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Le geek, nouvelle figure de Wall Street

mercredi 9 décembre 2009, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 9 décembre 2009).

Alors que le relationnel revêtait une importance primordiale pour les anciens traders, ce sont maintenant l’informatique et les mathématiques qui ont la préséance et si le trader est en plus doctorant c’est encore mieux.

Il lui faut aussi de la rigueur, de l’organisation et de la logique pour naviguer dans l’océan des données qu’il recueille quotidiennement et gagner une poignée de microsecondes par transaction.

"Le marché en son temps fonctionnait sur le principe du châtiment : on savait qui était qui et tout écart était sanctionné immédiatement", dit Al Berkeley, président de la société de courtage électronique Pipeline Trading Systems et ex-vice-président du Nasdaq.

"La différence aujourd’hui c’est l’anonymat. Quand on a toujours les mêmes interlocuteurs, on finit par s’entendre sur ce qui est acceptable. Mais si tout est anonyme, fini les règles ; les seules qui existent sont celles imposées par le marché".

La croissance démesurée du trading haute fréquence, des "dark pools" de liquidités et des algorithmes de calcul a fondamentalement changé la donne à Wall Street et l’état d’esprit de ceux qui y travaillent.

L’activité traditionnelle du parquet "est vraiment faite pour le mâle dominant", dit Brett Steenbarger, professeur de psychiatrie de l’Université de New York et expert en psychologie du trading.

"Ce sont des gens hautement compétitifs, qui prennent beaucoup de risques En revanche, les programmeurs en informatique ressemblent presque plus à des membres de ’think tank’".

Le trading haute fréquence représentant 60% environ des transactions boursières, l’atmosphère en Bourse tient maintenant plus de l’intelligence artificielle au sens d’Arthur C. Clarke que du personnage malsain incarné par Michael Douglas dans le "Wall Street" d’Oliver Stone, un film de 1987, l’année du grand krach d’octobre.

INADAPTÉS SOCIAUX

"Ce sont des introvertis, parfois des inadaptés sociaux, qui fuient toute publicité. C’est exactement le genre de types qu’on retrouve dans une convention Star Wars", dit Sang Lee, d’Aite Group.

Les traders haute fréquence doublent leur traditionnelle formation d’ingénieur d’un esprit pratique, apte à résoudre les problèmes du moment. "C’est un domaine très stimulant d’un point de vue intellectuel. C’est très intéressant de concevoir une stratégie, de la mettre en pratique et de la voir rapporter de l’argent", observe Brett Steenbarger.

Qui plus est, cela peut rapporter gros. Un programmeur gagne habituellement 10% de l’argent que son modèle génère, observe Irene Aldridge (Able Alpha Trading), dont l’ouvrage sur les stratégies algorithmiques doit bientôt sortir.

Les meilleurs programmeurs peuvent gagner des centaines de millions de dollars par an et c’était même le cas durant la crise financière, la forte instabilité des marchés offrant des opportunités de premier choix pour les traders haute fréquence.

"C’est un jeu hautement technique et mathématique", note Al Berkeley. "Ils jouent un jeu très précis d’estimation et de prédiction statistiques sur trois à cinq secondes, qui consiste à déterminer s’il y aura de la liquidité sur telle ou telle action et où elle sera. Cela consiste également à déterminer comment en profiter sans être vu et sans laisser de traces".

LA PROGRAMMATION PLUS RECHERCHÉE QUE L’EXPÉRIENCE

L’idole de ces traders brillants mais maladroits en société et introvertis est James Simons, le gérant de fonds de Renaissance Technologies, connu sous le sobriquet de "Roi des quantas" (King of the Quants).

Discret professeur de mathématiques, Simons, âgé de 71 ans, a gagné des dizaines de milliards de dollars en faisant les bons paris à partir de stratégies de trading technique. Il prendra sa retraite en janvier mais aura laissé une marque indélébile sur le secteur financier.

Dans les faits, le modèle Simons a eu également pour effet de faire souvent précéder les patronymes des traders les plus réputés des lettres " PhD " (équivalent d’un doctorat). Au point que les capacités de programmation, quelle que soit par ailleurs la formation - scientifique - du candidat, sont dorénavant encore plus recherchées que l’expérience par les chasseurs de têtes de Wall Street.

Tout le secret à présent est de trouver les bons emplacements permettant de réaliser les transactions les plus rapides au meilleur prix sans que la concurrence ne puisse capter les stratégies employées pour ce faire.

REVENIR SUR TERRE L’obsession de la "milliseconde" fait que les traders haute fréquence font maintenant de la "colocation", qui consiste à louer des espaces se trouvant à proximité des centres de données des marchés.

Ces "boutiques" de trading haute fréquence ont poussé comme des champignons à Chicago, non loin des marchés d’options, et dans le New Jersey, qui abrite aussi bien les places BATS et Direct Edge que les centres de données du New York Stock Exchange et du Nasdaq.

"Les traders haute fréquence tirent parti de l’ordinateur et de sa vitesse d’exécution pour maîtriser la situation", dit Berkeley. Le but ultime du trading algorithmique est d’éviter de traiter à un mauvais prix, ajoute Berkeley.

"Il s’agit simplement de transformer en avantage le fait que vous disposez d’une très grande vitesse et d’un contrôle très précis de votre ordre", explique-t-il. "Si l’ordre ne vous convient pas, vous l’annulez ; pas question de s’incruster l’espace même d’une nanoseconde".

Toutefois, ces programmes algorithmiques ne sont pas sans faille et peuvent le cas échéant "faire n’importe quoi", de l’avis de John Malitzis, l’un des responsables de la surveillance du NYSE.

L’asociabilité proverbiale du trader haute fréquence peut elle aussi devenir un risque, de l’avis de certains. Son employeur doit ainsi parfois mettre en place des mécanismes pour que le trader, parfois englouti corps et âme dans son monde de données, remette les pieds sur terre.

"Ils sont tellement imprégnés de l’activité du marché qu’il leur manque vraiment une vue panoramique"

Phil Wahba et Emily Chasan

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