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La longue marche des suprémacistes juifs vers le pouvoir

samedi 31 décembre 2022, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 31 décembre 2022).

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31 décembre 2022

Assawra

Avant même que le nouveau gouvernement dirigé par Benyamin Netanyahou ne soit officialisé, les députés de sa coalition ont examiné, à la Knesset, une série de dispositions garantissant aux futurs ministres des postes sur-mesure. Ces projets de loi donnent une idée assez claire de la politique qu’ils ont l’intention d’appliquer.

Le premier est un amendement à une loi fondamentale. Il prévoit de réduire le délai au bout duquel une personne condamnée à de la prison peut recevoir une charge ministérielle. Il permet à Aryé Dery, membre du parti ultraorthodoxe Shass, condamné avec sursis pour infraction fiscale, de devenir ministre de la Santé, puis des Finances en remplacement de Bezalel Smotrich. Un second texte, introduit par Otzma Yehudit, le parti d’Itamar Ben Gvir, futur ministre de la Sécurité nationale, accroît nettement son pouvoir sur la police. Un troisième offre à Bezalel Smotrich, le leader du Parti sioniste religieux, le contrôle de l’Administration civile, un organisme clé du ministère de la Défense qui a notamment la main sur les infrastructures et les constructions en Cisjordanie occupée.

Deux jours après que ces textes ont été déposés, la procureur générale Gali Baharav-Miara a tenu une conférence à l’université de Haifa, au cours de laquelle elle a dénoncé ce « blitz législatif » . À la fois conseiller juridique du gouvernement et procureur en chef de l’État, le procureur général est une personnalité centrale dans la démocratie israélienne. « Ces projets de loi sont susceptibles de remettre en cause l’équilibre des pouvoirs entre les branches du gouvernement » , s’est inquiétée Gali Baharav-Miara, en rappelant qu’il est « important » de garder une vision globale de la situation. « Il s’agit d’une législation importante et urgente qui permettra au ministre de la Sécurité nationale de restaurer la sécurité personnelle des citoyens d’Israël » , a rétorqué Itamar Ben-Gvir.

Dans la presse progressiste se multiplient les commentaires alarmistes et les considérations sur la faiblesse d’un Netanyahou obsédé par ses procès pour corruption, pieds et poings liés par ces alliés qui lui ont promis de faire voter la loi qui lui permettrait de les annuler. « Netanyahou , analyse ainsi le Yehdiot Aharonot , a créé un monstre dont il a perdu le contrôle. »

Depuis l’élection législative du 1er novembre, qui a vu « Bibi » emporter la victoire grâce à son alliance avec les ultraorthodoxes et les sionistes religieux, une nouvelle génération s’apprête à prendre le pouvoir en Israël. Les longues semaines de battement qui ont suivi l’élection ont permis aux Israéliens de découvrir certaines personnalités appelées à graviter dans les hautes sphères du pouvoir. Parmi elles, Chanamel Dorfman, qui devrait devenir chef de cabinet d’Itamar Ben Gvir. Avocat de Ben Gvir, il a été plusieurs fois dans le viseur du Shin Bet, les services israéliens de sécurité intérieure. Habitué aux provocations, il a comparé la police israélienne à une mafia et aurait déclaré, selon le journal Haaretz , que le « seul problème avec les nazis, c’est que j’étais du côté des perdants » .

Ils ont également fait connaissance avec Ayala, la femme de Ben Gvir. Cette résidente de Kyriat Arba, la colonie de Hébron, n’a pas jugé bon d’ôter le pistolet qu’elle porte habituellement à la ceinture lors de la traditionnelle photo réunissant les femmes des leaders de la nouvelle coalition « pro-Bibi » . Avec sa longue barbe blanche, Avi Maoz a, lui aussi, un temps, éclipsé l’ultra-médiatique Itamar Ben Gvir. Maoz est le chef du petit parti Noam, dont la ligne politique est ouvertement et essentiellement homophobe. Il devrait obtenir des charges gouvernementales dans les domaines de l’Éducation et de l’Identité juive. Bezalel Smotrich, le futur ministre des Finances, a également fait parler de lui lorsqu’il a expliqué, en citant un passage du Deutéronome : « Si nous mettons en oeuvre la Torah, nous aurons la prospérité et de grandes bénédictions. Ce sera ma vision de l’économie ».

Est-ce à cela que la procureur générale fait allusion lorsqu’elle rappelle l’importance d’une vision globale ? Pour comprendre l’inquiétude d’une partie des Israéliens, il est nécessaire de remonter aux racines idéologiques de ces personnalités phares du nouveau gouvernement de Benyamin Netanyahou. Parmi elles, deux noms reviennent sans cesse : Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich. Tous deux représentent deux courants d’un mouvement radical, le sionisme religieux, qui cherche à imposer sa vision messianique dans la société et la vie politique israélienne. Selon les Sionistes religieux, la création d’Israël est le fruit d’une volonté divine qui s’est exprimée notamment lors de la guerre des Six-Jours, en 1967, quand l’armée israélienne a conquis Jérusalem Est et la Cisjordanie, permettant aux Juifs de reprendre pied dans la terre d’Israël telle qu’elle a été donnée par Dieu au peuple élu. Les sionistes religieux croient que la reconquête de la terre d’Israël dans son intégralité, y compris le mont du Temple, troisième lieu saint de l’islam, permettra la venue des temps messianiques et la paix.

Itamar Ben Gvir est connu pour avoir longtemps affiché dans sa maison de Kyriat Arba une photo de Baruch Goldstein, auteur à Hébron en 1994 d’un sanglant attentat dans une mosquée qui est aussi un lieu saint revendiqué par les juifs : le caveau des Patriarches. Comme Goldstein, Ben Gvir est issu du parti Kach, fondé dans les années 1970 par un rabbin d’origine new-yorkaise, Meir Kahana. « Kahana a longtemps été considéré comme un clown vociférant, un ultra-marginal, y compris au sein de la mouvance nationaliste religieuse dont il se revendiquait » , explique David Khalfa, chercheur à la Fondation Jean-Jaurès qui rappelle que ses prises de parole à la Knesset étaient systématiquement boycottées par les élus du Likoud. « Cette sous-culture nationaliste religieuse est née dans la rue , poursuit-il. Elle s’est construite d’abord dans l’opposition à l’antisémitisme puis dans la défense des refuznikim avant de se radicaliser et d’adopter une posture anti-arabe et antidémocratique qui l’a reléguée à la marge de la société israélienne. Le retrait du Sinaï, la signature des accords d’Oslo et les attentats palestiniens ont contribué à accélérer la radicalisation des sectateurs du rabbin Kahana qui en ont conclu que l’État d’Israël avait trahi sa mission historique en renonçant à la promesse biblique de rétablissement d’une souveraineté juive sur les deux rives du Jourdain. L’attentat de 1994 fut la terrible conclusion logique de cette dérive idéologique. »

Dans les années 1990, pourtant, certains Kahanistes décident de sortir de la marginalité. Ben Gvir est issu de cette tendance. « La bascule s’est faite il y a trois ans, quand il a décidé de se présenter à la Knesset. Il a alors élargi son socle électoral au-delà du cercle restreint des nationalistes religieux, en cherchant notamment à séduire les jeunes juifs séfarades issus des classes populaires, avec un discours axé sur le rétablissement de la sécurité. Il n’a pas pour stratégie à court terme de transformer l’État d’Israël, mais de s’imposer comme le nouveau M. Sécurité, une version 2.0 et plus musclée de Netanyahou. Il ambitionne de devenir un personnage incontournable de la politique israélienne. Bezalel Smotrich, en revanche, est un sioniste religieux pur sucre » , poursuit David Khalfa.

Fils de colons, vivant lui-même dans une colonie de Cisjordanie, cet avocat de formation a fait des études dans l’école religieuse fondée par le rabbin Avraham Kook, le père du sionisme religieux. Il aurait très mal vécu le retrait israélien de la bande de Gaza, en 2005 : à l’époque, un projet d’attentat l’a conduit en prison. « Depuis, il a fait son chemin de Damas , poursuit David Khalfa. Sa carrière politique a démarré en 2015 mais, contrairement à Ben Gvir, Smotrich n’est pas à la marge de la mouvance sioniste religieuse. Il a construit sa carrière politique en cherchant à se faire adouber par ses leaders avant de prendre leur place. Il entend désormais faire du sionisme religieux le centre de gravité de la droite israélienne et considère que cette mouvance doit assumer sa volonté de transformer la société et l’État israéliens. De l’enseignement du rabbin Kook, il a surtout retenu la dimension nationaliste et messianique : son but, aujourd’hui, est l’annexion de la zone C. » C’est-à-dire la zone de Cisjordanie sous contrôle exclusif de l’armée israélienne.

« Malgré leurs différences, conclut le chercheur , Ben Gvir et Smotrich ont en partage l’ultranationalisme et sont des adeptes d’une politique de force. Leur cote de popularité est grandissante au sein d’une partie de la jeunesse israélienne issue de la périphérie du pays qui n’a connu que des périodes de violences et d’attentats palestiniens entrecoupées de trêves fragiles. Les nouveaux hommes forts de la droite radicale israélienne sentent qu’ils ont le vent en poupe et veulent en profiter. » Pour eux, alors que le monde a les yeux tournés vers l’Ukraine, le moment est venu de mettre en oeuvre leur idéologie.

de Dieuleveult, Guillaume
Le Figaro du 30 décembre 2022

La colonisation, priorité numéro un du nouveau gouvernement Netanyahou

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31 décembre 2022

Assawra

De retour au pouvoir après un court passage dans l’opposition, le premier ministre affirme que son gouvernement, composé de ministres ultraorthodoxes et d’extrémistes religieux, «  encouragera  » la colonisation, ce que plusieurs décisions laissent déjà présager.

En finir avec l’instabilité chronique - cinq élections et deux coalitions en quatre ans -, mais à quel prix ? Benyamin Netanyahou, de retour au poste de premier ministre après un an et demi dans l’opposition, a dévoilé jeudi 29 décembre le gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël, laissant la part belle et des postes clés à des ministres ultraorthodoxes et extrémistes religieux dont l’agenda politique inquiète au-delà de la société israélienne. «  Cette coalition suscite la frayeur dans l’opposition, et même un peu de surprise de la part de ceux qui ont voté pour ces partis, notamment sur les relations entre la Synagogue et l’État, entre laïcité et liberté de culte, explique Denis Charbit, professeur de sciences politiques à l’Open University d’Israël. Jamais, de mémoire de citoyen, je n’ai vu de gouvernement qui ait causé autant d’inquiétude.  »

Le contrat de coalition, dévoilé mercredi 28 décembre après six semaines de négociations postélectorales, répond largement aux desiderata des formations alliées d’un Benyamin Netanyahou beaucoup plus faible que lors de ses cinq précédents mandats  : inculpé pour corruption dans plusieurs affaires, lui et son parti conservateur Likoud ont dû composer avec une droite extrême «  révolutionnaire  » qui veut agir vite.

L’accord de gouvernement prévoit pêle-mêle des dispositions approuvant la discrimination à l’encontre des personnes LGBT + pour des motifs religieux, des réformes judiciaires controversées, comme le fait d’autoriser le Parlement à promulguer des lois allant à l’encontre des décisions de la Cour suprême, ou encore de généreuses allocations pour les hommes ultra-orthodoxes qui préfèrent étudier plutôt que travailler… Ces promesses, qui ont fait beaucoup réagir jusque parmi les magistrats qui craignent une dérive illibérale, ne seront pas forcément toutes traduites en lois. «  Mais j’ai l’impression que le bruit autour de ces mesures a permis de masquer les changements déjà obtenus concernant l’autorité militaire qui règne en Cisjordanie et les réformes qui vont avoir lieu concernant les colonies ou la gestion de l’armée  », estime Denis Charbit.

Ces derniers jours, à la faveur de votes expédiés à la Knesset, la coalition a notamment donné des prérogatives très larges à Bezalel Smotrich, du Parti sioniste religieux, et à Itamar Ben Gvir, de Force juive. Deux suprémacistes juifs qui se sont fait connaître pour leur hostilité viscérale et parfois violente à l’égard des Palestiniens et leur soutien assumé à l’annexion d’une partie de la Cisjordanie, où ils vivent dans des colonies illégales au regard du droit international. Le premier sera, outre son poste de ministre des finances pour un temps, chargé des colonies en Cisjordanie. Le second, condamné pour incitation à la haine et soutien à une organisation terroriste, aura un contrôle étendu sur la police israélienne - qui opère aussi dans les Territoires occupés.

À l’issue d’une année marquée par une politique très meurtrière dans ces territoires palestiniens, le nouveau gouvernement s’engage à légaliser les avant-postes illégaux . «  Le peuple juif a un droit exclusif et inaliénable sur toutes les parties de la Terre d’Israël, affirme le Likoud dans un communiqué. Le gouvernement encouragera et développera le peuplement dans toutes les parties de la terre d’Israël - en Galilée, dans le Néguev, dans le Golan, en Judée et en Samarie (Cisjordanie occupée, NDLR)   » , où vivent 2,8 millions de Palestiniens et plus de 475 000 colons juifs.

Si certaines ONG et des responsables palestiniens dénoncent déjà une annexion de facto, le mot a très peu été prononcé ces derniers jours par les nouveaux leaders israéliens. Une prudence stratégique, à l’heure où Washington exprime sa forte inquiétude face au projet politique israélien et où Benyamin Netanyahou souhaite étendre ses accords de normalisation dits «  d’Abraham  » avec l’Arabie saoudite. «  Le gouvernement fera tout ce qui est possible pour rendre l’autonomie des colonies la plus grande possible et une légalisation comme si les colons étaient des Israéliens en territoire israélien, avec des budgets dans tous les sens, estime Denis Charbit, mais sans prononcer le mot formel d’"annexion", qui serait suicidaire d’un point de vue diplomatique et économique.  »

Julie Connan
La Croix du 30 décembre 2022

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