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La démocratie version OTAN
Une fausse problématique, un dilemme inédit, est imposée par les « révolutions arabes », version bombardiers de l’OTAN. Être contre c’est soutenir le pouvoir en place ou, ce qui est pire, préférer voir ce pouvoir réprimer dans un bain de sang le soulèvement populaire. Ce qui exige d’être pour, quitte à ce que l’OTAN détruise le pays, tue « collatéralement » le même nombre de personnes ou plus, instaure un chaos encore plus meurtrier et installe ses fantoches au pouvoir. Ou se trouver dans la situation de l’âne de Buridan paralysé entre les deux alternatives. Ceci va sans dire que l’écrasante majorité des médias, nous ne disons pas de l’opinion, a pris fait et cause pour une « démocratisation » assistée, quel que soit le prix à payer. Cette presse atypiquement engagée, pourrait-on dire, ouvre de préférence ses colonnes à une opposition bien choisie, comme il se fait dans les pages de certains quotidiens nationaux, où on peut lire des appels explicites et insistants à la « communauté internationale », d’hommes politiques, de journalistes et d’intellectuels qui ne cachent plus leurs espoirs de se « faire aider » de cette façon. Sans qu’ils expliquent pour autant en quoi cette « aide » consiste. L’argumentation qui soutient ces appels prétend que ce serait la solution la plus efficace et la plus économique en termes de coûts humains. La démarche est menée avant même qu’on ait vu le moindre soupçon d’un soulèvement populaire politique. C’est comme si, notons-le, il y a volonté de se placer par anticipation. En fouillant à peine, on s’aperçoit que la majorité des pro ingérence font partie des couches émancipées de la société et de cercles proches du pouvoir et dont les aspirations sont contrariées par leur très faible ancrage social. L’objectif le plus apparent étant de se hisser aux commandes du pays, sans plus de visibilité sur les revendications porteuses que les poncifs habituels et multifonctions, justice sociale, droits de l’homme et tutti quanti. A ce propos, la grande publicité dont jouissent les tenants de cette position dans la presse internationale et l’écho qu’ils trouvent auprès des chancelleries occidentales, ont fait naître l’irrépressible théorie du complot. En face, c’est un peu plus compliqué. Ceux qui sont hostiles à l’intervention étrangère, le sont au nom de l’anticolonialisme et selon le principe que c’est une nouvelle forme prise par l’impérialisme, qui trouve désormais à s’appuyer sur une demande intérieure. Ce courant est très diversifié et non coordonné. Il est constitué selon un spectre qui va du nationalisme le plus virulent à l’extrême gauche marxiste, en passant par les différentes nuances de patriotisme. Au sein et autour du pouvoir, la tendance qui domine est plutôt celle, apeurée, qui cherche à composer avec les grandes puissances capitalistes, à couper l’herbe sous les pieds des « démocrates » new look (encore très minoritaires), tout en gardant un œil plus ou moins vigilant sur le thermomètre social. L’une des concessions faites à ces puissances est de tolérer ce qui relève, selon les lois de tous les pays, du crime d’intelligence avec l’étranger. Mais ceci n’est plus un délit depuis les précédents Afghan, Irakien et Libyen. Pour finir, une seule question n’est pas du tout posée : de quelle démocratie auraient besoin ces peuples dont on parle tant ? C’est la seule problématique qui devrait démocratiquement valoir, mais la libération des peuples intéresse-t-elle vraiment les dieux du marché ? La réponse se trouve dans le traitement réservé aux Palestiniens.
Par Ahmed Halfaoui