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Mounette Dutilleul, ou la mémoire effacée : comment appeler les choses par leur nom ?

dimanche 11 février 2018, par Luniterre (Date de rédaction antérieure : 11 février 2018).

NDLR : il semble également impossible de retrouver la moindre photo de Mounette Dutilleul… C’est pourquoi nous avons choisi cette photo de résistantes anonymes, prise en 1944 à Marseille, comme représentative de cette époque et de son combat !

Source : https://www.histoire-image.org/etudes/femmes-ftp-moi

Mounette Dutilleul, ou la mémoire effacée :

« Parce qu’en définitive il faut bien appeler les choses par leur nom. »

Ci dessous, un extrait des mémoires de Mounette Dutilleul, document qui vient d’être retiré du net, mais dont nous avions fort heureusement gardé copie.

Par chance, nous avons pu également en retrouver trace ici :

http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:r6bGeIH0TYwJ:trcamps.free.fr/Mounette%25201939.html+&cd=3&hl=fr&ct=clnk&gl=fr&client=firefox-b

le doc récupéré en version PDF :

Mounette Dutilleul - Memoires 1939 -1945 Recup du doc original

https://tribunemlreypa.files.wordpress.com/2018/02/mounette-dutilleul-memoires-1939-1945-recup-du-doc-original.pdf

Sauvegarde : http://mai68.org/spip2/IMG/pdf/moun…

(Faire un clic droit sur l’un des liens puis "Enregistrer sous")

Les deux chapitres XIX et XX qui expliquent sans doute le “pourquoi” de cette “disparition” :

XIX

août 1940

L’affaire de l’Huma : l’équivoque

Frachon est à Paris, réinstallé boulevard Davout, puis rue Brocca. Dallidet, avec son vélo, est arrivé avant nous avec la voiture ! Les liaisons sont reprises, facilement d’ailleurs, soit par nos bons amis des mauvais jours, les Voisenet du 7, rue Popincourt, soit tout bonnement par hasard de rencontres dans la rue. J’ai retrouvé Gabriel Péri à la terrasse d’un café au métro Château Rouge, en plein quartier de la Goutte d’Or. Je ne comprenais pas qu’avec deux polices sur le dos, la Gestapo et la nôtre, enfin celle de France, on affichât une telle insouciance. Il est vrai que Paris semblait vivre dans un temps arrêté. Les soldats allemands ne se ruaient plus dans les boutiques tant d’alimentation que d’articles de luxe pour tout rafler. L’affiche de Langeron, préfet de police, placardée sur les murs, datée du 20 juin 1940, n’était pas menaçante. Elle se bornait à demander le recensement de tous véhicules automobiles, sous peine de poursuites. Paris s’arrêtait. Pas de métro, pas de travail, pas d’argent.

Pourtant la vie n’était pas tarie. Si la région parisienne comptait des centaines de milliers de chômeurs, c’étaient autant de milliers d’hommes et de femmes. A l’initiative de militants, des délégations parfois nombreuses de cent cinquante personnes se rendaient aux mairies réclamer les premiers secours en allocations de chômage, acomptes sur salaires en retard, ravitaillement. Nos élus se montraient dans les municipalités. Les premiers Comités Populaires se formaient. J’avais en main l’Humanité ronéotée datée du 2 août. Elle accordait une place importante à la constitution de ces Comités Populaires. Elle ne manquait pas de fustiger la répression sévissant au sud comme au nord de la Loire. Elle attaquait violemment Doriot et Dieudonné de "La France au Travail". Elle dirigeait les coups contre nos traîtres. Mais ne parlait ni d’occupation ni d’occupants. En étais-je plus frappée parce que perturbée par le courrier de Limoges ? Où en était-on de cette affaire de l’Huma légale ?

Legros (Maurice Tréand) tardait à reprendre contact avec moi ce qu’il aurait pu faire facilement par l’intermédiaire de nos camarades Voisenet. Le premier rendez-vous fixé par lui eut lieu dans les premiers jours de septembre au café "La mandoline" au carrefour Jean Jaurès. L’entrevue fut pénible. Je posais tout de suite la question de l’Humanité, attendant presque le démenti que m’en donnerait Legros. Au lieu de cela, il m’exposa des arguments tels que : les blindés allemands étaient arrivés plus vite que prévu à Paris ; les Allemands ne savaient pas sur quel pied danser ; c’était le moment d’en profiter pour faire sortir l’Humanité au grand jour. Legros avait même prévu la diffusion de la première édition par des clochards recrutés aux Halles, à raison de cinq francs (cent sous, comme on disait) par paquet de 100 journaux distribués. Legros voyait dans cette publication légale le moyen de rameuter les masses autour du Parti. Cela comportait certes un compromis. Cela n’éviterait pas la lutte qu’il faudrait engager contre l’occupant. Mais d’ici-là, le compromis était valable …

J’étais si hostile à l’idée d’une telle démarche auprès de "l’espion" Abetz et si gênée par le manque de rigueur des propos de Legros, en qui j’avais toute confiance, que je ne savais plus quoi dire, même plus quelle question poser. Legros le ressentit certainement : il était très perceptible au comportement de son entourage. De l’opportunité du compromis, il passe aux efforts qu’il avait dû déployer pour convaincre Catelas de la nécessité de la démarche auprès des autorités allemandes. Dans des termes qui lui étaient familiers, il me dit comment il avait dû "gonfler" Catelas, lui faire admettre que lorsqu’il serait devant les allemands, il ne devrait pas oublier qu’il représentait tout le Parti. Quelques jours plus tard, Catelas devait d’ailleurs me confirmer ces dires, mais assez vaguement. Devant mon entêtement à ne pas le suivre dans son argumentation, Legros recourut à l’argument d’autorité : Ce sont les directives de la "maison".

J’étais bloquée. Ce fut la cassure.

J’en ai parlé le soir avec Dallidet, qui était le premier camarade de la direction que je retrouvais après mon entretien avec Legros. Dallidet douta d’abord de mon entendement. Ce n’était pas possible, je devenais stupide, Legros n’avait pas pu développer une si piètre argumentation. Je n’y avais rien compris, ou bien je le prenais, lui Dallidet, pour un imbécile. Ce qui eut le don de me mettre en colère. J’eus alors, moi aussi, recours à l’argument massue : Legros m’a dit que c’est un télégramme de la "maison" … Dallidet fut bouleversé, inquiet, très inquiet.

Je sais qu’il a écrit un long rapport, de plusieurs pages - lui qui depuis le début de la guerre ne prenait plus jamais une seule note écrite. Je ne sais pas ce qu’il est advenu de ce rapport que pourtant il entendait conserver pour les archives. Etait-il dans la cache que Lecœur a pu retrouver ? C’est pure hypothèse de ma part que d’avancer cela. Je sais que Dallidet a discuté avec Frachon et à plusieurs reprises sur le sujet qui le tracassait beaucoup. Plus tard il en a aussi discuté avec Jacques Duclos. Je dis plus tard, précisément parce qu’à ce moment-là Jacques était éloigné de Paris et seul Legros assurait la liaison avec lui. Ce qui n’arrangeait rien.

Frachon, dans ces jours-là, multiplie ses rencontres avec Péri, Catelas, et voit souvent les syndicalistes, ses camarades Hénaff, Tollet, Rol-Tanguy, Poirot. Ceux-ci, pour l’instant, vont beaucoup "à la pêche" aux militants qui, ayant quitté les armées ou les usines décentralisées, voire les prisons ou camps d’internement, ont regagné Paris. La Vie Ouvrière circule dans la capitale. C’est le début du mois d’août. Je peux l’affirmer en me repérant sur la rencontre entre Dallidet et son jeune frère qui se produit le 5 août 1940. Léon Dallidet, le jeune, s’est démobilisé tout seul, le 2 août. Il a à peine regagné Paris, qu’il rencontre son frère venu chez lui, alors qu’il s’apprêtait à repartir pour aller se faire démobiliser. Arthur Dallidet n’hésite pas un instant à lui demander d’entrer séance tenante au service du Parti. Pour premier travail, le jeune frère, qui dorénavant sera connu sous le nom de Raf ou de Raymond, doit se procurer, coûte que coûte une camionnette "qui roule". Ce qu’il fit.

Dallidet retrouve très vite le contact également avec Robert Dubois et Georges Beaufils qui sont ses deux plus proches collaborateurs d’avant-guerre à la section des cadres (1).

J’avais bien sûr raconté à Frachon, à la première occasion, mon entrevue avec Legros. Frachon qui ne laissait pas facilement lire ses pensées sur son visage a donné libre cours cette fois-là à une inquiétude mêlée de colère. Comment rapporter les bribes de cet entretien sans risque de démesure ?

Beaucoup de choses déplaisaient à Frachon, en dehors même du fond de l’affaire. Ainsi, lors d’une rencontre avec Legros, celui-ci avait sorti d’une de ses poches une liste de noms de militants de la région parisienne. Les vannes furent ouvertes. Frachon considérait l’existence de cette liste comme une preuve d’inconscience inadmissible. Fallait-il penser que la bourgeoisie française, sa trahison accomplie, allait baisser les bras ? Cette trahison, la bourgeoisie française l’avait préparée, mûrie, menée à terme pour s’assurer une place importante dans le nouvel ordre d’Hitler, autrement dit dans la redistribution des profits en Europe, avec au bout forcément, un jour ou l’autre, la guerre contre l’Union Soviétique. C’était cela la "Kollaboration" à laquelle on conviait maintenant les Français. C’était pour les Schneider, les Péchiney, les Khulman. C’était contre les travailleurs et leur Parti communiste, donc avec une réorganisation prévisible de la répression, sous les auspices du gouvernement de Vichy et la bénédiction de la Gestapo.

Les jours suivant cette explosion, Frachon aborda avec moi un problème plus grave encore. Il me parla d’une appréciation qui lui avait été transmise - ce devait être de Maurice Thorez - selon laquelle il y avait dans le Parti français une tendance "trop dure" (celle de France, dirigée par Benoît Frachon) et une tendance "trop conciliante" (celle de Belgique dirigée par Jacques Duclos). Frachon en avait gros sur le cœur. Je l’entends me dire : "S’il le faut, je me retirerai de la direction du Parti, mais jamais, jamais je ne laisserai faire une scission dans le Parti".

On en était là. Ce furent pour nous, à la place où nous étions, des jours obscurs et difficiles, alors que déjà rien, dans notre activité comme dans notre vie quotidienne, rien n’était facile.

Sans tarder, la répression allait se réorganiser. En août 1940, une circulaire d’Adrien Marquet, ministre de l’Intérieur de Vichy, engage les Préfets à sévir contre les communistes. Au cours du même mois, une loi est promulguée, toujours par Vichy, interdisant toute société secrète ; la cible en est clairement indiquée : le Parti communiste. Puis la presse reprend la publication des tableaux de chasse aux communistes : en septembre, 300 arrestations, en octobre, 900 arrestations, dont celle de Léon Mauvais. La Gestapo était en lice.

Jacques Duclos n’était toujours pas revenu dans Paris, qu’il avait dû quitter dans le courant de la deuxième quinzaine de juillet. C’est aux environs du 2 octobre que, par sa femme, Gilberte, nous pûmes réellement le rejoindre. Legros avait organisé une rencontre pour fêter les 44 ans de Jacques. Legros, tout bourru qu’il fut, était attentif à ces marques d’amitié. C’est alors que j’ai su, par Angèle qui assurait la liaison entre Maurice Tréand et Jacques Duclos, que Jacques avait été déménagé du boulevard Mortier à la Croix de Berny, sur les indications de Maurice Tréand (2). C’est à dire qu’en fin de compte Jacques était aux portes de Paris, mais sans possibilité de se déplacer !

Jacques réintégra le logement du boulevard Mortier, peu après son anniversaire. C’était un très petit logement, dans une cité HBM (Habitation à Bon Marché) d’avant-guerre, qui avait l’avantage d’avoir plusieurs issues sur deux rues différentes. Le logement était celui d’une serveuse des restaurants de La Famille Nouvelle, personnellement connue de Maurice Tréand qui avait beaucoup de relations parmi les personnels des HCRB (Hôtels, Cafés, Restaurants, Bouillons), corporation dans laquelle il avait travaillé.

Ce petit logement a une histoire particulière à dire. Jacques y rédigea le grand appel du 101940, signé au nom du Comité Central par Maurice Thorez et Jacques Duclos. Voilà comment cela c’est passé, à ma connaissance. Les grandes lignes de l’appel avaient été transmises par radio. Angèle et Louise, avaient enfin reçu quelque chose de l’I.C. Mais l’opération avait été très difficultueuse, l’émission très brouillée et le texte transmis en trois tronçons fort mal aisé à déchiffrer. Jacques en fit l’appel du 10 juillet.

Cet appel, où personnellement je me retrouvais en terrain sûr, avait non pas atténué mais aggravé mon malaise concernant la parution légale de l’Humanité. Comment se pouvait-il qu’entre la lettre du 6 juin 1940 et l’appel du 10 juillet 1940, c’est à dire en l’espace d’un mois, on ait organisé cette démarche auprès d’Abetz ?

A peine réinstallé boulevard Mortier, Jacques Duclos rencontre Benoît Frachon dans un logement mis en réserve à la Poterne des Peupliers. Ils passèrent la journée ensemble. A quelques jours de là, je recevais par le courrier que nous avions rétabli entre Paris et Clément à Bruxelles, un message très court : déménagez Frédéric dès que possible, en dehors du "Gros".

Quand j’arrivais auprès de Jacques (dit alors "Frédéric"), Legros s’y trouvait. C’est dans des moments semblables qu’on a l’impression de se dédoubler et qu’on se voit agir avec une assurance qui est loin d’être réelle. Le message que je tenais dans le creux de la main passa dans celle de Jacques. Legros partit le premier. Jacques, apparemment très tranquille, déplia alors le bout de papier et me demanda quand on pourrait effectuer le déménagement. Demain ou après-demain, répondis-je mal à l’aise mais sans vantardise. C’est que Dallidet, dans toute son inquiétude, avait une fois encore prévu semblable éventualité. Nous disposions d’un bon logement et de la camionnette à gazogène récupérée par Raf. Elle devait servir le lendemain soir même. A l’heure dite, Raf, de la camionnette, pouvait voir venir Jacques et Gilberte, traversant tranquillement le trottoir du boulevard Mortier, avec, pour tout bagage, le panier au chat, la Minouche.

On les déménageait dans un appartement de la rue de l’Abbé Groult, (au 80 ou 86, je crois) dans le XVe arrondissement de Paris, un premier étage pas très clair d’une maison cossue d’où l’on entendait les cloches de l’Eglise Saint Lambert. Les locataires en titre, et de longue date avaient laissé l’appartement à la disposition de leur neveu. Celui-ci se trouvait être le troisième collaborateur direct de Dallidet, un jeune Breton, Gustave Guéhénneux. Ses parents ignoraient tout de ses activités. Plus connu sous son pseudonyme de Victor. Il devint l’indéfectible garde du corps de Jacques.

(1) Georges Beaufils, sous-officier en 1939, avait été expédié à Bar sur Aube à la chasse aux parachutistes que tout le monde voyait et que personne n’arrêtait. En juin 1940, il était de ceux qui faisaient sauter les ponts à Château-Thierry, convaincu qu’il fallait "tenir sans esprit de recul jusqu’à la dernière cartouche, jusqu’au dernier morceau de pain". Mais le gros de la troupe refluait.

Fait prisonnier dans la région de Reims, il réussit à s’évader. Fin août, nous le retrouvons à Paris. Il est chargé, avec Guinsbourg, secrétaire Fédéral du Parti pour la région Paris-Sud, des contacts, organisés et réguliers, avec le front. Ensuite, avec Robert Dubois, il est chargé de rechercher des hommes et des femmes pour l’O.S. en train de se constituer. Cette recherche ne se fait plus dans la limite des relations personnelles ou à "la pêche". On travaille sur les petits carnets. Il faut s’arrêter un instant sur ces "petits carnets". Du temps de la légalité, Dallidet avait mis en ordre un système de carnets sur lesquels étaient répartis, en différents carnets, noms, métiers, adresses et aptitudes particulières de militants remarqués dans leur activité politique pour les qualités que, dans le choix des cadres, on jugeait primordiales, telles par exemple ce que l’on appelait "l’esprit de Parti". On entendait par "esprit de Parti" la double capacité de lucidité critique dans la discussion et d’intelligence dans la réalisation de la décision prise. Cette capacité s’amalgamait dans une activité sans ménagement. Ce fut une qualité très salutaire pendant la guerre. Les premiers F.T.P. ainsi recrutés formèrent un cadre exceptionnel pour la libération du pays.

(2) Chez les camarades Cosson, rue du Parc à Antony. Lui travaillant chez Renault et elle à L.M.T.

XX

août 1940

L’affaire de l’Huma : deux témoignages

Avant de poursuivre, il faudra verser au dossier deux témoignages. On pourrait les qualifier de dépositions. Je les ai demandées après-guerre, dans le souci de confronter mes propres souvenirs aux témoignages personnels de deux camarades qui ne partageaient pas la même opinion que moi à l’égard de cette demande de parution légale de notre journal. Il s’agit d’Angèle Salleyrette et d’Alphonse Pelayo.

Voici le premier témoignage, celui d’Angèle Salleyrette. Je le redonne en entier, au risque d’accorder à cette affaire de l’Humanité une importance qu’elle n’a somme toute pas. Mais je le pense nécessaire pour faire place nette.

Tout d’abord qui est Angèle Salleyrette ?

Angèle a 18 ans en 1934. Elle travaille dans la chaussure, puis s’embauche chez Renault comme mécanicienne. En réalité, elle pique à la machine à longueur de temps et n’a pas les moyens d’acquérir un vrai métier. Elle lisait l’Humanité. Elle est mise à la porte. Le syndicat la fait réintégrer après les grandes grèves de 1936, avec tous ses droits d’ancienneté. C’est la victoire. Elle est militante communiste. Et se fait licencier de nouveau à la grève de 1938. C’est à ce moment-là que Dallidet - lui aussi un ancien de chez Renault - lui demande de travailler pour le Parti.

"Les patrons commençaient à reprendre du poil de la bête, et j’ai été virée une deuxième fois. C’est à ce moment-là effectivement que Dallidet m’a "piquée" pour les cadres et mis "en réserve". Ce que je ne trouvais pas du tout marrant. J’étais une fille plutôt active. On sentait venir la guerre. Je n’avais pas le sens de l’organisation pour ce genre de travail … ce n’est pas péjoratif ce que je dis là … Tu vois, plus tard, en 1947, quand je suis retournée chez Renault et qu’au syndicat ils m’ont repérée pour me mettre à l’Union des Syndicats, ça ne m’allait pas, je n’étais pas taillée pour cela … "Revenons à 1938. Je suis convoquée au 44. Je vois Legros. Après toutes les biographies déjà remplies, il m’en fait remplir une de plus ! Après quoi, il me dit : bon, on te retire de la circulation … Tu vas là … etc. C’était dans le logement de l’avenue Boutroux, tu te rappelles, près de la porte de Choisy … Je me suis empoisonnée royalement. Comme seule occupation au moment, j’étais chargée de chercher et d’organiser des planques, jusqu’en grande banlieue, Sartrouville, Ponteau-Combault et même dans l’Yonne. Quand ça collait, on faisait l’échange des demi-cartes à assembler pour se reconnaître, enfin tu sais … Bien sûr, je comprenais que c’était un travail nécessaire, et par la suite, j’en ai été convaincue. Mais ça n’avait rien de drôle. Avec mon mari, ça marchait de moins en moins bien. Je ne lui disais pas tout … toujours pareil, il ne fallait rien dire. Remarque que c’était aussi une force qui nous a rendu bien des services par la suite … Le pacte germano-soviétique, ce que j’en pensais, moi ? Rappelle-toi, honnêtement, je n’y comprenais rien, mais j’avais confiance dans les Soviétiques … Il faut dire ici, qu’en hiver 1938, j’avais fait un stage à Moscou. Rappelle-toi, c’était en plein hiver et tu m’avais reproché d’avoir acheté pour partir de mauvaises chaussures. J’avais pris le meilleur marché, chez "André" ! Tu m’avais posé aussi une drôle de question, à savoir si je n’avais pas peur de prendre l’avion … Comment te répondre, je ne l’avais jamais pris ! A Moscou, j’ai été récupérée par un petit brun, la quarantaine … Sorkine, oui c’est ce nom-là, qui m’a logé au "National", pas au "Lux" où tous les Français allaient. Je devais être de la classe au-dessus ! Pense, j’étais surtout à l’isolement le plus complet ! Je n’ai vu personne, que le jour de l’enterrement de la Kroupskaia où j’ai réussi à me perdre dans la foule … Je ne voyais qu’Hélèna Dimitrova qui ne m’apprenait que "le chiffre", de temps en temps Sorkine qui devait me faire du plat. Naïve, je pensais qu’il me tendait un piège pour me mettre à l’épreuve ! et alors je lui donnais du "non, camarade …" J’étais gourde ! A la veille du 1er mai 1939, j’ai eu l’impression qu’on précipitait mon retour.

Maurice Tréand m’a appris, bien après, qu’on avait eu des pépins avec une équipe de transmission radio et qu’effectivement on comptait sur moi pour y palier. En fin de compte, je n’ai eu à fonctionner que lorsque je suis passée rejoindre Legros et m’installer à Bruxelles, en 1939.

J’ai aussi appris là-bas, par Legros, qu’il y avait un autre dispositif très rôdé qui passait par des camarades belges … A ce moment-là, et à ta demande, j’ai assuré le passage de la frontière du petit Jean, le gamin de Maurice Thorez. Je l’ai fait, comme tu me l’avais indiqué, par le "vieux" de Tourcoing, et par Achille à Mouscron. Mon plus gros travail, c’était les valises à double-fond … Il m’arrivait de me demander à quoi je servais … A Bruxelles, comme ailleurs, je n’ai eu de contacts qu’avec Legros, la grande Louise (l’opératrice) et toi quand tu venais. Une seule fois j’ai rencontré quelqu’un d’autre. C’était Raymond Guyot, noir de cheveux comme un argentin ou un brésilien. Ce devait être fin avril ou début mai 1940. Il s’est embarqué sur un bateau d’Anvers, avec un autre camarade, je crois le secrétaire général du Parti communiste espagnol, en tout cas, un homme bien malade, qui a dû être opéré sur le bateau même, d’un ulcère ou d’un cancer à l’estomac, selon ce que Legros m’a vaguement dit …

"Quand les Allemands ont envahi la Belgique, c’était en pleine nuit, vers trois heures du matin. Ce devait être le 16 ou 17 mai 1940. Je ne m’en faisais pas trop. J’avais de bons papiers, des vrais, des belges, avec une vraie photo de moi … Tu vois, si j’avais été flic, je me serais méfiée des gens qui avaient des papiers trop en règle … Donc les Allemands arrivent, Legros me dit de regagner Paris, avec Louise, par nos propres moyens. C’est à dire à pied … Il me fixe un rendez-vous de repêchage à Paris, à une sortie de métro, Couronnes ou à côté. La grande Louise et moi, nous avons donc pris la route. On était toujours entre deux feux. On a dû faire un grand détour par Boulogne sur Mer où d’ailleurs les schleus nous ont rejoints, ça se battait de partout. Sur le côté des routes, il y avait des cadavres. On traversait des villes vides. Et moi, j’étais toujours tentée de retourner les cadavres, parce que mon frère, dont j’étais aussi complètement isolée, était mobilisé dans les tirailleurs … On est passé par Beauvais, drôlement détruit. On est arrivé à Paris, les pieds en sang. Ce devait être fin juin. Chacune a rejoint sa planque, moi à Antony. J’ai retrouvé Legros le surlendemain.

On s’est trouvé une nouvelle planque. C’est Legros qui la connaissait, porte Champerret, un meublé, sous les toits. C’est là que Legros m’a parlé de la parution légale de l’Humanité.

Il m’a dit avoir un rendez-vous avec les Allemands et devait s’y rendre avec une camarade, une femme. J’ai su après qu’il s’agissait de Denise Ginollin, que je ne connaissais pas (1) c’est elle qui devait avoir la maquette de l’Huma. Maurice ne l’avait pas. C’était prudent. Il ne m’a pas parlé d’une troisième personne devant en faire partie. Ce rendez-vous était fixé au début de l’après-midi. Maurice est parti sitôt après le repas de midi. Mais avant de me quitter, il m’a bien recommandé de déménager Jacques immédiatement s’il n’était pas de retour au rendez-vous que j’avais avec lui en fin d’après-midi. Maurice m’avait déjà fait savoir où était Jacques. Il m’avait même fait passer devant la maison. Il me répéta donc comment trouver Jacques et où l’emmener. Il insista beaucoup sur le fait que c’était là mon travail essentiel. Legros m’a également précisé l’adresse détaillée du boulevard Mortier. Je ne pouvais pas me tromper … Si Maurice m’a ainsi avertie, avant d’aller à ce rendez-vous, c’est qu’il savait bien les risques qu’il prenait … Il voulait donc mettre Jacques à l’abri … A l’abri de qui ? Pas de lui. Il était sûr de lui. Pourquoi donc déménager Jacques à une adresse connue du Gros pour aller à une autre adresse connue de lui tout autant ? Le déménagement augmentait les risques … Au moment, je n’y ai pas réfléchi. D’ailleurs, on ne posait pas tant de questions.

"Effectivement, il n’était pas au rendez-vous fixé entre nous vers 17 heures … Je cours à la blanchisserie d’Henriette Virlouvet, rue Nicolas Flamel (2). Elle a tout nié, m’a tout refusé. J’ai eu alors l’idée de lui laisser un petit mot à transmettre "à la personne" qu’elle niait avoir chez elle. Je savais que Jacques connaissait mon écriture, à cause des télégrammes. Une heure après, je retournais à la blanchisserie. Henriette m’accompagna jusqu’à son logement personnel, rue de la Verrerie, où Jacques me reçut très inquiet. Ces premières paroles furent : que vont-ils faire à mon Gros ? J’ai eu alors, au travers de son inquiétude, la nette impression que Jacques connaissait la démarche de Maurice. Il ne m’était même pas venu à l’idée qu’il puisse l’ignorer … J’ai déménagé Jacques. Tout s’est très bien passé. La camarade était parfaitement au courant.

Maurice est rentré à la maison le lendemain matin. Que m’a-t-il dit alors ? Qu’il avait été arrêté et relâché. A ce que j’ai compris, il avait été arrêté par la police française. Il m’a expliqué l’histoire comme on s’expliquait toutes choses à ce moment-là : tout était désorganisé, la police française pas plus que les Allemands ne savaient encore sur quel pied danser. Aussi, quand les flics français ont entendu que Maurice Tréand était en pourparlers avec les Allemands, pour la parution de l’Humanité, ils ont pensé agir sagement en le relâchant … Maurice avait dû être relâché la veille au soir, assez tard et avait passé la nuit ailleurs pour ne pas rentrer directement dans notre planque. Il m’a dit aussi avoir appris qu’à peine sorti des pattes de la police, Doriot était arrivé, et en apprenant que Maurice Tréand avait été relâché, il avait hurlé : quelle connerie, vous avez relâché l’éminence grise du Parti communiste !

"Tout cela ne m’a pas paru invraisemblable, dans la confusion de Paris à l’époque. De même que j’admettais les raisons que Maurice Tréand m’avait données du bien-fondé de tenter la parution légale de l’Humanité. Pour moi, ça collait. Dans mon esprit, il fallait profiter de toutes les situations pour battre le rappel, pour avoir un semblant de vie légale, même si ce n’était que pour 48 heures. Moi qui avais eu tout le temps en Belgique de lire l’histoire du Parti bolchévique de l’URSS et qui m’étais plongée dans Lénine jusqu’au cou, cela m’apparaissait comme un compromis valable.

"Ce que je n’ai jamais pensé, c’est que Maurice Tréand ait pris cette démarche sous son bonnet. Il n’a pas fait cela seul. Il n’a pu prendre une telle initiative. D’ailleurs, qui aurait écrit les articles ? Legros était comme moi, il ne savait pas écrire. Mais je ne dirais pas non plus qu’il n’était pas d’accord avec cette démarche … Je dois dire aussi que cette demande de parution de l’Humanité ne s’opposait nullement, dans sa tête, à la lutte nécessaire qu’il allait falloir mener contre l’occupant …

L’origine de cette décision, je ne la sais pas … Faut-il la chercher dans les télégrammes reçus encore en Belgique ? J’essaie de me souvenir, des plus importants … Il y a eu, tout au début de la drôle de guerre : une guerre injuste, impérialiste … après, j’ai oublié … mais toi, tu avais dû l’apprendre par cœur, ça ne t’est pas resté … ? Il y en a eu un, vers le printemps 1940, qui parlait de la nécessité de compromis … Est-ce là ? Je ne sais vraiment pas. Coupée de tout comme je l’étais, je ne pouvais pas en discuter avec qui que ce soit, même pas avec Maurice Tréand. Par contre, celui dont je me souviens très bien, que la grande Louise a pris à Paris, en trois tronçons, que c’en était pénible, long, brouillé, c’était l’appel publié sous le nom de Jacques Duclos et Maurice Thorez, le 0 940. Nous avons dû le recevoir, je dis bien à Paris, le 1er ou 2 juillet 1940 (3).

"Pour en revenir à cette histoire de l’Huma, quand Maurice Tréand est revenu, après son arrestation, on a abandonné la planque de la porte Champerret. On est allé du côté de la porte Brunet, puis on est retourné à Antony, route de Versailles. J’ai déménagé Jacques du boulevard Mortier à la Croix de Berny, je te l’ai déjà dit. Legros m’avait demandé de le faire, parce que la camarade qui le logeait prenait peur. Pour ses voisins, elle devait apparemment être seule dans ce logement et Jacques ronflait comme un sonneur … tu vois le genre ! Jacques a dû rester à Antony deux mois, deux mois et demi, de la mi-juillet à son anniversaire. C’est à cette occasion que j’ai rencontré sa femme pour la première fois qui après, je pense, a vécu tout le temps auprès de Jacques. On s’est encore vues, toutes deux, mais ça n’a pas été loin. J’étais enceinte de Mauricette. Jacques a re-déménagé, mais pas par mes soins … J’ai passé la ligne de démarcation à Marthon, où j’avais un cousin chef de gare. Legros était avec moi. On est resté quelques jours chez les cousins, puis j’ai rejoint ma mère dans l’Yonne, installée dans une des planques que Maurice connaissait. J’ai accouché là. J’avais repris mes papiers réguliers, à mon nom. Personne ne me connaissait. Je n’avais vraiment rien à craindre. C’était à Villeneuve la Dondagre, à 30 km de Sens. Puis, avec l’enfant, j’ai récupéré Legros à Marthon. Nous sommes partis dans une autre planque, à Montbron en Dordogne. On n’y faisait pas grand-chose. Maurice avait de l’argent, pas des masses, mais de quoi vivre. D’ailleurs, je pense que les quelques liaisons que j’assurais encore étaient précisément pour me passer quelqu’argent (cela se sentait aux enveloppes) ou quelqu’autre planque. Il n’était évidemment pas question pour le Parti de laisser Maurice Tréand dans la nature. Qu’en serait-il advenu ? J’ai encore des photos de cette époque, ou Maurice a la petite dans les bras.

"Ensuite, j’ai ramené l’enfant chez ma mère qui en a pris soin pendant toute la guerre. Maurice Tréand et moi nous sommes rapprochés de Paris. Cela a été le moment de la petite ferme de Souppes. Maurice y avait, avant-guerre déjà, installé son frère Camille et sa belle-sœur. Au retour de Belgique, il y fit venir sa femme, Gaby, et sa grande fille, Rolande, qui devait avoir treize ans. Quand Maurice Tréand et moi avons vécu tout à fait ensemble, j’ignorais qu’il eut une femme. Je n’ai jamais mis les pieds à la ferme. Et comme j’avais décidé de gagner ma vie, je réussis à me faire marchande foraine. Je vendais de la bonneterie sur les marchés. Je m’étais installée sur l’autre rive du Loing, près de Moret, pas très loin de la ferme, dans un hôtel-restaurant qu’on appelait La Palette. Maurice Tréand venait m’y rejoindre … Jusqu’au jour où il y eut une descente de police à la ferme. Camille fut arrêté. La police a certainement cru attraper Maurice Tréand.

Camille est mort en arrivant au camp de déportation. Rolande a été placée à l’Assistance Publique, les deux femmes également arrêtées et internées à Voves.

"Pourchassé par la police, mis à l’écart de l’activité du Parti, Maurice Tréand a fait ainsi toute la guerre. Pourtant, à ma connaissance, il a pu mettre en ordre des affaires importantes et que seul il pouvait régler. Voilà. J’étais déjà enceinte de Mauricette lorsque Legros me fit descendre avec lui à Marseille, pour rencontrer deux étrangers. Ce devait être fin 1940-début 1941. Il n’a été question ni de radio, ni de chiffre, ni de message. D’après ce que j’ai pu en comprendre, cela avait quelque chose à voir avec la Suisse. Ce qui m’a confirmée dans cette idée, c’est qu’après la mort de Maurice Tréand, on a eu besoin de ma signature et j’ai dû personnellement - à la demande du Parti - me rendre en juillet 1950 à Genève. J’y connaissais le Dr Biancchi qui avait soigné Maurice Tréand en 1947. Maurice avait eu un traitement au sérum de Bogomoletz et le Parti avait jugé préférable de l’envoyer en Suisse. C’est Manouilsky personnellement qui avait apporté les ampoules de sérum. "Maurice Tréand est mort dans la banlieue parisienne, à Antony, d’un cancer aux poumons, en janvier 1949. La direction du Parti lui a fait des funérailles dignes d’un membre du Comité Central. La stèle en porte mention. Des membres du C.C. vont se recueillir sur sa tombe, d’années en années. Maurice Thorez fut toujours très fraternel avec lui".

Tel est le témoignage que m’a donné, en 1972, Angèle Salleyrette, devenue Angèle Grosvallet.

Elle l’a fait, je m’en porte garant, dans le même esprit où j’écris ces notes : dire les faits tels que nous les avons vécus pour éclairer quelques aspects de cette difficile période. L’histoire qui devra bien un jour en être écrite y pourra trouver quelques indications valables.

Le second témoignage est celui d’Alphonse Pelayo.

Pelayo est une des figures les plus pittoresques de la guerre d’Espagne et de la Résistance. Le décrire en quelques lignes est chose impossible. Le situer en quelques mots, tout autant. Mais sous son pittoresque faubourien et dans les circonstances les plus extravagantes, il a fait preuve d’une fidélité inaltérable au Parti.

Je l’ai connu au moment de la guerre d’Espagne, dans l’équipe de Maurice Tréand. Couvreur-zingueur de son métier, il sait entreprendre un tas de choses et courir un tas de risques. Son transport de nitro-glycérine pour l’Espagne, dans un camion nullement préparé à cela, vaut mieux que l’extraordinaire film du "Salaire de la Peur". C’est avec Pelayo au volant que Maurice Thorez a quitté Chauny en octobre 1939. C’est Pelayo qui pendant la guerre trouve un cheval, Fifi, pour transporter, remiser et répartir le papier destiné à l’Humanité ronéotée. C’est Pelayo qui, passé en Belgique appelé par Maurice Tréand, essaiera bien des moyens pour acheminer en France une Humanité imprimée en Belgique, sans grand succès d’ailleurs et même avec de gros avatars, comme celui de la cargaison amenée par péniche jusqu’à Conflans Sainte-Honorine et que le marinier brûla sur place parce qu’il n’avait trouvé personne au rendez-vous. Pelayo, c’était une nécessité de l’époque. Sa fidélité au Parti n’a jamais fait défaut. Voici, ramené aux stricts faits, ce qu’il m’a raconté de la tentative de faire paraître légalement l’Humanité, fin juin-début juillet 1940. "J’ai dû quitter la Belgique le 18 ou 19 mai 1940. Dans la voiture que je conduisais, il y avait Jacques, le Grand (Clément) derrière, Maurice Legros à côté de moi. On a fait une première escale dans le Nord, chez les Camphin. On y a trouvé la mère, René et son jeune frère.

C’est alors que j’ai quitté le volant de la voiture, Legros m’expédiant avec le jeune frère Camphin à la recherche de camarades. Il me donne des indications particulières pour retrouver René Lamps à Longueau (4). Le jeune Camphin me pilotant, nous partons en vélo. A Longueau, pas de Lamps. Par un cheminot, on se fait donner l’adresse du frère de Lamps, dans un petit patelin, du côté d’Abbeville. Nous voilà repartis. C’est alors que le jeune Camphin - il est vraiment très jeune - pris de fatigue tombe sur la route. Je le remets sur pattes aussi bien que je peux, lui passe un peu d’argent et lui demande aussi gentiment que je le peux : tiens, en petites étapes, veux-tu retourner à la maison ? Il m’assure qu’il se débrouillera bien. Je continue les recherches. Je trouve le frère de Lamps, qui ignore où est René. Tous deux, on a battu les environs, auprès d’amis, de camarades, mais pas de Lamps. Ça a bien duré deux ou trois jours avant que je me décide à retourner chez les Camphin. Quand j’y arrive, j’apprends que Legros est reparti, en voiture - il sait conduire, mais pas très bien - avec Jacques et le Grand. La consigne est de rejoindre Paris à l’adresse que Legros a laissée pour moi. A cette adresse, je trouverai un rancard. Legros me demande d’arriver à toute vitesse. A toute vitesse, en vélo ? Ça n’a pas été le Tour de France, mais presque. J’ai traversé Abbeville qui brûlait. J’ai dû aller chercher la Seine à la hauteur de Rouen. J’ai dû aussi trouver des vélos de rechange … Il en fallait bien des voleurs de bicyclettes … J’ai même piqué une moto toute neuve à des Allemands rentrés dans un bistrot boire un coup. J’ai dû aussi essuyer des mitraillages en rase-mottes. Bref, j’ai atterri à Paris, efflanqué, brisé de fatigue, chez une concierge de la rue de Charonne. C’est le contact que m’a donné Legros. La brave, elle me donne de quoi manger, de quoi me laver, et le fameux rendez-vous de repêchage qui était pour la veille ! A la même heure, je vais quand même au rendez-vous, à la sortie du métro Couronnes. Et je trouve Legros, qui ne trouve rien de mieux que de me faire remarquer que j’ai vingt-quatre heures de retard … Je l’ai mal pris … Bref, on se ballade le long du boulevard et on commence à discuter travail. En premier il faut retrouver le plus de camarades possible, à commencer par des militants de la région parisienne. Il nous faut le plus de monde possible et le plus vite possible. C’est qu’il va falloir s’organiser pour s’attaquer aux Allemands. Comment ? Rien de déterminé encore … Pendant dix à quinze jours, je n’ai fait que cela, roulant dans tout Paris à vélo, sur les trottoirs … Il n’y avait personne, Paris était vidé … Les camarades sur lesquels j’ai pu remettre la main, c’était surtout des anciens des Brigades, que je connaissais personnellement. En vérité, c’est avec eux que j’ai commencé à faire quelque chose. On était trois au départ. l’un de nous - on l’avait surnommé "Moule à gaufre" en Espagne, à cause de sa façon de bailler sa grande gueule toute ouverte - a réussi à se faire embaucher comme manœuvre chez les schleus, pour charger des wagons avec des bois de charpentes, des pièces détachées, etc. On a réussi à faire flamber trois wagons. C’était notre première affaire … "Moule à gaufre", il est devenu le capitaine Barthélemy dans la Résistance.

"A quelque temps de là, toujours en juin, Legros rediscute avec moi, différemment. L’Humanité va ressortir, qu’il me dit, légalement, ne serait-ce que 24 ou 48 heures … ça va faire de l’effet, non ? On saura que le Parti est à Paris … Qu’est-ce que j’en pense ?

"J’en pense que pour un effet, ce sera un drôle d’effet, pas beau … L’Humanité sous les schleus, ça ne va pas ? Legros me dit qu’il faut savoir profiter du trouble dans lequel se trouvent les Allemands, que ça ne durera pas mais qu’il faut le tenter … Et puis c’est une décision prise, ça s’applique … Il me charge de prévoir la diffusion de cette Huma pour Paris et la banlieue … Legros me dit encore qu’il faudra bien, évidemment, soumettre les épreuves à la Commandanture et que je l’accompagnerai. Les bureaux se trouvent près de l’Etoile … Il me fixe rendez-vous au Faubourg Montmartre, où il doit d’abord passer. Quand j’y retrouve Legros, je l’accompagne chez l’imprimeur Dangon. Legros prend des épreuves tapées à la brosse et des papiers manuscrits. Garde-ça, me dit-il, et attends-moi de l’autre côté du Faubourg, j’ai un rendez-vous au café du Croissant … Je me mêle aux porteurs de journaux qui attendent dans le coin. Parmi les plus âgés, j’en reconnais qui m’ont aidé quand môme j’ai aussi vendu des journaux pour rapporter quelques sous à la maison. On bavarde. Les conversations ne vont pas loin, quand Dangon, l’imprimeur, m’attrape par un aileron, me fait monter dans son bureau, au premier étage … Qu’est-ce que tu fous là, me demande-t-il ? Tu n’as pas vu que les flics ont arrêté tes copains, le Gros et la femme qui l’attendait au bistrot ?

Fous le camp, ils te cherchent aussi … Avec des prudences de chat, j’ai pris le large, j’ai retrouvé mon vélo, planqué plus loin dans un coin - c’était une habitude prise - et j’ai foncé jusqu’à Versailles. Dès que je l’ai pu, j’ai détruis les manuscrits que Legros m’avait confiés … puis, sûr de ne pas être filé, j’ai regagné ma planque, disant à ma copine : Legros est arrêté. C’était un coup dur pour moi … d’autant plus que j’aimais bien le Gros … Après ? Je n’ai plus eu de contacts directs avec Legros. Avec mon petit groupe, on s’est occupé à sortir les machines à écrire et les Gestetner planquées, et ce n’était pas si facile que cela de les extraire de leurs trous dans des endroits impossibles ! De les remettre en place pour que cela fonctionne ! Pour des astuces, on en a trouvé ! Ensuite, j’ai été mis sur la sortie de l’Avant-Garde, pour laquelle j’ai réussi à faire graver, dans la rue des Blancs-Manteaux, un beau titre, comme celui d’avant, chez un graveur où les schleus se faisaient faire des "Souvenirs de Parisse" … Pour ce qui est de l’Humanité, à part la ronéotée, je n’en ai jamais vu d’autres, ni entendu parler … Je n’ai revu Legros qu’après la guerre, très malade, et d’une tristesse contre laquelle il n’y avait plus rien à faire … Je l’aimais bien, Legros".

Quelques notes complémentaires encore sur l’affaire de l’Humanité en Juin 1940, ajoutées en 1983-1984.

Au Xe congrès du Parti, le premier après la libération du pays, s’est tenue une Commission politique fermée, où le mandat de membre du Comité Central a été retiré à Maurice Tréand.

Maurice Tréand ne s’est pas défendu. Personne n’est intervenu en sa faveur. On n’a plus revu Maurice Tréand dans la salle du congrès. On n’en a pas parlé lors de la présentation du nouveau Comité Central. Le soir - m’a raconté Angèle - Maurice Tréand rentré tôt à la maison était anéanti. Il lui dit que la Commission politique avait été une véritable mise en accusation, pire, une accusation.

Pourquoi Maurice Tréand n’a-t-il rien dit qui puisse expliquer sa conduite ? Ni le silence de Jacques et Benoît, ni les accusations qu’Etienne Fajon a été chargé de faire publiquement devant l’Assemblée Nationale n’ont éclairé quoi que ce soit.

Reprenons les faits, décantés des interdits dont on les a entourés.

Courant mai 1940, l’invasion hitlérienne se précise en Europe occidentale. Le Bureau de l’I.C., ou la direction du Parti bolchévique, lance l’idée de mettre à profit le désarroi qui va s’en suivre. Angèle se souvient d’avoir eu à décoder, un message radio parlant de compromis. Elle ne se rappelle plus les termes du message, mais elle en est suffisamment imprégnée pour trouver normal le compromis tenté en France sous forme de demande de parution légale de l’Humanité.

Il est vrai que l’invasion hitlérienne est plus rapide que prévue même de l’Etat-Major allemand. Il est vrai qu’en France, depuis 1937-1938, des hommes comme Abetz manient l’intoxication avec dextérité, et que le souci des nouveaux occupants est d’assurer à la population, pour la rassurer, la parution de ses journaux habituels, comme le Matin, Paris-soir, le Petit-Parisien, le Figaro, le Temps, l’Illustration même.

Alors, l’idée de passer par cette brèche pour faire un grand tirage de l’Humanité peut surgir. D’autant plus que le compromis dont parle le message n’a pas été envoyé au seul Parti communiste français. En Belgique, en Hollande, au Danemark, de semblables indications ont été données. (Douteux, ? selon des nouvelles informations de 1982-1983). Les différents Partis de ces pays ont fait reparaître sur la place publique leurs journaux. Ils n’étaient pas interdits. Mais il semble qu’ils n’aient pas eu de compromis à passer avec les commandantures, réussissant à mettre les occupants devant le fait accompli, avant que ceux-ci ne réagissent. Ce qui ne dura qu’un temps très court. Peut-être en France avons-nous eu à faire à des services allemands moins pris au dépourvu parce que mieux secondés par la bourgeoisie française plus hargneuse ?

De toutes façons c’était une erreur que d’aller demander la parution de l’Humanité à l’occupant. Et cela marquait une certaine méconnaissance, pour ne pas dire mépris, de ce que le Parti, comme il était et comme il pouvait, s’était jusque-là efforcé de faire au cœur du pays.

Je n’ai jamais pu aborder de front ce problème avec Jacques ou Benoît. Benoît Frachon se retranchait dans son attitude de ne pas porter de l’eau au moulin "des crocheteurs de poubelles".

Mais dans les derniers mois où j’ai travaillé avec lui, jusque début août 1975, (Benoît Frachon est décédé dans la nuit du 4 au 5 août 1975) il m’a demandé, lorsque je mettrais ces notes-ci au propre, de tout dire, tout ce que je savais et comme je le savais. Il m’a même passé une dizaine de feuillets écrits par lui, me priant de les classer dans les notes de l’époque 1940. En voici des extraits : (voir texte complet en annexe).

"Périodiquement, quand le gaullisme et les autres Partis de la réaction ont besoin d’un appui contre le Parti communiste, ils ressortent leur vieille calomnie que le Parti communiste français aurait demandé l’autorisation de faire paraître l’Humanité.

"Nous avons déjà répondu : non, jamais la direction du Parti communiste n’a fait une telle demande. A quoi on nous répond : la preuve en est donnée qu’une telle démarche a été faite.

"Nous ne nions pas ce fait, mais nous maintenons qu’elle n’a pas été faite au nom de la direction du Parti communiste, en dépit du fait que la personne intéressée ait cru sincèrement qu’il en était ainsi.

"Les détails que nous allons donner n’ont pas pour objet de nous défendre, mais de faire que les communistes qui ont lutté si courageusement durant cette période, et disons-le, presque seuls contre les envahisseurs, conservent toute leur fierté d’avoir combattu sous le drapeau de notre Parti.

"Demandons d’abord aux trafiquants de l’histoire où ils étaient, ce qu’ils faisaient pendant cette période où la politique des capitulards de Munich avait abouti à la plus complète déroute, au chaos le plus lamentable qu’on n’ait jamais vu.

"Des Partis et organisations, un seul restait debout : le Parti communiste.

"Des hommes, des autres formations, ceux qui n’étaient pas à Londres ou qui n’avaient pas pour les guider le Parti communiste, combien alors en étaient-ils alors qui se manifestaient ?

"Le Parti communiste, lui, regroupait ses hommes dispersés. Ceux qui, soldats entraînés par la débâcle erraient sur toutes les routes de France. Ceux qui, faits prisonniers, avaient pu s’évader. Tous recherchaient le Parti pour reprendre le combat ;

"Quelle direction, autre que celle du Parti communiste multipliait ses efforts pour reconstruire et développer son organisation ? Elle le faisait dans des conditions extrêmement difficiles et complexes. Tellement difficiles que ceux qui font les fanfarons aujourd’hui restaient inertes et cois.

"A ce moment notre direction était séparée en deux. Une partie à Paris, une autre dans la zone sud, où elle regroupait les forces pour créer une direction dans cette zone. Quel est celui, parmi ceux qui nous critiquent, qui peut mettre à son actif une réorganisation aussi prompte et tellement efficace que Churchill lui-même pouvait dire en décembre 1940 : le seul Parti existant, quoique illégal, est le Parti communiste, et plus de mille de ses militants ont été arrêtés le mois dernier. Ils distribuent des tracts anti-allemands qui font appel au sentiment patriotique des Français.

"A ce moment-là, les Allemands redoutaient déjà l’existence et l’action du Parti communiste et son influence. Ils recherchaient les moyens de la combattre dans l’esprit de la population et surtout chez les ouvriers. Ils créèrent même un journal "de gauche", "La France au Travail", où ils s’assurèrent la collaboration d’un renégat du Parti, un traître, l’avocat Foissin, pour compléter l’illusion.

"Mais nous serions bien présomptueux si nous affirmions que l’immense tâche, que nous avons menée à bien, allât sans à coup et sans heurt.

"Il arrivait que, dans la pagaille générale, la direction n’arrivait pas à avoir les contacts étroits avec l’ensemble des militants qui prenaient eux-mêmes des initiatives en dehors de la direction pour aller vite.

"C’est ainsi que cette initiative fut prise de la démarche faite pour la parution de l’Humanité.

"Dès que la direction du Parti put fonctionner normalement, elle corrigea cette faute personnelle. Elle le fit d’une façon ouverte et spectaculaire, notamment en publiant à des centaines de milliers d’exemplaires dès le 10 juillet 1940 l’appel de Maurice Thorez et Jacques Duclos.

"Qu’on nous dise maintenant ce qu’il y a de commun entre cet appel et la demande de publier légalement l’Humanité ?" Quant à Jacques Duclos, c’est en lisant son dernier ouvrage, "Ce que je crois", que j’ai trouvé réponse à ma sollicitation :

"Les militants qui, emportés dans le tourbillon de l’action, ont plus ou moins tendance à faire passer les problèmes théoriques au second plan de leurs préoccupations, ont tout intérêt à ne pas perdre de vue les liens qui rattachent étroitement le problème de la philosophie marxiste à celui de l’action militante".

C’est une vérité qui n’a rien de nouveau ? Certes. Mais comme elle demande à être faite sienne dans chaque vie de militant, la question reste posée.

(1) Denise Ginollin : je ne l’ai pas connue personnellement, ni avant-guerre, ni après. C’était une camarade de Paris, du XIe arrondissement dont elle devait être conseillère municipale. Je n’ai gardé d’elle que le souvenir d’une jeune femme aux cheveux bruns raides et au visage mince. Peu après la libération, elle a fait une grosse dépression nerveuse qui l’a menée au suicide.

(2) Cette blanchisserie avait servie de relais au passage des volontaires pour les Brigades Internationales lors de la guerre d’Espagne, surtout pour les Yougoslaves. Coli, un responsable de l’émigration Yougoslave, connaissait bien la blanchisserie d’Henriette Virlouvet, première femme d’Etienne Virlouvet. Tito était aussi passé par ladite blanchisserie. Maurice Tréand avait donc dû penser à la blanchisserie pour un dépannage momentané.

(3) Angèle m’a rappelé ici qu’elle avait été formée uniquement pour la connexion avec le Bureau de l’I.C. Chiffre et code étaient totalement différents de ceux de la liaison avec le Parti bolchévique. Une embrouille de plus à notre situation déjà si peu claire alors ?

(4) René Lamps devait peu après, assurer une partie du travail de démoralisation dans l’armée Allemande, le T.A. comme on disait. Il avait pour dactylo une grande belle jeune fille de la région, mais vraiment trop grande pour passer inaperçue et qu’il fallut vite renoncer à utiliser pour les liaisons extérieures. Louise fut confinée au travail à domicile. On peut lui demander ses souvenirs de l’époque. Elle est maintenant mariée à notre camarade Pierre Delon.

ANNEXE Notes de Benoît Frachon, à propos de la demande de parution légale de l’Humanité en juin 1940 Benoît Frachon m’a parlé de ce texte une première fois, le 6 janvier 1974. Puis, en avril 1975, il m’a passé les dix feuillets du manuscrit en question. Il avait pris l’habitude de me passer ses "trouvailles" à l’occasion de lectures ou de rangements. En voici le texte :

"Parmi ceux qui, pendant l’occupation allemande, se levèrent après le jour, certains s’acharnent à mettre en cause la permanence de la politique et de l’action du Parti Communiste contre les nazis, les traîtres, et pour l’indépendance de la France. "Ils cherchent sans doute à faire oublier que nous fûmes seuls avant et pendant la drôle de guerre à dénoncer la trahison et les complicités ouvertes que possédaient les hitlériens dans tous les rouages de l’Etat. "Peut-être quelques uns d’entre eux, qui hurlèrent avec les loups et furent de ceux qui réclamaient une répression impitoyable et l’extermination des communistes quand ceux-ci demandaient qu’on défende Paris contre les envahisseurs et qu’on châtie les traîtres, essaient-ils de se donner bonne conscience ! "Qu’au moment où la France envahie, trahie, cherchait sur son sol ceux qui ouvriraient au peuple une autre perspective que le désespoir, l’enlisement dans l’attente ou la soumission, le Parti Communiste fut la seule organisation restée debout, malgré les coups qui lui avaient été portés, à lever le drapeau de la lutte et de l’espérance, cela ne plaît guère à d’aucuns qui se veulent aujourd’hui les vrais, les seuls résistants. "Ces historiens "impartiaux", incapables de s’élever au niveau de cette grande épopée que fut la lutte du peuple français sous l’occupation, dédaignent l’examen des faits réels, l’analyse générale de tous les faits connus qui caractérisent le rôle joué par chaque organisation. "Ils se rabaissent au rôle de chroniqueurs de la petite histoire, ils fouillent dans les alcôves pour y chercher des histoires croustillantes. "L’histoire de la Résistance a sa grandeur. Elle a aussi ses petites misères, ses teignes. Mais si nous voulions gratter sur le vernis des organisations dont se réclament les contempteurs du Parti Communiste, nous paraîtrions des saints auprès d’eux. "Certains feignent de s’étonner que dans l’histoire du Parti Communiste nous ayons omis de traiter de ces détails et de les porter au niveau de la véritable histoire. "Nous avons trop le respect de nos héros, nous avons trop vu de nos yeux l’immense courage, l’esprit de sacrifice dont ont fait preuve les communistes dans leur masse pour savoir qu’aucune crotte déposée ça et là ne peut ternir leur gloire. "Et ces communistes avaient un Parti qui dirigeait leur action, les conduisait au combat. Un Parti dont le prestige les exaltait, une direction de ce Parti dont ils sentaient la présence permanente et en qui ils avaient une confiance illimitée. "Mais puisque les crocheteurs de poubelles s’en mêlent et qu’ils dépensent tellement de temps à vouloir justifier leur triste besogne, nous leur répondrons en les montrant tels qu’ils sont. "Périodiquement, quand le gaullisme et les autres Partis de la réaction ont besoin d’un appui contre le Parti communiste, ils ressortent leur vieille calomnie que le Parti communiste français aurait demandé l’autorisation de faire paraître l’Humanité. "Nous avons déjà répondu : non, jamais la direction du Parti communiste n’a fait une telle demande. A quoi on nous répond : la preuve en est donnée qu’une telle démarche a été faite. "Nous ne nions pas ce fait, mais nous maintenons qu’elle n’a pas été faite au nom de la direction du Parti communiste, en dépit du fait que la personne intéressée ait cru sincèrement qu’il en était ainsi. "Les détails que nous allons donner n’ont pas pour objet de nous défendre, mais de faire que les communistes qui ont lutté si courageusement durant cette période, et disons-le, presque seuls contre les envahisseurs, conservent toute leur fierté d’avoir combattu sous le drapeau de notre Parti. "Demandons d’abord aux trafiquants de l’histoire où ils étaient, ce qu’ils faisaient pendant cette période où la politique des capitulards de Munich avait abouti à la plus complète déroute, au chaos le plus lamentable qu’on ait jamais vu. "Des Partis et organisations, un seul restait debout : le Parti Communiste. "Les hommes, des autres formations, ceux qui n’étaient pas à Londres ou qui n’avaient pas pour les guider le Parti Communiste, combien alors en étaient-ils alors qui se manifestaient ? "Le Parti Communiste, lui, regroupait ses hommes dispersés. Ceux qui, soldats entraînés par la débâcle erraient sur toutes les routes de France. Ceux qui, faits prisonniers, avaient pu s’évader. Tous recherchaient le Parti pour reprendre le combat ; "Quelle direction, autre que celle du Parti Communiste multipliait ses efforts pour reconstruire et développer son organisation ?. Elle le faisait dans des conditions extrêmement difficiles et complexes, tellement difficiles que ceux qui font les fanfarons aujourd’hui restaient inertes et cois. "A ce moment notre direction était séparée en deux. Une partie à Paris, une autre dans la zone sud, où elle regroupait les forces pour créer une direction dans cette zone. Quel est celui, parmi ceux qui nous critiquent, qui peut mettre à son actif une réorganisation aussi prompte et tellement efficace que Churchill lui-même pouvait dire en décembre 1940 : le seul Parti existant, quoique illégal, est le Parti Communiste, et plus de mille de ses militants ont été arrêtés le mois dernier. Ils distribuent des tracts antiallemands qui font appel au sentiment patriotique des Français. "A ce moment-là, les Allemands redoutaient déjà l’existence et l’action du Parti communiste et son influence. Ils recherchaient les moyens de la combattre dans l’esprit de la population et surtout chez les ouvriers. Ils créèrent même un journal "de gauche", "La France au Travail", où ils s’assurèrent la collaboration d’un renégat du Parti, un traître, l’avocat Foissin, pour compléter l’illusion. "Mais nous serions bien présomptueux si nous affirmions que l’immense tâche, que nous avons menée à bien, allât sans à coup et sans heurt. "Il arrivait que, dans la pagaille générale, la direction n’arrivait pas à avoir les contacts étroits avec l’ensemble des militants qui prenaient eux-mêmes des initiatives en dehors de la direction pour aller vite. "C’est ainsi que cette initiative fut prise de la démarche faite pour la parution de l’Humanité. "Dès que la direction du Parti put fonctionner normalement, elle corrigea cette faute personnelle. Elle le fit d’une façon ouverte et spectaculaire, notamment en publiant à des centaines de milliers d’exemplaires dès le 10 juillet 1940 l’appel de Maurice Thorez et Jacques Duclos. "Qu’on nous dise maintenant ce qu’il y a de commun entre cet appel et la demande de publier légalement l’Humanité ?" "Mais nous avons d’autres faits qui montrent que la direction du Parti Communiste a su déjouer avec fermeté et rapidité la tentative des nazis et des traîtres de Vichy de déconsidérer le Parti Communiste. "A cette époque, la Vie Ouvrière clandestine était faite à Paris, par un nommé Clément qui était rédacteur au journal au moment de la guerre. "Cet homme s’est avéré rapidement comme un traître qui fit arrêter plusieurs militants dont Tollet. Il devait quelque temps plus tard payer ses crimes. Il fut exécuté en plein Paris et les Allemands firent exploser leur colère, le considérant comme un de leurs plus fidèles serviteurs. "Lui aussi voulait que nous demandions l’autorisation de publier légalement la V.O. Il fit demander avec insistance un rendez-vous avec Frachon pour cette question. Il réitéra sa demande qui reçut chaque fois un refus sec. "Nous n’avions pas à ce moment-là d’indice qu’il fût un flic. Cependant, au cours d’un entretien entre Frachon et Hénaf, il fut décidé qu’il n’aurait plus à rédiger la Vie Ouvrière."

Témoignage d’Angèle

(30 septembre 1975, aux Coteaux)

M. D. : - Dans notre histoire de demande de parution légale de l’Humanité, en juin 1940, il reste des points fort noirs. On va essayer, ensemble, de tirer au clair. Nous sommes les deux seuls témoins vivants qui restons de cette époque. Veux-tu qu’on essaie ? Voilà ce qui me gêne :

  • On sait maintenant, de façon à peu près sans équivoque, qu’il y a eu un télégramme, de l’I.C. ou du Parti communiste soviétique - ça ce n’est pas clair, en tous cas le télégramme est venu par le canal de Clément. Et Clément, donc, devait en principe recevoir les télégrammes du Parti bolchévique, puisque toi, tu recevais les télégrammes de l’I.C. C’est bien ça ? Je ne déraille pas ? Bon. Alors que s’est-il passé à partir de ce télégramme ? Cette indication n’a pas seulement été donnée aux camarades du Parti français. Elle a été aussi donnée à ma connaissance au Danemark, en Hollande et, il me semble bien que cela s’est ainsi passé, ils ont fait là-bas paraître leur journal du Parti mais sans avoir recours à la demande de parution légale aux autorités occupantes. Pour nous en France l’Humanité et le Parti étaient interdits depuis septembre 1939. Les Allemands sont à Paris. Pourquoi pense-t-on que d’aller leur demander la parution de l’Humanité va nous permettre de rassembler nos forces dispersées ? C’est la première question.
  • La deuxième question, c’est : Maurice Tréand, dès sa rentrée à Paris, a pris sous son aile toute la responsabilité de cette démarche auprès d’Abetz, et les premiers jours d’octobre suivant un billet de Clément, amené par courrier de Belgique, me dit de mettre Jacques en sécurité, en dehors de Tréand. Ce que j’ai fait d’ailleurs immédiatement, sans discuter. De ce moment-là, Maurice Tréand a été sur la touche, pratiquement. Vous avez vécu comme vous avez pu, mais le Parti ne vous a jamais laissé tomber ni du point de vue argent, ni du point de vue planques. Ce sera la deuxième question.
  • La troisième, c’est qu’après la libération il y a eu cette histoire de congrès, de Commission politique, alors, là, si tu peux dire ce que Maurice t’en a dit … Mais il y a eu aussi cette entrevue entre Maurice Thorez et Maurice Tréand. Il n’y a pas eu de blâme, de condamnation aucune contre Maurice Tréand. Il y a simplement que l’on n’a plus parlé de l’affaire … Si , il y a eu les déclarations de Fajon, dont je me demande encore aujourd’hui à quoi elles correspondaient et puis il y a eu le fait qu’on a soigné fort bien Maurice Tréand, qu’on l’a emmené en Suisse et l’histoire que Manouilski lui-même s’est dérangé pour apporter les sérums de Bogomoletz, et puis reste qu’il y a eu vis à vis de Maurice Tréand cette attitude très ambiguë, à la fois de mise sur la touche du Parti et à la fois de ne pas laisser tomber ce camarade. A ton avis, comment peux-tu l’expliquer ? Voilà Angèle, à toi … ça va ? …

A. : - Je suis d’accord avec toi quand tu parles d’orientation politique, parce que c’était vraiment une orientation politique, tenant compte qu’on n’a pas seulement essayé en France de faire reparaître cette Huma quotidienne. Ça a été fait par un télégramme, télégramme provenant probablement de Belgique, et ce n’était pas un télégramme de l’I.C. puisque c’était moi à ce moment-là qui avait l’appareil de liaison avec l’I.C. Donc, comment expliquer qu’à la suite de ce télégramme on ait pris contact avec les Allemands ? Est-ce dû à une mauvaise traduction du télégramme, une mauvaise interprétation, parce que, effectivement, quand on se replace à cette période, on pouvait penser que de profiter des troubles de l’invasion, de ce que la mise en place n’était pas encore réalisée, les hommes nécessaires leur manquant encore, bref profiter de toutes leurs hésitations pour essayer de faire reparaître un grand coup, l’Huma quotidienne, pour rassembler autour du Parti et puis essayer de faire quelque chose en grand. C’était une théorie qui était valable. La grosse erreur, sûrement, c’était d’avoir été voir les Allemands pour obtenir l’autorisation, parce qu’on aurait pu essayer de le faire légalement, il y avait des risques, bien sûr, mais on pouvait le faire et réussir à sortir même si ce n’était qu’un seul numéro … Il n’en serait certainement pas sorti deux. Mais, je pense que de toutes façons, cette erreur d’aller demander aux Allemands, Maurice Tréand ne l’a pas faite tout seul. Ce n’était absolument pas possible que ce soit lui tout seul qui ait pris la responsabilité de cette démarche. J’ai donné plus haut des exemples, en expliquant comment Jacques m’a accueillie quand Tréand a été arrêté, c’est qu’il savait ce qui pouvait arriver ; et Maurice aussi puisqu’il m’avait donné pour travail essentiel, s’il était arrêté, de déménager Jacques. Alors, je pense de toutes façons que là il y a quelque chose de pas clair. Si c’était Maurice tout seul qui avait pris la responsabilité de la démarche, quand je suis allée voir Henriette, Jacques n’aurait pas dû me suivre. A mon idée, ça ne collait pas, parce qu’enfin j’étais la collaboratrice directe de Maurice, j’étais vraiment en liaison directe avec lui et quoi que ce soit qui aurait pu se passer, c’était pas prudent que Jacques accepte d’être déménagé tout de suite par moi et mis dans une planque, celle du boulevard Mortier. Ça plus j’y repense, plus je me dis que ce n’était pas normal, quand je suis retournée pour déménager Jacques, j’aurais dû trouver porte close. Si Maurice seul avait pris cette responsabilité, si l’on pensait vraiment que c’était plus ou moins l’acte pas vraiment de collaboration, mais tout au moins une grosse erreur… Je me rappelle trop bien des paroles de Jacques : qu’est-ce qu’ils vont faire à mon Gros … Et quand il s’est agi de déménager Jacques, ça a été fait immédiatement. Maurice est ressorti. Maurice est revenu dans la planque que nous avions porte Champerret. Maurice a revu Jacques et évidemment ça ne s’est pas arrêté là puisqu’on a redéménagé Jacques une autre fois, à Antony. Donc, je pense toujours, comme je l’ai alors pensé, que Maurice n’était pas seul dans le coup. Si on a relâché Maurice aussi rapidement après l’arrestation, je pense que c’était toujours à cause de ces troubles, de cette situation qui n’était claire pour personne et ils ont laissé repartir Maurice Tréand. Il est probable que 24 heures ou quelques heures plus tard, ils ne l’auraient pas laissé repartir comme ça … Il aurait été arrêté, véritablement, complètement. Là vraiment, je ne comprends comment Maurice, par la suite, sinon qu’il avait un grand esprit de Parti, pour lui le Parti c’était toute sa vie, mais justement alors comment expliquer d’un autre côté, au milieu de toutes ces contradictions, on a mis Maurice sur la touche, mais on ne l’a jamais, jamais laissé tomber. Il a profité des planques, il a conservé un certain contact avec Jacques, avec Benoît, jusqu’à ce que ce télégramme dont tu m’as parlé arrive. Là effectivement, il y a quelque chose. Jacques savait bien que Maurice avait été arrêté à la suite de la demande de parution de l’Huma. Et j’ai continué à aller au Bd Mortier, et c’est moi qui l’ai emmené à la Croix de Berny … et puis, après Maurice n’a jamais manqué d’argent pour vivre dans les planques, connues de lui, et dont il a toujours profité … ensuite …

La fin de la guerre est arrivée, et ce fameux congrès du Parti, la Commission politique où, je pense, on a fait porter complètement le chapeau à Maurice. Alors, là, évidemment, je ne m’explique pas pourquoi Maurice ne s’est pas défendu. Mais quand même, il y a quelque chose d’un autre côté qui continue à me turlupiner, c’est cette contradiction. Maurice Tréand à la Libération a vu Maurice Thorez, a discuté avec Maurice Thorez, et cela après ce fameux congrès. Ce qu’il a expliqué, je n’en sais rien là-dessus, il ne se confiait pas, surtout quand il pensait, et là il devait le penser, que cela pouvait nuire au Parti, que il était plus sûr de lui que des autres, c’est très humain d’ailleurs, comme réaction de la part d’un camarade qui est très ferme. Parce que quand même, quand Maurice a été très malade, le Parti a tout fait pour lui. Manouilski s’est dérangé pour apporter le sérum Bogomoletz. Maurice était dans une clinique à Genève. D’ailleurs il y a réglé - car ça aussi il faut le dire - des problèmes du domaine financier. Et il les a réglés, c’est certain, puisque moi-même après la mort de Maurice, étant enceinte de mon second fils, je me suis trouvée devoir partir en Suisse, à la demande du Parti, pour revoir des camarades, comme le Dr Biancchi avec qui Maurice était en contact quand on était en Suisse. Maurice n’en parlait pas, on était tellement compartimenté. Mais je savais, par exemple, que le père de la femme du Dr Biancchi, était banquier.

Et c’est avec lui que Maurice a certainement réglé tous ces problèmes. C’est lui d’ailleurs que j’ai revu quand je suis retournée en Suisse à la demande du Parti et que l’on m’a fait signer des papiers … Moi, je ne sais même pas, dans le fond, ce que j’ai signé …

Tu le sais bien, on ne posait pas de question, on était compartimenté, on ne cherchait pas à savoir, on ne gardait pas de notes sur soi, pas même dans la tête … Alors, là, tu me parles du problème de cette liste de militants que Maurice aurait eu sur lui, ça me choque, parce que c’est en contradiction absolue avec ce qu’on a appris dans les écoles que nous avons suivies en Russie, que Maurice nous inculquait personnellement. C’était un tel principe qu’aujourd’hui encore, si on ne peut pas répondre à toutes les questions, c’est parce qu’on a pas pris de note et que la mémoire vous trahit … C’est possible, cette liste, je ne veux pas mettre en doute personne, mais ça ne me semble pas juste, pas très normal, moi, je ne l’ai pas vue, mais ça me tracasse cette histoire. Ça va tellement peu, ça cadre tellement peu avec tout ce qu’on faisait, tout ce qu’on disait, tout ce qu’on avait appris … alors, je ne sais pas, ça m’étonne, ça me dépasse … Bien sûr que Maurice pouvait penser qu’il était plus fort que les autres, qu’il n’aurait pas trahi … ça va pas, ça va pas avec toute la ligne, avec toutes les méthodes de travail qu’on a eu l’habitude de pratiquer … c’est pas possible. C’est vrai que lorsqu’on est retourné en France, tout de suite après, on allait à la pêche des camarades. Nous aussi on était un peu désorganisé. C’est vrai que la parution de cette Huma, ça aurait pu peut-être aider à rassembler … moi je reviens un peu comme ça, à bâtons rompus, parce que dans le fond, on peut toujours effacer, là c’est la conversation très libre entre nous. Je pense effectivement que l’erreur c’était d’avoir été demander l’autorisation, c’est pas d’avoir essayé de faire paraître l’Huma légalement, même pour 48 heures, c’est d’avoir été voir les Allemands, d’avoir été voir Abetz, ça c’est l’erreur. Mais là encore, c’est pas vrai, Maurice n’était pas seul, c’est impossible, absolument pas possible. C’est d’ailleurs pas Maurice qui aurait pu fabriquer l’Huma, écrire dans l’Huma. Il aurait pu signer comme directeur, prendre la responsabilité sur le dos comme gérant, ça d’accord, je le vois très bien faire cela, mais pas prendre la responsabilité politique de cette parution. Ça non.

Pour revenir au congrès et à la Commission politique, effectivement Maurice en est revenu vraiment très, très malheureux. Il m’a parlé de camarades, comme Janin et d’autres qui ne l’ont même pas regardé, tendu la main, et où il a été mis au ban, vraiment … Alors là, je ne comprends pas pourquoi, pourquoi il n’a pas discuté, ou s’il a discuté, il s’est laissé convaincre qu’il fallait que ce soit lui qui porte … Je ne sais pas, parce que Maurice ne pouvait jamais - et je pense que c’était le fond de son caractère - ne pouvait jamais admettre que le Parti puisse avoir tort. Il était trop attaché au Parti, c’était toute sa vie. Il a dû se laisser convaincre que c’était à lui de porter … le chapeau de cette chose .. je ne sais vraiment pas … Je sais qu’il en a été très malheureux, et alors, toujours pareil, toujours en contradiction, ce sont les rapports qu’il a eu avec Maurice Thorez qui ont été des rapports très fraternels. Maurice a été très gentil, il lui a écrit des lettres très fraternelles. Maurice Thorez est venu le voir et quand Maurice (Tréand) est mort, Maurice Thorez a traité Maurice Tréand comme un camarade qui n’a jamais eu fait d’erreur … La direction du Parti, à ce moment, a fait des funérailles à Maurice Tréand comme à un membre du Comité Central qui toute sa vie s’est bien conduit. Je pense que là il y a quelque chose qu’on explique difficilement, on explique difficilement, comme tu le posais aussi, que l’on n’ait pas dit que ça n’était pas vrai l’histoire de cette parution. C’est de dire cela qui n’est pas vrai, ça a existé. Ça fait partie de ces moments où vraiment, pour nous, ça s’explique mal. Avec le recul, bien sûr, il y a des choses qu’on voit, dont on se dit, oui effectivement … mais quand cela s’est passé, c’était pas facile … Rappelons même la stèle de Maurice Tréand ; sur cette stèle, il est marqué qu’il a été membre du Comité Central de telle date à telle date. On remet donc bien Maurice Tréand comme militant qui s’est bien comporté. Alors … ? Pendant x années, on a commémoré l’anniversaire de la mort de Maurice Tréand ; des camarades du Comité Central venaient se recueillir sur sa tombe tous les ans ; après ça a été tous les cinq ans ; et puis après, parait-il on a décidé que ce serait tous les dix ans. Ce qui ferait que ce sera bientôt de nouveau la commémoration de sa mort, si les choses restent comme elles sont.

Alors, toutes ces questions, comment expliquer tout cela ? C’est quand même pas facile, mais de toutes façons ça signifie bien que la direction du Parti a été convaincue que Maurice Tréand n’était pas seul responsable. Pourquoi continue-t-on alors à lui faire porter le chapeau ? Parce qu’en définitive il faut bien appeler les choses par leur nom."

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A propos des démarches de Maurice Tréand, selon Wikipédia :

« Depuis la découverte en 1990, dans les archives du Komintern, de messages signés "Yves et Grégoire", c’est-à-dire, Duclos et Tréand, au sujet des contacts pris avec les Allemands, il apparaît clairement que ces démarches avaient reçu l’aval de Duclos et de ses correspondants à Moscou7.

7↑ Roger Bourderon, Mai-Août 40 : de Paris à Moscou, les directions du PCF au jour le jour, Cahiers d’Histoire de l’IRM, n°52-53 »

https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Tr%C3%A9and

L’existence de ces documents confirmerait donc l’ « intuition » exprimée dans les mémoires de Mounette Dutilleul, selon laquelle ces démarches avaient en réalité non seulement l’appui de Duclos, mais aussi celui de Thorez, sinon celui de l’IC.

Quoi qu’il en soit, cette « ambiguïté » cultivée au sein de l’IC est très probablement une des raisons qui ont poussé à sa dissolution, indépendamment du contexte diplomatique « officiel ».

Luniterre

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ARTICLE SOURCE :

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2018/02/11/mounette-dutilleul-ou-la-memoire-effacee-comment-appeler-les-choses-par-leur-nom/

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