Les mots, leur portée et leur contexte.
C’est souvent difficile d’employer des mots en-dehors de leur contexte. Mais tant de gens parlent de choses qu’ils n’ont pas vécues et jugent avec des yeux de 2023 des réalités de 1943. là est le problème, car les médias montrent aux jeunes générations des faits anciens avec des jugements de comme si c’était l’actualité. Evitant autant que possible les survivants actuels qui corrigerait leur jugement… A l’époque, les surnoms étaient nombreux concernant les envahisseurs nazis : les "Boches" (ça datait déjà de 14-18), mais aussi les Schleuhs, les Fritz, les Frisés, les Fridolins, les Verts de Gris, les Schpountz. etc. Et pour les femmes des armées allemandes, on disait "les Souris Grises". Mais tout cela dans un contexte bien déterminé, de la 2e Guerre Mondiale et de l’Occupation nazie, par des gens qui ont vécu l’époque ou en ont de manière ou d’autre subi les conséquences…
Le Limousin était à l’époque qualifié de "Petite Russie", c’est tout dire. le Mont Mouchet, je sais ce que c’est (c’est dans le Limousin), dans la zone d’un maquis de Résistance, le "Réseau Guingouin" dirigé par ce dernier (communiste), mais aussi occupé par la sinistre Division SS "Das Reich" qui s’y "distinguait" par ses exactions contre les populations, en représailles de sabotages ou entraves à la marche de cette division vers le front de Normandie en juin 1944. C’est elle qui a commis en juin 1944 l’atroce massacre d’Oradour sur Glane (583 victimes, dont des enfants brûlés dans une église), et l’affaire des 99 pendus de Tulle. Quelle pitié pouvait-on alors avoir envers les auteurs de tels actes ? D’autant que ces exactions n’étaient pas leurs premiers "exploits", vu que cette division se trouvait auparavant sur le front soviétique, où ce type d’atrocité, c’était son quotidien, les Slaves étant, au même titre que les Juifs, taxés de "peuples inférieurs", selon l’idéologie nazie. Résultat : 27 millions de Soviétiques morts victimes de l’invasion nazie et - à part Moscou et Léningrad (à présent St-Pétersbourg, comme avant août 1914), pour ce qui s’agit des grandes villes où ils ont séjourné, peu de bâtiments datent d’avant 1945, et pour cause. Tous les gens à qui j’ai pu causer là-bas avaient perdu un membre de leur faille à cette période. Ceci étant dit, j’y étais allé (3 fois) en voiture, ce qui me permettait de discuter au hasard avec qui je voulais.
J’ai connu quelqu’un - jeune à cette époque, mais vraisemblablement décédé à présent - qui a fait partie du réseau Guingouin et ai participé à l’édition de son fascicule sur sa vie dans ce réseau. Ai bien sûr visité Oradour/Glane, par 2 fois (15 kms de Limoges). Auschwitz (Oswiecim, en polonais) également. Mon papa a vu de ses yeux la police française rafler les Juifs au gymnase Japy (Paris 11°) en 1941, pour que les Allemands les emmènent plus tard dans les camps de la mort. Des petits jeunes (entre 17 et 27 ans) de mon arrondissement, résistants, traqués par la police de Vichy (les "Brigades Spéciales" de la Préfecture de Police, fusillés au Mont-Valérien après une parodie de procès dans l’enceinte du Palais-Bourbon, en 1942. Des lieux et des faits toujours visibles concrètement, où la barbarie nazie a déferlé. Personne ne pourra me convaincre que tout ça n’a pas existé, n’en déplaise aux négationnistes qui veulent endormir le peuple et surfent sur des sites néo-nazis en attendant que les derniers témoins. Et "dédiabolisation" ou pas. L’intérêt est surtout de comprendre le processus qui mène à d’aussi effrayantes situations, et bien sûr de l’éradiquer. "Plutôt Hitler que le Front Populaire" disait le patronat, dont tous, de la droite (De Gaulle compris) à l’extrême gauche a pu de visu constater son comportement collabo.
Alors, étant donné le respect que ces gens avaient de la personne humaine qu’’ils soient qualifiés de "Boches" ou autre chose ne me gêne guère, concernant cette période, mais surtout que ce type de qualificatif ne soit pas donné à qui que ce soit du seul fait qu’il soit Allemand. Surtout sachant que des Allemands anti-nazis étaient aussi dans la Résistance française…
Pourquoi ce long texte de ma part ? Ce sont des choses qui ont fait le vécu de ma petite enfance. La vie était dure à l’époque, il y a eu des tickets de rationnement de nourriture jusque vers 1951. Mais on a eu la Sécu et les femmes ont voté pour la première fois en 1945 (grâce aux communistes). Mes parents n’étaient pas communistes (mon père a cependant été résistant), mais des amis de mon père qui l’étaient venaient à la maison et les discussions se faisaient sans acrimonie. On se parlait, sans prendre ses distances, de quelque manière que ce soit. Une attitude que j’aimerais bien retrouver. A l’époque, ces choses-là étaient un fait récent, on connaissait les familles des vicimes, mais aussi ceux qui s’étaient mal conduits, regardés ostensiblement de travers…
Parler de ça, c’est sérieux, pas à détacher de son contexte (ce qui est intellectuellement malhonnête), ringardiser ou parler de "Point Goldwin", comme le font certains, dont j’ignore quel serait le comportement dans de telles circonstances.
"Le juste mot à sa juste place"… car "Mal dire les choses, c’est ajouter du malheur au monde" (A. Camus)
Si tu as besoin de plus de précisions, je peux t’en apporter, du moins dans ce que je connais…
Amitiés !
Jean-Marc