14 janvier 2004

TSUNAMI - ANATOMIE D'UN LÉVIATHAN

Il n'y aura pas de pauvre dans l'arche de Noé

par Himalove

           "La mer a vomi sur nos têtes toutes les ordures qu'on y déposait", un jawan (soldat de 2ème classe) rescapé de l'enfer de Car Nicobar.

           La tragédie humaine du Tsunami, c'est qu'elle aurait pu être évitée. La vacance du pouvoir, en ce jour de pleine lune, fut abyssale.

           Alors que les docteurs Singh et Kalam connaissaient, grâce aux militaires stationnés aux Andaman, la destruction de Car Nicobar, Campbell Bay et Indira Point, au petit matin du 26 décembre 2004, ils taisaient la dimension de la catastrophe à leurs concitoyens du littoral.

           Pour mémoire, le dernier tsunami qui ravagea les côtes du Tamil Nadu eut lieu le 27 novembre 1945 : il fit 300 morts ; le fait est connu des spécialistes indiens qui construisirent la centrale nucléaire située non loin de Madras...

          Jamais dans l'Histoire, depuis la Partition qui a fait 1 million de morts et 10 millions de refugiés, si peu d'imbéciles ont été responsables, "par leurs manque d'imagination", du sort d'un si grand nombre de personnes !

          La rencontre de forces naturelles, aussi dévastatrices soient-elles, et d'une grande concentration d'habitants n'engendre pas forcément un désastre.

          Si la destruction des infrastuctures est due au Tsunami – devenu soudain un monstre mythique, les pertes en vie humaine sont largement causées par une somme calculable d'erreurs, de négligences et d'incompétences.

          Le tremblement de Terre de la côte ouest de Sumatra se produit à 01:00 GMT ; la presqu'ile de Phuket (Thailande) essuie le premier choc une demi-heure plus tard ; l'île de Ceylan est frappée à 04:00 GMT et  les Indes (situées à 1 400 km des Andaman), une heure  plus tard – soit 3 heures après le séisme sous-marin, classé entre 8.9 et 9 selon l'échelle de Richter.

          Un laps de temps suffisant pour déclencher un semblant d'alerte. Or l'information – à terre – est retenue, négligée, voire censurée. Pourquoi ?

          Les fonds marins et leurs courants sont connus, écoutés. Leur étude sert à organiser le trafic maritime ; des cartes dréssées, actualisées, sont utilisées par les cargos, pétroliers et vaisseaux militaires pour tracer leur route et calculer leur vitesse. (Important : le lumpen prolétariat des mers, victime du tsunami, ne disposait pas de ces informations) Tous ces renseignements s'inscrivent dans une dynamique, "intelligente et solidaire", qui dessine comme une superstructure rassurante pour la navigation hauturière (en haute mer).

          Pendant le tremblement de Terre, par exemple, un cargo russe, transportant le cœur du réacteur nucléaire de la centrale de Kudankulam, était en route vers Tuticorin – un port du Tamil Nadu. Et c'est sain et sauf qu'il arriva à bon port (information parue dans une timide brève du 4 janvier de l'Hindustan Times).

          Il y a chaque année, bon an mal an, 50 000 bateaux, transportant un tiers de la marchandise mondiale et la moitié de la production pétrolière, qui franchissent le détroit de Malacca (statistique émanant du Malaysian Maritime Institut).

          Selon les professionnels de la mer, le problème n'est pas les tremblements de Terre ou Tsunamis mais la prolifération des pirates !

          "Bonne nouvelle, Tsunami a éradiqué le lumpen-prolétariat des mers et les trois-quarts des pêcheurs qui encombraient l'océan de leurs épaves", commente cyniquement un scientifique qui considère la mer comme son aquarium...

          Les premiers Indiens à connaitre le tremblement de Terre et à subir, de plein fouet, le "léviathan" ont été les habitants des îles Andaman et Nicobar (capitale : Port Blair), dont les îlots, au sud, sont à 80 miles nautiques de Sumatra.

          Pour mémoire, le dernier tsunami qui balaya ces poussières de jungle et de récif eut lieu en 1941.

         L'aiguille du sismographe ne cesse, sous l'épaisseur des vagues, d'y écrire des prophéties terribles.

         Géographiquement ces 572 îles – 35 seulement sont habitées – s'étendent sur 700 km et constituent les ultimes vertèbres, brisées, du dragon indonésien.

         À bien des égards, les Andaman ressemblent à une sorte de Jurassic Park...

         Politiquement, elles sont le legg pourri du Raj britannique qui avait choisi ce paradis pour y construire l'enfer – Kala Pani, son bagne coupé du Monde !

         La vague géante a découvert, au yeux de l'Inde, le visage toujours colonial des Andaman.

         L'archipel tout entier – ses villages où l'on appelle le maire cap'tain ; ses routes, certaines datant de l'occupation japonaise ; ses aborigènes, à l'abri des civilisations ; ses colons, pour la plupart ex-soldats penjabi ; ainsi que toutes leurs communications avec le continent – appartiennent à la Navy : soit 356 265 personnes ! (recensement 2001)

         À quelle heure la Navy, le 26 décembre 2004, contacta Dehli ? Quel a été le contenu du message ? Quels ont été les réponses du Premier ministre Singh et du président Kalam, chef des armées ?

         Nul ne le sait et nul ne le demande.

         "Un pays qui a si peu de curiosité pourrait périr", commenterait Dieu !

          Les trois heures qui séparent la destruction de la base aérienne de Car Nicobar (6.28) et les premières vagues meurtrières (10.28) qui tuèrent tant de civils à Madras, Pondichery, Cuddalore, Nagapatinan, etc. sont classées "Confidentiel Defense".

          Particularité des Indes :

          Il y a plusieurs États et territoires gérés directement par l'armée en vertu de pouvoirs spéciaux (Army Force Special Power Act, 1958), voir mon article sur Manipur en AG 742. Andaman et Nicobar en font partie.

          Ce n'est pas un chief minister qui administre les Andaman mais un lieutenant-gouvernor, qui, au moment des crises, cède la place à un lieutenant-général ou un amiral, chef des trois armes.

          Toute information civile librement divulguée et démocratiquement partagée – en l'occurrence, ici, provenant des Andaman, qui aurait pu sauver des milliers de vie – y est proprement incongrue.

          La non-information du public est, au reste, en Inde, un mode de gouvernement qu'on retrouve à chaque catastrophe.

          La balance des pouvoirs est telle entre forces armées, para-militaires et civils que l'exécutif, à l'instant critique, appartient toujours aux brigadiers.

          Le 26 décembre 2004 à 7h30, tombe par radio un communiqué sec de l'amirauté : « Un important séisme a eu lieu aux Andaman ».

          Le silence préludant le déluge de 10h28 sur les côtes ouest a-t-il servi à couvrir des opérations secrètes ?

          Mise à l'abri et éloignement des côtes de l'armada militaire et pétrolière.

          À ma connaissance, aucun navire de gros tonnage n'était à quai et n'a été détruit. [Note de do : Si des navires de gros tonnage avaient été à quai, ils auraient été détruits ! Ils ont probablement été éloignés en haute mer dès que la nouvelle du tsunami leur est parvenu.]

          Tsunami a-t-il été traité par la Navy (operation Sea Wave) comme s'il s'agissait d'une attaque ou d'une catastrophe nucléaire ? Et dans ce cas de figure, des populations ont-elles été stratégiquement sacrifiées ?

          On peut le penser au regard de la projection immédiate de la flotte vers des théatres extérieurs, Sri Lanka, Thailande, Indonésie, Maldives, et l'abandon des populations locales. Les hélicoptères de l'Indian Air Force, sous couvert d'opérations humanitaires, se sont enfuis vers la Birmanie. Stratégiquement battues, Car Nicobar et Andaman ont été livrées à elles-mêmes. Certains survivants a Hutt Bay racontent qu'ils sont restés "mourant" sans boire ni manger pendant une semaine. "Les cadavres, rotis par le soleil, pendaient comme des quartiers de porcs bouccanés aux cocotiers", témoignent les aborigènes des petites Andaman, qui, grâce à leur sixième sens échappèrent au "monstre".

          Sur le littoral du Tamil Nadu, ce sont les pêcheurs eux-mêmes qui ont organisé les premiers secours et la chaîne de solidarité.

          Un filet de camouflage a été jeté sur les réponses exactes de la Navy aux premières heures de la catastrophe.

          La presse et le gouvernement parlent de blanc dans les communications, d'erreurs d'interprétation, et d'héroisme...

         Or la manière professionnelle dont la navy a manœuvré durant les quatre opérations, Sea Wave en Inde, Rainbow au Sri-Lanka, Casper aux Maldives et Gambir en Indonésie plaide le contraire.

          20 000 hommes, un commandement unifié, 40 navires et vedettes de gardes-côtes, 34 avions et 44 hélicoptères. La plus grande opération militaire en temps de paix, proclame, heureux, le ministre de la Défense.

          De ce point de vue, l'armée a bien servi les intérêts d'une puissance nucléaire, postulant à un siège au Conseil de sécurité.

          À remarquer : le Pakistan n'a pas envoyé d'aide cette fois-ci, ce qui n'avait pas été le cas le 26 janvier 2001 lors du tremblement de terre du Gujarat qui avait fait 30 000 morts...

          26 décembre 2003, tremblement de terre à Bham, Iran (32 000 morts)...
          26 décembre 2004, Tsunami, 150 000 morts...

          Vous avez dit étrange ?

          Le 26 janvier est le Republic Day en Inde.

              Himalove


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