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Vous puez - 3 septembre 2015 - Que se passerait-il si le Liban tombait ?

jeudi 3 septembre 2015, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 3 septembre 2015).

Que se passerait-il si le Liban tombait ?

http://www.manartv.com.lb/french/ad…

01-09-2015 - 17:25

Par Andre Vltchek (Voir sous l’article pour en savoir plus sur l’auteur)

Beyrouth brûle ; la ville le vit mal, irritée et préoccupée par son avenir incertain. Les ambulances hurlent. Il y a des centaines de blessés. Il y a des tirs de balles de gomme, mais aussi avec des munitions de guerre. S’agit-il d’une révolution ou d’une rébellion ?

Qui sont ces hommes, torse nu [comme les manifestants d’Occupy Wall Street utilisent leurs torses nus comme messages], musclés qui jettent des pierres à la police au centre du Beyrouth ? Sont-ils d’authentiques révolutionnaires ? Sont-ils là pour réclamer le tant discrédité « Printemps Arabe » ? Ou sont-ils venus pour faire une démonstration de force, payés par l’Occident ? Si l’État libanais s’écroule, l’État Islamique (EI) pourrait avancer et occuper une partie importante du Liban. Cela pourrait rencontrer les intérêts des pays occidentaux et ceux de la Turquie, mais aussi les intérêts des états du Golfe. Ou Israël pourrait-il profiter de la vacuité du pouvoir et envahir encore une fois le Liban. Ou cela pourrait être les deux : l’EI et Israël.

Il y a deux semaines mon amie disait en plaisantant : « J’ai trouvé un garçon à Beyrouth qui m’a dit qu’il est en train d’obtenir un emploi dans une ONG européenne. Son travail sera d’aider à déstabiliser le Liban ». Elle a mentionné le nom du pays qui finance l’ONG, mais je préfère ne pas le nommer pour ne pas jeter de l’huile sur le feu. A ce moment là nous avons beaucoup ri mais la chose ne semble déjà plus être si amusante. Hier elle m’a dit : « La police lui a tiré dessus ». Le garçon était là ; il ne fanfaronnait pas. Ce n’était pas un jeu.

* * *

Au Liban rien ne semble être déjà plus un jeu !

Ou est-ce qu’il pourrait y avoir deux « types » de manifestants dans le même lieu et au même moment ? Ceux qui luttent pour un Liban meilleur et ceux qui touchent pour se battre pour le sectarisme et les intérêts étrangers (ce qui dans ce pays revient à être plus ou moins le même) ?

Juste un jour avant que n’éclatent les manifestations dans la rue, je suis sorti de Beyrouth en voiture, j’ai traversé les montagnes et après j’ai voyagé vers le nord dans la vallée de la Bekaa.

La nuit tombait sur la vieille ville de Baalbek. Mayada El-Hennawy, la grande chanteuse classique arabe d’origine syrienne, a commencé à chanter avec sa voix si marquée, cette voix qui était portée par la sono vers les montagnes qui servent de frontière entre les deux nations sœurs : Le Liban et la Syrie.

Quelle vision ! Quelle folie ! Derrière Mayada se trouvait, l’énorme construction du temple de Bacchus au-dessus volaient quelques drones. Des chars et des centaines de soldats étaient dans tout Baalbek pour protéger l’endroit du festival. À peu de kilomètres de là, le Hezbollah livre une bataille épique contre l’EI.

Cependant, il y avait là des milliers de personnes à l’attitude de défi, qui ne se laissaient pas vaincre par la peur. Ils étaient arrivés au concert depuis Beyrouth et d’autres villes d’un Liban atteint et presque dysfonctionnel. Ils étaient arrivés pour célébrer la vie arabe et sa culture ; ils étaient arrivés pour écouter leurs chères chansons traditionnelles et pour honorer leur célèbre chanteuse syrienne. Certains, clairement, pour rendre hommage à la Syrie ; à la Syrie et à la vie. Mayada El-Hennawy a commencé à chanter, les gens hurlent.

* * *

Vingt-quatre heures après le concert, une foule se heurtait aux forces de sécurité libanaises au centre du Beyrouth, dans les alentours du palais gouvernemental. Des douzaines de personnes sont blessées ; le 24 août on a appris qu’une personne est morte à l’hôpital.

Au début du mouvement « Tala’at Rihatkum » (« Vous puez ») a organisé les manifestations. Des milliers de personnes ont rempli la rue en réponse à la crise du ramassage des ordures qui était en cours qui , selon plusieurs personnes, a rendu la déjà difficile vie à Beyrouth en quelque chose de pratiquement insupportable.

« Vous puez » Pendant 18 ans le gouvernement n’a pas été capable (ou il n’a pas voulu) construire une usine permanente de recyclage des déchets. Pendant 18 ans, les pauvres qui vivent près de la décharge « provisoire » ont souffert de la contamination produite par la voirie et sont morts à cause d’une incidence exceptionnellement forte de cancers et de maladies pulmonaires. Jusqu’à ce qu’enfin ils dissent : « Basta ! » et ils ont bloqué la décharge. À partir de ce moment-là, les ordures ont commencé à s’accumuler dans les rues de Beyrouth. Au lieu de chercher une solution définitive au problème, le gouvernement a aspergé les montagnes d’ordures en décomposition avec de la mort-aux-rats. Les gens de la capitale ont commencé à tomber malades.

Mais les ordures ne sont pas la seule raison pour laquelle la vie dans la capitale – en fait, dans tout le pays – est devenue quelque chose d’insupportable.

* * *

Il y a quelque chose qui doit être compris : Le Liban n’est pas l’Irak, la Libye ou la Syrie. Tous ces pays avaient un fort leadership socialisant et de vigoureux programmes sociaux (méprisés par l’Occident) ; depuis la prévention de santé à l’éducation, du logement public aux retraites.

Au contraire, le gouvernement du Liban est dysfonctionnel, corrompu et est divisé. Le pays a survécu pendant plus d’un an sans président, bien que le Cabinet se soit réuni plus de 20 fois pour essayer d’en choisir l’un.

Les ordures ne sont que le sommet de l’iceberg. L’infrastructure du Liban s’effondre : coupures constantes d’approvisionnement d’eau et pannes d’électricité. Il n’y a presque pas de transport public dont on puisse parler et les espaces verts pour un usage public sont pratiquement inexistants. Il y a des confiscations de terres dans tout le pays. La santé et l’éducation sont une catastrophe. Pour beaucoup de gens, le Liban est un lieu inhumain.

Il est possible que le Liban soit l’un des pays les plus capitalistes de la Terre. Il n’y a presque rien qui soit public, il ne reste déjà plus rien de socialisé. Et le capitalisme sauvage (toujours prescrit par les « associés » occidentaux à ses états clients) au Liban, comme dans tout endroit du monde, clairement ne fonctionne pas.

Le pays ne produit presque rien. Il y a plus de Libanais vivant à l’étranger que dans leur propre pays ; ce sont les versements d’argent qu’ils envoient qui maintiennent de quelque façon le pays à flot. De plus, il y a une production importante de capital provenant des bénéfices d’affaires troubles en Afrique occidentale et en Irak, mais aussi des bénéfices de l’industrie financière (surtout celle qui sert au Moyen-Orient et aux états du Golfe) et ceux que rapportent les narcotiques produits dans la vallée de la Bekaa.

Il y a une abondance de richesse dans les poches et les comptes bancaires de quelques personnes, mais il n’y a presque pas d’argent pour des services publics. Durant les nuits, les Lamborghinis et Ferraris font la courses sur La Corniche, et la marina de la baie de Zaytouneh concourt honteusement avec celle Abu Dhabi. Mais la plupart de la ville est contaminée, tombant en morceaux et désespérée. Au milieu de tant de contrastes, des réfugiés syriens désespérés font la manche.

Rien ne semble être suffisant. L’argent circule et, mystérieusement, une grande partie de celui-ci s’évapore tout simplement.

* * *

Maintenant, le pays est totalement brisé. Des sources gouvernementales soutiennent qu’actuellement la dette publique libanaise arrive à 143 % du produit national brut.

La population libanaise est fragmentée selon des lignes sectaires en 18 groupes religieux : les principaux sont les chrétiens, les musulmans sunnites, les musulmans chiites et une petite minorité druze. Grâce au sectarisme, l’unité nationale ou « le projet national » sont presque inexistants.

Quelques manifestants avec qui j’ai conversé proclament qu’ils en ont marre des sectarismes et des divisions ; ils veulent un Liban unique, qui soit fort et uni. Au moins c’est cela qu’ils disent.

Ahmed, l’un des manifestants, professionnel d’âge moyen qui vit à Beyrouth, m’a expliqué : « Je ne veux pas d’un Liban dechrétiens et de musulmans ; je veux un seul Liban, un pays uni ! »

Il semblerait qu’il n’y a pas d’idéologie qui unifie vraiment les manifestants. Il y a seulement des motifs de se plaindre ; c’est l’unique chose qu’ils partagent.

Les exigences semblent être légitimes.

Mais au Liban, il est impossible d’être sûr de ce qui existe en-dessous de la surface. Courent des rumeurs de ce que maintenant chaque groupe religieux envoie ses adeptes pour qu’ils luttent sur les barricades. Pendant des années et même des décennies, des intérêts politiques en lutte ont été tiraillés dans des directions distinctes de ce petit pays.

« J’ai connu un type qui manifestait et il était clair qu’il était anglais », m’a dit un diplomate qui vit à Beyrouth et qu’il ne voulait pas être identifié. « Il n’était pas journaliste ; en réalité : c’était un manifestant ! Il ne parlait pas arabe. Il y a beaucoup de personnages bizarres dans les manifestations ». Souvent c’est très difficile de savoir qui est qui, et qui est avec qui.

Les motifs de protestation des chrétiens ont à voir surtout avec l’Occident. Les musulmans sunnites sont étroitement alliés aux états du Golfe et, indirectement, avec l’Occident. Les musulmans chiites, en incluant le Hezbollah, tendent à s’approcher de l’Iran.

* * *

Presque tout le monde est ici d’accord avec le fait que le Hezbollah est l’unique force sociale solide dans le pays. Il vise aussi l’unité libanaise et le rapprochement des groupes non chiites.

Aujourd’hui, le Hezbollah est pris dans une bataille épique contre l’EI, une armée brutale et terroriste qui à son origine était appuyée et entraînée par l’Occident, la Turquie et, en général, par l’OTAN. Le Hezbollah s’oppose aux actions terribles de destruction que l’Occident et lsraël sèment dans toute la région. Pour cette raison, le nom de Hezbollah demeure fermement dans la liste sélecte étasunienne des groupes terroristes.

Le Liban est serré depuis tous les côtés. La guerre civile en Syrie nourrie par l’Occident a déjà forcé au moins deux millions de Syriens à traverser la frontière et chercher asile sur le petit territoire libanais. L’EI essaie de s’approprier continuellement la partie nord du Liban. Tandis que le Hezbollah assume la plupart de la lutte contre l’EI, l’armée libanaise et ses forces de sécurité sont entraînées par l’Occident. Récemment, l’Arabie Saoudite a payé à la France pour la fourniture d’armes au Liban. Israël menace continuellement avec une invasion. À cette liste de risques il faut ajouter la reprise de la lutte dans les camps de réfugiés palestiniens situés au sud du Liban, où il y a eu plusieurs morts et beaucoup de blessés.

* * *

« Nous voulons échapper au sectarisme », dit Ahmed, qui est en face d’un mur en béton construits pour empêcher que les manifestants de s’approcher du palais gouvernemental. « Assez des chrétiens et des musulmans : seulement Libanais ! Si nous gagnons, enfin il y aura plus de socialisme ici, plus de réformes sociales, meilleure santé, éducation et infrastructure ».

Mais… : est-il possible que ce groupe gagne réellement contre la terrible inertie capitaliste et religieuse ?

« Cela continue d’être difficile d’imaginer comment nous pourrions gagner », admet Ahmed. « Nous avons besoin au moins d’un million de personnes pour changer ce pays ». Mais le nombre de gens furieux et résolus augmente sans cesse. « Nous en avons déjà trop. Ça suffit ! », crie un homme qui porte un sac en plastique symbolique plein d’ordures.

Quelques minutes après, un groupe de manifestants me dit : « Ici il y a plein des intérêts étrangers…, français, étasuniens, saoudiens… Nous avons besoin d’une vraie indépendance ».

* * *

Tous les manifestants à qui je parle sont écœurés, mais seulement très peu sont capables d’imaginer une sortie à la crise. Au Liban il n’y a pas d’idéologie ni aucune conversation sérieuse sur le socialisme. L’Amérique Latine n’a pas été nommée pas même pas une fois.

Le groupe initial de manifestants est horrifié. Plusieurs entre eux sont venus avec leurs enfants sur les épaules et en tirant les grands-parents ; ils pensaient qu’ils allaient discuter avec le gouvernement et, au lieu de cela, ils ont été reçus par les camions avec des canon à eau, des balles en caoutchouc et du gaz lacrymogène.

Des affrontements et, comme conséquence de ceux-ci, des blessures terribles. Après les blocs en béton ont été placés autour du Grand Sérail, seulement pour être enlevés le jour suivant. Le fil de fer barbelé est encore dans tout le centre ville. La chaussée est éclaboussée des pierres, de morceaux en verre des vitrines, de véhicules incendiés. Des pneus brûlant bloquent les artères principales de la ville.

Les forces de sécurité sont partout, à pied ou à bord de leurs Humvees et sur des véhicules blindés légers. De même pour les médecins et les paramédicaux, préparés pour aider ceux qui ont en besoin.

– C’est une suite du Printemps Arabe – je demande.

– Oui – est la réponse.

Qui est derrière la révolte ?

Tout le monde dans la manifestation assure que la rébellion est absolument spontanée, qu’il n’y a pas d’influence de l’étranger.

– Révolution ! – les manifestants crient à plusieurs reprises.

– Ce n’est pas comme ces révolutions de couleur – ils me disent (ils se réfèrent à ces mouvements appuyés par l’Occident dans tout le monde, à ceux qui les paient pour qu’ils théâtralisent des « changements de régime »)–. Nous sommes ici par notre initiative. Nous voulons un Liban uni, libre et meilleur !

Il n’y a pas de doutes que plusieurs manifestants qui luttent au centre de la capitale soient des citoyens « authentiques » indignés. Mais il est clair que d’autres ne le sont pas. La situation s’avère être la même dans presque tous les autres pays du « Printemps Arabe » : au commencement, un désir de réformes et de politiques sociales ; tout de suite après, suit l’infiltration de groupes politiques variés (surtout en accord avec l’Occident et l’Arabie Saoudite. Après un certain temps, l’agenda original était séquestré.

* * *

  • Toutes les rébellions sont-elles dans le monde arabe condamnées depuis le commencement ?
  • S’Achèveront-elles toutes par des coups d’État orchestrés depuis les États-Unis et l’Union l’Europe, en des bains de sang et, enfin, en un collapsus épouvantable du pays ?
  • L’exemple libyen est il réellement inévitable ?

Depuis peu l’un des professeurs les plus connus de l’Université Américaine de Beyrouth (AUB) m’a dit : « C’est dans cette université où se forment la plupart de leaders des états du Golfe. Et ceux qui ne viennent pas ici, rêvent de le faire ».

Après, l’un des "experts internationaux" qui vit ici m’a dit : « Je suis sûr que vous savez déjà que les ateliers pour les activistes qui ont "lancé" le "Printemps Arabe" ont été réalisés au Liban. »

Je le sais, oui. Et voilà que cela dit beaucoup. Pendant plusieurs années, même des décennies, Beyrouth a été le centre d’attraction pour ceux qui voulaient gouter aux « monde occidental » sans sortir du Moyen-Orient. C’est ici où l’endoctrinement a été réalisé et où tant d’accords obscurs ont été scellés entre l’Occident et les chefs locaux.

Quelques milliers de manifestants au centre du Beyrouth sont étroitement surveillés. Il n’est pas nécessaire de dire que chacun de leurs mouvements est analysé avec attention et que l’Occident essaiera de profiter de tout ce qui arrive.

Cela ne veut pas dire que personne ne doit essayer de travailler pour un monde meilleur ni lutter pour améliorer son pays. Mais cela signifie que ces peu de manifestants authentiques seront toujours dépassés en nombre et qu’ils auront toujours à affronter les leaders du capitalisme sauvage libanais, lui même appuyés par l’Occident et les états du Golfe. Ils auront à aussi affronter ces autres « manifestants » qui ont déjà réussi à infiltrer cette petite rébellion et sont manipulés par des divers intérêts politiques, locaux et étrangers.

Si ce qui ce passe ici a ses origines à l’étranger : A quoi on doit cette urgence que le Liban s’écroule ? Peut être le doit on aux initiatives diplomatiques russes, de plus en plus réussites, pour arrêter les conflits au Moyen-Orient ? Ou peut-être y a-t-il un plan pour enfermer presque complètement la Syrie ? Se pourrait-il être que le Hezbollah soit maintenant au plus haut de la liste Occidentale des organisations malignes ?

Les rumeurs se multiplient tandis que l’information manque. Une chose est certaine : si le Liban coule, toute la région recommencera à être une colonie.

Par Andre Vltchek : romancier, cinéaste et journaliste d’investigation. Il a couvert des guerres et des conflits dans des douzaines de pays. Son livre sur l’impérialisme occidental au Pacifique Sud s’intitule « Océania ». Son livre provocateur sur l’Indonésie post Suharto et son modèle fondamentaliste de marché s’intitule « Indonésie : The Archipelago of Fear ». Il a récemment produit et dirigé le documentaire Rwandan Gambit, de 160 minutes sur le régime pro occidental de Paul Kagame et son pillage de la République Démocratique du Congo, et One Flew Over Dadaab sur le plus grand camp de réfugiés du monde. Après avoir vécu de nombreuses années en Amérique latine et en Océanie, Vltchek vit et travaille actuellement dans l’est de l’Asie et en Afrique.

Sources : El Correo ; original : « Lebanon – What if it Fell ? »

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