A toutes les époques les idées qui dominent sont celles de la classe dominante qui, en contrôlant les réalités, contrôle aussi les pensées.
Ce théorème marxiste pourrait être discuté très longuement et il est facile de montrer que la révolte, la désobéissance et l’insurrection sont inscrites dans la nature humaine. Laborit a montré que l’adaptation (soumission volontaire active), le conflit et la fuite sont trois options normales dont nous disposons pour éviter l’inhibition de l’action pathogène.
Mais MARX ne se référait ni à la psychologie, ni à une philosophie abstraite de l’homme, hors sujet s’il s’agit de comprendre la société uniquement dans le but pratique de la transformer…
Pour simplifier sa pensée je vais me contenter d’énumérer des faits :
La classe dominante a les moyens de créer toutes les activités dont elle a besoin pour s’enrichir et consolider sa domination.
Elle est courtisée par une masse énorme de serviles qui espèrent s’enrichir ou avoir une bonne situation stable.
Elle peut subventionner discrètement de fausses oppositions, corrompre les leaders des classes dominées, créer des institutions pour intégrer les oppositions… etc.
Parfois elle peut même laisser un petit espace aux vraies oppositions pour les utiliser comme "baromètre" et cobayes à la disposition des forces de l’ordre.
Inutile de vous dire qu’un tel système est très solide et que les individus inorganisés n’ont pas de choix autres que l’adaptation car la fuite n’a strictement aucun sens pour 99 % des dominés. L’autre posture individuelle, le conflit, n’a pas plus de sens s’il n’aboutit qu’à se faire virer ou casser la gueule, à se faire chier encore plus que les "adaptés".
Le rôle de l’avant garde consiste à préparer les rares moments où ce système entre en crise et rend probable une "crise des attitudes d’adaptation", donc une crise sociale potentiellement conflictuelle .
Pendant la période où l’adaptation est viable et vivable, des systèmes de pensée, des valeurs, des traditions, des illusions, des interdits intériorisés et des aliénations innombrables se sont durablement installés dans les "habitus" (cf. Bourdieu) et la révolte, aussi massive et violente qu’elle soit, peut n’être qu’une catharsis sans contenu, un phénomène de foule sans buts collectifs, une grosse colère infantile, un printemps à la con qui aboutit à foutre des tarés au pouvoir.
Les avant-garde, politiques, syndicales, associatives et culturelles jouent alors un rôle stratégique pour transformer la révolte en révolution.