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Affaire Benalla : Mélenchon défend les CRS

samedi 28 juillet 2018, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 28 juillet 2018).

https://www.wsws.org/fr/articles/2018/07/23/mele-j23.html

23 juillet 2018

Francis Dubois et Alexandre Lantier

Djordje Kuzmanovic, ex-officier

Samedi, le chef de La France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon a vertement critiqué Emmanuel Macron dans une entrevue accordée au Monde à propos de l’affaire Benalla. Dans cette entrevue à propos de l’agression illégale de manifestants pacifiques par un proche du chef de l’État, toutefois, Mélenchon s’est bien gardé de faire appel à la vaste colère sociale parmi les travailleurs contre la répression policière et l’austérité. Il a porté les revendications des forces de l’ordre contre Macron.

Mélenchon a annoncé au Monde que la raison centrale de la crise était une perte de confiance de la police vis-à-vis du chef de l’État. Il a dit, « Une crise politique est ouverte. L’Assemblée est paralysée. La hiérarchie de la police aussi, parce que trois mises à pied ont bousculé une règle aussi vieille que la haute fonction publique d’État : les fonctionnaires servent et obéissent, mais c’est le politique qui endosse les responsabilités. »

Mélenchon a ajouté plus spécifiquement que le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, avait perdu la confiance des forces de l’ordre, dont il est le chef hiérarchique : « Le ministre de l’Intérieur est déjà disqualifié. Il a menti et beaucoup ! Plus aucun policier ne peut croire en sa parole. Bien sûr qu’il va démissionner et il ne sera pas le seul. »

Un avertissement net est de mise : un gouffre de classe sépare Mélenchon des masses de travailleurs hostiles à la politique militariste et austéritaire de Macron. L’affaire Benalla a dévoilé le caractère arbitraire de la répression menée contre les manifestants par les forces de l’ordre, mais Mélenchon ne cherche pas à mobiliser l’opposition ouvrière à la montée des structures et des pratiques d’un État policier. Il se fait le tribun de la colère d’un appareil policier antidémocratique qui tente de plus en plus de s’affranchir de toute entrave à ses pouvoirs.

Depuis de nombreuses années, et surtout depuis l’imposition de l’état d’urgence en 2015 qui suspendait les droits démocratiques fondamentaux, la classe dirigeante cultive les forces de l’ordre comme une des seules bases sociales restantes de son régime. Mais les colères des commissaires de police et des hauts fonctionnaires du ministère de l’Intérieur n’ont rien de progressiste. Ces couches sociales, largement acquises au néo-fascisme, sont des professionnels de la répression, rompus à la défense des intérêts de l’aristocratie financière.

A présent, la classe politique française, qui foule aux pieds la colère sociale des travailleurs s’empresse de défendre les forces de l’ordre. Le parquet et l‘inspection générale de la police ont ouvert des enquêtes, et l‘Assemblée nationale a constitué une commission d‘enquête parlementaire. Leurs critiques ne concernent pas la brutalité de Benalla, mais sa volonté d’assumer « illégalement » les fonctions de la police qu‘il avait « usurpées », selon la Garde des Sceaux Nicole Belloubet.

La défense de la police agite tous les partis politiques officiels. Sur Twitter, le député RN du Nord Sébastien Chenu a pesté, disant que la vidéo « portait atteinte à l’image des forces de l’ordre », alors que le député LR des Alpes-Maritimes Eric Ciotti déclarait : « La justice doit se saisir de toute urgence de cette affaire qui abîme l’État de droit. » Le secrétaire du PS, Olivier Faure s’est plaint que l’affaire portait atteinte à l’image d’une « République exemplaire » que véhiculerait Macron.

Vendredi, l’opposition à l’Assemblée a exigé que Collomb et le premier ministre Edouard Philippe viennent en personne s‘expliquer. Philippe s‘exécuta, en se retranchant derrière une procédure judiciaire engagée la veille et se félicitant que l‘affaire soit à présent « aux mains de la justice. »

Mélenchon nage avec ce courant dans les milieux dirigeants qui s’empressent de « comprendre » la colère qui agite les corps de police. Interrogé par Le Monde sur ses critiques occasionnelles de la presse, Mélenchon a répondu que la presse est « un système qui nous est en général hostile, sauf en ce moment, mais c’est une exception (rires). »

En fait, LFI et Mélenchon sont étroitement imbriqués dans le milieu des armées, du renseignement et de la police. Leur défense de la police s’accorde très bien avec le populisme petit-bourgeois et anti-marxiste véhiculé par Mélenchon. Au cours des décennies passées depuis l’arrivée au pouvoir de Mélenchon avec le PS et Mitterrand en 1981, et depuis la restauration du capitalisme par les staliniens en URSS, les diverses composantes de LFI se sont fondues dans l’appareil d’Etat.

Les conseillers de Mélenchon en matière de sécurité – tels l’ex-officier Djordje Kuzmanovic et Alexandre Langlois, le membre des Renseignements généraux qui dirige la CGT-Police – sont des parties intégrantes de l’appareil répressif dirigé par l’État contre les travailleurs.

LFI tente de gérer une situation de crise de plus en plus intense dans l’appareil policier. Depuis l‘instauration de l‘état d‘urgence en 2015, les exigences faites aux forces de police se sont intensifiées en même temps que les conflits sociaux. Les forces de l’ordre ont organisé plusieurs manifestations ces deux dernières années, en se plaignant d‘être mal aimées et revendiquant des mesures pour améliorer leurs conditions. Celles de fin 2016 avaient été particulièrement virulentes.

Un des symptômes de cette crise dans la police est un taux de suicide énorme parmi les policiers, trois fois plus élevé que dans l’ensemble de la population française.

Les réactions d‘indignation, de désarroi ou de franche panique dans la classe politique reflètent leur crainte que le rempart policier monté contre l‘opposition ouvrière pourrait céder, sur fond de conflits entre l’Élysée et la police.

Interrogé par Le Monde sur l’éventuelle existence d’un « cabinet de sécurité officieux au plus haut sommet de l’Etat, » Mélenchon a laissé entendre que de puissantes fractions de la classe dirigeante voudraient se débarrasser de Macron. Il a affirmé que la crise était « du niveau du Watergate. Le monde entier est maintenant au courant. … M. Macron a pensé que l’affaire s’arrêterait toute seule. Il a commis une erreur grave. Personne ne lâchera prise. »

Pour développer la comparaison entre l’affaire Benalla et la crise qui a forcé la démission du président américain, Richard Nixon, et se donner pour une opposition démocratique à Macron, Mélenchon a insisté de manière provocatrice que Macron « organise une milice personnelle. Ce n’est pas rien ! … Nous sommes en République ! Il faudrait quand même se le rappeler. »

« Une crise, c’est une crise, son issue n’est pas écrite d’avance. Nous aurons fait ce que nous avions à faire comme opposition républicaine. Vous n’avez pas vu de notre part ni surenchère ni provocations. Nous marchons dans les clous de l’institution parlementaire. Des institutions que nous désapprouvons mais que nous respectons. Mais, si eux les détruisent, ils auront fait le travail à notre place », a-t-il poursuivi.

Ces réflexions de Mélenchon sont réactionnaires. Une « destruction » des institutions parlementaires par l’une ou l’autre fraction de la classe politique et ses alliés dans l’appareil policier, même celles liées à LFI, ne représenterait pas une lutte révolutionnaire des travailleurs pour s’affranchir de l’exploitation capitaliste, mais son contraire. Toutes les fractions de la police répriment l’opposition des travailleurs et des jeunes, celles liées à Mélenchon et aux appareils syndicaux tout comme celles liées à Macron ou au néo-fascistes.

La conscience de classe la plus élémentaire dicte aux travailleurs une politique indépendante des représentants de l’appareil policier, qu’ils se posent en forces « de gauche » ou non. La tâche essentielle qui revient aux travailleurs et aux jeunes est de se mobiliser en lutte contre le militarisme et l’austérité, et contre tous ceux, Mélenchon compris, qui se présentent en défenseurs des agences de répression visant la classe ouvrière.

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