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Le faux est un moment du vrai - Hegel (1770-1831)

lundi 27 octobre 2014, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 27 octobre 2014).

La philosophie dialectique de George Hegel

http://www.lariposte.com/la-philosophie-dialectique-de,1296.html

3 décembre 2009

Jérôme Métellus (PCF Paris)

HEGEL

La philosophie de George W. F. Hegel (1770-1831) a joué un rôle déterminant dans la genèse du socialisme scientifique. Ses fondateurs, Karl Marx et Friedrich Engels, ont commencé leur vie intellectuelle comme disciples de Hegel, dont ils ont assimilé et développé l’enseignement le plus précieux : la méthode de pensée dialectique. Et malgré tous les accomplissements ultérieurs de la philosophie marxiste, les écrits de Hegel figurent toujours parmi les sommets de la pensée dialectique.

Hegel était un idéaliste : c’est le défaut majeur de sa pensée. Pour lui, le monde qui nous entoure, les hommes, la société, l’histoire – tout est le produit de ce qu’il appelle « l’Idée absolue ». Cependant, cette Idée absolue n’est pas un Dieu contemplant paisiblement son œuvre immuable. Elle « s’aliène » et « se réalise » dans le monde, l’histoire et la pensée humaine, pour « revenir à elle-même » enrichie de toutes les étapes de son cheminement. Malgré son caractère mystique, cette conception du monde a une qualité décisive : son dynamisme. Elle porte clairement la marque du plus grand bouleversement historique de l’époque : la Révolution française, qui balaya un ordre social supposé éternel.

La dialectique de Hegel saisit toutes les choses dans leur mouvement : leur naissance, leur développement et leur fin. En outre, la fin n’est pas une disparition pure et simple, mais un dépassement, qui est à la fois négation et conservation. Ce qui naît porte en soi les éléments de ce qui meurt. Par exemple, l’histoire de la philosophie n’est pas une succession chaotique de systèmes incompatibles : elle est un processus où chaque philosophie exprime une vérité – mais une vérité limitée, partielle, à laquelle doit nécessairement succéder l’expression d’une nouvelle vérité, supérieure, plus riche, qui tout à la fois nie et assimile les philosophies précédentes. Ainsi, le « vrai » et le « faux » ne s’opposent pas de façon irréductible. Comme l’écrivait Hegel, « le faux est un moment du vrai. »

« Cette philosophie dialectique dissout toutes les notions de vérité absolue définitive et d’états absolus de l’humanité qui y correspondent », écrivait Engels. Cela explique l’hostilité de la classe dirigeante à l’égard de la philosophie hégélienne. En effet, celle-ci implique que le système capitaliste n’est pas un « état absolu de l’humanité », mais un système économique et social donné, auquel doit succéder une forme supérieure d’organisation sociale : le socialisme. Ici, nous avons quitté Hegel pour Marx. Mais en analysant les conditions de la transition du capitalisme au socialisme, Marx retrouvait la dialectique hégélienne. Car le socialisme n’est pas seulement la négation du capitalisme. Il lui succède en s’appuyant sur des éléments engendrés par le capitalisme lui-même : le développement massif des forces productives et d’une classe sociale révolutionnaire, le salariat.

Quantité et qualité

Contrairement au formalisme, qui plaque des schémas a priori sur la réalité vivante, la méthode de pensée dialectique se caractérise par une « immersion » complète du sujet pensant dans son objet d’étude. Celui-ci doit être examiné sous tous les angles, de façon à découvrir ses contradictions internes et les lois du mouvement qui gouvernent son existence. Du fait de son idéalisme, Hegel s’écartait souvent lui-même de sa propre méthode. Pour que la dialectique serve le mouvement de son « Idée absolue », il était obligé de plaquer un schéma sur la nature et la société. Cependant, lorsqu’il descendait des hauteurs de l’Idée absolue pour analyser les réalités historiques concrètes, son génie et l’étendue de ses connaissances donnaient lieu à de puissantes illustrations des lois de la dialectique.

La transformation de la quantité en qualité est l’une de ces lois. Elle est à l’œuvre à tous les niveaux de la nature et de la société. L’exemple le plus connu est celui de la transformation de l’eau en vapeur, à 100°C. Tant que la température ne fait que s’approcher du point d’ébullition, l’attraction réciproque des molécules d’eau est assez forte pour maintenir l’état liquide. Mais une fois arrivé au point critique des 100°C, la plus petite augmentation quantitative de chaleur provoque une modification qualitative : la dispersion des molécules d’eau, ce qui produit de la vapeur. Ce processus n’est pas graduel : il est marqué par une rupture, un « saut » qualitatif. La dialectique s’oppose au préjugé « évolutionniste » d’une modification graduelle, linéaire, des processus objectifs.

Dans le domaine social, bien des grèves obéissent à cette loi de la dialectique. Pendant des années, les travailleurs d’une entreprise acceptent sans réagir les humiliations et les mauvais coups. A la surface, tout semble stable et normal. Mais sous la surface, l’accumulation quantitative de colère et de frustrations finit par atteindre un seuil critique où n’importe quel incident mineur suffit à provoquer une grève. A une échelle plus vaste, les révolutions sont une illustration grandiose du même phénomène – ce qui explique qu’elles prennent souvent tout le monde par surprise.

Logique formelle et dialectique

Hegel a porté le coup de grâce à la « logique formelle ». Celle-ci postule que A=A (principe d’identité). Pour la plupart des activités de la vie quotidienne, ce principe remplit assez bien sa fonction. Une bouteille de lait est une bouteille de lait. Telle je la laisse dans le frigo, le matin, telle je l’y retrouve, le soir. Les modifications qui se sont opérées, dans sa composition chimique, n’en ont pas affecté sensiblement le goût (une telle modification n’intervient qu’au bout de plusieurs jours, soudainement : autre exemple de rupture qualitative). Cependant, le lait a constamment subi des modifications, au cours de la journée. A n’est jamais égal à A, en réalité. Et si le principe d’identité suffit à la préparation d’un thé au lait, il est complètement inopérant lorsqu’il s’agit d’appréhender des processus plus complexes.

Prenons un exemple tiré de la sphère sociale. Suivant l’axiome A=A, on peut affirmer : le PS = le PS ; le PCF = le PCF ; la CGT = la CGT, et ainsi de suite. Mais la logique formelle, ici, ne nous apprend strictement rien. Elle est abstraite – ou, comme l’aurait dit Hegel, « indifférenciée ». Pour tenter de porter un jugement scientifique sur ces organisations et leurs perspectives, il faut étudier toute une série d’éléments : la composition et la base sociales de ces organisations, leur programme, leur poids dans la conscience des masses, les contradictions entre leur base et leur direction, le degré d’acuité de ces contradictions, la pression des différentes classes sociales, l’impact de la conjoncture économique, etc. Il faut alors découvrir les rapports contradictoires de ces différents éléments – qui ne cessent d’évoluer – et la dynamique d’ensemble qui en résulte. Par ailleurs, il faut prendre garde de ne pas noyer l’analyse dans la masse des informations et des données. Comme le disait Hegel, il faut savoir distinguer l’essentiel de l’inessentiel, ce qui est déterminant de ce qui est accidentel. Enfin, il faut procéder par approximations successives, en corrigeant l’analyse conformément au développement réel de l’objet étudié.

C’est à Marx et Engels que revint la tâche d’extraire la dialectique hégélienne de son enveloppe idéaliste. Comme l’écrivait Marx : « Bien que […] Hegel défigure la dialectique par le mysticisme, ce n’en est pas moins lui qui en a le premier exposé le mouvement d’ensemble. Chez lui elle marche sur la tête ; il suffit de la remettre sur les pieds. » Sur les pieds, c’est-à-dire : sur des bases matérialistes. Grâce à ce retournement de la dialectique hégélienne, Marx et Engels élaboraient une philosophie révolutionnaire dont la mission n’était plus seulement d’interpréter le monde, mais de contribuer à le transformer.

Si, comme l’écrivait Engels, il n’y a pas « d’états absolus de l’humanité », faut-il en conclure que le communisme lui-même est appelé à être « dépassé » ? Il est évident que le communisme ne mettra pas un terme à l’évolution des formes d’organisation économique et sociale. Cependant, une fois le monde débarrassé de la barbarie capitaliste, les générations futures ne replongeront pas l’humanité dans l’exploitation de classe et tout ce qui l’accompagne : la misère, les inégalités, les guerres, le racisme, l’oppression des femmes, etc. De même, l’Etat, comme instrument de domination d’une classe, disparaîtra définitivement avec les classes elles-mêmes. Quelle que soit l’évolution des formes d’organisation économique et sociale, à partir du communisme, l’humanité ne reviendra pas sur ce tournant historique majeur qu’Engels résumait de cette formule : « Le gouvernement des personnes fera place à l’administration des choses et à la direction des opérations de production ». Marx caractérisait ce saut qualitatif comme le commencement de la véritable histoire de l’humanité. En ce sens, le « dépassement » du communisme consistera dans la réalisation de tout son potentiel historique.

1 Message

  • Le faux est un moment du vrai - Hegel (1770-1831) 27 octobre 2014 08:21, par Jérôme S. sur lariposte.com

    http://www.lariposte.com/la-philosophie-dialectique-de,1296.html

    Le 8 décembre 2009

    Salut camarade,

    dans ton texte tu écris : "Malgré son caractère mystique, cette conception du monde a une qualité décisive : son dynamisme."

    "Dynamisme" ? Dans l’idée, tu fais sans doute allusion à la première thèse sur Feuerbach de Marx :

    "Le principal défaut de tout matérialisme jusqu’ici (y compris celui de Feuerbach) est que l’objet extérieur, la réalité, le sensible ne sont saisis que sous la forme d’objet ou d’intuition, mais non en tant qu’activité humaine sensible, en tant que pratique, de façon subjective. C’est pourquoi en opposition au matérialisme l’aspect actif fut développé de façon abstraite par l’idéalisme, qui ne connaît naturellement pas l’activité réelle, sensible, comme telle. Feuerbach veut des objets sensibles, réellement distincts des objets de la pensée : mais il ne saisit pas l’activité humaine elle-même en tant qu’activité objective. C’est pourquoi dans " L’Essence du christianisme " il ne considère comme authentiquement humaine que l’attitude théorique, tandis que la pratique n’est saisie et fixée par lui que dans sa manifestation juive sordide. C’est pourquoi il ne comprend pas l’importance de l’activité " révolutionnaire ", de l’activité " pratiquement-critique "."

    Mais, alors, comme tu peux le remarquer à partir de ce texte c’est plutôt d’"activisme" qu’il faudrait parler à propos de la conception (jeune-)hégélienne (c’est elle qui est visée ici) : "activisme" parce prenant en compte l’"aspect actif" (die tätige Seite) du réel tout en le "mystifiant" - c’est sa limite "idéaliste"- sous la forme de l’"Idée". Le (jeune-)hégélianisme est un activisme "théorique", un activisme en théorie, un activisme dans les idées : un "propagandisme" etc. : un effort pour transformer les idées ( c’est son côté "actif" : transformateur, progressiste etc.), mais, essentiellement, la pensée philosophique, la "grande" pensée. Le matérialisme marxien est un "activisme" pratique par opposition à l’idéalisme (jeune-)hégélien : pratique i.e. qui prend l’idée comme un moment dialectique de la réalité humaine ( et donc la lutte scientifique comme un moment de la transformation sociale) mais pas comme sa fin ou sa conclusion. Autre différence : ce n’est plus un individualisme. La philosophie c’est l’affaire d’un philosophe. La science, comme moment idéél d’une pratique sociale, d’un collectif humain. Il faut que les idées s’emparent des masses : qu’elles soient imposées par elles, concrètement, dans la réalité historique et la pratique sous la forme d’une réalité sociale objective. Il a rapport à la philosophie mais n’est plus une philosophie : c’est la dialectique : science <-> pratique de la politique de la classe émancipatrice, du prolétariat.

    Salut,

    Jérôme S.

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