VIVE LA RÉVOLUTION

Faustine’s books

mardi 25 octobre 2016, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 25 octobre 2016).

Paradise lost (Faustine’s books)

Faustine Flauberge est un écrivain français de récits d’imagination difficilement catégorisables, inspirés de la mythologie grecque et de l’Antiquité, dont la facture rappelle à la fois les romans français du dix-huitième, les fables des utopistes, et la « fantasy » contemporaine. À ces influences diverses se surajoute une connotation érotique marquée.

1 – Aperçus biographiques :

Les récits de Faustine Flauberge sont quelquefois suivis d’une brève « note biographique » de quelques lignes, qui nous propose une filiation plus littéraire que vraisemblable. Il n’est, à ce jour, nullement indispensable de chercher à la documenter ou à l’embellir. Cette énigmatique sobriété est de bon augure poétique ; tenons-nous y donc.

2 – Un univers composite ; un modèle actanciel versatile :

Une éclectique combinaison de styles et de tons, associés à de multiples et disparates références, pourraient faire penser à une application à la littérature de la technique de montage cinématographique désignée sous le vocable de « compositing » : d’une succession d’ébauches, de scènes fugaces, de situations plus ou moins figées, émerge peu à peu, sur la toile de fond d’un « monde flottant » dont le Japon du dix-septième siècle, avec son esthétique de l’impermanence, semble fournir le modèle (un chapitre de Jours tranquilles à Gynarkia s’intitule « Yoshiwara »), une trame narrative flexueuse. Pour autant, un rapprochement avec la « romantic fantasy »[1] – notamment dans son registre épique – chère aux lectrices anglo-saxonnes serait tout aussi approprié. Cependant, l’extravagance des péripéties, l’utilisation dévoyée des citations, proverbes, lieux communs, et quelques autres subversions sémantiques, ne peuvent laisser le moindre doute quant à la vocation première du texte – qui est avant tout entreprise de détournement. Mais de quoi ? De la littérature française ? Balzac, Proust, Flaubert, Racine et quelques autres sont cités, et paraphrasés de manière particulièrement irrespectueuse… Des romances « new adult », et de leurs niaiseries pseudo-audacieuses lancées à la juvénile badauderie ? De tout cela, sans doute.

3 – Un cryptogramme aisément pénétrable :

Quant au propos, nous sommes, cette fois, en « terra cognita » : on ne prendra guère de risques en assumant que les uchronies flaubergiennes, où mythe et histoire s’entremêlent, où, comme chez les Aymaras d’Amérique, le passé est devant, et l’avenir derrière, où les femmes sont viriles, et les hommes féminisés, sont autant d’invitations, plus ou moins pressantes, à une inversion des valeurs du règne de la quantité[2] et de la démonie économique qui triomphent dans le monde moderne. Plusieurs indices, tirés de Jours tranquilles à Gynarkia (citons, notamment, un extrait de Charmes, de Paul Valéry, évoquant la figure de Narcisse ; la présence d’un personnage appelé Rachilde, du nom de l’auteur de Monsieur Vénus[3] ; et, surtout, de multiples clins d’œil à Pierre Louÿs), pourraient orienter vers la piste d’un hommage aux Décadents français de la Belle Époque. Ce qui serait certainement pertinent, mais réducteur. Des précisions récentes, fournies par F. Flauberge elle-même à propos de l’Iris dans le vallon, viennent en effet confirmer ce que nous soupçonnions depuis déjà un certain temps : ces évocations de royaumes imaginaires et païens, tous plus philogynes les uns que les autres, ces contre-dystopies qui pourraient, car tout s’y résout toujours par un mariage, passer pour des contes ou des fabliaux, développent de libres improvisations inspirées des thèses du génial historien et philologue Johann Bachofen[4]. Car au fond, semble dire Flauberge, que le monde étrange et perdu où régnait la pensée intuitive et le culte de la nature postulé par Bachofen dans son Mutterrecht comme une « poésie de l’histoire » ait été réel ou rêvé, est secondaire : dans les deux cas, « un trait de douce humanité traverse la civilisation du monde gynécocratique »[5].

Bibliographie :

  • Les Rives de la Tanaïs ;
  • La Saison de la Faunesse ;
  • Les Six Lunes de Thémiscyra ;
  • Jours tranquilles à Gynarkia ;
  • Jour de sortie ;
  • L’Iris dans le vallon.

[1] Voir par exemple Catherine L. Moore, ou aussi Marion Zimmer Bradley. Plus lointainement, on pourrait mentionner le fameux She (1887) de Henry Rider Haggard. [2] René Guénon : le Règne de la Quantité et les Signes du Temps (1945). [3] Monsieur Vénus, roman matérialiste, par Marguerite Valette, dite « Rachilde », 1884. [4] Johann Jacob Bachofen, historien, juriste et mythologue suisse (1815, 1887). [5] Extrait de Das Mutterrecht (1861) cité par Beate Wagner-Hasel dans un article de 1991 : « Le matriarcat et la crise de la modernité ».

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