SEITU, tu demandes pourquoi il n’y a pas de grandes manifestations pour soutenir les peuples afghans ou irakiens. La réponse est donnée entre autre par Wilhelm Reich, ce psychiatre marxiste, élève et collaborateur de Freud, qui a réussi à se faire virer à la fois de l’association de psychiatrie parce qu’il était trop politique et du parti communiste parce qu’il était trop psychiatre.
Il a appliqué le marxisme à la psychiatrie. Ses conclusions sont sans appel. D’une part, la révolution industrielle à réussi à faire ce que des siècles de dictatures religieuses n’avait pas réussi à faire : faire adopter par les prolétaires la morale bourgeoise. D’autre part, un homme est grand quand il est capable de croire en lui et d’être ainsi son propre surhomme. Malheureusement, il y a peu de grands hommes, la majorité des gens préférant admirer des pensées auxquelles ils ne comprennent rien comme les mathématiques ou la physique que leur propre pensée. Tout cela implique que la plupart des gens ne sont pas réceptifs à un discours rationnel et lui préfère des fausses promesses. Ceci constitue pour lui la principale raison pourquoi les prolétaires dans les années 30 ont pu soutenir des salauds comme Hitler ou Mussolini, et pourquoi aujourd’hui ils préfèrent des Sarkosy ou des Hollande.
Face à cela, les marxistes, plutôt que de faire des belles théories que personne n’écoutent doivent développer le côté pratique de leurs luttes pour démontrer par l’acte qu’une alternative est non seulement possible mais aussi meilleure. En d’autres termes, des initiatives comme les forums sociaux, les squats ou les centres autonomes sont plus productives que tous les discours de gauche de l’histoire.
Pour Reich, l’homme doit cesser d’être un untermensch qui suit des libérateurs qui se révèlent à l’usage être des dictateurs pour être son propre libérateur. Ils nous invite aussi à cesser d’adorer des dieux personnels pour adorer la nature en essayant simplement de la comprendre.
Si pour Reich les religions organisées sont mauvaises car elles contribuent à aliéner l’homme en lui faisant adorer une pensée extérieure à la sienne. William Prescott a démontré scientifiquement en quoi les tabous religieux contribuent à faire de l’être humain, une créature fondamentalement sociable et emphatique, une créature qui ne maîtrise pas sa violence.
L’être humain est violent, mais il y a un abîme qui sépare une activité comme la chasse chez les peuples de chasseurs-cueilleurs et la guerre chez les peuples de guerriers. Dans le premier cas, cet activité est bénéfique à l’ensemble de la communauté. Dans le deuxième, elle ne bénéficie qu’à une infime minorité, ceux qui vendent les armes, ceux qui financent à la fois les marchands d’armes et les acheteurs, et ceux qui se partagent le butin. Tous les autres sont perdants.
Les causes de la violence humaine non maîtrisée sont au nombre de 3 :
1) La privation sensorielle des nouveaux-nés. Ils ont besoin de preuves physique de l’amour que leur porte leurs parents. Ils ont besoins de tendresse, de câlins, de bisous, de puss o kram comme ils disent en suédois (serrer quelqu’un dans ses bras pour l’embrasser ou lui témoigner de l’affection) , de massages, etc.
2) Le manque de tolérance envers ce qu’il appelle la sexualité pré-maritale. Les ados doivent être libres de découvrir leur sexualité entre eux. Et tous comme les adultes n’ont pas à leur montrer une sexualité d’adultes (c’est le principal problème de la pédophilie et de l’accès des jeunes à la pornographie), ils n’ont pas à les empêcher de découvrir leur sexualité entre eux. Ils peuvent leur procurer des conseils comme de ne pas oublier les capotes, ou leur expliquer que le sexe et la passion ne sont pas synonymes d’amour, mais c’est aux ados de découvrir leur sexualité quand ils en éprouvent le besoin, pas aux parents de la régenter.
3) Les tabous véhiculés par les religions organisées sont l’origine directe des 2 premiers points. Pour démontrer cela, après avoir étudié l’effet des privations sensorielles sur des primates, il a analysé scrupuleusement et méthodiquement les modes de vie de plus d’une centaine de formes de sociétés. Toutes celles qui ont des religions organisées sont violentes, et toutes celles où la religion est une affaire personnelle le sont beaucoup moins. La marge d’erreur de ses calculs est extrêmement faible, de l’ordre de quelques pour mille.
L’étude des dogmes des religions est également très intéressante et trop souvent négligée par les marxistes. Les dogmes de base des religions organisées sont au nombre de deux, le dogme biblique de l’immuable conflit du bien et du mal, et le dogme confucéen de l’union du yin, du yang et de ce qui les unis.
D’apparence contradictoires, ces dogmes permettent néanmoins d’établir les mêmes hiérarchies dans la société. Ils attribuent des qualités surnaturelles aux choses et aux êtres. Elles seraient bien, mal, yin ou yang par essence. Rien n’est moins faux. Les choses sont. Les êtres sont et font. Les êtres supérieurs pensent aussi. Ce qui implique que les êtres supérieurs ont le choix de leurs actions.
Je peux prendre un caillou et te le lancer sur la figure ou l’utiliser pour construire ta maison. Dans le premier cas, je me serais fait un ennemi, dans le deuxième nous pourrons être des amis.
Revenons à nos dogmes. L’attribution de qualités superstitieuses aux choses permet d’établir une hiérarchie entre les dieux, les hommes et le reste de la création. Cette hiérarchie est l’origine de la séparation de l’homme et de la nature, sa seule source de vie. Elle est aussi l’origine de la séparation de l’esprit et de la matière, de l’esprit et du sexe.
Cette hiérarchie est donc à la fois la justification morale de la destruction de notre seule source de vie, la nature, et la justification morale des tabous religieux qui transforment une créature sociable et emphatique en une créature frustrée et incapable de maîtriser sa violence.
Ces dogmes et cette première hiérarchie permettent d’en introduire une deuxième entre les hommes, certains se retrouvant plus proches des dieux que les autres, ou plus égaux que les autres en version démocratique, ou plus riches que les autres en version capitaliste.
Cette deuxième hiérarchie est l’origine directe de toutes les formes de racisme. Le racisme, ou diviser pour régner, est le fond de commerce du capitalisme et de tous les autres empires qui l’ont précédé. Pour pouvoir dominer et exploiter son semblable, il est indispensable de le rabaisser à un status inférieur au préalable. Ainsi, les peuples colonisés ne sont pas des peuples mais des tribus, des ethnies, des sauvages, etc. Les sionistes n’ont rien inventé quand ils disent que la Palestine est une terre sans peuple pour un peuple sans terre. Ils se place dans une perspective suprématiste de colonisation dans laquelle les peuples colonisés ne sont pas des peuples mais des sous-hommes, des untermenschs.
Comme la deuxième de ces hiérarchies est rendue possible par la combinaison de ces dogmes et de la première hiérarchie, cela nous montre, comme je le dis plus haut, que Plekhanov à tord et que Marx a raison : "Le rapport borné des hommes envers la nature conditionne les rapports bornés des hommes entre eux."
Cela implique que même les rapports économiques sont subordonnés à notre rapport avec la nature, et par conséquent le mouvement historique l’est aussi.
Ce qui a été confirmé par les anthropologues. Par exemple Philippe Descola a prouvé que toute l’ontologie d’une société, c’est à dire sa représentation du monde et son mode de vie, ainsi que son mouvement historique, sont dépendants de son rapport avec la nature. Il a aussi démontré qu’il y a autant de formes de société que de formes du rapport de l’homme avec la nature.
Tout ceci implique que le marxisme ne peut pas être résumé à la seule problématique économique, et que la clé n’est pas cette problématique économique mais notre rapport avec la nature. Cela montre aussi que tout comme le marxisme a échoué à endiguer la montée du fascisme dans les années 30, il a échoué à empêcher la récupération de l’écologie par les capitalistes. Et que tout comme les socialistes se sont compromis avec les capitalistes dés leur création, les écolos ont fait de même en frayant avec les socialistes.
Tout cela implique aussi que la société d’abondance pour tous et toutes promise par le communisme ne pourra être réalisée qu’en subordonnant les besoins des membres de cette société aux besoins de la nature. C’est la seule façon de remplacer autant les dogmes religieux que celui de Plekhanov par un concept scientifique : la nature est notre seule source de vie et nous devons la respecter.
Il s’agit bien d’un devoir qui implique une obligation : posé le respect de la nature comme principe de base et guide pour toutes nos actions. Pour que cela soit possible, il faut simplement essayer de comprendre la nature au lieu de s’en séparer.
Le futur de notre société est simple. Soit l’humanité se réconcilie avec la nature, ce qui permettra à l’être humain de se réconcilier avec sa propre nature. soit elle est condamnée à disparaître. Cette disparition a déjà commencé tant les dégâts causé à notre seule source de vie sont importants. Et comme nous sommes le sommet de la chaîne alimentaire, nous n’avons pas d’illusion à nous faire. L’écosystème de la Terre commence à s’écrouler sous nos yeux à une vitesse incroyable, à tel point que certains scientifiques sont persuadés que nous avons déjà dépassé le point de non retour.
Quoi qu’il en soit, nous savons que si nous ne faisons rien, il n’y aura bientôt plus de futur possible pour quiconque. Nous savons aussi tous que d’une façon ou d’une autre, le Titanic qu’est l’empire capitaliste sera le dernier empire. La question est de savoir si nous voulons sombrer avec lui ou pas. Il y a un siècle, nous aurions pu dire socialisme ou barbarie, mais aujourd’hui, il y va de la survie de tous, de la survie de l’humanité en tant qu’espèce. Et là clé de tous ce gâchis est notre rapport avec la nature.
Seul le respect de la nature peut nous permettre de retrouver notre place en tant qu’espèce, et seul le respect des autres et de leurs luttes peut nous permettre, avec toutes les contradictions que cela comporte, de parvenir à la solidarité nécessaire pour faire avancer ces luttes.