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Colombie - FARC - 14 ans après l’assassinat du professeur Freytter Romero

dimanche 4 octobre 2015, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 4 octobre 2015).

14 ans après l’assassinat du professeur

http://michelcollon.info/14-ans-apres-l-assassinat-du.html

Freytter Romero le 30 septembre 2015

Le professeur Jorge Adolfo Freytter Romero était un académicien engagé dans la Paix en Colombie, pour la Pensée Critique, pour le soutien aux luttes sociales, politique et étudiantes. Il a cherché, comme but ultime de sa lutte politique, la réalisation de la Paix par la Justice sociale, l’extension de la Démocratie et le sens pratique de la Souveraineté. Au sein de l’Université de l’Atlantique, il a soutenu le secteur syndical (ASPU, ASOJUA) et participé à la défense des Droits Humains, aux droits du travail et à l’éducation dans le Département de l’Altantique.

Il a mené ces luttes politiques et sociales en tant qu’enseignant dans les classes de l’Université de l’Atlantique, ainsi qu’à l’Institut Pestalozzi. À l’Université de l’Atlantique, il fut titulaire d’une Licence en Sciences sociales et économiques, ainsi que d’un titre d’Avocat de la Faculté de Sciences juridiques.

Persécution politique de la Pensée Critique en Colombie

L’assassinat du professeur Freytter Romero s’inscrit dans une politique de persécution politique de la part de l’État colombien envers les leaders sociaux, intellectuels critiques et activistes des Droits Humains. Le harcèlement a commencé avec le gouvernement conservateur rexiste de Misael Eduardo Pastrana Borreo. Le leader des étudiants Freytter Romero, ainsi que les leaders et défenseurs des Droits humains dans la ville de Santa Marta, furent persécutés, menacés et déclarés cibles militaires par le Gouvernement national. Les hordes du système antidémocratique qui constituaient le système colombien depuis 29 ans l’ont mené à prendre le leadership social et populaire dans la région des Caraïbes colombiennes.

Durant les mois de juin, juillet et août 2001, le professeur et avocat J. A. Freytter Romero a contribué à l’organisation de plusieurs journées d’accusation faisant connaître les conditions économiques, administratives, et de sécurité pour les membres de l’Université de l’Atlantique, ainsi que les problèmes liés à la qualité de l’éducation. L’État colombien a asphyxié les économies des Universités publiques, même si actuellement pourtant on tente toujours d’imposer un modèle d’éducation néo-libéral, comme l’explique Renan Vega Cantor : « Une force productive — destructrice et privatisant le savoir — pour camoufler et rendre plus présentables la vente de marchandises et l’obtention de gains. Justifiant la privatisation, la différenciation entre les diplômes universitaires et les spécialités, la subordination des universités aux entreprises. »(1)

Le professeur Freytter a été séquestré, torturé et assassiné les 28 et 29 août 2001, comme l’explique l’anthropologue et médecin Alberto Pinzon Sanchez : « le dernier souffle lui a été ôté par les armes officielles pour lui transpercer le crâne et lui détruire le cerveau. Mais l’objectif de l’offensive fasciste n’était pas seulement de détruire les "guérilleros habillés en civil et de prendre le contrôle des universités publiques capturées par la guérilla", comme l’annonçait le président Uribe Velez, mais bien d’inspirer la terreur ; le jour suivant, ils ont jeté les restes sanguinolants de sa dépouille dans le quartier Barranquilla-Cienaga, près du village de Palermo (2), sur l’autre rive du fleuve Magdalena, près du marécage de Macondo. »

Jusqu’ici, nous ne pouvons affirmer avec certitude qui est l’instigateur de cet assassinat, mais les responsabilités matérielles sont claires. Pour l’Unité des Droits Humains du Parquet Général de la Nation, la responsabilité et la connivence des plans et de l’exécution par des membres des AUC (Autodéfenses Unies de Colombie - c’est-à-dire les paramilitaires) et de la GAULA (Groupes d’Action Unifiés pour la Liberté), de la police et de la défense nationales sont établies. En ce qui concerne les Autodéfenses unies de Colombie, il s’agit de Carlos Arturo Romero Cuartas, alias « Monterias », Oscar Orlando Ortiz, alias « Moncho », chef paramilitaire du Front Jose Pablo Diaz. En ce qui concerne la GAULA : Flover Argeny Torres Sanchez — grade de Lieutenant — et Julio César Pacheco Bolivar, connu sous le nom de « La Chacha », ainsi que Gabriel Angel Berrio Parra. Pourtant, jusqu’à ce jour, ni l’armée, ni l’État colombien, ni les unités de GAULA de l’Atlantique n’ont été jugés pour leur responsabilité dans les faits rapportés.

Ces crimes s’inscrivent parmi d’autres opérations militaires menées par des fonctionnaires des Forces militaires de Colombie. De nombreux crimes commis contre des syndicalistes, professeurs, défenseurs des Droits Humains ont eu lieu durant le temps du « Service » du Général Freddy Padilla de Leon, qui fut responsable de la Seconde Brigade dans les Départements de l’Atlantique Magdalena et Bolivar Sud. Ce militaire, dans un article publié par le journal El Tiempo, dit : « Dans le département de l’Atlantique, il n’y a pas de paramilitaires, mais des groupements de moindre importance qui sont ajustés à leurs véritables proportions, et remis à la justice grâce à la manière spontanée, volontaire et effective avec laquelle collaborent les habitants ». Il affirme tout aussi effrontément : « qu’il n’y avait pas à faire écho aux rumeurs au sujet de listes d’étudiants, travailleurs et enseignants de l’Université de l’Atlantique menacés de mort par les Autodéfenses, comme ce fut le cas à l’Université de Antioquia. »

Tout l’argumentaire du militaire est faux, à en juger par les signalements de responsabilités pénales pour des crimes internationaux commis contre la population civile dans le contexte de ces « Faux positifs ». Tout ceci dévalue la politique systématique de la part des structures militaires et des politiques de l’État colombien, avec comme objectif d’anéantir la Pensée Critique en Colombie. L’intervention du paramilitarisme dans les universités publiques colombiennes s’inscrit dans une campagne au niveau national, facilitée par un scénario politique entamé avec la consolidation de la « Loi de Sécurité Démocratique » et la « Loi de la Justice et de la Paix ».

Il est important de signaler que l’infiltration et l’intervention paramilitaire n’est pas un phénomène nouveau. Il faut garder à l’esprit les cas extrêmes, comme celui de l’Université de Cordoba, Altantique, Magdalena, Guajira et l’Université populaire de Cesar, Sucre afin d’apprécier à leur juste valeur les aspects qui constituent le processus de paramilitarisation des universités publiques colombiennes.

Le rôle que viennent de jouer les Groupes d’Action Unifiés pour la Liberté (GAULA), tant de la police que de l’armée, détachement qui a participé directement à toute l’opération qui s’est terminée par la séquestration, la torture et l’assassinat du professeur Jorge Freytter Romero. Rappelons que le GAULA, après avoir été en fonction au département de l’Altlantique depuis 2011, fut nouvellement réactivé le 13 février 2014 sur décision du Président Juan Manuel Santos et le Gouverneur du département de l’Atlantique. Telle décision fait craindre de potentielles violations des Droits Humains de nombreux leaders sociaux, populaires de l’Atlantique, connaissant la relation qu’entretient cette unité avec quelques opérations réalisées conjointement entre paramilitaires, ainsi que nous le confirment les déclarations du Capitaine de l’Armée Adolfo Enrique Guevara et bras droit de « Jorge 40 ».

Mémoire historique : le silence n’est pas une alternative

Le silence ne sera jamais une réponse aux crimes contre l’Humanité, crimes qui n’ont jamais été reconnus et n’ont jamais obtenu aucun dédommagement, et qui n’ont jamais fait l’objet d’aucune arrestation ni d’aucune procédure judiciaire. La Colombie a perdu un grand académicien et intellectuel ; nous avons perdu un père, un fils, un frère, un époux et compagnon de vie, un ami inconditionnel et engagé, un soutien et un guide fondamental dans nos vies, dont nous pleurons l’absence ; avec la certitude de continuer de poursuivre le travail, inspiré par son héritage et rendant justice à sa mémoire et à ses enseignements. « Nous ne nous sommes pas tus, et nous défendrons notre parole quoi qu’il en coûte ».

La réparation collective fera partie intégrante de la Paix et la Vérité. Nous continuerons d’exiger en tant que victimes de l’État colombien la reconnaissance en tant que sujets politiques et sociaux de notre quête de la Vérité, de la Justice intégrale, de la Réparation et la Garantie que ces faits ne se reproduiront plus. Nous avons confiance dans les pourparlers entamés entre le Gouvernement et les FARC-EP, et dans les pourparlers exploratoires avec l’ELN, afin qu’ils influencent le cour des choses et que ces cas de répression contre les professeurs et les étudiants critiques soient pris en compte par la Commission de la Vérité et la Commission de l’éclaircissement du paramilitarisme, déterrant une fois pour toute la botte militaire des Universités publiques colombiennes, et la doctrine militaire qui ciblent chacun et chacune qui pense de manière critique. Aucune excuse ne s’oppose donc plus à la vérité, la justice et la réparation quant aux nombreux crimes atroces et persécutions qui ont été commis dans ce pays dans le cadre universitaire et académique.

Il est plus que jamais nécessaire, vu le contexte actuel, d’examiner le Terrorisme d’État et la vision négationniste du projet parastatal de la Terreur.

Freytter-Florian Jorge. Fils du professeur Jorge Adolfo Freytter Romero. Étudiant en Sciences politiques et Gestion publique de l’Université du Pays basque.

Source : Investig’Action

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