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France - Le chercheur Adlène Hicheur, toujours en détention sans jugement !

samedi 19 février 2011, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 19 février 2011).

Article d’Indépendance des Chercheurs :

http://science21.blogs.courrierinte…

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Le 19 février 2011, c'est le 498ème jour de détention sans jugement pour le physicien français Adlène Hicheur. Notre collègue se trouve mis en examen depuis octobre 2009 pour « avoir participé, via le réseau internet, à des discussions avec un responsable de l'organisation Al Qaïda au Maghreb islamique ayant pour objet l'implantation d'une unité active en France dans le but d'y commettre des attentats et des assassinats ». Avec quelles preuves ? Et pour quelle raison le jugement se fait-il attendre depuis si longtemps ? Le chef d'accusation ayant été rappelé dans ces mêmes termes par un arrêt de la Cour de Cassation de novembre dernier sur la légalité de la garde à vue, il y a lieu de se demander quel peut être concrètement l'objet d'une détention prolongée sans jugement (à la prison de Fresnes) qui dure déjà depuis plus de seize mois. Soit les discussions par internet imputées à Adlène Hicheur avaient vraiment cette nature, soit tel n'est pas le cas. Le Comité International de Soutien à Adlène Hicheur (CISAH) fait valoir qu'aucun élément concret et objectif n'est venu justifier une telle détention. L'avocate du chercheur, Dominique Beyreuther, qui dénonce depuis longtemps un dossier vide de contenu, estime que « depuis la garde à vue, on n’a pas avancé d’un iota ». De surcroît, la procédure pénale actuelle est maintenue alors même que la Cour de Cassation reconnaît que la garde à vue d'Adlène Hicheur avait violé les stipulations de la Convention Européenne des Droits de l'Homme en ce qui concerne l'assistance d'un avocat. Pourtant, le 19 février, on trouve sur le site du Sénat un rapport sur l'actuel Projet de loi relatif à la garde à vue qui constate explicitement « une très forte augmentation du nombre de gardes à vue » dans « des conditions matérielles souvent déplorables », et dénonce « un régime juridique reconnu incompatible avec les exigences constitutionnelles et conventionnelles ». Le constat s'avère, malheureusement, très tardif.

 

La Cour de Cassation reconnaît que, dans l'affare d'Adlène Hicheur, la chambre de l'instruction a méconnu les dispositions de l'article 6 § 1 et 6 § 3 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, « d'où il résulte que, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'espèce, et non à la seule nature du crime ou délit reproché, toute personne soupçonnée d'avoir commis une infraction doit, dès le début de la garde à vue, être informée de son droit de se taire et bénéficier, sauf renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat ». Dont acte.

Malgré ce constat, la Cour de Cassation estime que l'arrêt de la chambre de l'instruction « n'encourt pas la censure, dès lors que ces règles de procédure [les nouvelles règles fixées par le Conseil Constitutionnel] ne peuvent s'appliquer immédiatement à une garde à vue conduite dans le respect des dispositions législatives en vigueur lors de sa mise en oeuvre, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique et à la bonne administration de la justice ». Mais quelle « sécurité juridique », et quelle « bonne administration » ? Peut-il valablement exister, dans un Etat de droit, une « sécurité juridique » supérieure aux droits des personnes ? A fortiori dans des affaires de détention et de droit de la défense.

La Cour de Cassation souligne, à propos des nouvelles dispositions évoquées, que « ces règles prendront effet lors de l'entrée en vigueur de la loi devant, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, modifier le régime juridique de la garde à vue, ou, au plus tard, le 1er juillet 2011 ».

Avec tout le respect dû à la Cour de Cassation, comment comprendre un tel considérant décisoire, dès lors qu'il est établi que la garde à vue d'Adlène Hicheur n'avait pas été conforme aux aliénas 6.1 et 6.3 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ?

 

Pour rappel, la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales stipule notamment :

http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/086519A8-B57A-40F4-9...

Article 6

1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.

2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

3. Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ;
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ;
d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
e) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience.

(fin de l'article)

Il s'agit d'un texte ancien, ratifié de longue date par la France et bien connu du monde politique français. Et pourtant...

 

Le 19 octobre 2010, la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) a rendu public l'arrêt Brusco c. France qui conclut à la violation de l'article 6 de la Convention pour un détenu gardé à vue et interrogé en l'absence de son avocat. Voir notre article :

Garde à vue et avocat : la France, condamnée par la CEDH

Deux mois et demi plus tôt, le 30 juillet 2010, le Conseil Constitutionnel français avait rendu une décision (n° 2010-14/22 QPC) :

http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutio...

avec de nouvelles dispositions modifiant les règles en vigueur en matière de garde à vue, mais repoussant au 1er juillet 2011 leur entrée en vigueur d'office.

Pourtant, non seulement le texte de la Convention Européene des Droits de l'Homme est clair, mais la Cour Européenne des Droits de l'Homme avait encore rendu le 27 novembre 2008 un arrêt (Salduz c. Turquie) sur le même sujet. Le communiqué de presse du même jour du Greffe de la Cour précise notamment :

http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?action=html&am...

(...)

La Cour estime que, pour que le droit à un procès équitable consacré par l’article 6 § 1 demeure suffisamment « concret et effectif », il faut, en règle générale, que l’accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d’un suspect par la police, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l’espèce, qu’il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit. Même lorsque des raisons impérieuses peuvent exceptionnellement justifier le refus de l’accès à un avocat, pareille restriction – quelle que soit sa justification – ne doit pas indûment préjudicier aux droits découlant pour l’accusé de l’article 6. Il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d’un interrogatoire de police subi sans assistance possible d’un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation.

(...)

La Cour observe par ailleurs notamment que la cour de sûreté de l’Etat a fait de la déposition livrée à la police par l’intéressé la preuve essentielle justifiant sa condamnation, malgré la contestation par le requérant de son exactitude. Pour la Cour, il est clair que le requérant a été personnellement touché par les restrictions mises à la possibilité pour lui d’avoir accès à un avocat, puisque aussi bien sa déclaration à la police a servi à fonder sa condamnation. Ni l’assistance fournie ultérieurement par un avocat ni la nature contradictoire de la suite de la procédure n’ont pu porter remède au défaut survenu pendant la garde à vue.

(...)

(fin de l'extrait du communiqué du Greffe de la CEDH)

 

Suit l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 9 novembre 2010 sur la situation d'Adlène Hicheur

Source : Légifrance

http://www.legifrance.com/affichJuriJudi.do?oldAction=rec...

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 9 novembre 2010
N° de pourvoi: 10-83204
Non publié au bulletin Rejet

M. Louvel (président), président
SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

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