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DE LA RÉVOLUTION D’OCTOBRE À LA SECONDE GUERRE MONDIALE

jeudi 21 mai 2015 (Date de rédaction antérieure : 21 mai 2015).

(La semaine dernière nous avons traité de la question des Révolutions au XXe siècle - L’article peut être consulté à l’URL :

http://www.les7duquebec.com/7-au-fr…

Cette semaine nous poursuivons l’examen de cette période historique ).

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1) Les instances idéologique et politique de la lutte de classe ne sont jamais les instances dominantes de la lutte de classe. Toutefois, en situation insurrectionnelle ces instances peuvent devenir déterminantes. C’est l’instance économique de la lutte de classe entre le capital et le travail, entre la bourgeoisie et le prolétariat, qui est dominante. Toute analyse concrète d’une situation concrète doit donc commencer par l’analyse du contexte économique de la lutte.

2) Toute organisation prolétarienne évolue en fonction des balises imposées par la progression de la lutte de classe, d’abord sur le front économique, et ensuite, sur les fronts politique et idéologique. Aucune organisation politique ne maîtrise le mouvement prolétarien spontané et une organisation révolutionnaire doit s’ajuster aux flux et aux reflux du mouvement révolutionnaire mécanique. C’est cette incapacité de compréhension et d’ajustement qui explique l’anémie - l’isolement - le sectarisme et le dogmatisme du mouvement de la gauche communiste mondial face aux exigences de la phase prérévolutionnaire.

3) Après la défaite de la Révolution russe la "bolchevisation" des organisations communistes et de l’International communiste, s’imposa spontanément au mouvement comme l’acceptation de cette défaite. La "bolchevisation" des organisations ne constitua pas le motif de la défaite de la révolution en Russie et dans plusieurs autres pays. La "bolchevisation" fut la résultante du dépérissement de la vague insurrectionnelle spontanée et du cul-de-sac révolutionnaire dans lequel les prolétaires d’Europe et de Chine furent contraints.

4) Pour comprendre la voie empruntée par le Parti bolchevique, par l’Internationale communiste, et par les partis communistes nationaux, il faut analyser les transformations amorcées dans l’instance économique de la lutte de classe pendant la Grande Guerre. Ainsi, un pays féodal arriéré sur le plan économique, industriel, commercial, financier, et surtout du point de vue du développement des forces productives sociales (paysannes et artisanales), ne peut en aucun cas donner naissance à un État, à une société socialiste, en marche vers le mode de production communiste. Ceci est encore plus vrai si cette société arriérée est isolée et assiégée par des pays capitalistes agressifs et interventionnistes.

5) De ces axiomes, il découle que la prise de pouvoir par le Parti bolchevique en Russie, puis la campagne de conquête des territoires de toutes les Russies par l’Armée Rouge furent les erreurs fondamentales qui enclenchèrent la dégénérescence du mouvement révolutionnaire bolchevique. Si la construction d’une société socialiste, puis du mode de production communiste, avait été possible en URSS, en 1917, le "stalinisme" comme d’aucuns l’appellent, et toutes les autres variantes d’opportunisme et de réformisme auraient été écartées par le prolétariat révolutionnaire. Mais justement, le prolétariat russe étant minoritaire (7 millions d’individus tout au plus), alors que les masses paysannes étaient majoritaires (plus de 35 millions de moujiks, semi-esclaves, et analphabètes, travaillant le sol à l’araire) dans un pays pas encore sorti du féodalisme et dirigé par un monarque despotique. Les États et territoires regroupés autour de la fédération de toutes les Russies soviétiques étaient dans un état d’arriération économique et de déprédation sociale encore plus profond. Dans nombre de ces pays féodaux le prolétariat n’existait pas. Les conditions objectives de la révolution prolétarienne retardaient sur les conditions subjectives idéologiques et politiques. La volonté révolutionnaire du Parti bolchevique et de Lénine ne pouvait combler ce retard économique.

6) À l’exception de quelques rares courants communistes de gauche, la plupart des courants politiques d’opposition ne surent observer l’impasse dans laquelle s’engageait la révolution bolchevique en direction de la création d’un puissant État capitaliste monopoliste bureaucratique visant à faire franchir à la fédération de toutes les Russies le passage obligé vers le mode de production capitaliste monopoliste nécessaire. Les multiples oppositions gauchistes et droitistes suggérèrent que seule la direction révolutionnaire était erronée et qu’elle pouvait être rectifiée. Elles ont suggéré qu’une pléthore de décisions était fautive et qu’un solide coup d’étrier organisationnel suffirait à redresser la barre du bateau ivre de l’empire soviétique à construire.

7) Ce fut l’erreur de Trotski notamment qui proposa sa propre ligne opportuniste en lieu et place de celle de Staline. Même attitude de la part de Zinoviev, Kamenev, Piatakov, Radek, Rykov, Boukharine et de toutes les autres oppositions. Le "stalinisme", pour user de l’expression de ces oppositions, fut la réponse opportuniste d’une révolution piégée par une économie et une société archi arriérée par rapport aux nécessités d’une révolution prolétarienne communiste.

8) De fait, user de l’expression "Stalinisme" dénote une déviation idéaliste dans l’analyse matérialiste dialectique de la situation économique, politique et sociale. L’histoire de l’humanité n’est pas l’histoire des grands hommes. L’histoire de l’humanité est l’histoire des masses organisées et agissant en classes sociales. Le soi-disant "Stalinisme" fut la réponse du mode de production, des rapports de production, et des classes sociales (massivement paysannes et analphabètes) de toutes les Russies incapables d’accoucher du mode de production communiste alors qu’elles n’avaient pas encore franchi le capitalisme monopoliste productiviste débridé et décadent. Il n’y a pas eu de révisionnisme stalinien. Il y eut un révisionnisme bolchevique (que Staline a concrétisé) et quand Khrouchtchev déboulonna Staline le révisionnisme bolchevique demeura en place jusqu’à son effondrement en 1991 - ayant accompli sa mission historique. La révolution prolétarienne est à reprendre en Russie impérialiste.

9) Nonobstant les courants sectaires et dogmatiques, accordons au Parti bolchevique et à Staline le mérite d’avoir réussi mieux que quiconque à diriger l’empire de toutes les Russies féodales dans la construction d’un capitalisme monopoliste d’État puissant. En vingt ans à peine, cette nouvelle puissance impérialiste a été capable d’affronter et d’écraser une puissance impérialiste mondiale de premier plan, l’Allemagne. Imaginer ce qu’il en aurait été si le Tsar et sa cour féodale avaient repris le pouvoir. Imaginer les détachements de cavalerie et leurs piétailles se fracassant sur les panzers divisions nazies. Car l’Allemagne aurait attaqué et occupé la Russie et ses dépendances sous gouvernance tsariste tout aussi sûrement qu’elle le firent des Russies soviétiques. Car l’impérialisme allemand aurait eu tout autant besoin du blé d’Ukraine, du pétrole de Bakou, des minerais de l’Oural et des esclaves salariés des Russies tsaristes que des ressources des Russies soviétiques.

10) La Révolution prolétarienne n’a pas été trahie Monsieur Trotski, elle s’est enlisée, car elle était paralysée dans cet étroit économique féodal, isolé et assiégé. La Révolution d’Octobre devançait l’histoire qui avançait à reculons. Les conditions subjectives devançaient les conditions objectives. L’inverse de ce que l’on observe un siècle plus tard en Amérique, en Europe, en Chine impérialistes. Comment et pourquoi cette inversion ? C’est avant et pendant la Seconde Guerre que s’amorça ce virage, cette inversion, cette liquidation des conditions de la Révolution mondiale, ce dont nous traiterons la semaine prochaine.

Robert Bibeau (2014) Manifeste du parti ouvrier. Publibook. Paris.

http://www.publibook.com/librairie/livre.php?isbn=9782924312520

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