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Première réelle petite exo-Terre, infernale et mystérieuse

samedi 9 novembre 2013, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 9 novembre 2013).

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Astronomie jeudi 31 octobre 2013

Olivier Dessibourg

Vue d’artiste de la surface de Kepler 78b. La planète est si proche de son étoile qu’elle tourne autour en 8,5 heures seulement. (Jasiek Krzysztofiak/Nature)

Deux équipes, dont l’une à l’Observatoire de l’Université de Genève, décrivent dans la revue « Nature » une planète de mêmes taille, masse et surtout densité que la Terre. La découverte de cet « autre monde », où il fait néanmoins au moins 2000 °C en surface et qui porte bien des mystères, accélère la traque aux exoplanètes.

Dans l’Univers, « les mondes sont en nombre infini, les uns semblables à celui-ci, les autres dissemblables », écrivait le philosophe Epicure au IVe siècle av. J.-C. déjà. Parmi les 1028 planètes orbitant autour d’autres étoiles que notre Soleil découvertes à ce jour par les astrophysiciens, la grande majorité sont très différentes de notre Terre. Mais, pour la première fois, deux équipes – l’une menée depuis l’Observatoire de l’Université de Genève et l’autre américaine – ont décelé, à quelque 430 années-lumière d’ici, un corps céleste possédant une masse et une taille similaire à la Terre. Une première petite « exo-Terre » où il ne fait toutefois pas encore bon vivre, la température de surface y étant de quelques milliers de degrés. Mais une découverte cruciale, publiée aujourd’hui dans deux articles de Nature, qui montre que la traque aux autres mondes s’affine.

L’astre en question, nommé « Kepler 78b », a été repéré au mois d’août à l’aide du télescope spatial américain Kepler, fonctionnant avec la méthode des « transits » : en passant régulièrement devant son étoile, cette planète éclipse un peu de la lumière qu’émet cette dernière. En mesurant ce déficit lumineux temporaire, les scientifiques parviennent à calculer la surface de l’objet qui crée cette occultation, et donc son rayon. En l’occurrence, il se monte à 1,2 fois celui de la Terre, soit quelque 7645 km, ce qui fait de Kepler 78b l’une des plus petites exoplanètes jamais mesurées.

Seule, la taille d’un astre ne dit pourtant encore rien sur sa composition ; il faut connaître aussi sa masse. Les astrophysiciens recourent alors à une autre méthode, celle des « vitesses radiales » : à travers la force de gravité, en tournant autour de son étoile, la planète entraîne celle-ci dans ce qui, vu depuis la Terre, ressemble à un dandinement. Or les longueurs d’onde de la lumière émise par l’étoile sont modifiées par ce mouvement, comme le son de la sirène d’une ambulance varie au fur et à mesure de son passage devant un observateur. Ce phénomène, appelé « effet Doppler », permet aux astronomes de calculer la masse de l’objet causant ces perturbations plus ou moins grandes dans la lumière de l’étoile qu’ils observent.

L’équipe de Francesco Pepe, à l’Observatoire de Genève, a utilisé l’instrument Harps-Nord, installé sur un télescope à La Palma (îles Canaries) ; il s’agit de la copie septentrionale de Harps, le spectrographe équipant un des télescopes basés au Chili, et qui a permis des avancées fabuleuses dans la chasse aux exoplanètes. « Harps-Nord a été pensé pour étudier les objets détectés en nombre avec Kepler, dit Francesco Pepe. La caractérisation de Kepler 78b est son premier succès. »

Selon son équipe, l’exoplanète aurait une masse équivalente à 1,86 fois celle de la Terre. L’autre groupe, emmené par Andrew Howard, de l’Université de Hawaii, s’est servi du spectromètre Hires, installé sur le télescope Keck. Mais il arrive à un résultat quasi identique (facteur de 1,7). L’un dans l’autre, tous ont donc calculé que leur exoplanète avait une densité de 5,3 à 5,7 g/cm3, soit la même que la Terre (5,5 g/cm3) ! Autrement dit, sa composition serait faite de roches et de fer.

Seule différence : Kepler 78b tourne autour de son soleil non pas en 365 jours, mais en 8,5 heures ! Ce qui veut dire qu’elle est extrêmement proche de son astre. « Le ciel vu depuis cette planète serait, de l’horizon au zénith, à moitié rempli par le disque solaire, explique Drake Deming, astrophysicien à l’Université du Maryland, dans un commentaire aussi paru dans Nature. Les chances de vie sont nulles. » En effet, la température de surface se monte à « au moins 2000 degrés », selon Josh Wim, professeur de physique au MIT et membre de l’équipe américaine.

Outre ses similarités avec la Terre, cette planète passionne son monde pour une autre raison : « Comment justifier sa présence si proche de son étoile ? Comment est-elle arrivée là ? Et va-t-elle y rester ? » se demande Francesco Pepe. « Une explication exotique serait qu’elle soit le reste du cœur d’une géante gazeuse », avance Drake Deming. « On pense qu’elle a pu migrer », estime, comme d’autres, Stéphane Udry, de l’équipe genevoise. « Kepler 78b va très bientôt « tomber » dans son étoile », abonde son collègue de l’étude Dimitar Sasselov, du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics (CfA). Stéphane Udry juge au contraire que « le temps qu’elle prend à spiraler autour de son étoile peut être très long ».

Depuis la découverte de la première exoplanète, en 1995, les théoriciens tentent d’établir des modèles de formation « types » des exoplanètes. La découverte de Kepler 78b les chamboule-t-elle ? « Non, dit Francesco Pepe, tant ces modèles contiennent nombre de paramètres encore variables. » « Cette planète est un mystère complet », dit David Latham, du CfA. Et Drake Deming de résumer : « Kepler 78b est probablement née de l’accrétion d’un disque protoplanétaire de gaz et de poussières, et partage ces origines avec la Terre. Mais moult autres aspects de la Terre semblent être uniques. On peut alors se demander s’il est raisonnable d’espérer trouver des ­mondes similaires qui abritent des formes de vie exoplanétaires. L’existence de Kepler 78b montre au moins que les exoplanètes de composition terrestre ne sont pas rares. »

Pour Francesco Pepe, les deux études publiées aujourd’hui sont la preuve « que la méthode utilisée est encore exploitable », même si sa finesse a ses limites, en raison d’instabilités de mesures inhérentes à l’étoile elle-même. « Mais on peut gentiment commencer à chercher des exo-Terres un peu plus loin de leur étoile que ne l’est Kepler 78b. »

Pour changer de ligue, il faudra toutefois d’autres instruments, qui sont déjà en préparation. Dès 2017, les satellites TESS (de la NASA) et Cheops (de l’ESA, construit en Suisse) notamment étudieront des étoiles moins lumineuses mais nombreuses, les naines rouges, dont 40% pourraient être accompagnées d’exoplanètes dans la « zone habitable », là donc où les conditions sont favorables à l’apparition de la vie telle qu’on la connaît sur Terre. Ces « autres mondes » pourront ensuite être caractérisés par le James Webb Telescope, le « remplaçant » de Hubble, qui doit être lancé en 2018.

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