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« AMERICA COMES FIRST AGAIN ! » RÉALITÉ OU UTOPIE ?

vendredi 6 janvier 2017

http://www.les7duquebec.com/7-au-front/america-comes-first-again-realite-ou-utopie/

Pendant toute la campagne électorale Donald Trump a martelé le slogan « America Comes First Again ! », sous-entendant ainsi qu’avec lui et par lui les États-Unis allaient redevenir la première puissance industrielle de la planète, ce que les États-Unis ne sont plus depuis belle lurette, dépassée en cela par la Chine « émergente » et immense.

D’ailleurs, le Président Trump ne s’y est pas trompé et abandonnant la croisade militaire Obama-Clinton contre le russe, deuxième de peloton, il darde ses ogives vers la mer de Chine (1).

Pour réussir une « réindustrialisation », à supposer que l’Amérique soit « désindustrialisée » – ce qui n’est pas assuré comme nous le verrons bientôt – l’économie américaine doit parvenir à maintenir un équilibre précaire entre six variables fluctuantes et interdépendantes, sur lesquelles l’appareil d’État capitaliste – quels que soient les titres du Président en titre – a souvent peu d’emprise. La première variable est la monnaie, sa valeur et son taux de change par rapport aux monnaies concurrentes. Cette variable est un révélateur de la santé économique d’un pays et elle influe sur les autres variables comme nous le verrons tantôt. La deuxième variable est la fiscalité, le cout des taxes et des impôts nationaux, reliée à l’équilibre budgétaire et à la dette souveraine, ce qui révèle que cette deuxième variable est fortement corrélée par la première. La troisième variable concerne les marchés intérieurs et extérieurs pour les marchandises à commercialiser. Via la balance commerciale cette troisième variable influe fortement sur la monnaie – sa valeur – son taux de change, qui a son tour conditionne l’accès aux marchés. La quatrième variable est le cout des moyens de production, notamment de la main-d’œuvre (le prix de la force de travail qui produira la plus-value seule raison de l’opération) et de l’énergie. Cette variable aussi est connectée à la première. La cinquième variable avec laquelle l’administration Trump devra jongler est la productivité du travail. Cette variable influe sur les salaires, et le pouvoir d’achat des légionnaires de la consommation, et elle dépend des investissements dans les domaines de la formation de la main-d’œuvre, mais aussi de la mécanique, de la robotique, de l’informatique, et du numérique. Enfin, pour coiffer le tout, une sixième variable non pas déterminante, comme le pense la gauche incompétente, mais déterminée, résultante des précédentes, les législations commerciale, fiscale, et du droit du travail, qui prennent la forme d’accords de libre-échange qui viendront, non pas organisée ou structurée l’ensemble de ces variables, mais les validées. C’est d’ailleurs une erreur majeure des économistes « scandalisés » et des analystes à la solde d’avoir prétendu que Donald Trump et la clique qui l’a porté au pouvoir souhaitaient abroger les accords de libre-échange négociés par les administrations précédentes (Démocrate et Républicaine). L’establishment économique qui a placé son protégé à la Présidence sait très bien que ces accords ne font qu’entériner les rapports de force économique, politique, diplomatique et militaire et qu’il faut d’abord modifier ces rapports de force internationaux avant d’espérer rouvrir les négociations pour obtenir de nouvelles concessions de ses alliés et concurrents. C’est ainsi qu’avant même d’être intronisé, le tonitruant Président est déjà en campagne d’intimidation vis-à-vis le véritable adversaire de l’Amérique, la Chine impérialiste (2).

Quels pays attirent les capitaux mondiaux ?

Examinons d’abord le niveau d’attractivité industrielle des différents pays concurrents de l’Amérique. La carte 1 indique l’importance de chaque pays et donne un indice de sa force attractive en termes d’accueil des opérations (production, informatisation, gestion, distribution, communication, recherche/développement) externalisées et/ou délocalisées. Il est aisé de remarquer que la Chine et l’Inde s’arrogent la part du lion, mais il est à noter aussi que depuis 2011 l’Inde est plus attractive que la Chine en termes d’externalisation/délocalisation des pays fortement développés vers les pays appelés « émergents », délogeant la Chine qui pour se créer un marché intérieur laisse augmenter les revenus de ses salariés. De plus, les capitalistes chinois s’intéressent de moins en moins à la production de babioles et montent leur production en gamme nécessitant des employés mieux qualifiés et mieux payés (3).

Carte 1

La taille du pays représente sa force attractive en termes d’externalisation/délocalisation des opérations de production, gestion ou commercialisation.

La variable monétaire.

Si l’on considère la variable monétaire, le dollar américain est en fort mauvaise position pour soutenir les ambitions du locataire de la Maison-Blanche. Nonobstant la phase de frénésie spéculative qui s’est emparée des cambistes américains au lendemain de l’élection : « Non seulement Wall Street n’a pas enregistré les reculs prédits, mais a enchainé les hausses. Au lendemain de l’élection, l’indice total du marché américain Dow Jones Wilshire 5000 (noté W5000) clôturait en hausse de 1,41%, l’indice des 30 « blue chips » américaine Dow Jones Industrial Average (noté DJI) gagnait 1,40%, tandis que l’indice des valeurs technologiques Nasdaq (noté IXIC) se contentait d’un gain de 1,11%. Deux semaines après l’élection, les gains enregistrés depuis le 8 novembre s’établissent à respectivement +4,13%, +3,77% et +3,71% pour ces trois indices » (4). Il est à noter que la hausse des cours boursiers aux États-Unis est spéculative puisqu’aucune augmentation des capacités de production n’a été enregistrée au pays depuis le 8 novembre dernier.

Pour leur part, la plupart des bourses européennes et asiatiques ont adopté un cours baissier : « Les places financières ont réagi de manières dispersées au lendemain de l’annonce de la victoire de Donald Trump. Les Asiatiques ont reculé : plus de 5% de perte pour les indices Nikkei à Tokyo et Hang Seng à Hong Kong. Les Européennes ont boudé oscillant entre -0,4% à Madrid et +1,99% à Zurich, le BEL20 et le CAC40 s’appréciant de respectivement +1,42% et +1,49% » (5). Dans le même temps l’or résistait dans son rôle de valeur refuge et s’appréciait de plus de 5 %, signe que les investisseurs ne partagent pas l’optimisme des boursicoteurs américains.

Le dollar est surévalué par rapport à ses principaux concurrents, et cela même si l’euro approche de la parité, et même si le yen n’en finit plus de dégringoler, de même pour la livre sterling et le yuan que les autorités chinoises laissent déprécier : « Les autorités chinoises ont clairement dit qu’elles jugeaient une dépréciation de leur devise nécessaire tout en prévenant qu’elles veilleraient à ce que le processus ne soit pas désordonné » (6). « Nous sommes en ce moment à 6,90 yuans pour un dollar, même si le yuan devait baisser jusqu’à 7,25 contre le dollar, la dépréciation ne serait que de 4% par rapport à ses niveaux actuels quand le yen a cédé 16% contre la devise américaine au cours des cinq dernières semaines » (7).

Incidemment, la hausse relative du dollar a l’effet d’une bascule et permet de réduire la chute du yuan. La hausse du dollar est de mauvais augure puisqu’elle restreint les perspectives d’exportation pour les entreprises américaines dont les installations de production sont situées aux États-Unis. Cette hausse de la devise est par contre avantageuse pour les entreprises américaines dont les installations de production sont à l’extérieur du pays. Elles pourront, via les paradis fiscaux, rapatrier leurs profits libellés en yuan, ou en yen et les renchérir en les transformant en dollars. Mais pour cela les taux d’intérêt devront être majorés.

Ainsi, la Réserve fédérale américaine vient d’annoncer une hausse de son taux directeur afin de colmater l’hémorragie de devises qui s’enfuient du pays. D’autres augmentations sont prévisibles. On peut anticiper que la hausse du loyer de l’argent entrainera la faillite de millions de foyers américains – semblable à ce que le pays a connu en 2008. De nombreux ménages seront incapables d’effectuer leurs paiements, d’où une baisse des ventes, des surplus d’inventaires et des faillites d’entreprises incapables d’écouler leurs produits, et ultimement une baisse des profits généralisés, y compris pour les entreprises américaines établies à l’étranger.

Le Président Trump a beau multiplier les mises en garde à ses fidèles alliés comme l’Arabie Saoudite et les Émirats du golfe Persique, rien n’y fait, ils se débarrassent de leurs dollars plombés. Même l’Iran, qu’Obama était parvenu à mettre au pas, est l’objet de menace du Président élu qui voudrait que ce pays calme sa frénésie et cesse de se débarrasser de son monceau de dollars par l’achat d’avions dispendieux et pour qu’il continue de vendre son énergie en pétrodollar (8).

Conclusion, du côté de la monnaie les conditions ne sont pas réunies pour attirer les investissements industriels ni le capital argent dans l’antre de la « démocratie » capitaliste mondialisée. Analysons les conditions de la deuxième variable, la fiscalité.

La variable fiscale.

Les capitalistes étatsuniens ont toujours eu un rapport antagoniste avec le fisc et ceci est particulièrement évident depuis que l’économie américaine a amorcé son déclin inéluctable à la fin des années soixante-dix. Si au cours des années cinquante le taux d’impôt sur les profits des entreprises dépassait les cinquante et les soixante pour cent, il y a longtemps que l’évasion fiscale, couplée à la réduction du taux d’impôt amorcée sous l’ère Reagan, a fait fondre les recettes de l’administration centrale.

Dès l’époque des Présidents Nixon et Reagan, les politiciens de gauche comme de droite ainsi que les économistes dits « néolibéraux » prétendaient que les baisses de taxes et d’impôts libéraient du capital pour l’investissement générant de la croissance et des revenus accrus pour l’État. Cette tactique pourrait se justifier si le problème de l’économie américaine était le manque de liquidités pour développer, mais il n’en est rien. Le capital est surabondant, il y a surproduction dans la plupart des secteurs et la Chine pourrait doubler son offre de produits si requis. C’est le marché domestique qui est paralysé d’où l’équipe Trump l’ayant compris lance de vastes programmes d’investissements publics qui créeront temporairement de la demande.

Cette aversion vis-à-vis la taxation est tellement incrustée dans la mentalité américaine que le Tea Party en a fait son thème privilégié, et Donald Trump, le multimilliardaire s’est vanté à la télé d’être un « smart guy » et de n’avoir rien payé au fisc pendant des années. Le Président élu a d’ailleurs promis de réduire l’impôt sur le revenu tout en garantissant qu’il augmentera considérablement les investissements publics dans les infrastructures et les dépenses en armement. Notons cependant que si les investissements en infrastructure sont productifs, les dépenses en armement sont économiquement in productives. Doit-on en conclure qu’il y a là une variable favorable à la réindustrialisation de l’Amérique ?

Pas du tout. Le budget fédéral tout comme celui des autres niveaux de l’administration publique (États et municipalités) est déficitaire depuis des décades, ces baisses de revenus prévues couplées à l’augmentation des dépenses annoncée entraineront la dette souveraine dans des profondeurs abyssales. D’autant plus que la hausse de la valeur relative du dollar, associée à la hausse des taux d’intérêt feront augmenter le prix des obligations d’épargne gouvernementales, la Réserve fédérale se substituant au marché pour acheter ces obligations flouées, accroitra d’autant la quantité de dollars de pacotilles en circulation. Cette conjoncture catastrophique poussera dans le sens d’une dévaluation drastique du dollar après une remontée spectaculaire suite à une spéculation boursière frénétique comme avant chaque krach boursier. C’est la raison pour laquelle la Chine, notamment, se débarrasse de ses dollars : « De plus, même si Japon a ravi à la Chine le rang de premier détenteur de bons du Trésor américains selon des données officielles publiées jeudi 15 décembre et détenait en octobre 1 131,9 milliards de dollars contre 1 115,7 milliards accumulés par la Chine continentale (hors Hong Kong), Pékin garde un levier de pression sur le financement de l’endettement américain » (9).

Pour conclure, disons qu’avec la mondialisation de l’économie, chaque pays concurrence son voisin sur le plan de la fiscalité si bien que cette variable n’a plus qu’une incidence secondaire sur la localisation des investissements.

La variable marché domestique et marchés étrangers.

Dans une économie impérialiste globalisée et intégrée, il est difficile de contrôler l’ensemble des variables pouvant assurer la relance industrielle et commerciale. Ainsi, l’injection de dollars US dans le circuit financier international a maintenu la puissance du dollar (monnaie de réserve) et nourrit la spéculation boursière avec du numéraire de pacotille, c’est-à-dire de l’argent non adossé à du capital concret (moyens de production, d’échanges ou de communication). D’un autre côté, cet argent a provoqué l’inflation (surtout pour les biens de consommation courants) et réduit d’autant le pouvoir d’achat des travailleurs américains. Ainsi, depuis la crise de 2008 aux États-Unis, des milliers de familles vivent dans les parcs ou dans leur voiture et le tiers des jeunes ménages sont retournées vivres chez leurs parents. C’est dire que la valeur de la marchandise « force de travail » s’est effondrée en même temps que la valeur réelle de la monnaie. La dévaluation d’une devise a toujours un cout pour les salariés et constitue toujours une façon de transférer le poids de la crise économique sur le dos de la classe ouvrière ce qu’aucun économiste-coolie n’osera confirmer. Ainsi, depuis quelques mois l’euro n’est plus supporté par la Banque Centrale européenne (BCE) et ce sont les ouvriers européens qui en paieront le prix.

Quand on pense que 70 % du PIB américain repose sur la consommation (contre 40% du PIB chinois), tout ceci a un impact direct sur le marché domestique et d’exportation. Les travailleurs consommateurs voient leur pouvoir d’achat s’étioler comme peau de chagrin pour cause d’un trop-plein d’argent en circulation entrainant la dévaluation de ce capital-argent. Comme il est impératif que la marchandise soit mise en marché – vendue et consommée – pour réaliser la plus-value, unique objectif de l’activité économique, les capitalistes internationaux ont donc imaginé un subterfuge, le crédit, la dépense anticipée du salaire du prolétaire – et du revenu du rentier – qui ne sera peut-être jamais versé ni encaissé. Ce faisant, les capitalistes creusent plus profondément les catacombes de leurs ambitions, provoquant davantage d’inflation et la dépréciation de la monnaie réduisant encore la consommation, les marchés, et les possibilités d’écouler la production. Il est alors facile d’imaginer que faute de marché, la production s’arrête, et ce faisant cesse la valorisation du capital finalité de l’activité économique capitaliste.

Depuis 1976 les États-Unis enregistrent chaque année un déficit de leur balance commerciale (10). En 2015 ce déficit astronomique atteignait 530 milliards de dollars US soit 3% du PIB américain (11). Ces données reflètent le manque de compétitivité de l’appareil de production étatsunien dans le secteur des biens de consommation courants, mais elles dissimulent des excédents dans les secteurs de haute technologie (armement, informatique, communication, services de haut niveau, etc.). Quoi qu’il en soit, une économie nationale ne peut survivre indéfiniment en vivant aux crochets de pays étrangers avec lesquels elle accumule dettes et déficits répétitifs. Il est facile de prévoir que les créanciers de ce débiteur insolvable finiront par refuser de le financer. C’est alors que le danger d’un affrontement militaire atteindra son apogée.

Il faut se rappeler qu’il ne peut y avoir vente de marchandises s’il n’y a pas production de marchandises et qu’il ne peut y avoir capitalisation s’il n’y a pas d’abord production et ensuite commercialisation. Comme on le constate la variable marché domestique et/ou marché d’exportation est une variable dépendante dont le sort dépend de l’évolution des variables indépendantes qui sont en amont. Incidemment, la variable monétaire dévoile ici sa sensibilité relativement aux couts des moyens de production et particulièrement au prix social de la force de travail conditionné par le niveau de productivité du travail, productivité qui fixe la rentabilité de l’investissement capitalistique que nous allons maintenant examiné.

Les variables couts des moyens de production – énergie et main-d’œuvre.

On aura noté que le candidat Trump et sa faction de l’establishment avaient un véritable programme de campagne. Ces gens poursuivent un but très précis et vous remarquerez que pour chacune des variables énumérées ils présentaient des propositions, tout comme l’équipe Clinton incidemment – blanc Bonnet est pareil à Bonnet blanc évidemment.

En ce qui concerne l’énergie, l’équipe Trump repousse les billevesées écologiques et entend relancer la production de charbon, de gaz et de pétrole de schiste, la construction des oléoducs Canada-USA, etc. Le prix du baril de pétrole devra cependant augmenter. Vous comprenez maintenant la raison des admonestations du Président élu à l’endroit de son fidèle allié saoudien à l’effet que l’Amérique entend réduire son approvisionnement énergétique vis-à-vis des régions excentriques comme le golfe Persique où elle contrôle de moins en moins la situation se repliant sur ses alliés canadien (40 pour cent de son approvisionnement) et mexicain. Pourtant, tout ce fatras politique et diplomatique n’empêche pas de constater que les États-Unis n’ont aucun problème d’approvisionnement énergétique et que quelques mesures d’économie d’énergie pourraient facilement engendrer des surplus… Mais depuis quand l’économie d’énergie entraine-t-elle l’accroissement des profits ?

Le cout des transports.

L’affaissement du cout des transports intercontinentaux (par paquebots, conteneurs et vraquiers) explique également la facilité avec laquelle les usines peuvent se déplacer d’un pays à un autre, d’un continent à un autre. Il y a quelques années, un scandale alimentaire à propos de viande avariée en Europe a démontré que pour produire un simple plat surgelé pas moins de six entreprises et usines situées dans six pays différents étaient mises à contribution dans la fabrication-commercialisation de ces portions. Cependant, avec la mondialisation de la production cet avantage est international et n’avantage pas davantage les États-Unis que les autres pays.

Par contre, l’impérialisme américain performe plus que les autres dans la gestion des flux physiques et matériels dont la circulation exige un immense et complexe système de transport, de stockage et d’expédition. Aux États-Unis, la logistique emploie 3,5 millions de personnes, dont 85% dans les zones urbaines. Les « clusters », bases de réception, de préparation et de distribution de Los Angeles, Chicago et New York regroupent chacun environ 100 000 salariés. UPS en emploie 20 000 à Louisville et Fedex 15 000 à Memphis (12). On le constate, les États-Unis sont restés un pays industrialisé à forte productivité.

Salaires, cout de la force de travail et productivité.

Il faut d’abord spécifier que salaire et cout de la force de travail ne sont pas des équivalents. Le salaire ne comprend que la rémunération brute encaissée par le salarié, comprenant les impôts qu’il devra verser, alors que le cout social de sa force de travail comprend les taxes et les frais indirects requis pour assurer sa reproduction élargie (allocation de revenu fourni par l’État, services de santé, d’éducation, culturel et sportif et autres services étatiques).

Salaires et cout de la main-d’œuvre voilà une variable importante que l’équipe Trump a abordée avec célérité. Depuis les années quatre-vingt, la bourgeoisie américaine mène une guerre de tous les instants contre la classe prolétarienne américaine et elle y connait de grands succès. Ainsi, aussi peu que 11,3 % de la main-d’œuvre salariée est syndiquée. La syndicalisation est extrêmement difficile et maints ouvriers étatsuniens jugent qu’il est inutile de se syndiquer aux vues des luttes économiques liquidées par l’aristocratie petite bourgeoise et la bureaucratie syndicale.

« La précarité n’est qu’un aspect de la dégradation générale des conditions de travail et de vie de la majorité des salariés américains : baisse des salaires réels horaires et hebdomadaires, aujourd’hui inférieurs au niveau de 1972 ; impossibilité pour 30% des travailleurs de vivre sans recourir à des aides publiques ; déséquilibre du rapport profit/salaire, la part du capital dans le revenu national étant passé entre 1979 et 2010 de 18,8% à 26,2% » (13). La précarité c’est aussi le nombre de salariés en contrat court ou à temps partiel forcé qui est passé de 18,7 millions en 1995 à 21,6 millions en 2005. On dénombre plus de 22 millions de travailleurs en position vulnérable (c’est-à-dire plus vulnérable encore que les autres) ce qui crée une pression à la baisse des rémunérations et l’aggravation des conditions de travail pour l’ensemble des salariés. Démagogue, Trump a surfé sur cette désespérance ouvrière en attribuant la cause aux travailleurs immigrés alors que les immigrants illégaux ne peuvent même pas prétendre à ces postes de mauvaise qualité. Ils se contentent de boulots encore plus misérables. Certes, là où 27% des salariés du privé travaillaient en usine en 1980, ils ne sont que 11% en 2010. « Mais pourquoi 5 millions d’emplois de ce type ont-ils disparu ? Et où ? Surtout dans les secteurs traditionnels comme l’acier et le textile. Seul le cinquième de ces 5 millions d’emplois détruits l’ont été par les importations venues de pays à bas salaires. Délocalisation et sous-traitance n’expliquent pas tout. Dans les produits Made in USA, la part des composants fabriqués sur le sol étatsunien (…) est estimée à 85-90% » (14).

« En termes réels, la production industrielle étatsunienne a crû de 131 % entre 1982 et 2007 (avant la crise de 2008), soit de 5% par an : une croissance ralentie comparée à celle des années 1960, cependant la différence est bien moindre qu’on l’imagine (les « Trente Glorieuses » s’enorgueillissaient d’une augmentation annuelle de 6%). Cette progression a été effectuée par une main d’œuvre nettement réduite, mais les pertes d’emploi ont surtout eu lieu pendant les quatre grandes récessions : moins 2,5 millions d’emplois lors de la crise de 1980-82, moins 725.000 lors de celle de 1990-92, moins 678.000 lors de celle de 2000-2003, et 2 millions de moins après 2008 » (15).

Pour ce qui a trait au mouvement féministe petit-bourgeois supporteur inconditionnel de la multimillionnaire et criminel de guerre Hillary Clinton, disons que de 1990 à 2010, 8 millions de femmes supplémentaires se sont « libérées » pour travailler dans des « sweats shops » à pratiquer des métiers manuels, pénibles et mal payés créant une pression supplémentaire à la baisse sur les salaires.

En 2016, le Président Obama a haussé de quelques sous le salaire minimum pour les employés sous-payés de l’État fédéral. C’est que l’État capitaliste s’est aperçu de deux choses : d’une part, le niveau des salaires est si bas aux États-Unis qu’il ne permet plus à une portion de la classe ouvrière d’assurer sa reproduction élargie (reproduire sa force de travail et celle de sa famille), ce qui provoque des pénuries d’employés dans certains secteurs d’activités entrainant une pression à la hausse sur les salaires. Ensuite, le niveau dérisoire des salaires entraine l’abandon du travail légal par une portion des salariés qui préfèrent offrir leurs services sur le marché illicite et pour les activités du monde interlope. Le banditisme et le crime contre la personne explosent aux États-Unis, ce qui coute cher en assurance, en service de police répressif, et encombre le système de justice ainsi que le système carcéral. Enfin, la diminution constante du salaire moyen et médian réduit globalement le marché de consommation solvable pour une portion de plus en plus grande des salariés qui aujourd’hui surendettés ne trouvent plus à emprunter et cessent de consommer d’où l’explosion des friperies, des soupes populaires et autres œuvres caritatives absolument non lucratives pour le grand capital.

En 2015-2016, l’administration Obama a implanté la loi sur l’assurance maladie obligatoire pour tous les employés, loi qui vise à soutenir la consommation de produits de santé et la tonte des brebis ouvrières par le grand capital pharmaceutique, les services médicaux privés et les compagnies d’assurance. Sous prétexte de fournir à chaque ouvrier une assurance pour ses soins de santé l’industrie des soins médicaux a imaginé taxer directement les ouvriers afin de remplir ses goussets et ceux des compagnies d’assurance. Les petits bourgeois et les plumitifs compassés ne comprennent pas pourquoi les ouvriers étatsuniens, qui auparavant étaient assurés par leurs employeurs, se rebiffent contre le fait que l’État Démocrate « progressiste » a déchargé les grandes entreprises de cette responsabilité pour la mettre sur le dos des salariés alors que les employés qui n’étaient pas assurés n’ont toujours pas les moyens d’assurer leur santé au travail avec ces tarifs prohibitifs. Incidemment, le candidat Républicain Donald Trump a surfé sur cette insatisfaction lors des élections. Sitôt élu il a trahi sa promesse d’abolir ce programme très avantageux pour les capitalistes de l’assurance, de la santé et de la pharmacologie et promis de simplement modifier la législation. Ainsi, les ouvriers ont pu confirmer au cours de cette élection bidon que Républicain ou Démocrate c’est du pareil au même et que les élections bourgeoises sont des « pièges démocratiques ».

Au final, comme le démontre ces données, la première cause du déclin économique américain n’est pas la délocalisation, qui ne constitue qu’une forme d’adaptation du capital productif aux conditions d’expansion (géographique) et d’intensification (physique) de l’exploitation de la force de travail mondial, mais l’augmentation de la productivité, c’est-à-dire l’intensification systématique par la mécanisation, la robotisation, l’informatisation de l’exploitation de la force de travail, ce qui signifie que les mesures préconisées par l’équipe des ploutocrates dirigeant le gouvernement de Donald Trump pourront éventuellement provoquer une expansion de la production sans générer pour autant un accroissement de l’emploi, mais plutôt une intensification de l’exploitation de salariat pourtant déjà surexploité. La variable des accords de libre-échange. Nous l’avons indiqué précédemment, cette variable est dépendante, en ce sens qu’elle ne s’impose pas au début du processus de délocalisation industrielle ou de « réindustrialisation » forcée comme l’appellent les « économistes indignés ». Elle survient à la fin du processus de redéploiement industriel, quand les oligopoles multinationaux ont finalement redéployé leurs activités afin d’exploiter la « force de travail » local dans chacune des régions du globe où elle s’avère la plus « exploitable ». Ainsi, la production d’avions ne sera pas délocalisée au Vietnam, mais elle le sera en direction de la Chine si cette contrée peut offrir une main-d’œuvre hautement formée et qualifiée (aux frais du prolétariat local), mais à un prix déclassifié. Les accords internationaux de libre-échange viendront cristalliser ces rapports de force et pacifier ces rapports de production entre puissances internationales alliées et concurrentes. L’ennemie ultime de chacun de ces belligérants impérialistes n’est pas le concurrent capitaliste, mais la classe prolétarienne de chacun de ces pays prétendants aux profits d’investissement. Nous sommes ici au cœur du mode de production capitaliste rendu à sa phase impérialiste. Toujours se rappeler que l’impérialisme n’est pas une politique hégémonique de grande puissance comme on le pense depuis Lénine, mais un stade de développement économique affectant l’ensemble d’un mode de production et produisant conséquemment des comportements sociologiques, politiques, militaires et diplomatiques spécifiques… des comportements de survie d’un mode de production décadent voué à disparaitre.

Les législations douanières, tarifaires, du droit du travail, et du droit fiscal que se sont façonnées (ou qui ont été forgées par les fonctionnaires de Bruxelles, de Washington, d’Ottawa et de Canberra) les multinationales présentes dans l’espace de Schengen, dans l’aire de l’ALENA et dans la sphère de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) assurent que la force de travail salarié, au plus bas prix payé, sera exploitée par les multinationales apatrides et qu’ensuite leurs profits pourront migrer sereinement vers les paradis fiscaux afin de se soustraire à l’impôt et aux charges sociales toujours considérées comme exécrables par ceux qui ont vocation de recueillir le maximum de profit à redistribuer aux actionnaires avides de réinvestir ce capital pour un nouveau cycle de reproduction élargie, et ainsi va la vie économique sous l’impérialisme décadent.

La classe prolétarienne.

En définitive, le problème de l’Amérique n’en est pas un de délocalisation industrielle, de profusion de main-d’œuvre immigrante apatride, de médiocrité d’alliés affamés, ou de concurrence déloyale de pays capitalistes « émergents », mais strictement un problème de valorisation du capital surabondant dans une économie mondiale ayant atteint sa maturité et une forte productivité grâce au travail robotisé. Si le capital revenait aux États-Unis ou dans tout autre pays amis ou ennemis – mais toujours concurrents – c’est que le taux de profit y aurait été rétabli à l’avantage du capital international et la situation ne pourrait être que temporaire puisque la composition organique du capital ne pourrait que recommencer à se détériorer jusqu’à la prochaine guerre généralisée.

Comprenez-moi bien, le problème de l’Amérique est celui que connaitront tous les capitalistes de ce monde impérialiste, il se présente avec plus d’acquittés en Amérique parce que ce capital est plus avancé que les autres dans la maturation de ses contradictions. Ce qui se passe aujourd’hui en Amérique préfigure ce qui se passera partout ailleurs dans quelques années.

Deux voies s’offrent au prolétariat du monde entier, enfin mondialisé : soit, suivre l’exemple de certains salariés étatsuniens et vendre leur force de travail en dessous du prix de revient – sous le seuil de reproduction élargie – jusqu’à leur extinction en tant que classe d’exploitation ; ou alors, résister de toute leur force à la disparition, refuser les fermetures d’usines et les baisses de salaires, faire grève jusqu’à participer à l’insurrection populaire qui surviendra inexorablement, renverser et détruire l’État policier et ne pas en prendre le contrôle ou la direction comme le propose les gauchistes, prendre la direction de l’insurrection en tant que classe « en soi » et « poursoi » et enclencher la révolution prolétarienne, ou périr, car n’ayez aucune illusion camarades, les capitalistes seront poussés jusqu’à la guerre nucléaire pour s’accrocher à ce mode de production moribond.

NOTES

(1) Robert Bibeau (2016) http://www.les7duquebec.com/7-au-fr…

(2) Luc Mampaey directeur du GRIP. http://www.les7duquebec.com/7-de-ga…

(3) Robert Bibeau (2015) http://www.les7duquebec.com/7-au-fr…

(4) Luc Mampaey directeur du GRIP. http://www.les7duquebec.com/7-de-ga…

(5) Luc Mampaey directeur du GRIP. http://www.les7duquebec.com/7-de-ga…

(6) https://investir.lesechos.fr/trader…

(7) http://www.boursorama.com/actualite… http://investir.lesechos.fr/traders…

(8) http://www.lesechos.fr/industrie-se… http://www.lefigaro.fr/flash-eco/20…

(9) http://www.boursorama.com/actualite…

(10) http://perspective.usherbrooke.ca/b…

(11) http://perspective.usherbrooke.ca/b…

(12) D’après https://ddt21.noblogs.org/?page_id=1260. Référence Kim Moody, US Labor : What’s New, What’s Not ? 2016. Kim Moody a participé à l’International Socialist Organisation, et fondé et longtemps animé la revue Labor Notes. Parmi ses livres : US Labor in Trouble & Transition, Verso, 2007.

(13) D’après https://ddt21.noblogs.org/?page_id=1260. Référence Kim Moody, US Labor : What’s New, What’s Not ? 2016. Kim Moody a participé à l’International Socialist Organisation, et fondé et longtemps animé la revue Labor Notes. Parmi ses livres : US Labor in Trouble & Transition, Verso, 2007.

(14) D’après https://ddt21.noblogs.org/?page_id=1260 « Selon le Ministère du Commerce américain, en 2014, « Le contenu interne [domestic content] se montait à 51 cents pour chaque dollar dépensé par les consommateurs et les entreprises dans l’achat de produits manufacturés. » Cette statistique indique une moyenne, la proportion variant fortement, de 79% pour les produits alimentaires à 7% pour le tabac. Chiffres sensiblement différents de ceux de Moody, mais qui en tout cas ne confirment pas l’idée d’un raz-de-marée désindustrialisateur » http://www.esa.doc.gov/sites/defaul…

(15) D’après https://ddt21.noblogs.org/?page_id=1260. Référence Kim Moody, US Labor : What’s New, What’s Not ?2016. Kim Moody a participé à l’International Socialist Organisation, et fondé et longtemps animé la revue Labor Notes. Parmi ses livres : US Labor in Trouble & Transition, Verso, 2007.

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