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Printemps arabe - Le peuple veut donc… le chaos !

lundi 9 janvier 2012, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 9 janvier 2012).

Article proposé et traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal

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Par Rafic Nasrallah - 07 /01/2012

Gandhi disait : n’entreprenez rien avant que le soleil ne soit bien visible… Or, il en est autrement dans notre monde arabe, puisque tous se mettent à crier avant la prière de l’aube ! Témoin en est la dernière déclaration d’un homme qui dit prier 10 fois par jour comme certains le préconisent. Cet homme est Mustapha Abdul Jalil qui, sans complexes, nous prédit maintenant que la Libye se dirige vers la guerre civile !

En effet, Misrata (en Libye), éreintée et sous l’emprise de 14 milices se disputant le pouvoir, s’est teintée de gris ainsi que les rêves de beaucoup ! Les combats font rage dans la région de Bin Ghashir entre ceux-là mêmes qui ont achevé d’éliminer sans pitié l’ancien régime, mais qui voudraient bien connaître la suite et surtout la réponse à l’une de leurs questions : « Pourquoi nous invitez-vous à nous diriger vers la Syrie ? ». Par conséquent, nous y voilà, il s’agit bien de la guerre civile promise … l’alternative attendue aux promesses répétées par des « révolutionnaires » arrivés sur les bateaux de l’OTAN… une fois leurs dernières danses macabres achevées, et après avoir fait irruption dans Tripoli, en pleine obscurité, en compagnie de troupes allemandes, françaises, et qataris.

En Égypte, la place Tahrir semble désormais souffrir d’une vieillesse précoce. La foule s’est lassée après un va et vient incessant. C’est désormais la « confrérie » qui décide de la situation : « La place nous appartient, ceux qui se sentent lésés n’ont qu’à adresser leurs réclamations aux tribunaux… » ! Wael Ghoneim a cédé la place aux fatwas de Yussuf al-Qardawi et aux lumières du parti salafiste ! Cependant, en secret, certains vont jusqu’à reconnaître que le chaos, qui ira sans doute en s’accentuant dans les six mois prochains, est sans précédent et autrement plus grave que celui qu’a connu le pays avant la Révolution de 1952, à la veille du célèbre incendie du Caire. Un chaos qui pourrait aboutir à une semi-guerre civile sur plus d’un front : entre Coptes et Musulmans, entre Frères Musulmans et Salafistes, entre Soufistes et Salafistes, entre islamistes qui refusent tout partenaire dans l’exercice du pouvoir et ce qui reste de libéraux qui se retrouvent exclus d’un tel paradis ; pendant que le peuple égyptien est distrait par la mise en scène d’une série interminable relatant les péripéties d’Hosni Moubarak, de ses enfants, et de ses collaborateurs !

Au Yémen, c’est la guerre civile ouverte, l’armée est divisée, les tribus du Nord sont en guerre contre les tribus du Sud, la mort s’invite dans les coins et les recoins, sans aucun espoir que tout ceci s’arrête, les poignards toujours à la taille des yéménites, certains étant désormais empoisonnés. Et c’est cette situation surréaliste, offrant ces mêmes possibilités, que certains voudraient voir s’installer en Syrie en ce mois de janvier ! Autrement dit, une division de l’armée suivie d’une guerre civile qui devrait se disséminer dans toutes les directions avec l’espoir qu’elle atteigne le Liban, qui n’attendrait qu’une étincelle pour s’embraser. De fait, le sang syrien coule dans de nombreuses régions du pays et les terroristes sont arrivés de toutes les directions à la fois !

Nous sommes donc obligés de constater que ce peuple qui a voulu un simple changement de régime, se retrouve aux portes de guerres civiles ouvertes, exactement comme cela a été planifié par les néoconservateurs et tous ceux qui se sont occupés à dessiner et à promouvoir les nouvelles cartes de cette région du monde, dont on ne peut plus dire si elle correspond à l’Ancien ou au Nouveau Moyen Orient. Ceci, sans oublier, les pays arabes qui se sont stupidement et clairement compromis en soutenant et en alimentant toutes sortes de discordes pouvant bouleverser la géographie de leur propre région, main dans la main avec et sous les ordres des Américains, comme s’ils pouvaient échapper aux conséquences de leurs actes alors qu’ils sont, par essence, démunis des fondements et des constitutions à la base de la formation des États ! Ce qui fait sourire le Ministre des Affaires Étrangères Qatari, Hamad Ben Jassem, disant : « N’ayez pas peur pour nous » ! Sans oublier, non plus, l’Irak qui subit ce qui lui a été programmé pour l’« après » retrait américain à travers les véhicules de la mort revenus pour faire couler le sang, afin de le ramener dans un tourbillon destiné à consacrer sa partition en trois états [kurde, sunnite, chiite] et donc, en une géographie piégée voulue par les Américains.

Mesdames et Messieurs, vous qui hurlez : « le peuple veut… », donnez-nous un bon exemple de ce qui pourrait être aujourd’hui un État réellement démocratique. Est-ce la Tunisie ? Traduit-elle, désormais, les aspirations des Tunisiens avant-gardistes et des vrais libéraux qui ont cherché à renverser l’état policier inflexible ? Aux révolutionnaires tunisiens de répondre. A eux de nous dire aussi, si la déclaration de Ghannouchi sur la question palestinienne, qui ne serait plus l’une des priorités sur l’agenda du nouveau gouvernement, correspond aux rêves de tous. Ou bien, est-ce la Libye écartée de ses causes arabes, de ses dossiers concernant un progrès pour tous, et de la création d’un gouvernement civil ? Ou alors, est ce le Yémen devenu une sorte d’Émirat à la faveur duquel la réalisation la plus remarquable n’est autre que la polygamie ?

Est-ce que l’initiative des pays du Golfe, au Yémen, est une alternative pour un peuple qui a gardé en mémoire la conscience de ses affiliations nationales et patriotiques tout en aspirant à entrer dans la modernité depuis 1961, année de la Révolution de Abdullah al-Sallal ? Est-ce que la carte de l’Irak avant puis après le retrait américain peut répondre aux ambitions de ce peuple qui, depuis la première guerre du Golfe, a déploré plus d’un million de tués ? Est-ce que les assassinats auxquels nous assistons dans la rue syrienne, le bombardement des installations, la perturbation des institutions, le ciblage des écoles et des universités, le rapt et la torture de personnes innocentes, correspondent aux écrits de Burhan Ghalioun qui nous a donné la migraine depuis plus vingt ans, avec ses exposés sur l’État moderne et ses composantes, sans oublier ses Frères Musulmans qu’il décrit comme des monstres qui veulent manger au palais !?

Telles sont les démocraties promises sur les décombres communautaristes, sectaires, et ethniques… Telles sont les guerres virtuelles menées par les médias pour que les ambitions du peuple restent du domaine de l’illusion alors que la rue se colore du sang répandu au fil des jours. Tels sont les labyrinthes qui ont permis la perte de ce qui restait de l’élite culturelle et politique au niveau de cette carte arabe où les rôles de l’intelligentsia sociale et politique ont pratiquement disparu, au profit d’une force islamiste qui a réussi à manigancer un accord historique dont les États-Unis ne pouvaient même pas rêver, comme elle a réussi à saisir le pouls de la rue en l’absence de toute autre alternative disponible pour diriger le mouvement vers le changement souhaité, mouvement apparemment arrivé trop vite et appréhendé avec une certaine suspicion.

Que se passe t-il donc suite à un changement de régime ? Rien ! Rien que des guerres cartographiques étriquées, des guerres d’ambitions limitées, des guerres ethniques, culturelles, et religieuses… S’il en est autrement, présentez-nous une autre alternative !

Rafic Nasrallah
07 /01/2012

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