Deux jeunes hommes français, humanitaires d’origine algérienne, Bachir et Amar reviennent de Gaza et nous expliquent : « Fin février nous décidons d’accompagner notre convoi humanitaire à destination de Gaza via Rafah. Nous atterrissons au Caire pour nous rendre à l’ambassade de France pour nous présenter et solliciter l’aval des autorités françaises. Nous sommes reçus à l’entrée par la secrétaire du premier conseiller. Nous lui présentons notre projet , lui formulons notre souhait d’aller à Gaza et sollicitons, par conséquent, une autorisation écrite. Elle nous répond qu’elle allait se renseigner et nous contacter ultérieurement en prenant soin de nous préciser que la frontière est fermée et que rien ne rentre à Gaza. Nous insistons avant de quitter l’ambassade.
Nous décidons de nous rendre auprès de l’association égyptienne chargée de suivre notre convoi sur le territoire égyptien. Ce dernier était arrivé avant nous. Nous avons été reçu par un responsable qui nous répond que le convoi n’arrivera que dans trois semaines. !!! Déboussolés, nous ne savons que répondre.Nous émettons quelques réserves et décidons de nous rendre à Rafah pour voir s’il n’était pas bloqué sur place.. Pris par le temps nous nous rendons, dès le lendemain à Al -Arich (dernier village égyptien avant la frontière de Rafah). Pour nous y rendre, nous avions le choix entre les « taxis nomades » qui nous proposaient la course à 100 euros et le bus populaire pour 30 livres égyptiennes (env. 4 euros). Le choix était évident.
A notre descente au village, trois civils nous réclament nos papiers et nous suspectent de vouloir nous rendre à Gaza. Nous nions l’accusation sentant qu’une réponse positive de notre part serait dangereuse. Après plusieurs appels effectués et face à notre silence, ils nous rendent nos papiers et nous abandonnent sur le trottoir.
Le lendemain matin, nous décidons d’aller visiter ce lieu si célèbre malheureusement et si tristement convoité : la frontière égyptienne de Rafah. Pour ce faire, nous sollicitons le croissant rouge égyptien qui contacte un taxi pour nous y emmener. Au premier barrage, on nous arrête, nous interroge, saisit notre caméra et nos papiers en nous assaillant de questions. Après trente minutes, ils nous rendent le tout et nous ordonnent de faire demi-tour. Comme toutes les routes mènent à Rafah, nous y arrivons deux heures plus tard tant bien que mal.
Des bombardements israéliens faisaient plein feu sur les tunnels palestiniens alors que les garde-fontières égyptiens, à quelques mètres de là, prenaient plaisir à renvoyer toute bonne volonté qui tentait le passage. Nous nous rapprochons d’eux afin de leur expliquer le but de notre visite. Ils nous informent que pour l’instant la frontière est fermée par mesure de sécurité. Nous restons quelques heures sur place et assistons à un va et vient de journalistes, d’ambulances, d’humanitaires etc. qui voulaient tous la même chose : gagner la « terre promise » : Gaza. Désappointés et furieux,nous retournons à Al-Arich. Nous avons fait ces allers et retours plusieurs jours de suite pendant une semaine, toujours dans l’espoir d’une ouverture possible de la frontière. Inquiets de n’avoir pas de nouvelles du convoi de la part des Egyptiens nous contactons les associations parisiennes qui nous confirment qu’il est bien arrivé en Egypte à la date prévue. Furieux, nous repartons immédiatement au Caire et rendons visite à l’association égyptienne en charge du convoi pour lui demander des explications. A la demande de Paris, nous leur retirons la gestion du dossier pour le confier à un groupe qui nous paraît plus sérieux. Ce dernier nous rassure et nous garanti une prise en charge sérieuse et fidèle jusqu’à destination. Trop beau pour être vrai !!! Nous avons appris que certains documents originaux étaient indispensables pour l’acheminement de la marchandise. Ils ont été envoyés par les associations françaises via chrono-poste aux associations égyptiennes chargées de la mission. Jusqu’à ce jour, elles se renvoient la balle et nient avoir reçu tout document. Face à notre détermination et notre harcèlement, ils iront même jusqu’à nous proposer de prendre en charge à leur frais et sur leur temps le convoi à condition que nous acceptions de changer de destination. Effarés, nous n’en revenons pas, pensant que c’était une plaisanterie (de mauvais goût bien sûr), Mais non ils étaient sincères !!! prétextant que Gaza n’avait plus besoin d’humanitaire et avait le nécessaire pour tenir au moins un an. Quelle honte !!!
Les choses se compliquent et nous contactons Paris qui nous conseille de rentrer afin qu’un responsable se rende sur place immédiatement. Poussés par le cour et notre désir de toucher malgré tout Gaza, nous décidons de procéder à la visite de blessés palestiniens dans les hôpitaux du Caire. Nous avons été confrontés à des témoignages aussi bien durs que bouleversants qui n’ont fait que confirmer le fait que cette population a été victime d’une agression barbare et aveugle. Que répondre au vieil homme qui a perdu ses jambes en allant chercher de la farine pour nourrir sa famille ? Et à cette femme enceinte, qui a du être évacuée des décombres par ses voisins, à la suite des bombardements ? Et ce jeune sportif qui ne connaîtra plus le plaisir d’une course d’équipe ? Et à tous les autres amputés, brûlés, handicapés, humiliés. meurtris dans leur âme et leur chaire ? Et qui restent si DIGNES !
Dur retour à Paris : insouciance, indifférence. à seulement quatre heure d’avion de cette tragédie.
interview réalisée par Ginette Hess Skandrani
Paris, le 25 mars 2009