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Xavier Mathieu, Un homme en colère

mercredi 2 septembre 2009, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 2 septembre 2009).

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Un homme en colère

portrait

Xavier Mathieu. La lutte des « Contis » de Clairoix a révélé le bouillant délégué CGT, 44 ans, qui défie aussi la direction de son syndicat.

AUDREY GARRIC

Xavier Mathieu, délégué CGT du site Continental de Clairoix

« Salut, vous êtes sur le portable de Xav’, un des 1120 futurs chômeurs de chez Continental. Ben j’suis pas là. Laissez un message. » Tout y est, dans ces quelques notes de répondeur. Le ton gouailleur, la voix assurée, le langage franc. Xavier Mathieu, on a l’impression de le connaître depuis longtemps. Sans doute parce que d’entrée, il tutoie. Et pose sur vous ce regard engageant, un chouia malicieux, qui fait frissonner les femmes et enhardit les hommes. Il faut dire, aussi, que depuis six mois il est abonné aux manchettes des journaux. Un jour meneur de lutte des « Contis » de Clairoix, une autre fois prévenu au tribunal de grande instance (TGI) de Compiègne, ou encore délégué CGT qui fait trembler Bernard Thibault et consorts. L’homme est entier mais aussi multiple.

S’il y a un bien une chose que ne conçoit pas Xavier Mathieu, c’est qu’on veuille le ranger dans une case. Quand on tente de lui coller l’étiquette Lutte Ouvrière ou Nouveau Parti Anticapitaliste, il voit rouge. Non qu’il ait une dent contre l’extrême gauche. Au contraire. Mais il craint de se sentir « parqué ». Dit vouloir rester un « électron libre ». « Attention, je ne suis pas une girouette. J’ai des idées », tient à préciser l’admirateur de José Bové, qui vote Verts à chaque scrutin. Seule exception : aux élections européennes, il a glissé un bulletin Lutte Ouvrière dans l’urne pour remercier Roland Szpirko, ancien élu régional LO de l’Oise, devenu son mentor lors du conflit chez l’équipementier automobile. « J’ai demandé qu’on l’appelle dès la fermeture de l’usine, le 11 mars, car il avait mené une lutte exemplaire avec les Chausson dans les années 1990. Tout seul, je ne me sentais pas capable de faire face au conflit », avoue Xavier Mathieu. Et d’égrener les « bonnes décisions » prises grâce à celui qui est devenu un ami : mise en place d’un comité de lutte, « AG » chaque jour, manifs à Paris et à Hanovre ou encore prime de 50000 euros par salarié.

Lutte Ouvrière qui fricote avec les ouvriers, ce n’est pas du goût de la CGT. Encore moins quand Olivier Besancenot, leader du NPA, s’affiche dans les manifs des Contis alors que Bernard Thibault ne s’est pas déplacé. Pendant quatre mois, Xavier Mathieu ronge son frein. Le divorce est consommé le 17 juillet. Avec six collègues, le délégué comparaît pour avoir, le 21 avril, saccagé la sous-préfecture de l’Oise à Compiègne aux côtés de 200 salariés furieux de la fermeture de leur usine. « Thibault a refusé de demander notre relaxe. La seule réponse qu’on a eue, c’est que la CGT ne soutient pas les voyous », fustige Mathieu. Le 17 août, au micro de France Info, il se lance dans une violente diatribe contre sa hiérarchie : « Les Thibault et compagnie, c’est juste bon qu’à frayer avec le gouvernement, à calmer les bases. Ils servent juste qu’à ça, toute cette racaille. » Deux semaines plus tard, la colère n’est pas retombée. Comme un boxeur qui monte sur le ring, il a préparé une définition du mot racaille (« un élément méprisant dans une organisation »), en rajoute une couche (« c’est un parasite »), annonce qu’il pourrait rendre sa carte si Thibault est réélu lors du congrès de la CGT en décembre. Puis le visage se relâche et le ton change. Naïf : « Je ne pensais pas que mes propos auraient un tel poids. » Provocateur : « L’interview de France Info, je l’ai réalisée devant le match PSG-Montpellier. » Inquiet : « Comment ont réagi les secrétaires fédéraux ? » Mathieu vient en tout cas d’enregistrer un premier retour de bâton : il est déprogrammé de la Fête de l’Huma, le 12 septembre.

Ses sorties intempestives ont fait sa réputation. Sa compagne Florence, jolie brune d’origine vietnamienne, institutrice dans l’Oise où vit le couple, confirme qu’« il a la langue plus rapide que son ombre ». Avant de confier : « Il se prend facilement la tête avec les gens, même s’il sait reconnaître ses erreurs. » Ces derniers mois, Xavier Mathieu a beaucoup appris. A commencer par s’accepter tel qu’il est. « C’est plus fort que moi, je dis les choses et je réfléchis après. Mais avec les responsabilités, j’ai eu très peur de me tromper. Cela a dû me rendre moins arrogant. » Une mutation qu’a perçue Fabrice Queniez, délégué CFDT de l’usine : « Avant, il s’emportait à tout-va, foutait toutes les réunions en l’air. Pendant le conflit, j’ai découvert un bonhomme plus réfléchi. »

Sa grande gueule, Xavier Mathieu la tient de son père, un Auvergnat qui pose ses valises à Tracy-le-Val (Oise) en 1968, pour gérer un chantier de charbon. « C’était l’emmerdeur public numéro 1 », s’amuse le fiston. Les Mathieu auront quatre garçons en trois ans et demi, des jumelles huit ans plus tard et une petite dernière, aujourd’hui âgée de 23 ans. Xavier, 44 ans, est le quatrième rejeton de la famille. Son père lui transmet le goût du militantisme écolo ; sa mère, des valeurs religieuses qui désarment ceux qui croisent sa route. L’air sérieux, il s’interroge : « Si Jésus revenait sur la Terre, je me demande de quel côté politique il serait. » La religion et la politique, pour lui, c’est du pareil au même : il refuse de s’adonner à un culte en particulier. Prie juste une force supérieure afin « d’être guidé ».

Petit, Xavier n’aime pas l’école, incapable de rester assis ou de se taire. A 16 ans, il obtient un peu par hasard un CAP de boucher. De la même façon, il entre sans trop réfléchir chez Continental sept ans plus tard, comme confectionneur. Premier souci à l’atelier : la direction veut augmenter les cadences. Le jeune homme, pas encore encarté, rouscaille. On l’invite à rejoindre la CGT. Mais le premier gros combat de la centrale, en 1994, il le manque en raison d’un arrêt de travail. « Je m’étais écrasé la main dans une machine. J’ai vécu les trois semaines de grève chez moi, regrette-t-il. Ça a été dur. » Alors, le 11 mars dernier, il ne manque pas l’occasion de se rattraper. Au point de s’investir corps et âme dans la lutte. « Au début, je ne dormais que trois heures par nuit. Je marchais au Lexomil, raconte-t-il. J’ai perdu six kilos. » La carapace du dur à cuire abrite un « bileux », comme il se qualifie.

A Port-la-Nouvelle (Aude), où ses parents possèdent une petite résidence secondaire, il tente d’oublier les quatre mois de lutte en pêchant, « la seule activité pour laquelle je peux rester assis des heures ». Il ressent un vide. Pas lié à l’absence des caméras ou à la peur de retomber dans l’ombre. Non, ce sont les copains qui lui manquent, avec lesquels il a vécu sa « plus belle histoire » - après la naissance de ses trois enfants. Et de se remémorer la virée à six Contis, le 31 juillet à Châtellerault, pour soutenir les New Fabris. « Le putain de pied qu’on a pris ! », s’exclame-t-il, les yeux brillants.

Xavier Mathieu dit ne rien regretter mais espère ne pas payer trop cher son exposition. Son prochain combat : retrouver un boulot. Peut-être dans l’environnement. A la question d’un éventuel engagement politique ou syndical, il retrouve sa verve. « Les calculs et la langue de bois, c’est pas dans ma nature, s’emporte-t-il. Et avec le temps, tu fais le tri dans les combats. » Première échéance : le jugement du TGI de Compiègne, demain. Le bagarreur est plutôt serein. Mais ajoute : « Ma maman m’a toujours dit : "C’est la vie qui te mate". »

Xavier Mathieu en 7 dates :

15 mai 1965 Naissance à Paris XIVe.

1988 Embauché à l’usine Continental de Clairoix (Oise).

11 mars 2009 La fermeture de l’usine est annoncée.

21 avril Saccage de la sous-préfecture de Compiègne (Oise).

25 juin Fin du conflit. Chaque salarié licencié reçoit 50 000 euros.

17 août Traite Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, de « racaille ».

1er septembre Jugement du tribunal de Compiègne, sur le saccage de la sous-préfecture.

2 Messages de forum

  • Xavier Mathieu, Un homme en colère 2 septembre 2009 11:48

    L’article est un portrait sympatique de Xavier Mathieu trouvé sur Libé.

    Xavier Mathieu est le leader principal de la lutte des ouvriers de Continental qui ont pu obtenir une prime supplémentaire de 50 000 € pour leur licenciement.

    Le 17 août, à France Info, Xavier Mathieu se lance dans une violente diatribe contre la hiérarchie syndicale : « Les Thibault et compagnie, c’est juste bon qu’à frayer avec le gouvernement, à calmer les bases. Ils servent juste qu’à ça, toute cette racaille. »

    Du coup, les apparatchiks du P"C"F l’ont déprogrammé de la Fête de l’Huma du 12 septembre 2009. Réaction très stalinienne s’il en fut. Conclusion : le P"C"F continue à se suicider !

  • Xavier Mathieu, Un homme en colère 2 septembre 2009 12:07

    Par certains aspects, Xavier Matheu de continental en 2009 rappelle fortement Charles Piaget de LIP en 1973.

    En effet, tous deux menèrent une lutte non soutenue par leurs chefs syndicaux, et … tous deux croient en dieu !

    Je me souviens de Krivine dans ses meetings de soutien au combat de LIP en 1973 qui disait : « certes, on ne peut pas dire de Piaget qu’il est un marxiste-révolutionnaire, mais c’est un révolutionnaire tout de même. »

    Une différence notable toutefois : à LIP, les ouvriers se sont emparés de l’usine, et du stock de marchandises (des montres). Ils ont revendu pour leur propre compte le stock de montres à prix réduits afin de financer leur lutte. Puis ils ont redémarré l’usine pour continuerr à produire des montres pour leur propre compte. Et l’Usine LIP n’a PAS fermé !

    La lutte de LIP prouva qu’une usine n’a pas besoin de patron pour fonctionner (chose qu’on savait déjà intellectuellement, mais bon le vérifier en pratique c’est pas mal non plus !). Depuis cela s’est vérifié de multiples fois en Argentine, mais LIP fut précurseur.

    LIP a continué pendant de nombreuses années à fonctionner en autogestion en produisant des montres. Puis elle s’est diversifiée et s’est mise à produire des jouets en bois.

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