17 janvier 2002

 

Article tiré du journal l'Orient le jour.

 

Sabra et Chatila - Les sénateurs belges clôturent leur mission d’information sur les massacres 
Josy Dubié : La responsabilité de Sharon et des soldats israéliens est évidente

«Nous ne sommes ni avec le Hezbollah, ni avec les Palestiniens, ni contre l’État hébreu. Nous sommes du côté de la justice. Entre 1943 et 1945, elle était avec les juifs, aujourd’hui, elle est du côté des Palestiniens». Les sénateurs belges en visite au Liban pour une mission d’information sur les massacres de Sabra et Chatila perpétrés en septembre 1982 ont tenu à mettre les points sur les «i» au cours d’une conférence de presse tenue hier au siège de l’Ordre de la presse libanaise. Selon les témoignages recueillis, le Premier ministre israélien Ariel Sharon est impliqué dans les massacres, ainsi que des Libanais qui en ont été les exécutants, et pour les Belges, les coupables doivent être poursuivis. 
Demain mercredi, la justice belge se prononcera définitivement sur la recevabilité des plaintes contre le Premier ministre israélien Ariel Sharon présentées par 24 survivants des massacres de Sabra et Chatila. Sans vouloir interférer dans le cours de la justice, trois sénateurs belges MM. Josy Dubié, président de la commission sénatoriale de la Justice (Verts), Jean Cornil (socialiste) et Vincent Van Quickenborne (opposition), ont voulu s’informer sur place des détails de ces massacres. Arrivés au Liban samedi, ils ont entendu les témoignages des survivants, rencontré plusieurs responsables libanais et se sont recueillis sur le lieu où ont été enterrées les victimes. 
Ils rentreront mercredi en Belgique et mettront l’opinion publique au courant du résultat de leur mission. Mais la justice belge étant indépendante, il n’est pas question pour eux d’intervenir dans le cours de la procédure, toutefois, selon le président de la délégation, M. Dubié, «si le juge souhaite nous entendre, nous sommes prêts».

Des pressions sur la Belgique
À leurs interlocuteurs libanais et palestiniens, et surtout à la presse libanaise, les sénateurs ont expliqué le mécanisme de la loi dite de compétence universelle, votée par les deux Chambres belges (le Sénat et le Parlement) en 1999 et qui permet à toute personne ayant survécu à un massacre ou qui s’estime victime d’un crime contre l’humanité de poursuivre en justice les coupables. Ce qui a d’ailleurs fait dire au président de l’Ordre de la presse libanaise Mohammed Baalbacki qui a parrainé la conférence des sénateurs : «S’il y a une place pour la justice dans le monde, elle est bien en Belgique». 
Les sénateurs ont évoqué les pressions subies par leur pays pour amender cette loi, au lendemain de la plainte contre Sharon. «À l’époque, en juin 2001, la Belgique présidait l’Union européenne et nous avons eu beaucoup de problèmes diplomatiques. Un parlementaire belge a même présenté un projet de loi pour que les individus ne puissent plus porter plainte contre des responsables en exercice. Mais plus les pressions augmentaient et plus les députés et les sénateurs belges s’attachaient à leur loi». 
Selon les sénateurs, les Belges ne sont pas seulement convaincus de la nécessité de maintenir la loi, mais ils souhaiteraient qu’elle soit adoptée par d’autres pays. C’est pourquoi, ils ont évoqué avec les responsables libanais la ratification par le Liban de la convention pour la création d’une cour pénale internationale. Rappelons à cet égard qu’il faut 60 signatures pour que cette cour voie le jour et les États-Unis et Israël y sont opposés. Les sénateurs ont déclaré à la presse que le président Émile Lahoud leur a paru favorable à la signature de cette convention. «Le Liban serait ainsi le premier pays de la région à signer la convention et si un nombre suffisant de signatures est réuni, la Cour internationale prendra le relais de la justice belge».

Nul ne peut échapper à la justice
En attendant, celle-ci demeure le seul recours des survivants des massacres de Sabra et Chatila, «un massacre abominable et un acte de génocide, selon les propres termes de l’Assemblée générale des Nations unies», a précisé M. Dubié, qui a ajouté que «selon les témoignages recueillis et l’inspection sur le terrain, la responsabilité des soldats israéliens et d’Ariel Sharon, alors ministre de la Défense, est évidente. De là où ils étaient, les soldats israéliens voyaient ce qui se passait dans les camps et Sharon est évidemment coupable, mais la justice belge étant indépendante, c’est elle qui se prononcera en fin de compte». 
Selon MM. Dubié et Van Quickenborne, des personnes libanaises ont exécuté le massacre et elles doivent être elles aussi traduites en justice. A ce sujet, la plainte présentée devant la justice belge n’est pas restrictive, puisque deux noms israéliens sont cités, mais il y est aussi précisé que toute autre personne dont la participation au massacre sera établie devra aussi être sanctionnée. La justice belge enverra alors le dossier au Liban qui, lui, décidera s’il veut mener à son tour une enquête ou arrêter les personnes dont les noms seront évoqués. 
Les sénateurs belges ont ensuite expliqué que depuis la présentation de la plainte contre Sharon, les responsables belges ont reçu un grand nombre de messages haineux, les accusant d’antisémitisme. «Pourtant, le gouvernement belge n’est jamais intervenu dans la procédure judiciaire, alors que le gouvernement israélien n’a cessé de le faire. Nous ne sommes pas antisémites et nous sommes contre certaines inscriptions lues sur les murs de l’ex-prison de Khiam, appelant au massacre des juifs. Nous sommes du côté de la justice et si entre 43 et 45, elle était du côté des juifs, maintenant elle est du côté des Palestiniens».
Les sénateurs quitteront Beyrouth mercredi, en même temps que l’avocat libanais des survivants des massacres, Me Chebli Mallat, et le frère de l’une des victimes, Abdel Nasser Alamé. Un comité formé de MM. Rifaat Nemr, Talal Salmane, Youssef Sayegh et Mohammed Majzoub a été créé pour récolter des fonds de soutien à la plainte. Tout le Liban est ainsi mobilisé pour cette affaire qui, si elle aboutit, montrera que, malgré tout, il existe encore une justice dans ce monde. Même si, comme l’a dit le présient Lahoud aux sénateurs belges, ce qui se passe aujourd’hui dans les territoires autonomes n’est pas moins abominable que ce qui s’est passé à Sabra et Chatila. Mais, avec la loi de compétence universelle, la Belgique montre que nul ne peut échapper indéfiniment à la justice.

Les sénateurs clarifient leur position concernant le Hezbollah
Les sénateurs belges ne cachent pas leur irritation face à la façon dont certains médias ont rapporté leurs propos sur le Hezbollah, au cours de leur rencontre avec cheikh Nabil Kaouk, responsable du parti au Sud. «Nous comprenons la complexité du paysage politique libanais, mais nous ne sommes pas là pour défendre une partie contre les autres. Nous n’avons pas d’opinion sur les questions politiques, nous sommes venus pour nous informer sur les massacres de Sabra et Chatila». Concernant le Hezbollah, le sénateur Van Quickenborne a précisé que sur un plan tout à fait personnel, il considérait que la position européenne de ne pas le citer parmi les organisations terroristes était la bonne. C’est tout. En tout cas, les sénateurs ont tenu à rendre hommage au Liban, «un îlot d’espoir dans la mer de désespoir que représente actuellement la région».

Scarlett HADDAD


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