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VALEO ASSASSIN ! 19 SUICIDÉS ! - 1985 à Issoire en France (vidéo 3’46)

mercredi 20 avril 2016, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 20 avril 2016).

Aujourd’hui 20 avril 2016, peu avant 7 heures du soir, j’entends sur France-Info une superpub pour le groupe Valeo au sujet de bagnoles autonomes. Ça me rappelle qu’il y a quelques dizaines d’années, quand Valeo avait racheté l’usine Ducellier à Issoire, il avait viré environ 30% des ouvriers. Sur les murs, était écrit en très grosses lettres :

VALEO ASSASSIN ! 19 SUICIDÉS !

Ce slogan avait été effacé, puis réécrit plusieurs fois. On pouvait le lire en passant en bagnole. On pouvait pas le louper ! Je m’en souviens bien !


HISTOIRE DUCELLIER

http://cgt-valeo-issoire.superforum.fr/t103-histoire-ducellier

Ducellier ? La plupart s’en souvient. Pour l’instant. Alors pour que ce pan de l’histoire industrielle locale ne disparaisse pas, l’union locale CGT a décidé de le graver noir sur blanc.

« Les Dudu ! Et oui, c’est bien comme cela qu’on les appelait les ouvriers de Ducellier », se souvient, en souriant Christian Vialet, syndicaliste CGT. Un surnom qui est resté, plus de vingt après la fermeture de cette usine. Et que l’union locale CGT ne veut pas voir disparaître.

« Nous avions gardé quelques exemplaires d’un manuscrit retraçant l’histoire politique et économique de Ducellier, rédigé par Philippe Munck, un syndicaliste national, explique Jean-Claude Daffix, ancien serétaire de l’union locale. Nous avons eu envie de nous baser dessus, afin d’entreprendre un travail de mémoire sur ce temps fort de l’histoire ».

Ainsi dès aujourd’hui, et durant plusieurs semaines, le conflit qui a secoué Issoire va reprendre vie à travers des coupures de presse, des photos, des témoignages (*)… Un conflit qui n’a pas secoué que les Dudu, comme en témoigne Jocelyne Carbonnier, secrétaire de l’union locale. « Je travaillais alors chez Péchiney. Cela nous a beaucoup touchés moralement, car des centaines de personnes ont perdu leur emploi. Le malaise était intense dans Issoire ».

Jean-Claude Daffix approuve. « Cette période de lutte a marqué quelques copains dans leur chair, dans leur intellect. Il y avait une vraie fatigue physique et morale des militants ».

Pour Roger Voidey, « ancien de Ducellier », « cela a laissé des traces. Au fil du temps, des emplois ont été supprimés, il y a eu des départs en préretraite. Puis à partir de 1981, tout s’est enchaîné. Chaque année, il y avait un nouveau plan, avant d’arriver à la fermeture en 1985 ».

À cette époque, la mobilisation est au maximum pour empêcher la fermeture du site. « Elle dépassait largement Issoire. Nous avons été jusqu’à 10.000 à nous retrouver place de la Montagne. Nous nous battions pour le maintien de nos emplois », se souvient avec émotion Jean-Claude Daffix

Des souvenirs que non, décidément, ces syndicalistes ne veulent pas voir disparaître.

(*) Ce travail devrait donner lieu à un colloque.

Pour prêter des documents, contacter Jocelyne Carbonnier au 06.98.47.11.61 ou Jean-Claude Daffix au 04.73.96.01.25


« L’usine Ducellier était un poumon de la ville »

http://www.lamontagne.fr/auvergne/a…

29/10/15 - 06h00

Pierre Raynaud

Ducellier a employé, au plus fort de son activité, environ 2.200 salariés à l’usine d’Issoire, reconnaissable à sa façade recouverte d’une épaisse vigne vierge. - Agence de Issoire

Ducellier a cessé toute activité le 31 octobre 1985, la veille de la Toussaint. Trente ans après la fermeture de l’usine à Issoire, qui employait 2.200 salariés à la fin des années 1970, la cicatrice n’est pas totalement refermée.

Sept cent quarante-quatre noms ont été affichés le vendredi 27 septembre 1985 aux portes des usines Ducellier d’Issoire, de Sainte-Florine et Grosménil. Six cent cinquante-cinq licenciements ont été accordés par l’Inspection du travail. Le sort de Dudu dans la sous-préfecture était scellé. Un mois plus tard, le déménagement des machines a été enclenché, marquant la fin de l’histoire industrielle de l’équipementier dans la cité.

La bataille pour l’emploi a pourtant été rude. Les grèves ont succédé aux manifestations et occupations d’usines sous la surveillance des CRS. Au plus fort de son activité, Ducellier a employé 5.000 salariés dans les différents sites du val d’Allier, dont 2.200 à Issoire à la fin des années 70.

Jean-Claude Daffix, 79 ans, secrétaire de l’Union locale de la CGT à l’époque de la fermeture de Ducellier. « Le rapport Dalle, du nom d’un conseiller de Mitterrand, estimait que 100.000 emplois étaient de trop chez les équipementiers automobiles français. Son application va conduire à la fermeture de Ducellier. On pensait avoir une chance de sauver les emplois avec un député-maire à Issoire (Jacques Lavédrine) et un sénateur à Brassac. Au lieu de se débloquer, la situation s’est empirée. On n’a jamais été défendu par les élus et les pouvoirs publics.

« Il n’y avait aucune raison de fermer Ducellier »

On a réussi à réunir 10.000 personnes sur la place de la Montagne en octobre 1984. Lors du défilé sur les boulevards, le premier rang touchait presque le dernier rang. On a fait tout ce qu’on a pu pour conserver Ducellier à Issoire, qui était avec Cegedur, l’autre poumon de la ville. On a fait un certain nombre de propositions pour maintenir l’activité sur le site. En vain… Pourtant, il n’y avait aucune raison de fermer Ducellier. »

Raymond Voidey, 69 ans, ouvrier, élu CGT au Comité d’entreprise et qui a terminé sa carrière chez Valéo, à Sainte-Florine. « Cette fermeture a généré beaucoup de souffrances : il y a des salariés qui espéraient une solution de reclassement qui n’a pas abouti, et d’autres qui ont mis fin à leurs jours. Ce qu’on a vécu à l’époque, c’est comparable à ce qu’on vit aujourd’hui avec Air France. On a eu une direction spécialisée en communication qui a réussi à conditionner les élus locaux et les pouvoirs publics pour faire accepter la fermeture. Ils sont aussi parvenus à faire dénigrer la CGT, à créer un climat de suspicion et à diviser les salariés. Ils ont bien manœuvré. »

Marius Soleil, 93 ans, contremaître à l’usinage des carcasses et chef des sapeurs-pompiers, licencié en 1980. « Quand Ducellier a fermé, j’étais à la retraite et je suivais de très près la construction de la nouvelle caserne des pompiers. Cette fermeture a été un drame pour la ville et son commerce, un véritable traumatisme car on pensait à tous ceux qui ont perdu leur emploi. Je suis entré en 1945 à Ducellier, on travaillait, on faisait du bon boulot et on a obtenu une bonne retraite complémentaire (Ireps). J’ai reçu des invitations pour visiter l’usine. Je n’ai jamais voulu y remettre les pieds. J’ai passé ma vie dans cette usine et je ne voulais pas voir ce qu’elle était devenue. »

Pierre Charvet, 91 ans, chef d’équipe, trésorier au Comité d’établissement et licencié le 1 er avril 1981. « J’étais très attaché à l’usine, c’était notre gagne-pain, mais on savait que tôt ou tard, Ducellier allait fermer, vu l’ambiance qu’il y régnait. Il y avait des grèves pour un rien. Le gars qui travaillait, par exemple, avec des gants, au moindre trou, il fallait les changer. Et si ça n’allait pas, il appelait le délégué syndical… »

Jacques Devidal, 83 ans, ouvrier et secrétaire CGT chez Ducellier. « Il me reste le souvenir de ces jours sombres. On a vécu des drames avec la mort de Ducellier. Je me rappelle de travailleurs qui ont construit leur maison au Pré-Rond et qui ont dû s’en séparer car ils ne pouvaient plus payer le crédit. Il y a eu beaucoup de désespoir. J’ai été marqué à vie par ces épisodes. Dès fois, ça me réveille la nuit. On a participé à la richesse de Ducellier. À une époque, nous étions considérés par notre direction comme les meilleurs ouvriers. Dès qu’ils ont programmé la casse de Dudu, on était devenus des bons à rien. Quand vous passez toute votre vie dans une boîte, ça fait mal d’être jeté comme un malpropre. On a accusé la CGT de tous les maux. On s’est juste opposé à une politique qui n’avait qu’une seule finalité : la fermeture de Ducellier. Quand on défend son bifteck, on est considéré comme un voyou. Mais les voyous, ce n’était pas nous. C’était cette direction qui a mis en route la machine à broyer des emplois. »

« Quand on défend son bifteck, on est considéré comme un voyou »

Raymond Hospital, 82 ans, adjoint au contremaître, a terminé sa carrière à Valéo en 1988. « Quand les mouvements se sont intensifiés, il y a eu une nouvelle direction (M. Tribout). Il avait de la poigne. Il a réuni toute la maîtrise dans l’ancienne cantine pour annoncer la disparition de l’usine Ducellier à Issoire. Je crois me souvenir que c’était en 1984. Il n’a pas mâché ses mots et nous a annoncé l’arrivée de Valéo. J’ai connu les derniers instants de Ducellier avec les CRS, les chiens, les gardes, les vigiles. On a eu une direction faible à la fin et le syndicat est devenu très fort. Pour un rien, pour une paille de travers, il décrétait la grève. Cette fermeture, ça vous marque à vie. J’ai pris un énorme coup derrière la tête car Ducellier, c’était un tout à Issoire. Pour tenter d’oublier et ne pas cogiter au début de ma retraite, j’ai creusé une réserve d’eau à la pelle durant un mois dans mon jardin. »

Les Dudu furent trahis par leurs élus

Vidéo Philippe Robert publiée par la Montagne

Cliquer sur l’image pour voir la vidéo.

Ducellier en chiffres

1937 : Année de création de l’usine Ducellier Issoire. Elle fabriquait des démarreurs, dynamos, alternateurs, des projecteurs, etc.

1.200 : Le nombre de salariés l’année de fermeture à Issoire. L’usine a compté environ 2.200 salariés à la fin des années 1970.

1984 : Le groupe britannique Lucas se retire du capital de Ducellier. Valéo devient l’unique propriétaire.

6 : Le nombre de sites dans le secteur : Issoire, Sainte-Florine, Grosménil, Vergongheon et Brassac. Le centre de distribution de pièces détachées était implanté à Cournon.

Pierre Raynaud

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