Le scripteur idéaliste, dogmatique et sectaire, suscite des querelles qui n’intéressent que ses coreligionnaires. L’intellectuel idéaliste regarde le monde à l’envers, cul par-dessus tête. Au lieu d’observer la réalité telle qu’elle se présente, puis de la synthétiser afin de l’expliquer et de la faire comprendre, l’intellectuel dogmatique amorce son investigation en lisant les « saintes Écritures marxistes »,
et les écrits bolchéviques, et d’autres sources littéraires ayant reçu « l’imprimatur » de sa clique sectaire, et il tente ensuite d’en trouver les concordances dans un monde en mouvance.
Il faut noter que les bolchéviques n’ont pas agi de la sorte. Étant donné qu’en 1917 ils étaient à la direction d’une révolution, à la tête d’un gouvernement au pouvoir, ils ont été contraints de prendre des décisions pratiques et d’appliquer ces décisions. Ensuite, les bolchéviques ont cherché à justifier théoriquement leurs décisions, quitte à falsifier, ou à réinterpréter, les « saintes Écritures marxistes ». C’est ainsi que les bolchéviques ont prouvé, une fois de plus, que le mouvement précède la conscience et jamais l’inverse.
De nos jours, quel intérêt y a-t-il pour un ouvrier d’usine de débattre de la culpabilité de Lénine, de Staline, de Boukharine, de Trotski, ou des autres bolchéviques à propos de la primauté de l’industrie lourde – productrice des moyens de production – sur l’industrie légère, productrice des biens de consommation ? Pour la classe ouvrière révolutionnaire, ce procès d’intention n’a aucun intérêt. Ils sont tous coupables sans exception. Cependant, leur culpabilité n’est pas d’avoir fausser les « saintes Écritures marxistes ». Marx n’a rien écrit à propos du drame russo-bolchévique en Union Soviétique. Leur culpabilité est d’avoir pensé, puis laissé entendre, que la société tsariste arriérée, féodale, paysanne, rurale, chauvine, pouvait accoucher de la société prolétarienne moderne, urbaine, industrialisée, hautement mécanisée, informatisée, internationaliste, communiste et sans classes sociales, en esquivant l’étape nécessaire de la société capitaliste, industrielle, urbaine et bourgeoise, incontournable en Russie comme dans tout autre pays.
La conscience succède au mouvement, et Marx n’ayant nullement vécu le mouvement révolutionnaire anti-tsariste n’a pas pu l’interpréter. Ce que Marx, le scientifique, a été capable de décrypter ce sont les indices, les mouvements, déjà présents au sein du mode de production capitaliste de l’Angleterre du XIXe siècle qui préfiguraient ce que serait le mode de production capitaliste à son apogée, au moment où il engloberait le monde entier. Ce n’est pas une mince prouesse que d’avoir réussi à déchiffrer les indices économiques, politiques et financiers pour en dégager la vision complète et achevée du mode de production capitaliste exposée dans « Das Kapital ». Cependant, Marx n’a pas pu traiter de la question de la révolution sociale-démocrate – « prolétarienne » – dans un pays féodal, agraire, paysan, analphabète, au prolétariat anémique.
Aujourd’hui, ce qui est essentiel pour la classe prolétarienne moderne c’est de reconnaitre que le passage direct du mode de production féodale au mode de production communiste est impossible et que la Révolution bolchévique, la révolution de Démocratie nouvelle en Chine et toutes les autres révolutions du XXe siècle ont été des révolutions bourgeoises pour l’accession de ces sociétés féodales, ou quasi féodales, au mode de production capitaliste industriel urbain et qu’il ne pouvait en être autrement.
Pour revenir au principe de la primauté de l’industrie lourde (secteur 1), il est indubitable que l’accumulation capitaliste nécessite le développement de ce secteur industriel tout en s’appuyant sur le développement concomitant du secteur 2, le secteur de la production des biens et des services de consommation courants facteur de réalisation de la plus-value à réinvestir dans de nouveaux moyens de production valorisant le capital. Staline, en habile tacticien, a mis ce principe dialectique en pratique et en 20 ans à peine, le Parti bolchévique a préparé la Russie soviétique capitaliste à affronter l’impérialisme allemand. Staline, à la tête du Parti bolchévique, partant de la féodalité tsariste menant à la modernité capitaliste industrielle a dirigé l’édification du capitalisme monopoliste d’État soviétique. Est-ce que cette prouesse d’économie politique tient d’abord à l’intuition de Lénine, de Boukharine et au groupe des bolchéviques que Staline a su diriger mieux que Trotski ? Je laisse le soin aux historiens de débattre de cette « énigme ».
Pour l’heure, le seul point qui importe pour la classe prolétarienne, c’est de profiter des conditions créer par la guerre de classe sur le front économique de la crise systémique qui est en train de faire imploser le mode de production capitaliste dans le monde entier pour réaliser une première véritable révolution prolétarienne communiste.
À lire : Manifeste du Parti Ouvrier (2014) Éditions Publibook. Paris. http://www.publibook.com/librairie/livre.php?isbn=9782924312520