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Une famille encombrante

A travers leurs investissements dans le groupe Carlyle, un fonds d’investissement américain, les Ben Laden ont eu l’occasion de rencontrer George Bush. Le père du président est l’un des consultants phares de la société, qui a beaucoup d’intérêts économiques au Moyen-Orient

Louise Parc
New York
14 octobre 2001

Si la guerre contre le terrorisme du président George W. Bush conduit à une hausse des dépenses en armement, l’un des bénéficiaires du conflit ne sera autre que la famille d’Oussama ben Laden. Selon une enquête du Wall Street Journal, le clan Ben Laden, qui dit avoir coupé les ponts avec Oussama, a investi dans un fonds établi par le groupe Carlyle. Carlyle est l’un des plus gros gestionnaires de portefeuilles américains, spécialisé dans le rachat de firmes dans les domaines de la défense, de l’aéronautique et de la communication.

Relation privilégiée
A travers le groupe Carlyle, qui gère un portefeuille lourd de 12 milliards de dollars, et leur relation privilégiée avec la maison des Saoud, les Ben Laden comptent, parmi leurs fréquentations, le gotha du Parti républicain. Bush père, l’un des superconsultants de Carlyle, leur a rendu visite deux fois, la dernière en janvier 2000. L’ancien secrétaire d’Etat James Baker, l’un des principaux administrateurs de Carlyle, aussi, s’est rendu à Djedda, siège des ben Laden en Arabie saoudite. A l’instar de Frank Carlucci, ex-secrétaire à la Défense de Ronald Reagan et président du groupe Carlyle.

Investissements tentaculaires
Carlyle, un gestionnaire de fonds d’investissement né en 1987, est aujourd’hui le 11e plus gros client du Ministère de la défense américain. Ses investissements sont tentaculaires, dans des industries aussi diverses que la santé, l’immobilier ou encore la presse (il est un actionnaire principal du journal Le Figaro, comme de plus de 160 autres entreprises). Et leur attrait n’est pas sans rapport avec la présence au sein du groupe du who’s who de la politique.

A l’instar de l’ex-premier ministre britannique John Major, l’ancien président des Etats-Unis George Bush fait des discours pour promouvoir le groupe à l’étranger. Il est conseiller de son fonds d’investissement en Asie. Le conseil d’administration de celui-ci compte parmi ses membres renommés l’ancien président des Philippines Fidel Ramos. Le gouvernement saoudien emploie aussi Carlyle comme conseiller financier.

Liens étroits
La participation au groupe Carlyle de l’empire de la construction des Ben Laden, fondé par Mohammed, le père d’Oussama et de plus de 50 autres enfants, met en lumière les liens étroits entre le Binladin Group et les Etats-Unis, renforcés par la présence de ces derniers en Arabie saoudite depuis la guerre du Golfe tant dénigrée par Oussama. L’entreprise familiale, aujourd’hui dirigée par son demi-frère Bakr, doit sa puissance aux contrats de construction (du palais royal, entre autres) qui lui ont été octroyés par le gouvernement saoudien. Après l’attentat à la bombe à Dhahran, en 1996, qui avait tué 19 soldats américains, c’est le Binladin Group qui avait construit des casernes et des aérodromes pour les troupes américaines stationnées dans le royaume.

Tact du FBI
Selon un cadre dirigeant de Carlyle, cité par le Wall Street Journal, la famille Ben Laden a investi 2 millions de dollars en 1995 dans l’un des fonds gérés par le groupe. Mais cette somme n’aurait été que le début de leurs relations d’affaires. La nature des liens entre les Bush et les Ben Laden pourrait apparaître plus clairement à la faveur de l’enquête américaine sur les transactions financières des seconds; le FBI a en effet assigné à comparaître les banques utilisées par les Ben Laden. Jusqu’ici cependant, le FBI a su faire preuve de tact avec les Ben Laden. Ses agents ont offert leur protection aux membres de la famille qui étaient aux Etats-Unis le 11 septembre, facilitant leur départ du pays après les attentats.

L’imbrication des intérêts économiques et politiques entre Washington et Riad est profonde. Complexe  et méconnu  est le rôle qu’y joue le groupe Carlyle. Le nouvel ambassadeur des Etats-Unis en Arabie saoudite, Robert Jordan, était l’avocat de Bush fils quand il se défendait contre des accusations de délit d’initié en 1990. M.Jordan, qui n’a aucune expertise diplomatique, travaille dans le cabinet d’avocats Baker Botts, dont le groupe Carlyle est un client.


GUERRE DES IMAGES
Des infos sous surveillance

Pour empêcher Ben Laden d’utiliser l’arme de la télé, le gouvernement américain fait pression sur les networks nationaux

Robert Habel

C’est l’une des premières leçons de la "guerre contre le terrorisme" que l’armée américaine mène depuis une semaine en Afghanistan. C’est aussi une entorse abrupte à une tradition, sans doute un peu mythique mais réelle, de transparence et de liberté d’expression. Depuis une semaine, les dirigeants américains s’efforcent de faire taire  ou plutôt de reprendre en main et de neutraliser  la télévision arabe Al Jazira ("L’île"), cette jeune chaîne basée au Quatar qui couvre et retransmet jour après jour, avec une rigueur unanimement reconnue et un souci d’objectivité scrupuleux, l’intégralité des événements en cours. Un média qui donne la parole à George Bush ou à Tony Blair, mais aussi à leur cible désignée, Oussama ben Laden!

Faute d’y être parvenus jusqu’ici, l’émir du Quatar ayant résisté aux pressions de Colin Powell, les responsables américains ont déplacé le combat sur leur sol et ont obtenu que les networks américains s’engagent à leur soumettre désormais les infos ou les images sensibles d’Al Jazira avant de les diffuser... ou de ne pas les diffuser. Ainsi la censure fait-elle sa réapparition sous sa forme la plus insidieuse: l’autocensure. Ainsi l’ancienne connivence honnie, celle du pouvoir et du "cinquième pouvoir", menace-t-elle à nouveau sous couvert de grand élan patriotique. Une solution de bricolage aussi illusoire que dangereuse, qui place d’ores et déjà les dirigeants américains en porte-à-faux dans la guerre des mots et des images.

Le précédent de la guerre du Golfe
Traumatisés par le Vietnam, où les médias  totalement libres et terriblement critiques  avaient joué un rôle déterminant dans leur échec, les militaires américains s’étaient jurés de contrôler à l’avenir toute l’information. Plus de journalistes témoins! Plus de reporters trop curieux! Mais des médias sous haute surveillance et réduits, malgré eux, au rôle de service de presse du Pentagone. D’où le système mis en œuvre lors de la guerre du Golfe: des journalistes en pools, interdits de terrain et obligés de relayer, tout en les crédibilisant malgré eux, les infos des militaires. Témoignage fabriqué d’une pseudo-infirmière koweïtienne, marée noire gigantesque, puits de pétrole en feu... C’est le Pentagone qui, chaque jour, mettait en scène sa guerre, jouant tour à tour de l’exagération grossière ou du silence délibéré.

Le phénomène Al Jazira
Dix ans plus tard, l’apparition de la chaîne Al Jazira, encore inconnue il y a un mois, est venue tout bouleverser. Parce qu’elle présente les protagonistes du conflit de manière factuelle: Ben Laden n’est pas désigné, par exemple, comme "le milliardaire terroriste", mais comme "le chef de l’organisation Al Qaida". Parce qu’elle retransmet aussi bien la "déclaration de guerre" de George Bush que la fameuse réponse, sous forme de vidéo, de Ben Laden. Le message du fanatique islamique est-il vraiment si séduisant, y compris pour le public américain, qu’il faille le censurer à tout prix?



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