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« Les éboueurs ne sont vus que lorsqu’ils font grève »

mercredi 15 mars 2023, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 15 mars 2023).

C’est une profession qui ne se voit pas quand tout fonctionne bien : une rue propre, on ne la remarque pas. Il s’agit d’un métier dont le résultat est fondé sur son invisibilité, et c’est bien la difficulté de ce type de profession. Les éboueurs ne sont vus que lorsqu’ils font grève.

Au début du XIXe siècle, nous nous sommes mis à collecter les déchets au moment où l’on n’utilisait plus les rebuts comme des matières premières secondaires. Ces ordures dans les rues disent donc des choses de notre usage des ressources.

Par ailleurs, depuis qu’on les collecte, la quantité de déchets n’a cessé d’augmenter. Cela est lié à la fois à l’augmentation de la population, mais aussi à celle de la production d’objets et de biens. Ce que l’on jette est in fine l’envers de ce que l’on consomme et de ce que l’on produit. Nous vivons dans une société de production et de consommation de masse, mais aussi, en un sens, de poubellisation de masse.


« Les éboueurs ne sont vus que lorsqu’ils font grève »

https://reporterre.net/Les-eboueurs…

15 mars 2023 à 09h46

Amélie Quentel

Delphine Corteel, sociologue et anthropologue, est maîtresse de conférences en sociologie à l’université de Reims Champagne-Ardenne, chercheuse au laboratoire Regards et affiliée au Ceet. Elle est la codirectrice, avec Stéphane Le Lay, du livre « Les travailleurs des déchets » (éd. Erès, 2011).

Depuis le 6 mars 2023, des éboueurs font grève dans plusieurs villes contre la réforme des retraites. Pour la sociologue Delphine Corteel, qui rappelle leurs conditions de travail très pénibles, cela révèle les limites de notre modèle productiviste.

Reporterre — Depuis le 6 mars, une grève des éboueurs a lieu dans plusieurs villes. À Paris par exemple, plus de 5 000 tonnes de déchets sont entassées dans les rues. Que disent ces monticules de poubelles de notre modèle productiviste et consumériste ?

Delphine Corteel — Cela montre deux choses : d’une part, au début du XIXe siècle, nous nous sommes mis à collecter les déchets au moment où l’on n’utilisait plus les rebuts comme des matières premières secondaires. Ces ordures dans les rues disent donc des choses de notre usage des ressources.

Par ailleurs, depuis qu’on les collecte, la quantité de déchets n’a cessé d’augmenter. Cela est lié à la fois à l’augmentation de la population, mais aussi à celle de la production d’objets et de biens. Ce que l’on jette est in fine l’envers de ce que l’on consomme et de ce que l’on produit. Nous vivons dans une société de production et de consommation de masse, mais aussi, en un sens, de poubellisation de masse. Aujourd’hui, on essaie de réinjecter l’économie circulaire dans un système qui, fondamentalement, n’est pas pensé comme tel, et qui au contraire est pensé sur la production, la consommation, la destruction. Cette grève montre bien la limite de ce modèle.

Si la réforme des retraites est adoptée, les éboueurs verront l’âge de leur retraite reporté à 59 ans contre 57 sans bonification aujourd’hui. Or un cadre a une espérance de vie supérieure de six ans à celle d’un ouvrier

Cette réforme relève d’une injustice très forte, car les travailleurs subalternes ont en effet une espérance de vie moins longue que celle des cadres. Ce sont donc des groupes sociaux qui, si cette réforme passe, profiteront encore moins longtemps et en moins en bonne santé de leur retraite. D’autant qu’il faut replacer les éboueurs dans l’ensemble du groupe ouvrier : ils exercent un métier particulièrement dangereux, avec des risques très importants, liés à la manipulation des containers par exemple. Il s’agit d’une profession où les accidents du travail sont beaucoup plus nombreux que dans d’autres secteurs. En l’état actuel des choses, les éboueurs sont donc déjà des personnes qui arrivent à la retraite abîmées par leur travail.

Éboueurs de Paris

https://twitter.com/eboueursdeparis…

7:45 PM · 14 mars 2023

Vous ne nous voyez jamais, mais quand on n’est plus là, toute la ville s’effondre. On croule sous les critiques parce que la ville est une déchèterie. Quand on nous aura dégoûté du métier à force d’être pénalisé, allez chercher ces mêmes bureaucrates pour nous remplacer.

Pourquoi ne remarque-t-on ces travailleurs indispensables que quand ils font grève ?

C’est une profession qui ne se voit pas quand tout fonctionne bien : une rue propre, on ne la remarque pas. Il s’agit d’un métier dont le résultat est fondé sur son invisibilité, et c’est bien la difficulté de ce type de profession. Les éboueurs ne sont vus que lorsqu’ils font grève.

Cette grève ne serait-elle pas l’occasion d’enfin revaloriser ces travailleurs ? Mais aussi de repenser notre modèle productiviste ?

Il serait évidemment très souhaitable de revaloriser ces professions aussi essentielles au fonctionnement social. Cela dit, ce n’est malheureusement pas la tendance qui se profile : on a bien vu comment, durant le confinement, ces travailleurs ont été loués sans que rien ne change.

De la même manière, il est impératif que nous réfléchissions à un modèle qui prélève moins de ressources, et qui soit moins producteur de gaz à effet de serre. De fait, la question de notre modèle productif va obligatoirement se poser, et il vaut mieux l’anticiper plutôt que de laisser le capitalocène nous exploser à la figure. J’emploie ici le terme de « capitalocène » plutôt que d’anthropocène, car tous les êtres humains ne sont pas responsables au même titre du réchauffement de la planète et de l’effondrement de la biodiversité. Il y a tout un modèle productif à remettre en cause, qui pourrait aussi passer par le fait de travailler moins. Hélas, cette réforme des retraites, qui ne prend pas en compte les questions écologiques, ne va pas dans ce sens-là.

Comment analysez-vous la réaction scandalisée de plusieurs responsables politiques Renaissance et LR, qui fustigent des travailleurs faisant seulement valoir leur droit de grève (tout en taclant Anne Hidalgo au passage) ?

Il y a deux enjeux : un enjeu de politique politicienne, qui ne me regarde pas. Mais il y a surtout de leur part une remise en cause du droit de grève qui est extrêmement inquiétante.

Note : Cet article est très intéressant même s’il tombe dans le piège du changement climatique provoqué par l’être humain :

http://mai68.org/spip2/spip.php?article12631

(Réchauffement climatique : l’alternance des périodes chaudes et des périodes froides)

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