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Retraites : quand les paysans nourrissent les grévistes

jeudi 23 mars 2023, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 23 mars 2023).

https://reporterre.net/Retraites-qu…

Publié le 23 mars 2023 à 09h30
Modifié le 23 mars 2023 à 10h05

Justin Carrette

Sébastien et Isabelle Pigache sont producteurs de canards à Panassac, dans le Gers. - Justin Carrette / Reporterre

Pour Sébastien et Isabelle Pigache, producteurs de canards dans le Gers, le monde paysan doit être solidaire avec les grévistes pour permettre à la mobilisation contre la réforme des retraites de durer.

Panassac, reportage

Au bord de la départementale 929 dans le Gers, sur la commune de Panassac et ses 300 habitants, on trouve la petite exploitation de Sébastien Pigache et de sa compagne Isabelle. Tous les deux produisent du canard dans ce département rural et enclavé. Le couple est également mobilisé depuis de longs mois contre la réforme des retraites. « Il y a une forte mobilisation des paysans, assure l’agriculteur, rencontré le 21 mars. On le voit à Auch juste à côté de chez nous, il n’y a jamais eu autant de monde dans les cortèges. »

Logé sur les coteaux du village, le terrain des deux producteurs n’a pas de vis-à-vis, si ce n’est la chaîne des Pyrénées. Aussi, « on se sent parfois très seuls en tant que paysans sur des territoires comme celui-ci, relatent-ils. On a parfois l’impression d’être impuissants face à ce qui se passe à Paris, et on voulait vraiment se mobiliser. » Pour eux, la mobilisation du monde paysan, inédite, peut faire basculer la lutte.

C’est pourquoi, le 14 mars, à la veille d’une manifestation syndicale, lui et sa compagne, accompagnés d’autres agriculteurs du sud de la France, ont livré 2 tonnes de denrées alimentaires à des cheminots en grève. Viande, yaourts, fruits, œufs, légumes ou encore du miel ont été acheminés jusqu’à la gare de Versailles-Chantiers (Yvelines), soit à 800 kilomètres de leur village. « Des actions comme celle-ci nous rendent fiers de notre travail, de nourrir des gens et de nous battre à leurs côtés », s’émeut Sébastien.

Viande, yaourts, fruits, œufs, légumes ont été acheminés jusqu’à la gare de Versailles-Chantiers (Yvelines) le 15 mars. Justin Carrette / Reporterre

2 tonnes de denrées alimentaires livrées

Tout a commencé fin février. Ce mois-ci, « on a assisté à une réunion d’information à Auch sur la réforme, se rappelle-t-il. À la fin de cette réunion, Matthieu Bolle-Reddat (secrétaire général CGT des Cheminots de Versailles) avait émis l’hypothèse que les paysans du coin pourraient monter des denrées alimentaires aux grévistes pour les soutenir », détaille l’agriculteur syndiqué à la Confédération Paysanne depuis un an. « C’est une idée qui nous a plu. »

Alors, Sébastien et Isabelle n’ont pas hésité : ils en ont parlé à leurs collègues sur les marchés, ont organisé des collectes lors de manifestations à Auch et ont fait circuler l’information sur les réseaux sociaux… Le Modef (Mouvement de défense des exploitants familiaux) s’est vite joint à l’initiative. « On a rapidement été débordé, dit Isabelle en buvant un café. On ne pensait pas qu’un tel élan de solidarité allait se mettre en place si rapidement ».

Après avoir trié « les produits toute la nuit du 14 mars avec les cheminots de la CGT », raconte Isabelle, les paniers sont distribués le lendemain. « On a conscience que la grève reconductible c’est une perte d’argent énorme pour ces gens, souligne Sébastien, une cigarette au coin de la lèvre. On tente de les aider comme on peut, pas forcément avec de l’argent parce que la plupart des paysans vivent eux aussi dans une grande précarité, mais avec nos mains, avec ce qu’on produit. »

« On a parfois l’impression d’être impuissants face à ce qui se passe à Paris, et on voulait vraiment se mobiliser », dit Sébastien Pigache. Justin Carrette / Reporterre

Et de poursuivre : « On se reconnaît dans cette lutte, contre la réforme des retraites mais surtout contre la précarité. On a un ennemi commun et je prends souvent l’exemple d’Emmanuel Besnier, neuvième fortune française et patron de Lactalis, c’est quelqu’un qui prend à la gorge les paysans mais aussi les consommateurs ».

« Généraliser la lutte pour gagner »

Après la distribution des paniers alimentaires, les paysans et les cheminots ont défilé côte à côte dans les quartiers riches de Versailles. « On a fini par faire un barbecue au pied de la statue de Louis XIV avec des merguez du Gers, le symbole était fort ! » lance Sébastien avec derrière lui en toile de fond la chaîne des Pyrénées.

Après cette action largement médiatisée, Sébastien et Isabelle réfléchissent à de nouvelles opérations pour soutenir les grévistes autour de chez eux. « On ne fera pas 800 kilomètres toutes les semaines. Il y a beaucoup à faire sur notre territoire également, il faut que cette solidarité se généralise pour gagner la lutte », disent-ils.

Pour faire grève, nombreux sont les salariés à faire l’impasse sur une partie de leur salaire et la question de la solidarité paysanne est cruciale pour faire durer le mouvement, selon les deux exploitants. Au siècle dernier en 1905, la souveraineté alimentaire était déjà vue comme « une arme capitale de la lutte » par les ouvriers de Longwy en Lorraine.

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