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Nyotaimori - à table sur une femme nue

vendredi 30 septembre 2011, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 30 septembre 2011).

http://sexes.blogs.liberation.fr/ag…

Libé le 28/09/2011 à 12:04

A la fin des années 80 au Japon, les hommes d’affaire se mettent à table sur une femme nue, si possible vierge, pour manger des sushis sur son corps. Cette pratique érotico-culinaire, le nyotaimori, maintenant disparue du Japon, a été adaptée aux Etats-Unis sous une forme pudibonde, faussement chic et complètement dénuée de ce qui lui donnait son sens véritable.

Au plus fort de la bulle économique, ne sachant plus comment dépenser leur argent, les Japonais ont créé le nyotaimori : un corps-table décoré de poissons crus, d’algues et de fleurs sur lequel ils pouvaient picorer de leurs baguettes tout en négociant des contrats… et en parlant de sexe. Cette pratique défoulatoire, en apparence ultra-machiste, consistait pour l’essentiel à tester la capacité de résistance d’une femme, livrée aux regards et aux baguettes comme un saint jeté dans la cage aux fauves… Les clients appréciaient que cette femme soit "pure", afin que le contraste rende plus sublime encore sa prestation : une vierge impassible recouverte de fange, tenant tête aux hommes, capable de rester impassible en dépit de tout… Tel était le sens profond du nyotaimori : une épreuve.

Créateur en 2005, d’un service de "body-sushi" à domicile, l’Américain Steve Gagnon perpétue en Floride cette tradition culinaire coûteuse et extravagante, qu’il a si totalement édulcoré qu’elle en a perdu tout son sens. Ses clients sont essentiellement des entrepreneurs, qui pour agrémenter leur repas d’affaires sont prêts à payer le prix fort afin de déguster la chair crue de poisson sur la peau nue d’une top-modèle. Allongée, impassible, celle qui sert de support à cet étrange festin ne doit pas bouger d’un cil alors que les invités se servent sur ses cuisses, son ventre et autour de son pubis…

« Au Japon, les modèles étaient entièrement nues, avec des pétales posées sur la pointe des seins, et les clients prenaient les sushis à même leur épiderme, explique Steve Gagnon. Moi je fais porter un G-string à mes modèles, et je pose les sushis sur des feuilles de bananier afin d’en conserver la fraicheur. » Il s’agit d’éviter les fautes de goût. Soucieux des conventions (puritanisme et respect de la femme), Steve Gagnon présente le nyotaimori comme une performance artistique, synonyme de luxe et de volupté… ce que les photos sur son site démentent quelque peu.

A l’origine, le nyotaimori n’a pourtant rien d’artistique. Une légende tenace l’associe même au milieu de la pègre. S’inspirant de cette rumeur tenace selon laquelle le nyotaimori aurait été créé après-guerre par les yakuzas pour des fêtes privées, certains hommes d’affaire au Japon considèrent ce genre d’amusement d’un oeil envieux : tellement "mauvais genre". Dans les années 80, ceux qui rêvent de pouvoir imiter les voyous, se conduire mal et s’encanailler profitent donc des enveloppes gonflées de l’entreprise ("pour les frais de restaurant") et s’offrent, ainsi qu’à leur client, une soirée exotique : nyotaimori-party.

En 1998, quand la journaliste Rebecca Smith enquête pour Marie-Claire USA sur cette étrange pratique, elle découvre, horrifiée, l’envers du décor (qu’elle s’applique à rendre peut-être bien plus noir qu’il n’est en réalité, féminisme à la Marie-Claire oblige) : à l’en croire, plus ils boivent du sake et plus les clients semblent perdre leur retenue. Dans les stations thermales qui offrent encore ce genre de distraction, les filles recrutées pour servir d’hôtesses sont appelées avec dérision « onsen geisha » (geisha de pacotille, geisha de sources chaudes). L’une d’entre elle témoigne : « Ils font toujours des remarques indécentes, comme si je ne pouvais pas les entendre. Ils font des commentaires sur la forme de mes seins ou de ma bouche, ou bien ils se vantent de la façon dont ils pourraient me satisfaire sexuellement. Une fois, un vieux dirigeant d’entreprise de Tokyo a voulu enfoncer ses baguettes dans mon sexe. » Mayunii, âgée de 24 ans, affirme même que certains clients sont tellement avinés qu’après l’avoir abreuvée de moqueries humiliantes, pour le seul plaisir de la voir frémir, ils finissent parfois par vomir… en l’éclaboussant.

Il faut des nerfs d’acier pour servir de support aux sushis et aux yeux. « Il ne faut pas bouger d’un pouce pendant au minimum deux heures, explique Steve Gagnon. La plupart des gens croient que c’est facile : « Oh, je n’ai qu’à rester allongée pour gagner de l’argent ». En réalité, on doit plonger dans une sorte d’état second ou entrer en méditation pour pouvoir tenir aussi longtemps. » Au Japon, à en croire la journaliste Rebecca Smith, les hôtesses de nyotaimori se soumettent à une préparation très stricte. L’entraînement consiste à placer six oeufs sur l’apprentie onsen geisha. Etendue, elle reste figée pendant quatre heures sans que les oeufs ne bougent. Pour tester sa résistance, on fait ensuite tomber des glaçons au hasard sur son corps. Si un seul oeuf glisse, le chronomètre est remis à zéro et l’épreuve reprend depuis le début. « C’est à cause de cette obligation de rester indifférentes aux écarts de conduite des clients que les directeurs d’établissement, lorsqu’ils recrutent des geishas de nyotaimori, cherchent des jeunes filles très patientes, explique Rebecca Smith. Certains ne choisissent que des filles de groupe sanguin A, les personnes de ce type ayant, dans la société japonaise, la réputation d’être sereines (celles du groupe B sont considérées comme ambitieuses, du groupe 0 comme dominatrices et les AB comme des intellectuelles). Il y a aussi un autre critère : la geisha doit être vierge car seule une fille à l’hymen intact possède la pureté intérieure exigée. » C’est peut-être cela qui fait tout son prix finalement : l’esthétique du vide parfait. L’hôtesse de nyotaimori doit rester pure au milieu des choses crues, détachée de ce corps qu’elle donne littéralement à manger.

Avant chaque repas, elle passe d’ailleurs 90 minutes à se nettoyer, avec une minutie maniaque. Pas un centimètre de peau qui ne soit ponçé. Son corps, l’équivalent d’une vaisselle fine, doit briller comme la porcelaine. Les jambes et les aisselles sont soigneusement épilés à la cire. Les poils pubiens taillés ou rasés. Près d’un bain chaud à 45°, l’hôtesse se frictionne d’abord vigoureusement avec une éponge et un pain de savon non parfumé. Ensuite, elle frotte son corps avec un sac de lin rempli de son – le nukabukuro – afin d’éliminer les peaux mortes. Opération suivie d’un autre frottage, cette fois-ci avec un luffa. La toilette se termine par une douche glacée, pour couper la transpiration. Les déodorants et les crèmes hydratantes sont prohibés. Ils pourraient altérer la saveur des sushis. Dans certains onsen (auberges situées dans les stations de sources chaudes), les jeunes filles sont même tenues à la diète, afin que la température de leur corps, en état d’hypocalorie, reste basse, et boivent des thés spéciaux qui donnent, paraît-il, une suave odeur à leur peau. Quand le onsen a du succès, l’hôtesse de nyotaimori doit assurer plusieurs services de suite, chacun précédé par la même toilette maniaque, à l’aide d’une solution de pur jus de citron vert mélangée à du sel gemme, pour enlever les odeurs de poisson… Rien n’est laissé au hasard. Le nyotaimori se déroule d’ailleurs dans des salles à l’ancienne, au minimalisme radical : tatami et cloisons coulissantes. Une calligraphie - parfois une estampe ou une fleur - orne sobrement l’alcôve, en guise d’unique décoration. Allongée directement sur le sol, ses cheveux déployés en éventail, la jeune fille, yeux ouverts, fixe le plafond et rentre profondément en elle-même afin de se soustraire au bruit des conversations… qui, inévitablement, vont tomber sur elle, accompagnée de commentaires plus ou moins égrillards.

Comme s’il fallait stimuler la libido des clients, les sushis ne sont pas déposés au hasard sur son corps. Connu pour améliorer les performances sexuelles, l’anago (congre) est placé près du pubis, de même que le poulpe (tako) aux tentacules suggestives ou les coquillages (kai) qui sont l’équivalent chez nous de la « moule ». Certains sushis aux vertus aphrodisiaques comme les gonades d’oursins (uni) préparés avec un oeuf de caille cru trouvent parfois même leur place entre ses cuisses. Les œufs de saumon (ikura) qui symbolisent la force de caractère sont placés, eux, près du cœur. Il existe en Japonais un mot très important pour comprendre cette forme d’érotisme étrange qui consiste à réduire une femme à l’état d’objet et à tester son endurance : gaman. Gaman signifie qu’on supporte bravement l’épreuve. Dans cette culture qui repose sur le contrôle de soi, le nyotaimori relève presque du concours de gaman. C’est une épreuve d’art martial. Et pour les clients, une magnifique démonstration de stoicisme. Quand ils quittent la salle, tout aussi alcoolisés qu’ils soient, la plupart d’entre eux remercie la jeune fille d’avoir su garder, au milieu du désordre, la dignité impassible et souriante d’un Bouddha.

Service de « Body sushi » en Floride, créé par Steve Gagnon :

http://www.bodysushiexperience.com

Nyotaimori à New York : une chaîne créée par Leonard Phillips :

http://www.nyotaimori-ny.com

Plus d’infos ici :

http://www.japanfortheuninvited.com…

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