Nadine Morano, les musulmans, le verlan et la casquette
Publié le 15/12/2009
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"Moi, ce que je veux du jeune musulman, quand il est français, c’est qu’il aime son pays, c’est qu’il trouve un travail, c’est qu’il ne parle pas le verlan, qu’il ne mette pas sa casquette à l’envers." Ces propos sont de Nadine Morano. La secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité s’exprimait lundi soir, lors d’un débat sur l’identité nationale, à Charmes, dans les Vosges. Elle répondait à un jeune homme qui l’interrogeait sur la compatibilité de l’islam avec la République.
La commune vosgienne a été choisie par l’organisateur de la soirée, le député (UMP) Jean-Jacques Gaultier, parce qu’elle est la ville natale de l’écrivain nationaliste et antidreyfusard Maurice Barrès, référence suscitant la polémique. Une cinquantaine de militants du NPA, du Parti de gauche et des Verts ont ainsi manifesté devant la mairie pour protester contre cet hommage à l’écrivain lorrain. Lors du débat, le président de l’association locale Mémoire de Barrès, invité comme "grand témoin" à la soirée, a exalté la pensée de l’auteur lorrain, affirmant notamment que la patrie "est plus forte dans l’âme d’un enraciné que dans celle d’un déraciné", ou défendant "le nationalisme de Barrès" par opposition au "cosmopolitisme".
Une phrase sortie de son contexte ?
La secrétaire d’État s’est défendue mardi sur RMC, en affirmant que cette phrase avait été "sortie de son contexte par rapport à quatre heures de débat". "J’ai pris la précaution en plus, parce que je ne voulais pas que des phrases soient sorties de leur contexte, de filmer ce débat et nous le mettrons en ligne", a-t-elle ajouté. "Nous parlions de la problématique des jeunes qui viennent des banlieues, dont je viens et dont je suis issue, et je disais qu’avec cette caricature, cette stigmatisation qu’il y avait, moi, je leur conseillais non seulement de ne pas porter leur casquette de travers, de ne pas parler verlan, mais j’expliquais aussi (qu’il fallait) que l’on utilise le potentiel de la double culture", a plaidé Nadine Morano, en jugeant que cette double culture était un "atout". Une version que confirme Amed Bellal, membre du Conseil régional du culte musulman de Lorraine, qui était présent lundi soir à Charmes . Il a affirmé mardi que la phrase controversée de la secrétaire d’État sur les jeunes musulmans était "vraiment sortie de son contexte" : Nadine Morano "n’a absolument pas stigmatisé la religion musulmane, car si elle l’avait fait, croyez-moi, j’étais là et j’aurais réagi tout de suite", a-t-il déclaré.
Sur le choix de Charmes pour organiser ce débat, la secrétaire d’État a expliqué qu’il ne s’agissait pas de "réhabiliter Maurice Barrès". "Charmes, ce n’est pas que la ville de Maurice Barrès, c’est la ville où est né Maurice Barrès, mais ce n’est pas ça, le débat sur l’identité nationale", a ajouté Nadine Morano, qui fut députée dans le département voisin de Meurthe-et-Moselle, de 2002 à 2007.
Glissement du débat
La phrase de Nadine Morano confirme en tout cas que le débat sur l’identité nationale, lancé par le ministre de l’Immigration Éric Besson, tourne désormais essentiellement autour de l’islam. La tribune de Nicolas Sarkozy , publiée dans Le Monde du 9 décembre, visait notamment à définir la place de l’islam en France. L’initiative avait alors suscité de nombreuses critiques à gauche sans lever l’embarras au sein de l’UMP. Signe du glissement du débat, la ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie a prôné la fermeté envers le voile intégral la semaine dernière, proposant notamment de refuser la naturalisation à un homme dont l’épouse serait entièrement voilée .
En réalité, les discussions voulues par Éric Besson se sont d’abord placées sur le terrain de l’immigration, avant de se focaliser sur l’islam, après le vote suisse interdisant la construction de nouveaux minarets dans la Confédération. Selon un sondage CSA pour Le Parisien, publié jeudi dernier, seule une courte majorité de Français (54 %) juge l’islam compatible avec la vie en société en France, alors qu’ils sont largement majoritaires (respectivement 82 % et 72 %) à estimer que les religions catholique et juive ne posent pas problème. L’islam est considéré comme la deuxième religion de France avec, selon les sources, 3,7 à 6 millions de fidèles.