Surveillance
Le groupe de Tarnac, baptisé un peu vite d’ultra-gauche, était surveillé, depuis la dernière élection présidentielle, par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Le 6 novembre en fin d’après midi, les flics de la DCRI prennent en filature Julien Coupat et sa compagne depuis la Corrèze jusqu’à un pizzeria en Seine-et-Marne où ils dînent. En partant, ils jettent dans une poubelle, après d’infinies précautions, un horaire de train et le papier d’emballage d’une lampe torche. Au petit matin, les deux jeunes, suivis de loin se rendent le long d’une voie ferrée, s’y attardent vingt minutes.
Dès le couple parti, les flics descendent sur les voies qu’ils balaient de leurs lampes torches. Pas un instant, ils ne pensent à lever les yeux vers les caténaires. Nos redoutables limiers ne comprendront leur erreur que le lendemain, lorsque le TGV est ralenti par le sabotage de la veille.
Le 11 novembre, Coupat et ses amis sont arrêtés par des forces armées jusqu’aux dents. Le Parquet de Paris présente Julien comme « le cerveau d’une cellule invisible » ; la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot Marie, plus proche à l’époque de la porte que de l’augmentation, veut jouer à la bonne élève sécuritaire et en rajoute lors d’une conférence de presse. Présent ce jour là, le patron de la SNCF, Guillaume Pépy, qui veille à ses précieux TGV comme à la prunelle de ses yeux, n’est pas le dernier à attiser les braises.
Cet emballement surprend totalement les forces de l’anti-terrorisme, soucieuses de poursuivre tranquillement leur filature après l’incident des caténaires. « Nous avions au frigo des bananes qui étaient un peu vertes, explique un des patrons de la PJ, on nous a demandé de les sortir prématurément en nous expliquant qu’elles étaient mûres. Le résultat, on le voit, un Julien Coupat transformé en chevalier blanc ».
Tout est bon aujourd’hui chez les avocats pour démontrer « le complot policier » : une erreur de transcription sur le PV de constatation, le faux témoignage d’un agriculteur de Tarnac qui croit ainsi s’acheter auprès des gendarmes locaux une vertu entachée par l’incendie volontaire de sa grange. Une histoire de cornecul que l’on veut faire passer pour une affaire d’Etat !
Sitôt sorti de prison, Julien Coupat a déjà fait appel des 16 000 euros à verser dans les deux mois qui lui sont réclamés. Ce montant semble, à première vue, hors de proportion avec le petit millier d’euros qu’il déclare comme revenu mensuel en tant que gérant des biens immobiliers de ses parents. Mais ce n’est pas un hasard si Coupat est le seul de la bande assujetti à une telle caution : selon des sources proches de l’enquête, il aurait acquis pour 40 000 euros de fonds communs de placement en août 2008. « Coupat est un curieux révolutionnaire anticapitaliste. Il place même ses économies en Bourse ! » ironise un policier. « On veut encore stigmatiser le fils de bourge qui joue à la guéguerre. C’est hyper-mesquin », s’insurge son père Gérard Coupat.