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Les 10 ans de la découverte du boson de Higgs

dimanche 3 juillet 2022, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 3 juillet 2022).

«  Sans le boson de Higgs, il n’y aurait pas d’atomes et de galaxies  »

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3 juillet 2022

Assawra

L’ensemble du détecteur de solénoïdes muoniques compacts photographié dans un tunnel du Grand collisionneur de hadrons (LHC) de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN), le 6 février 2020 à Cessy (Ain). Valentin Flauraud/AFP AFP

GUIDO TONELLI
Professeur à l’université de Pise, chercheur invité au Cern

Depuis des années, Guido Tonelli explore l’infiniment petit et les méandres de la mécanique quantique. Dans son dernier ouvrage (1), ce professeur à l’université de Pise, chercheur invité au Cern (l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire), dresse l’état des connaissances en physique, et présente une vue d’ensemble de l’histoire de l’Univers à partir d’une question centrale  : «  D’où venons-nous  ?  » Nous connaissons tous le big bang, il y a 13,8 milliards d’années. Mais qu’y avait-il juste avant  ? Pour le savoir, des supertélescopes essaient de scruter au plus loin et de remonter ainsi le temps. Mais une autre manière de comprendre ces premiers moments de l’espace-temps est d’explorer l’infiniment petit, de reconstruire les particules éteintes, d’étudier les états exotiques de la matière qui constituait l’Univers primitif. C’est la passion de Guido Tonelli, qui a participé à la découverte, voici dix ans, du fameux boson de Higgs. Surnommé la «  particule de Dieu  », il donne une masse à toutes les autres et rend possible la matière persistante.

Après des décennies de recherche, le boson de Higgs a été découvert en 2012, il y a tout juste dix ans, au Cern de Genève, grâce au grand accélérateur de particules, le LHC (le grand collisionneur de hadrons). Comment avez-vous vécu ce «  moment magique  », tel que vous l’appelez dans votre dernier livre  ?

Il est difficile d’exprimer ce que nous avons vécu pendant cette période. La vie d’un scientifique est ponctuée de tentatives infructueuses, de recherches qui n’ont pas donné les résultats escomptés. Qui a fait mon métier sait qu’il, ou elle, devra s’aventurer sur des chemins nouveaux, jamais empruntés auparavant, et la possibilité d’un échec sera toujours en embuscade. Nous, les physiciens expérimentaux, sommes entraînés à avoir du courage et à ne pas craindre l’échec. Lorsque, au milieu des années 1980, nous nous sommes lancés dans l’aventure du LHC, nous savions que ce serait difficile. Mais aucun d’entre nous n’a imaginé que nous aurions dû passer des décennies de dur labeur ponctuées par des crises terribles  : des systèmes qui n’ont pas fonctionné, l’explosion des prix de certains composants et une course permanente contre la montre pour respecter les délais. Si on pense aux moments de désespoir que nous avons connus lors de la construction du LHC et de ses grands détecteurs Atlas et CMS, on peut, peut-être, comprendre la joie immense que nous avons éprouvée quand dans nos données sont apparus de premiers signaux timides. La conscience d’être parmi les premiers êtres humains à observer un nouvel état de la matière est la plus grande satisfaction dont puisse rêver un physicien des particules.

Il s’agit d’une découverte fondamentale pour comprendre la structure matérielle la plus profonde de notre Univers. De quoi s’agit-il  ?

Notre vision du monde a fondamentalement changé et nous devons réécrire les manuels de physique. Aujourd’hui, nous pouvons raconter avec abondance de détails ce qui s’est passé dans les tout premiers instants après le big bang, quand l’Univers primordial a subi cette transformation qui a séparé pour toujours l’interaction électromagnétique de l’interaction faible (tous les processus physiques, chimiques ou biologiques connus peuvent être expliqués à l’aide de quatre interactions fondamentales  : gravitationnelle, électromagnétique, forte et faible – NDLR). Le même processus a attribué des masses différentes aux particules élémentaires, en différenciant leurs rôles et en permettant l’agrégation de formes stables de la matière. Sans le boson de Higgs, il n’y aurait pas de protons et de neutrons, d’atomes et de gaz, des étoiles et des galaxies. Ni non plus les systèmes persistants qui ont évolué au cours de milliards d’années jusqu’à permettre le développement des formes biologiques complexes qui habitent notre planète, y compris nous.

Les nouvelles expériences avec le LHC permettront de «  produire des dizaines de millions de bosons de Higgs  », écrivez-vous. Pourquoi  ? Quelles sont les hypothèses à tester ou à valider  ?

Toutes les mesures effectuées jusqu’à présent sur les caractéristiques de la nouvelle particule semblent confirmer les prévisions de la théorie, mais dans de nombreux cas, la précision atteinte à ce jour n’est pas suffisante pour tirer des conclusions définitives. Par exemple, il y a encore de la place pour un couplage du boson de Higgs avec des particules inconnues qui pourraient être de bons candidats pour expliquer la matière noire. Et les questions de fond demeurent. Le Higgs est-il vraiment élémentaire ou cache-t-il une structure interne  ? Vit-il tout seul ou est-il accompagné de toute une famille de particules scalaires (en physique scalaire qualifie une particule de spin nul, le spin étant, en physique quantique, une des propriétés internes des particules, au même titre que la masse ou la charge électrique – NDLR)  ? Ses couplages avec toutes les autres particules sont-ils exactement ceux prédits par le modèle standard (théorie formulée dans les années 1970 qui permet d’expliquer tous les phénomènes observables à l’échelle de l’infiniment petit, conformément à la mécanique quantique – NDLR), ou commence-t-on à voir quelque chose d’étrange  ? Tout cela fait l’objet du travail quotidien au LHC. L’accélérateur fonctionne à nouveau (lire l’Humanité du 31 mai 2022) et l’augmentation statistique des données nous permettra d’étudier en profondeur certaines des caractéristiques les plus insaisissables du nouveau boson. La règle du jeu est de chercher des anomalies par rapport aux prévisions du modèle standard. Un travail de bénédictin pour améliorer les prévisions théoriques et le contrôle systémique des erreurs sera indispensable pour exploiter pleinement l’augmentation de données produites par le LHC, en particulier dans la phase de haute luminosité de l’accélérateur.

Anna Musso
L’Humanité du 27 juin 2022

(1) Genèse. Le grand récit des origines, de Guido Tonelli, Dunod, 248 pages, 19,90 euros.

Note de do : Plusieur fois l’article dit que l’acronyme Cern signifie "l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire", alors que c’est "Centre Européen de Recherche Nucléaire".

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