracing one theory above all - that the attacks were carried out by Israel's clandestine intelligence service, the Mossad.


Such widespread skepticism about Mr. bin Laden's alleged involvement is the clearest proof yet that the US is badly losing the so-called PR war. Aware of the problem, the US and its Western allies are using more sophisticated methods to counteract bin Laden's exploitation of Muslim sentiment.


After bin Laden's latest statement was aired on Al Jazeera satellite news station Saturday, accusing the US of waging war against Islam and calling Arab leaders "infidels" for supporting the United Nations, a former US diplomat took to the same airwaves, watched by 35 million viewers, and provided a US government rebuttal in flawless Arabic.

While applauding the effort, Middle East experts say Muslims are looking for a substantive change in US policies (dealing with Israel, Iraq, and Afghanistan), rather than a more vigorous intellectual debate.

In the meantime, conspiracy theories proliferate, even among senior government officials of the Arab coalition partners.


"The level of conspiracy theories just makes you want to scream," says a Western diplomat based in Amman, who had just been lectured by a senior Jordanian official about the Mossad's "obvious" role.

The Syrian Defense Minister, Mustafa Tlass, shared the same view with a group of visiting academics from Britain last month.


Such suspicious attitudes and conspiracy theories are nothing new in the Middle East, where the Mossad is often seen as an evil force lurking behind otherwise inexplicable events. In the case of bin Laden, these attitudes have substantially undermined President Bush's attempt to translate worldwide sympathy for the 5,000 innocent victims of the attacks into a concerted international campaign against terrorism. "We are just not even in the ballpark here, and the Bush administration is aware of this," says Michael Hudson, director of the Arab studies program at Georgetown University in Washington, D.C.


The lack of direct evidence proving a bin Laden connection - combined with what many Arab and Muslim analysts see as a US rush to judgement - is spawning a flood of elaborate theories.


Among theories advanced by Arab newspaper columnists in Jordan, Syria, Egypt, London, the West Bank, and elsewhere:

* The attacks were the work of "the great Jewish Zionist mastermind that controls the world's economy, media, and politics."

* Bush ordered the hijackings and attacks as a means to solidify his hold on power in Washington and erase any memory of the election controversy in Florida.


* Japanese extremists carried out the terrorism in retribution for US nuclear attacks on Hiroshima and Nagasaki in 1945.


* Members of the American militia movement were behind the attacks in answer to the execution of Oklahoma City bomber Timothy McVeigh.

* China or Russia launched the attacks to undermine efforts by the US to develop a missile defense shield system.


Conspiracy theories are an inevitable consequence in countries where the flow of news and information is controlled by the government. To compensate, analysts attempt to discern the truth by reading between the lines. Frequently, the resulting speculation is based on the question: Who benefits?

"It is a lack of information and candor that feeds conspiracy theories, as people attempt to use their own wit in trying to figure out what is being hidden from them," says Jon W. Anderson, an anthropologist at Catholic University in Washington, D.C. "There is a serious failure of public diplomacy [by the US], which is feeding the generation of conspiracy theories."

To counter this information disconnect, the Bush administration is hiring private public relations experts to wage media campaigns in the Middle East.


Middle East experts are skeptical. "To think of this in terms of advertising is missing a really big point," says Mr. Hudson of Georgetown University. "It is not really 'the medium is the message,' it isn't," he says. "You have to have something to say."

Rather than viewing the US as a force working for a just and lasting peace, many Muslims question whether America's real agenda is to wage a war against Islam in order to render the region safe for Israel. Bush's use of the word "crusade" in an early speech is still cited by Muslims as proof of this.


At the street level, there is a near total distrust of US government policies and aims.


The most prominent theory in circulation is the false suggestion that Jewish Americans were given advance warning not to report to work at the World Trade Center the morning of the attacks. This is the so-called "proof" that Israel's Mossad was behind the attacks.

"Why hasn't the media stressed the 4,000 Jews who did not turn up for work on Sept. 11," asks Lina, a Palestinian college student here in Amman. Her two friends, both wearing head scarves, nod in agreement.

"The Israelis are the ones who have the most to gain," says Samer, a dress-shop clerk.


Under this analysis, the Mossad conducted the Sept. 11 attacks to goad the US into what would become a joint US-Israeli military operation against Islam - with the US targeting bin Laden in Afghanistan and Israel targeting Islamic militants in Palestine.


Another line of analysis among some Muslims is that bin Laden lacked the ability from his cave hideout in Afghanistan to carry out such a complex terror attack.


"Bin Laden is being framed for these attacks," adds Mahmood, a Saudi attending college in Jordan. "There is no evidence of his involvement."

In fact, there is substantial and growing circumstantial evidence pointing to involvement by those associated with Al Qaeda. But it remains unclear whether US investigators have uncovered any direct links to bin Laden.


Some Arabs say it is already too late, that they have no confidence in the US to reveal the truth. "We believe Osama bin Laden didn't do this, even if the evidence shows that he did," says Ahmad, a restaurant worker.


Nida, an eye doctor in Amman, agrees. "If there is no [direct] proof, it means it was not bin Laden, but the Americans will not accept it," she says.

The Christian Science Monitor


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