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En Libye, les élections sont maudites

vendredi 10 décembre 2021, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 10 décembre 2021).

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Vendredi 10 décembre 2021

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Le président français Emmanuel Macron s’entretient avec les deux têtes de l’exécutif libyen intérimaire, le président Mohamed al-Menfi et le premier ministre Abdelhamid Dbeibah, lors de la conférence internationale sur la Libye, Paris, 12 novembre 2021. Rachida El Azzouzi

Quelques jours après le sommet libyen sous les ors de Paris, Jan Kubis a démissionné. L’envoyé spécial de l’Organisation des Nations unies en Libye n’aura pas tenu un an. Aucune explication officielle n’a été avancée mais l’émissaire slovaque était opposé au transfert de son poste de Genève à Tripoli, qui divisait le Conseil de sécurité.

Est-ce vraiment cette raison qui l’a conduit à claquer la porte ? Sa démission soudaine survient en tous les cas au pire moment, à quelques semaines d’élections clés en Libye qui restent encore bien incertaines et qui ont déjà été maintes fois repoussées.

Jan Kubis participait à leur impulsion depuis des mois au nom de l’ONU, dans des conditions difficiles. Il avait été salué pour son « travail courageux » par les organisateurs de la conférence libyenne, le président français Emmanuel Macron, la chancelière allemande Angela Merkel, le président du Conseil italien Mario Draghi, le président et le premier ministre libyens par intérim, Mohamed al-Menfi et Abdel Hamid Dbeibah.

Lundi 6 décembre, l’ONU a contourné le problème en nommant la diplomate américaine Stephanie Williams conseillère spéciale du secrétaire général de l’ONU pour la Libye, où elle résidera, un poste qui ne nécessite pas l’aval du Conseil de sécurité.

Numéro deux de la mission onusienne en Libye entre 2018 et 2020, Stephanie Williams, qui est arabophone, ce qui n’était pas le cas de Jan Kubis, avait assuré en 2020 l’intérim après la démission de Ghassan Salamé et favorisé plusieurs avancées dans le si laborieux processus de paix libyen.

« Elle dirigera les efforts de bons offices et de médiation avec les parties prenantes libyennes, régionales et internationales, afin de poursuivre la mise en œuvre des trois volets du dialogue interlibyen – politique, sécuritaire et économique – et de soutenir la tenue d’élections présidentielle et parlementaire », soutient le communiqué de l’ONU.

Un défi loin d’être gagné tant il n’est pas acquis que des élections puissent se tenir à partir du 24 décembre dans ce pays éclaté en pôles de pouvoir rivaux et en milices par plus d’une décennie de guerre, à la merci d’ingérences étrangères. « Elles n’auront pas lieu. Trop de pays se tiennent en embuscade et n’ont pas intérêt à ce que la situation s’améliore pour continuer à en tirer profit », assure à Mediapart un diplomate libyen.

Mercredi 8 décembre, le Haut Conseil d’État libyen (HCE), l’équivalent du Sénat qui siège à l’Ouest, à Tripoli et qui est en conflit avec le Parlement basé lui à l’Est, a proposé de reporter à février l’élection présidentielle et de l’organiser « en même temps que les législatives », tant les tensions sont à leur comble « entre les parties et des ingérences étrangères », a regretté lors d’une conférence de presse le vice-président du HCE Omar Boshah. Si l’élection se tient bien le 24 décembre, « les résultats ne seraient pas acceptés », selon lui. Certains observateurs craignent même un retour à un conflit armé.

Certes, le processus est lancé. Pléthore de candidats – 98 – se sont fait connaître rien que pour la présidentielle du 24 décembre, selon la Haute Commission électorale (HNEC) libyenne. Parmi eux, plusieurs personnalités controversées aux mains tachées de sang pour certaines, qui cherchent à servir leurs intérêts mais aussi ceux de grandes puissances telles la Russie ou la Turquie. À l’image de Seif al-Islam Kadhafi, fils de l’ancien dictateur Mouammar Kadhafi, proche des Russes et de leurs mercenaires de la milice Wagner, mais aussi de l’Égypte.

Condamné à mort par la justice libyenne en 2015 pour crimes de guerre, il est aussi poursuivi par la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité pour la répression des manifestations contre le régime de son père. Sa candidature a été rejetée par la commission électorale car son casier judiciaire n’est pas vierge, mais un tribunal libyen du sud du pays l’a rétablie.

Le jour de l’audience, le fils Kadhafi a trouvé sur son chemin des opposants farouches à ses ambitions politiques, des soutiens du maréchal Khalifa Haftar qui contrôle l’Est et une partie du Sud libyen, également candidat à la présidentielle. Ce dernier, tout aussi critiqué, a également vu sa candidature rejetée par la commission électorale, avant d’obtenir gain de cause à son tour.

À moins de trois semaines de l’échéance, on reste loin des exigences d’élections « inclusives », « crédibles », « sécurisées », telles que tracées sous l’égide de l’ONU, pas seulement du fait du profil des candidats et de ceux qui vont à l’encontre même de la loi électorale, tel le chef du gouvernement intérimaire, qui, théoriquement, n’a pas le droit de se présenter, Abdelhamid Dbeibah, son rôle étant d’organiser les élections.

De multiples recours ont été déposés contre de nombreux candidats, la loi électorale reste dysfonctionnelle et défaillante sur plusieurs points majeurs, des millions d’électeurs n’ont toujours pas reçu leur carte, les violations et violences se multiplient pour torpiller le processus. Quant à la promesse d’une participation égalitaire, seules deux femmes sont candidates.

Pour Abir Imnena, directrice de l’institut Washem dans l’Est libyen, qui travaille sur la condition des femmes, ce dernier point n’est pas une surprise : « La loi électorale affaiblit la présence des femmes et ne tient pas compte du mouvement civil qui réclame un minimum de 30 % au moins. »

« Il y a aussi une résistance communautaire sous prétexte de religion, poursuit l’activiste. On dit toujours que ce n’est jamais le moment pour les femmes de participer. » S’investir en politique en Libye quand on est une femme, c’est affronter « une violence systématique », raconte Abir Imnena, « du harcèlement en ligne, des violences verbales, physiques ».

L’assassinat de l’avocate et militante féministe Hanane al-Barassi en novembre 2020 hante les mémoires. Abattue à bout portant en pleine rue à Benghazi, deuxième ville de Libye, elle dénonçait les violences faites aux femmes, les exactions des milices, la corruption en politique, notamment dans le clan du redouté maréchal Haftar.

Hanane al-Barassi a été assassinée alors qu’elle se filmait en direct sur Facebook face caméra, au volant de sa voiture, fustigeant le candidat va-t-en-guerre à la présidentielle et son fils Saddam Haftar. Elle avait annoncé la veille qu’elle allait publier une vidéo étalant l’ampleur des abus de ce dernier. Depuis des mois, elle essuyait des menaces de mort.

Rachida El Azzouzi
Médiapart du 09 décembre 2021

Kadhafi n’était pas un dictateur :

http://mai68.org/spip2/spip.php?article9455

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