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Communicant exceptionnel, figure historique de mai 68, Daniel Cohn-Bendit jouit d’une aura certaine au sein de la gauche. Est-il pour autant encore un homme de gauche ? A le lire, on peut en douter.
Aujourd’hui, Daniel Cohn-Bendit donne le la du groupe des verts au niveau européen. Le 7 juin, il conduira en France une liste environnementaliste, sur laquelle figure notamment José Bové, ex-dirigeant de la confédération paysanne, ex-opposant au Traité de Lisbonne, ex-candidat de la gauche de gauche à la présidence française et qui le 27 mars dernier déclarait encore qu’écologie et capitalisme étaient incompatibles.
José Bové n’a manifestement pas lu ce qu’a écrit Daniel Cohn-Bendit et notamment dans un livre intitulé « Une envie de politique » qu’il publia en 1998 aux éditions La Découverte. On peut y lire : « Je suis pour le capitalisme et l’économie de marché ».
Soit, il serait possible selon certains (dont je ne suis pas) d’être de gauche ET partisan du capitalisme : le capitalisme pour produire des richesses et la gauche pour les répartir justement. Seulement, on lit encore dans le même livre « Si Renault peut produire moins cher en Espagne, ce n’est pas scandaleux que Renault choisisse de créer des emplois plutôt en Espagne » [1], ainsi que « Il faut admettre que les machines travaillent sept jours sur sept, donc admettre le travail du week-end » ou encore « J’ai toujours été hostile aux horaires obligatoires d’ouverture des magasins ». Là, cela ressemble franchement à un discours de droite, non ?
Et en matière d’enseignement, où en est l’ancien leader étudiant ? Il écrit dans le même opus qu’il n’est pas opposé à l’appel aux fonds privés pour les établissements scolaires afin de créer de « véritables joint-ventures avec les entreprises » et ajoute que « naturellement, l’industrie participerait aussi à la définition des contenus de l’enseignement, contrairement à ce que nous disions en 1968 ». Ici encore, cela ne "tire pas vraiment à gauche".
Concernant un autre cheval de bataille de la gauche, les services publics, outil de solidarité central pour une politique de gauche, que dit Cohn-Bendit ? Dans son livre, il écrit : « Je suis très ferme sur le déficit public. Par principe, tout écologiste conséquent doit être pour une limitation des dépenses publiques. » et dans Libération, le 6 janvier 1999 il déclare « Des services comme le téléphone, la poste, l’électricité n’ont pas de raison de rester dans les mains de l’État. (…) Il n’y a pas de raison qu’il existe un service public de télévision. ».
Certains voudraient aujourd’hui faire croire que l’écologie peut s’exonérer du clivage gauche-droite, qu’elle serait "au-dessus". L’expression est jolie mais elle cache mal une conversion croissante aux thèses néo-libérales. À lire Daniel Cohn-Bendit, on se dit que "au-dessus" veut dire pour certains écologistes "avec ceux d’en haut". Dès lors, je le dis sans fard, si ECOLO est au-dessus, moi, je suis "en-dessous", de gauche et en-dessous.
Note [1] : En septembre 2000 à Jouy-en-Josas, invité de l’Université d’été du MEDEF (les patrons français), tout un symbole, il déclarait : « Votre question "le capitalisme est-il moral ?" ne m’intéresse pas. Arrêtez ! Laissez ça aux curés ! Le souci des capitalistes, c’est de gagner et ils ont raison. »