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Israël - 29 septembre 2016 - Shimon Peres, l’homme de tous les rôles, est mort hier

jeudi 29 septembre 2016, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 29 septembre 2016).

Note de do : Il faut savoir aussi se souvenir qu’en 2002, le comité du prix Nobel de la paix était tellement déçu par Shimon Pérès qu’il a regrété de ne pouvoir lui retirer son prix. Cet article est particulièrement intéressant pour les faits historiques dont il donne les dates.


Shimon Peres, l’homme de tous les rôles

https://www.letemps.ch/monde/2016/09/28/shimon-peres-lhomme-roles

Serge Dumont, Tel-Aviv
Publié mercredi 28 septembre 2016 à 12:36 sur letemps.ch

Le Prix Nobel de la paix a occupé pratiquement tous les postes politiques en Israël. Son image d’homme de paix et de dialogue s’accompagne d’autres épisodes moins éblouissants

A l’origine, Szymon Perski – plus connu sous son nom hébraïsé de « Shimon Peres » – ne voulait pas faire de la politique. Le jeune homme, né en 1923, voulait travailler la terre et faire plaisir à ses parents, émigrés de Biélorussie, en devenant agriculteur dans un kibboutz. Mais il rêvait également de participer à la création d’un État juif indépendant et la fin de la Deuxième Guerre mondiale lui en a donné l’occasion.

En effet, repéré par David Ben Gourion, leader du mouvement sioniste et futur premier chef de gouvernement de l’Etat hébreu, Peres devient rapidement son factotum. Son souffre-douleur également, tant le chef de l’Agence juive n’avait pas un caractère facile.

Un homme ambitieux

Shimon Peres est ambitieux. Et il a du talent. Poussé par son mentor qui vient de proclamer la naissance d’Israël en mai 1948, il devient directeur général du Ministère de la défense en 1953. Un poste stratégique pour un pays entouré d’ennemis.

A peine trentenaire, Shimon Peres est donc chargé de trouver des armes ainsi que les financements permettant de les acquérir. Ses premiers soutiens, il les trouve à Paris, au sein de la IVe République et de l’industrie militaire française. Grâce à lui, des chars, des avions à réaction, les hélicoptères et les bateaux « made in France » remplacent progressivement les vieux stocks datant de la Deuxième Guerre mondiale.

Vers la possession de l’arme nucléaire

La relation avec l’Etat hébreu devient si intime que Paris soutient en secret la construction de la centrale nucléaire de Dimona (désert du Néguev), le centre militaire secret où sera élaborée, au début des années soixante, la première arme nucléaire de l’Etat hébreu.

Toujours protégé par David Ben Gourion, Shimon Peres grimpe également les échelons du « Mapaï », le puissant parti travailliste qui contrôle alors tous les leviers du pays en construction. Soixante ans plus tard, l’image d’un apparatchik retors et sans scrupule lui colle d’ailleurs toujours à la peau.

Première élection au parlement en 1959

Elu pour la première fois à la Knesset en 1959, l’ex-factotum du « Vieux » (le surnom donné à Ben Gourion par les Israéliens) devient aussitôt vice-ministre de la Défense. Il entame ainsi une carrière gouvernementale de plusieurs décennies qui le verra diriger tous les départements ministériels de l’Etat hébreu sauf ceux des Postes et de la Culture.

Premier ministre à trois reprises et leader du « Mapaï », Shimon Peres n’hésite pas à se montrer pragmatique, voire cynique. Au début des années 80, il a ainsi accepté de conclure une alliance gouvernementale avec le Likoud d’Itzhak Shamir, le successeur ultra-droitier de Menachem Begin. Ce faisant, les deux hommes se sont partagé le mandat de Premier ministre selon un système de « rotatzia » (rotation).

C’est durant cette période chaotique – l’inflation dépassait alors les 400% par an et le pays se trouvait au bord de la faillite économique – que le « Mapaï » a accepté sans broncher le passage d’une société semi-collectiviste à celle, ultralibérale, que les Israéliens connaissent aujourd’hui.

Homme de paix, sur le tard

Pour beaucoup, Peres était d’abord un homme de dialogue et de paix. En réalité, il l’est devenu sur le tard car lorsqu’il était ministre de la Défense (1974-77), il a fortement encouragé le développement des colonies de Cisjordanie et de la bande de Gaza. Pour contrer l’embargo sur les ventes d’armes françaises à Israël décrété après la guerre des Six-Jours (juin 1967) par le général de Gaulle et maintenu par son successeur Georges Pompidou, il a également conclu des accords secrets de coopération militaire avec l’Afrique du Sud (alors sous embargo international en raison de l’apartheid), et avec l’Iran du shah Mohamed Reza Palhavi.

Les Israéliens gardent de Shimon Peres le souvenir d’un homme prêt à tout pour rester au pouvoir. Du moins, pour jouer un rôle clé. Ils se rappellent que durant les années 80 et au début des années 90, lui et son rival Itzhak Rabin, se sont livrés à une guerre homérique pour le leadership du « Mapaï ». Manœuvres sordides, trahisons, chantage : tout était bon pour compromettre l’autre.

Une défaite en 1992

En 1992, ce duel s’est soldé par la défaite de Peres, mais celui-ci n’a pas disparu de la scène politique pour autant. Après la victoire électorale travailliste aux législatives de 1993, Rabin se devait en effet de le nommer à un ministère important pour l’empêcher de paralyser l’action gouvernementale de l’extérieur. Il lui a donc proposé le portefeuille des Affaires étrangères mais il ne s’agissait pas d’un cadeau puisque l’Etat hébreu s’empêtrait à l’époque dans les soubresauts de la première Intifada palestinienne.

De leur côté, l’OLP et son leader Yasser Arafat en exil en Tunisie étaient exsangues. Et ne contrôlaient guère ce qui se passait sur le terrain. C’est dans ce contexte qu’ont eu lieu en Norvège les premiers contacts entre des intellectuels pacifistes israéliens qui bravaient une loi de leur pays interdisant « tout contact avec les terroristes » et des membres de l’entourage d’Arafat prêt à dialoguer avec l’« ennemi sioniste ».

Que s’est-il passé dans la tête de Peres lorsqu’il a eu connaissance de ces tractations ? Mystère. En tout cas, il a couvert l’initiative et s’est fortement rapproché de son « ennemi » Rabin en constatant que ce dernier avait également décidé de laisser faire.

La mue

C’est à ce moment-là que l’ex-factotum du « Vieux » a entamé la mue qui allait le transformer l’icône de la paix que l’on connaît aujourd’hui puisque ces rencontres ont débouché sur la conclusion des accords de paix d’Oslo (septembre 1993).

Désormais embarqués sur le même bateau, Shimon Peres et Itzhak Rabin ont alors affronté la campagne de diffamation la plus haineuse de l’histoire de l’Etat hébreu. Un mouvement animé par les colons et par les Likoud qui trouvait un écho d’autant plus puissant dans l’opinion qu’au même moment, le Hamas et le Djihad islamique également opposés au processus de paix déclenchaient leurs premiers attentats suicides.

Lors de l’assassinat d’Itzhak Rabin

Le 4 novembre 1995 en plein centre de Tel-Aviv, Peres se trouvait à quelques mètres d’Itzhak Rabin lorsque ce dernier a été assassiné. Promu premier ministre par intérim en attendant de nouvelles élections législatives prévues le 29 mai 1996, il s’est donc retrouvé seul face à la meute qui continuait à manifester violemment contre les « traîtres d’Oslo ».

A cette tension interne s’ajoutaient les violences au sud-Liban, une partie du Pays du Cèdre alors occupée par Israël. Moqué par Benyamin Netanyahou, la tête de liste du Likoud aux élections du 29 mai qui le présentait comme un « lâche » et un « défaitiste », Shimon Peres a tenté de redorer son image en autorisant l’opération « Raisins de la colère » qui visait à détruire les bases du Hezbollah au Sud-Liban.

Or, rien ne s’est passé comme prévu puisque l’artillerie israélienne a surtout massacré des civils libanais – dont 118 hommes et femmes réfugiés dans un centre de l’ONU – et que l’image de Peres n’a pas varié d’un poil dans l’opinion israélienne.

Une traversée du désert

Le 29 mai, il a d’ailleurs été battu de quelques milliers de voix par Netanyahou, qui est ainsi devenu le plus jeune premier ministre de l’histoire de l’Etat hébreu. Shimon Peres, lui, entamait une traversée du désert jusqu’à ce qu’Ehoud Barak, son successeur à la tête du parti travailliste, remporte les élections de 1999 et lui propose un portefeuille mineur.

Lorsque Ariel Sharon (Likoud) a succédé à Ehoud Barak au début de la deuxième Intifada, Shimon Peres est redevenu ministre des Affaires étrangères. Auréolé du Prix Nobel de la paix qu’il partageait depuis 1994 avec Itzhak Rabin et Yasser Arafat et, il a surtout fait de la figuration, tentant d’atténuer les critiques qui s’abattaient alors sur l’Etat hébreu en raison de sa politique envers les Palestiniens.

C’est également en jouant de cette image que Peres a tenté de se faire élire président de l’Etat hébreu en 2000 mais il a été battu par le candidat du Likoud Moshé Katzav, un personnage falot qui a ensuite été contraint à la démission et condamné à huit ans de prison pour avoir violé plusieurs de ses collaboratrices.

Élu président en 2007

Rebelote en 2007. Cette fois, l’ex-assistant de David ben Gourion a été élu sans contestation par une large majorité de la Knesset, qui reconnaissait ainsi son rôle dans l’histoire politique d’Israël depuis sa création en 1948. Comme le veut la tradition, il a été réélu pour un deuxième mandat quatre ans plus tard.

Officiellement retraité depuis juillet 2014, Peres n’a pas vraiment interrompu ses activités. Et il ne s’est pas privé de condamner la politique de Benyamin Netanyahou. Malgré ses problèmes cardiaques et une santé de plus en plus précaire, il a poursuivi les contacts qu’il entretenait au plus haut niveau avec l’Autorité palestinienne et sur la scène internationale. L’histoire retiendra que l’hémorragie cérébrale qui allait entraîner son décès l’a frappé un 13 septembre 2016, la date exacte du 23e anniversaire de la signature des accords de paix d’Oslo.

Israël-Palestine - 5 avril 2002 - Le comité du prix Nobel extrêmement déçu par Shimon Pérès :

http://mai68.org/spip/spip.php?article11404

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