Les milices populaires armées dites "antiMorsi" se sont construites à l’appel du mouvement Tamarod ou Tamarrod qui a réussi la manif de 33 millions d’Égytiens le 30 juin 2013.
Calme trompeur en Egypte
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18 août 2013 à 22:06
Au terme d’une semaine de heurts, la mobilisation des Frères musulmans semblait s’essouffler, hier. Les islamistes pourraient désormais opter pour des actions plus radicales.
Par MARWAN CHAHINE Le correspondant de Libération au Caire
Plusieurs marches annulées, des itinéraires modifiés par crainte de tireurs embusqués ou de milices populaires : c’est dans la plus grande confusion que quelques milliers d’islamistes ont défilé hier en début de soirée au Caire. L’affluence n’était pas vraiment au rendez-vous au premier jour d’une semaine de manifestations décrétée par « l’alliance anti-coup d’Etat », qui réunit les Frères musulmans et d’autres mouvements hostiles à la destitution de l’ex-président Mohamed Morsi.
Après cinq jours de violences très intenses au cours desquelles au moins 750 partisans du chef d’Etat déchu ont été tués et près de 400 autres arrêtés, la mobilisation semble s’essouffler. Cela marque sans doute un tournant dans la stratégie islamiste, qui jusque-là misait sur des rassemblements de masse et des martyrs en nombre dans le but de convaincre la communauté internationale que le nouveau régime n’avait rien de démocratique. Alors même que plusieurs pays ont durci le ton à l’égard de l’Egypte (lire ci-contre), les Frères, dont la plupart des leaders sont incarcérés ou en fuite, ne semblent plus en mesure de mobiliser comme ils l’ont fait depuis bientôt deux mois. La fatigue, la peur et peut-être la lassitude de servir de chair à canon dans un but incertain ont pris le dessus chez de nombreux militants.
Comités populaires.
Dans le même temps, la vie reprend son cours au Caire, doucement et dans un cadre très particulier. La capitale reste quadrillée par les militaires et les policiers, qui organisent des barrages routiers sur les grands axes. Le couvre-feu est toujours en vigueur à partir de 19 heures et, dans chaque quartier ou presque, des comités populaires, les legan chabiya, se sont mis en place.
Comme pendant les dix-huit jours de la révolution de 2011, des groupes de civils, souvent de jeunes riverains bien armés, stationnent ainsi à l’entrée des rues, contrôlant les véhicules et l’identité des passants. Le but est de protéger la propriété privée et de rassurer la population. Plus globalement, ces comités entendent s’inscrire dans un grand plan national « de lutte contre le terrorisme ». Le mouvement Tamarod, qui avait organisé les manifestations du 30 juin et appelé à la formation de ces comités, a toutefois été désavoué, hier soir, par le ministère de l’Intérieur, qui a annoncé l’interdiction de ces groupes d’autodéfense, jugés « illégaux ».
La formation de ces milices laissait craindre des affrontements entre civils, ainsi qu’il s’en est produit vendredi et samedi aux abords de la mosquée Al-Fateh, dans le quartier de Ramsès, où s’étaient rassemblés des partisans de l’ex-président Morsi. « Quiconque imagine que la violence fera plier l’Etat et les Egyptiens doit revoir sa position. Nous ne resterons jamais silencieux face à la destruction du pays », a affirmé hier le général Abdel Fatah al-Sissi (lire page 4), qui s’exprimait pour la première fois depuis l’évacuation dans le sang des sit-in islamistes de Medinet Nasr et de Gizeh, mercredi.
Foyer jihadiste.
Cette esquisse d’un retour à la normale conforte le chef de l’armée et ses supporteurs dans l’idée qu’ils peuvent venir à bout de la contestation islamiste en utilisant la manière forte. Le climat n’est cependant pas rassurant, car si les Frères et leurs alliés ne parviennent plus à mobiliser, ils risquent de s’orienter vers d’autres moyens d’action, potentiellement violents. Dans tout le pays, de nombreux bâtiments publics, des églises et des biens privés appartenant à des chrétiens ont été détruits par des militants islamistes ces derniers jours. L’alliance anti-coup d’Etat nie les faits et accuse l’armée et la police de complot, alors même que la page Facebook d’une antenne locale des Frères musulmans appelait la semaine passée à s’en prendre aux coptes, accusés d’avoir eu un rôle actif dans le coup d’Etat du 3 juillet.
Même si la confrérie n’optait pas pour la confrontation directe, des éléments isolés pourraient être tentés par la radicalisation. Dans le Sinaï, il existe un important foyer jihadiste et, quotidiennement, des attaques sont perpétrées contre la police ou l’armée. Ansar el-Charia, présent dans cette péninsule, a d’ores et déjà menacé de commettre des attentats. Malgré les apparences, les tensions en Egypte sont loin d’être retombées.