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Le premier port antique de Rome enfin retrouvé

lundi 17 décembre 2012

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jeudi 13 décembre 2012, par La Rédaction

Vue aérienne d’Ostie et la position de son bassin portuaire antique colmaté (au 1er plan). Vers la gauche du cliché, le Tibre coule en bordure du Palais impérial. En rouge les sites de carottage.
S. Keay

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Si les archéologues avaient mis au jour les grands monuments antiques d’Ostie, restait à découvrir l’emplacement du port qui alimentait Rome en blé. Grâce à des carottages sédimentaires, ce port « perdu » vient enfin d’être localisé au nord-ouest de la cité d’Ostie, en rive gauche de l’embouchure du Tibre. La stratigraphie révèle également qu’à sa fondation, entre le IVe et le IIe s. avant J.-C., le bassin était profond de 6 m, soit la profondeur d’un grand port maritime. Ces recherches ont été réalisées par une équipe franco-italienne de la Maison de l’Orient et de la Méditerranée (CNRS/ Université Lumière Lyon 2), de l’Ecole Française de Rome et de la Soprintendenza Speciale per i Beni Archeologici di Roma – Sede di Ostia (1) et sont publiées dans les Chroniques des Mélanges de l’Ecole Française de Rome du mois de décembre 2012.

D’après les textes anciens, Ostie a été fondée par Ancus Marcius, le quatrième roi de Rome. L’objectif était triple : donner à Rome un débouché à la mer, assurer son ravitaillement en blé et en sel et enfin, empêcher une flotte ennemie de remonter le Tibre. Les fouilles archéologiques ont montré que le noyau urbain initial (castrum) remonte au plus tôt au tournant du IVe s. et IIIe s av. J.-C. Si les grands édifices antiques et les principales voies ont été progressivement mis au jour, l’emplacement du port fluvial d’embouchure d’Ostie restait inconnu à ce jour. Pour certains, ce dernier était considéré comme un port perdu à jamais. En effet, depuis la Renaissance, de nombreuses tentatives de localisation du port d’Ostie ont été entreprises, sans succès. Il faut attendre les XIXe et XXe siècle pour que des archéologues italiens définissent un secteur au nord-ouest de la ville, proche du Palais Impérial. Au début du XXIe siècle, les archéologues confirment la probable localisation du bassin, dans ce secteur nord, grâce à l’utilisation d’instruments géomagnétiques. Mais il n’y avait toujours pas consensus sur la localisation exacte du port et le débat restait vif.

Une équipe franco-italienne dirigée par Jean-Philippe Goiran, chercheur au laboratoire Archéorient (CNRS/ Université Lumière Lyon 2), a donc tenté de vérifier définitivement l’hypothèse d’un port au nord grâce à un nouveau carottier géologique. Bénéficiant des derniers progrès technologiques, celui-ci permet de dépasser le problème de la nappe d’eau phréatique qui empêchait les fouilles archéologiques traditionnelles de descendre au-delà de 2m de profondeur.

Les carottes sédimentaires obtenues ont ainsi permis de mettre au jour une stratigraphie complète sur une profondeur de 12 m et une évolution en 3 étapes :

1.La strate la plus profonde, antérieure à la fondation d’Ostie, indique que la mer était présente dans ce secteur au début du Ier millénaire av. J.-C.

2.Une strate médiane, riche en sédiments argilo-limoneux de couleur grise, qui caractérise un faciès portuaire. Les calculs donnent une profondeur de 6 m au bassin au début de son fonctionnement, daté entre le IVe et le IIe s. avant J.-C. Considéré jusqu’alors comme un port essentiellement fluvial, ne pouvant accueillir que des bateaux à faible tirant d’eau, le port d’Ostie bénéficiait en réalité d’un bassin profond susceptible d’accueillir de grands navires maritimes ; c’est ce qu’a montré la mesure de la profondeur.

3.Enfin, la strate la plus récente témoigne de l’abandon du bassin à l’époque romaine impériale par des accumulations massives d’alluvions. Grâce aux datations au radiocarbone, il est possible d’en déduire qu’une succession d’épisodes de crues majeures du Tibre est venue colmater définitivement le bassin portuaire d’Ostie entre le IIe s. av. JC et le premier quart de siècle ap. J.-C. (et ce, malgré d’éventuelles phases de curage). A cette période, la profondeur du bassin est inférieure à 1 m et rend toute navigation impossible. Ces résultats sont en accord avec le discours du géographe Strabon (58 av. J.-C. – 21/25 ap. J.-C.) qui indique un comblement du port d’Ostie par des sédiments du Tibre à son époque. Il a alors été abandonné au profit d’un nouveau complexe portuaire construit à 3km au nord de l’embouchure du Tibre, du nom de Portus.

Cette découverte du bassin portuaire d’embouchure d’Ostie, au nord de la ville et à l’ouest du Palais Impérial, va permettre de mieux comprendre les liens entre Ostie, son port et la création ex-nihilo de Portus, commencé en 42 ap. J.-C et achevé sous Néron en 64 ap. J.-C. Ce gigantesque port de 200 ha deviendra alors le port de Rome et le plus grand jamais construit par les romains en Méditerranée.

Entre l’abandon du port d’Ostie et le lancement des opérations de construction de Portus, les chercheurs estiment ainsi que près de 25 ans se sont écoulés. Comment Rome, capitale du monde antique, et première ville à atteindre un million d’habitant, était-elle alimentée en blé durant cette période ? La question se pose à présent aux chercheurs.

(Cnrs, le 07 décembre 2012)

Notes :

(1) Ces travaux ont été également menés en collaboration avec la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme (CNRS/ Aix-Marseille Université), l’Universita Roma 3, la chaire de l’Institut Universitaire de France de P. Arnaud et ont reçu le soutien de l’ANR.

Références :

J.-Ph. Goiran, F. Salomon, E. Pleuger, C. Vittori, I. Mazzini, G. Boetto, P. Arnaud, A. Pellegrino, décembre 2012, "Résultats préliminaires de la première campagne de carottages dans le port antique d’Ostie", Chroniques des Mélanges de l’Ecole Française de Rome, vol. n°123-2.

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