L’affaire a fait le tour de la place financière et le microcosme luxembourgeois se délecte des dernières anecdotes sur cette carambouille qui visait à faire tomber le Premier ministre Xavier Bettel en l’associant, avec son compagnon Gauthier Destenay, à un trafiquant de drogue connu pour sa proximité avec des réseaux djihadistes. Cette bombe médiatique et judiciaire n’a jamais explosé malgré l’existence d’un rapport* de 30 pages remis à la justice en juin 2020 par le commissaire André Kemmer.
Son contenu a laissé les magistrats perplexes. Ce n’est pas la position de la personne mise en cause qui les a poussés à la prudence, mais le profil de ceux qui ont fabriqué et diffusé le rapport en question. Des doutes pèsent sur leur motivation. Plus encore depuis que le stratège de ce chantier, l’ancien chef du département du renseignement du SREL (Service de renseignement de l’État luxembourgeois), Franck Schneider, est derrière les barreaux. Arrêté à Audun-le-Tiche, en Moselle, le 29 avril 2021 à la demande des autorités américaines qui réclament son transfert aux États-Unis, il est sommé de s’expliquer sur son implication dans une gigantesque fraude aux cryptomonnaies.
Si la pression mise par la justice américaine pour obtenir son extradition est énorme, c’est que les transferts litigieux concerneraient l’Iran, pays avec lequel les États-Unis ont proscrit tout commerce.
Reste qu’aujourd’hui, les ennuis judiciaires de l’ancien chef des services secrets luxembourgeois éclairent d’un jour nouveau les accusations portées devant la justice en juin 2020. Au début, beaucoup y avaient vu l’expression d’une homophobie encore tenace au sein de la haute société luxembourgeoise qui n’a guère apprécié la publicité faire autour du mariage de Xavier Bettel et Gauthier Destenay.
Désormais, l’affaire revient comme un boomerang dans la figure de ceux qui ont essayé de la porter sur la place publique. Le complot qui visait à faire trébucher Xavier Bettel et tomber le gouvernement n’a pas seulement échoué, il a aussi ouvert la voie à une enquête très ennuyeuse pour ceux qui ont fomenté le coup. Car à présent se pose la question de leur motivation. Et ce n’est plus seulement la personne de Franck Schneider qui attire l’attention, mais celle de deux de ses proches, Pierre Grotz, un homme d’affaires qui a déjà eu maille à partir avec la justice dans une enquête pour blanchiment et escroquerie en Corse, et Frantz Wallenborn, le richissime et amitieux héritier du groupe de transport éponyme.
Ces trois-là s’entendaient comme larrons en foire. Au point d’imaginer un scénario machiavélique pour se débarrasser de leur adversaire commun ? C’est ce que suggère une partie de l’entourage des trois hommes. Les liens d’amitié entre Franck Schneider, Pierre Grotz et Frantz Wallenborn ne se sont pas seulement scellés autour de repas bien arrosés, ils se sont aussi noués autour d’intérêts financiers communs. Ce qu’ils ont monté ensemble à Dubaï est couvert d’un lourd secret qui pourrait vite voler en éclats, emporté par le faux rapport monté contre Xavier Bettel et l’enquête ouverte par les autorités américaines. C’est l’effet boomerang.
Pour l’heure, c’est l’implication de Frantz Wallenborn dans ce trio infernal qui suscite le plus d’intérêt. Des questions se posent autour de sa véritable surface financière, mais aussi autour de son activité dans la logistique et le transport. Avec un pied à Londres et Dubaï, a-t-il pu rendre des services inavouables à Franck Schneider et ses contacts iraniens ? Au Luxembourg, la réponse à cette question pourrait provoquer une déflagration. Mais ce ne sera pas celle imaginée par Franck Schneider, Pierre Grotz et Frantz Wallenborn.
*rapport connu de la rédaction
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