Et toi, tu marches, comme un con parmi les cons, joyeux pourtant, heureux de retrouver les camarades de lutte et puis, c’est mai, c’est le 1er mai et, pour le coup, le patron ne va pas te prendre pour un con ! Tu n’es pas un con, ce con que le patron d’hier voulait que tu imagines être. Tu n’es pas le con que les syndicats font défiler comme un mouton en attendant leur prochaine réunion. Tu n’es pas un con, tu es l’arrière arrière petit-fils de 71, l’arrière petit-fils de 36, le petit fils de la Libération, le fils de 68, tu n’es pas un con, tu es historique !
Bien sûr qu’il fait beau, c’est bientôt le temps des cerises ! Bien sûr qu’il faut chanter comme ces quelques individus portant cagoules offrant du muguet à la flicaille portant bâton ! Bien sûr qu’il faut s’arrêter boire un verre au cul du camion de la CGT ! Bien sûr que ce matin ton drapeau noir descendait Belleville en silence ou bercé par la langueur de slogans anciens et démodés, flottant au-dessus de quelques petits milliers d’anarchistes déjà fatigués. Bien sûr que les flics sont en forme, ce sont les mêmes qui surveillent le parking du supermarché et l’enceinte de ton entreprise.
Non, tu n’es pas un con même si tu marches comme un con derrière des cons qui ne sont pas plus cons que toi et qui ont, les cons, les mêmes revendications que toi et, c’est étrange mais… Sur ta banderole, c’est con, ces revendications ne sont pas les mêmes que celles de Thibaut, Mailly, Chérèque et consort ! Mais qu’on sorte les cons !
C’est ça, ton premier mai ? C’est-ce ça qu’ils appellent un mouvement lorsque tu ne peux sortir du cortège qu’avec autorisation ? C’est con, quand on paye sa cotisation, non ? Ils décident, ne t’inquiète pas, ne sois pas con, ils se revoient le 4 mai et te diront, par voie de presse qu’ils ne sont pas pressés ! Que la grève générale, ce n’est pas pour eux, eux, ils font la campagne du Front de la Gauche, la campagne de Le Hyaric, c’est le hic, mais non, arrêtes, reste joyeux, tu n’es pas con !
C’est le temps du muguet, putain ! Et les chiens de Pétain t’encadrent alors que ton cadre, qui n’est pas plus con que tu n’es con marche, un peu à reculons, à côté de toi ! C’est le défilé, la tradition à la con et l’insurrection qui vient traîne ses savates de Denfert à Rochereau et de Rochereau au Port et du Port à Royal et de Royal à là-bas et de la Bastille reprendre ce con de car avec son con de conducteur !
Tu as payé ta place, c’est con de le louper et les cars de flics qui tiennent leurs triques et le quart au carrefour ne te louperont pas si tu traînes tes savates en dehors des heures légales négociées par ton con de syndicat oublieux de son histoire mais toi, tu n’es pas con, tu es patient, cotisant, militant même si les slogans manquent ou mentent, tu sais pourquoi tu es là mais faut rentrer, c’est con, c’est continuellement comme ça
Vas-tu continuer ? Ce n’est qu’un combat ! Vas-tu continuer d’être contraint ?
Vas-tu continuer cette complicité ? Vas-tu continuer ? Ce n’est qu’un combat !
Continuons le 1er mai !
Consterné je suis ! Con, je suis !
Concerné, je suis ! Con, je suis de suivre les complices !
Complice, suis-je de suivre ?
Mais je ne suis pas con, tu n’es pas con, nous sommes historiques !
Bien sûr…