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Démocratisme ou liberastia : anatomie de notre suprématisme

mercredi 23 juillet 2014

Note : Les capitalistes prétendent que les idéologies sont mortes avec la chute du bloc communiste. En fait il n’en reste qu’une, l’idéologie de la classe dominante de la "communauté internationale", laquelle est, du fait d’être unique, totalitaire.

Ce texte nous fait remarquer que l’idéologie occidentale est aussi suprématiste et que dans ce contexte, et alors que dans les ex-pays communistes Chine comprise, les dirigeants sont bien conscients que l’idéologie n’était plus qu’une façade dont plus personne ne tenait et ne tient compte, nos dirigeants mélangent encore allégrement idéologie et réalité géopolitique dans leurs prises de décision.

Cette démarche est en soi logique dans son illogisme car, vu que l’idéologie occidentale ne reconnaît pas être une idéologie, elle s’apparente en cela au scientisme, ce qui en fait la pire des idéologies.

"Cependant, la plus rusée des idéologies est celle qui se persuade qu’elle n’a rien d’idéologique, celle qui renouvelle est aggrave l’erreur du scientisme. Sous prétexte que la science est objective (quand elle se tient sur son terrain, quand elle reste désintéressée, quand elle réussit à être explicative et opératoire dans des conditions d’expérience précises, soigneusement délimitées), l’idée se présente qu’une maîtrise de la société globale est souhaitable, désirable et qu’elle est possible par voie étatique, scientifique et technique. Il en résulte non seulement un projet technocratique (qui pourrait demeurer à l’état de rêve), mais aussi une mainmise concrète de l’activité d’une nation : celle qu’on voit à l’œuvre dans les pays avancés et qui découle de la collusion entre puissance publique, puissance financière, puissance militaire, puissance technologique ("complexe militaro-industriel d’État ou appuyé par l’État"). Ce nouveau dogmatisme est celui du temps présent. Il croit à une science "neutre", purgée de tout élément idéologique, étrangère à toute mythologie (philosophique ou théologique). Le paradoxe, comme l’a relevé Jürgen Habermas, est que des démocraties qui se réclament d’une culture critique n’aperçoivent pas que même la technique, même la science sont capable de fonctionner comme idéologie." (Encyclopedia Universalis, Thesaurus Index, Dogmatique, 1990)"

Philippe GRASSET

Nous insistons autant que faire se peut, à chaque occasion que nous donnent les événements ou la fortune de nos commentaires, sur l’idée que le fonctionnement pseudo-politique du “bloc BAO”, – UE et USA essentiellement, – s’appuie sur un jugement implicite et catégorique, sinon un trait psychologique inconscient qui irait jusqu’au mécanisme pavlovien, que nous désignons comme du suprématisme. (Voir notamment le 15 octobre 2013, le 4 juin 2014, le 28 juin 2014.) Il s’agit d’une variante perverse, prédatrice et dissolvante du racisme, basée non pas sur le constat de la différence d’avec “l’autre”, mais sur l’affirmation de sa propre et indiscutable supériorité sur n’importe quel “autre”. Une référence évidente dans l’esprit est le nazisme, mais le suprématisme d’origine anglo-saxonne (avec sa variante américaniste), tel qu’il s’est développé à notre époque puisque c’est de lui dont il s’agit ici, écarte évidemment l’explication biologique au profit d’une explication à la fois communicationnelle et psychologique. Ce qu’on pourrait nommer s’il n’y avait la censure et l’autocensure la “race” anglo-saxonne élargie à l’occidentalisme, tout cela bien identifié historiquement et géographiquement, est opérationnalisée par les canaux de la communication (émetteur) et de la psychologie (récepteur). Ses arguments sont les “valeurs” qu’on connaît bien (démocratie, droitdel’hommisme, etc.), dont l’universalité selon notre interprétation à nous, – et à nous seuls, hein, – est un caractère absolu et non négociable. Au bout du compte, nous dit la logique, cela implique la liquidation des “autres” d’une façon ou d’une autre, par assimilation ou par… liquidation.

Nous nous retournons sur un article du 7 juin 2014, de Alexander Loukine, dans Russia in Global Affairs, sous le titre de « Chauvinisme ou Chaos ? ». (Loukine est directeur du Center for East Asian and Shanghai Cooperation Organization Studies à l’Institut des Relations Internationales du ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie [MGIMO]). Le thème central de l’article de Loukine est de déterminer quelle devrait être la politique extérieure de la Russie, mais pour cela il doit d’abord définir le comportement de l’Ouest (notre bloc BAO). Fort justement, Loukine définit le bloc BAO comme totalement idéologisé et il propose les termes de “démocratisme”, ou liberastia pour définir le contenu “de communication” de cette idéologie, – dont le fondement est effectivement pour nous le suprématisme. Seul le dernier paragraphe de cette citation peut être contesté , parce qu’il n’est pas assez radicalisé et accorde trop d’importance à la géopolitique selon notre appréciation. (Nous reviendrons prochainement sur cette question.)

« Le consensus post-Soviétique était basé sur l’accord tacite avec l’Occident que les deux camps iraient vers une plus grande coopération en respectant les intérêts de chacun et en faisant des compromis mutuels. Mais seuls les Russes ont respecté cet accord. La Russie, sans renoncer complètement à défendre ses intérêts, a montré qu’elle était prête à en sacrifier quelques uns, au profit de la coopération avec le “monde civilisé” dont elle souhaitait devenir membre. Toutefois, malgré les nombreux signes de sa bonne volonté, le “monde civilisé” a continué à penser en termes de Guerre Froide et à se conduire comme le vainqueur. Oubliant toutes ses promesses (par exemple de ne pas étendre l’OTAN vers l’est), l’OTAN a essayé de faire ce qu’il n’avait pas réussi à faire pendant la Guerre Froide du fait de la résistance soviétique - à savoir intégrer de plus en plus de pays et de territoires et propulser ses infrastructures militaires de plus en plus près des frontières russes, le plus souvent sur le territoire d’anciens alliés historiques de Moscou.

 »Il y a plusieurs explications à ce comportement. Les autorités russes croient que la politique étrangère occidentale se détermine seulement en fonction de critères géopolitiques comme de dominer le plus possible de pays et de territoires et devenir la puissance dominante dans le monde (un monde unipolaire) et que les différentes valeurs qu’ils brandissent comme la démocratie et les droits humains ne sont qu’un écran de fumée. Cette façon de voir vient du fait que la plupart des leaders russes en poste viennent des organes de pouvoir de la fin de l’Union Soviétique, époque à laquelle presque plus personne ne croyait en l’idéologie communiste officielle qui servait simplement de rideau à la réal politique.

 »Mais en réalité, la communauté européenne est beaucoup plus idéologisée que la société russe. L’Occident est même sans doute le seul empire idéologisé de la planète (en fait la Chine communiste ou le Vietnam peuvent difficilement être considérés comme idéologisés parce que l’idéologie, là-bas, n’est plus qu’un rituel et même leurs leaders ne peuvent plus attester de son essence communiste). En Occident, presque tout le monde croit à l’idéologie occidentale, les gens en sont imprégnés de la maternelle à l’université en passant par l’école, et ensuite au travail. Cette idéologie du “démocratisme” (bien décrite par by Ilya Smirnov qui a inventé le terme de ‘liberastia’, dans son ouvrage du même nom) est très simple : la société occidentale, même si elle n’est pas parfaite, n’en est pas moins infiniment meilleure que toutes les autres, elle est à la pointe du progrès et le reste du monde devrait essayer de suivre le modèle occidental tel qu’il est. Sur le fond, il s’agit là du chauvinisme culturel qu’on retrouve dans beaucoup de groupes humains, des plus petites tribus jusqu’aux civilisations les plus importantes, qui se prennent pour le centre de l’univers convaincus que tous les autres sont des barbares. La différence de taille entre ces sociétés et la société occidentale moderne, c’est justement la taille.

 »La politique étrangère occidentale est basée sur cette croyance. Le principal vecteur de sa politique étrangère est défini, aussi paradoxal que cela puisse paraître, par des idéologues pragmatiques qui croient que le meilleur moyen d’intégrer toutes les nations “barbares” au monde de la “liberté et de la démocratie” est de s’assurer d’une influence politique sur elles par le moyen d’alliances économiques et politiques. Pour y parvenir, il faut que le pouvoir soit détenu, dans ces pays, par des gens qui auront un intérêt personnel à collaborer à cette entreprise (autrement dit par des forces pro-occidentales) qu’on soutiendra le mieux possible. Et si ces leaders ne se conduisent pas vraiment de façon “démocratique”, cela n’a pas grande importance. Si on parvient à les dominer économiquement et politiquement, le reste viendra par surcroît. Cela explique pourquoi l’Occident a très peu reproché à l’Estonie et à la Lettonie qu’une grande partie des Russophones soient privés de droits civils. Bien que les véritables raisons de cette cécité volontaire soient généralement passées sous silence, il arrive qu’elles émergent. Le rapport de 2008 de la Fondation allemande Bertelsmann sur l’Estonie, mérite qu’on s’y attarde : “Il n’y a jamais eu en Estonie la moindre opposition réelle au processus de démocratisation ou de transition vers une économie de marché. Il n’y a pas de classes sociales bien définies du fait que l’époque communiste a nivelé la structure de la société. L’armée a toujours été fermement contrôlée par les autorités civiles et elle est bien intégrée dans les structures de l’OTAN. Bien que les clivages ethniques demeurent préoccupants en Estonie, il faut noter que la politique restrictive de citoyenneté a eu pour effet de limiter le pouvoir politique des Russes, ce qui les a empêchés de ralentir le pas des réformes.” Le rapport dit donc clairement que les Russes en Estonie sont le seul obstacle à l’occidentalisation et que c’est la raison pour laquelle leurs droits sont limités.

 »Cela explique aussi pourquoi on ne parle pas des nationalistes radicaux ukrainiens : c’est parce qu’ils sont progressistes ; du point de vue historique cela justifie tout et on peut même ignorer certains de leurs crimes (comme on l’a fait pour les nationalistes kosovars et l’armée croate dans la République serbe de Krajina, etc.). Il faut mentionner ici la manière dont Catherine Ashton, la Haute Représentante de l’Union Européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a condamné la tentative de prendre d’assaut le parlement du Secteur Droit après que l’opposition ukrainienne anti-russe ait pris le pouvoir alors qu’elle avait soutenu la même action quand les "méchants", ceux qui n’étaient pas entièrement acquis à l’UE, avaient la majorité à la Verkhovna Rada. Mais à l’inverse, les crimes commis par les forces de la réaction, eux, sont dénoncés et condamnés sans concession.

 »Il y a aussi des idéalistes parmi les idéologues occidentaux qui disent que c’est mal de faire ami ami avec les dictateurs même s’ils sont “progressistes” et qui essaient de critiquer “leur propre camp” et les autorités qui s’écartent de l’idéal du “démocratisme”. Mais ils n’ont aucun pouvoir politique, ils sont considérés comme des rêveurs impénitents qui gênent ceux qui font la vraie politique. Bref, le désir de domination géopolitique de la planète se mêle en Occident à des objectifs idéologiques, et il est difficile de dire quel est le plus important des deux…

Traduction des parties en Anglais : Dominique Muselet http://www.legrandsoir.info/democra…

Source : http://www.dedefensa.org/article-d_…

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