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Alain Delon a pris parti pour le Front National (19 octobre 2013)

samedi 19 octobre 2013, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 19 octobre 2013).

Thomas Mann, Alain Delon et le Front national

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/631…

Par Gauthier Ambrus

Samedi 19 octobre 2013

Quand l’acteur français prend position en faveur du parti d’extrême-droite, qui s’exprime, l’individu ou l’acteur ? Il ressemble au personnage de l’écrivain dans « Mort à Venise » qui poursuit une chimère enchanteresse mais morbide.

L’onction donnée au Front national par Alain Delon il y a une dizaine de jours, à défaut de prendre de court, est apparue comme une confirmation symbolique de la progression continue du parti de Marine Le Pen dans les intentions de vote – et plus seulement « dans les esprits », comme on le disait encore il n’y a pas si longtemps. Pas vraiment une surprise, au vu des déclarations passées de l’auteur-réalisateur de Pour la peau d’un flic. On pense bien sûr à la fugue fiscale de Gérard Depardieu l’hiver dernier, au prix d’un effet d’image désastreux, et à ses admirations plutôt hétéroclites, de Nicolas Sarkozy à Vladimir Poutine, en passant par Fidel Castro.

Qu’arrive-t-il donc à nos meilleurs acteurs, eux qui ont l’air de croire que l’aura de leur image publique confère une sorte d’impunité ? Mais à qui attribuer au juste cette prise de position, à l’individu ou au professionnel ? Est-ce l’acteur qui s’exprime ou l’un de ses personnages ? A quel titre Alain Delon délivre-t-il donc ses leçons ? Il peut bien se prévaloir du pouvoir que lui confère sur notre imaginaire le fait d’avoir contribué à le façonner durant presque un demi-siècle. Mais cela lui réserve-t-il des droits sur nos consciences ? N’est-il pas lui-même pris au piège de l’illusion, séduit par les dehors lisses des discours de Marine Le Pen, avec leurs scénarios catastrophe et leurs happy ends improbables ?

Un peu comme le Gustav Aschenbach de La Mort à Venise suit aveuglément l’apparition mi-réelle, mi-fictive du jeune Tadzio, à travers les rues fantomatiques d’une Cité des Doges envahie par le choléra. A son image, le supporter déclaré du FN semble en quête d’un dépaysement absolu, d’émotions fortes et « sans tabou », répondant à un obscur appel du destin qui finit par faire choir celui qui y cède.

Ecrivain au faîte de sa carrière, le héros de Thomas Mann est lui aussi un manipulateur de formes, qui s’est imposé aux esprits grâce à son talent sans pareil. Au point de se croire à l’abri de l’opinion et de sa morale vulgaire, sans avoir d’autres comptes à rendre qu’à l’artiste qu’il abrite en lui. Parti à la recherche d’une chimère enchanteresse mais morbide, il s’y abandonne corps et âme. Sa poursuite passionnée se révélera une course mortelle. Les critiques n’ont pas tardé à y voir le tracé d’un destin à la fois collectif et individuel, qui mêle les affres personnelles d’un artiste à celles de l’Europe sur le point de s’autodétruire dans les feux de la Première Guerre mondiale.

Aujourd’hui aussi, l’écho des déclarations d’Alain Delon se prolonge jusqu’au-dedans de nous. Entre ceux qui partagent ses idées et ceux qui finiront peut-être par s’y laisser prendre d’une manière ou d’une autre, la liste est largement ouverte. N’est-ce pas pour un acteur le rôle de sa vie ? Le voici campé en interprète du trouble des émotions collectives, courant derrière l’image d’un passé idéalisé. Et, de Marine à Marion, bégayant avec un peu de ridicule le nom d’une Marianne qu’il ne veut pas articuler correctement.

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