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Le mouvement des piqueteros. Argentine 1994-2006

dimanche 30 décembre 2018, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 30 décembre 2018).

Note d’OEIL de FAUCON : Ci-dessous un article fait par un de nos camarades, je le remets en ligne, car il y a beaucoup de point commun avec les gilets jaunes.


Le mouvement des piqueteros. Argentine 1994-2006 (1)

http://spartacus1918.canalblog.com/archives/2018/12/28/36973077.html

Remis en ligne le 28 décembre 2018 sur Spartacus1918

Lundi 6 août 2007

Présentation

Le texte qui suit a pour objet de décrire le mouvement que les chômeurs argentins ont développé depuis le début des années de crise, autour de 1995. La crise argentine a produit un mouvement social riche d’expériences nouvelles, et pas seulement dans la section du prolétariat qui était au chômage en raison de la politique de dégraissages, de restructurations et de privatisations qui fut menée à tombeau ouvert par le gouvernement et les patrons. Cependant, mon étude se limite pratiquement au cas des chômeurs, tant pour des raisons de place que parce que les piqueteros argentins constituent un mouvement social exceptionnel justifiant qu’il soit considéré pour lui-même.

Dans l’histoire mondiale du prolétariat, il n’y a pas d’exemple où l’on ait vu les chômeurs développer une activité propre aussi approfondie et construite que celle des piqueteros argentins. Le chômage, même quand il est massif, est le plus souvent considéré et vécu comme l’antichambre du travail, tandis que le chômeur de la célèbre « armée de réserve » est vu comme un travailleur potentiel plus que comme une figure en soi. Le cas de l’Argentine bouscule ces images. Certes, les piqueteros ne se sont pas privés de demander du travail, ainsi qu’on le verra. Mais la façon même dont ils ont agi et se sont organisés pour défendre leurs revendications les a constitués en un mouvement qui, sans être coupé du reste du prolétariat, s’est développé selon une logique à lui, a inventé des modes d’action spécifiquement adaptés à ses conditions propres. Ce mouvement a en quelque sorte promu une identité que le terme de piquetero revendique et résume, et qui lui donne une place à part dans le prolétariat argentin.

Le terme de piquetero vient de « piquet », au sens de barrage. Dans le cas des chômeurs argentins, il ne s’agissait pas de barrer l’entrée ou la sortie d’une usine, mais de barrer la route et d’interdire la circulation. Dès que le prolétariat manifeste, il perturbe la circulation. Avec les piqueteros, on verra que les choses sont allées bien au-delà d’une simple perturbation, puisque l’arrêt de la circulation a pu durer des jours, voire des semaines. C’est une des particularités du mouvement piquetero. C’est pour comprendre comment un tel mouvement, unique au monde, s’est produit que j’ai voulu décrire d’aussi près que possible ses circonstances et ses actions. Au risque de la répétition (et donc de façon beaucoup plus détaillée que dans les pages consacrées aux piqueteros dans une précédente brochure d’Echanges et Mouvement [1]), j’ai consigné toutes les informations concrètes que j’ai pu rassembler, car je pense que la première chose à faire est de décrire aussi fidèlement que possible ce qui s’est passé. Les piqueteros ont fait l’objet de nombreux commentaires et discussions, mais de peu de descriptions factuelles. Chacun y est allé de son interprétation, mais trop souvent sans donner les faits bruts. Il me semble que le respect élémentaire de ces luttes impose en premier d’en décrire le contenu. C’est la base préalable de toute interprétation, et contribuer à l’établir a été mon souci premier.

J’ai utilisé les sources que j’ai trouvées en France, et des camarades argentins ont corrigé quelques erreurs manifestes. Il en reste sans doute et j’en prendrai connaissance avec intérêt. Pour le reste, j’espère que cette petite étude satisfera la curiosité de ceux qui, comme moi au départ, ont la curiosité de mieux connaître cette forme inhabituelle de lutte qui a rendu les piqueteros célèbres dans le monde entier.

B. A.
Avril 2007

Première partie

des origines à décembre 2001

1. Premières expériences

Le terme de piquetero vient de « piquet » qui désigne généralement un groupe de travailleurs barrant l’entrée d’une usine en grève. La pratique argentine a élargi le terme aux barrages routiers. Les piqueteros sont les ouvriers (le plus souvent chômeurs), et très souvent leurs femmes, qui tiennent ce barrage routier. Les premières apparitions du mouvement piquetero ont eu lieu dans la province de Neuquén à la fin de 1994, lorsque l’achèvement de grands travaux de barrages fluviaux dans la région a entraîné une poussée du chômage. A Senillosa, cité-dortoir pour les ouvriers travaillant sur ces barrages, des travailleurs licenciés ont alors commencé à s’organiser en assemblée populaire, d’où sortit la proposition d’établir un barrage routier. Celui-ci se développa et bientôt ce fut toute la localité qui se mit en grève générale.

On trouve dans ces événements des éléments qui seront constants par la suite : l’assemblée populaire, qui regroupe plusieurs catégories sociales, toutes touchées par la crise économique ; la préparation du barrage, qui ne se forme pas dans un brusque accès de rage de la part des chômeurs ; et l’association de la population locale à la lutte, dans ou à côté du barrage proprement dit.

A la même époque, à Neuquén, une coordination de chômeurs s’est constituée, avec la participation notamment de deux organisations trotskystes, le Partido Obrero (PO) et le Movimiento al Socialismo (MAS). Cette coordination couvrait une vingtaine de quartiers et faisait de l’agitation. Sous sa pression, les syndicats furent bientôt contraints d’organiser une manifestation. Elle fut convoquée pour le 9 août 1995, mais la veille, le gouvernement provincial fit passer une loi (dite loi 2128), prévoyant une aide mensuelle de 200 pesos par chef de famille chômeur. Cette initiative désamorça le mouvement, mais pas longtemps, car les chômeurs durent se battre pour obtenir le premier versement (occupation de la Intendencia [siège du gouvernement de la province] de Neuquén, de celle de Senillosa…). Le deuxième versement, celui de septembre, n’eut pas lieu. Le 2 octobre, plus de mille chômeurs marchaient sur le siège du gouvernement provincial, l’assiègeaient puis l’envahissaient. Pendant qu’une délégation était reçue par les autorités, la police attaquait les piqueteros et les pourchassait sauvagement dans les quartiers.

La gestion des aides avait été confiée à une commission où se trouvaient l’Eglise, le gouvernement provincial et deux centrales syndicales, la CGT (2) et la CTA (3). La question du contrôle de leur distribution est apparue dès le départ, et elle reviendra de façon constante dans les luttes ultérieures. Car si les fonds ont pour origine la puissance publique (Etat ou autorités locales), leur gestion est restée confiée à des associations, partis ou syndicats, voire à l’Eglise, qui s’en servent de façon clientéliste. Dans bien des cas, les aides aux chômeurs ont été tout ce qu’il restait aux hommes de main péronistes pour maintenir leur influence dans les quartiers ouvriers. Et ce pouvoir leur a été âprement disputé par les syndicats alternatifs et les gauchistes.

C’est à partir de ces expériences locales et d’autres du même type que les aides aux chômeurs se développèrent puis furent formalisés en planes de trabajo. Mis au point par le gouvernement fédéral en 1996, les planes de trabajo [nous avons gardé l’expression espagnole, car la traduction courante « plans de travail » n’est pas satisfaisante] sont « une occupation temporaire des travailleurs sans emploi, de préférence chefs de famille, et d’une durée de trois à six mois ». L’occupation du chômeur doit être consacrée à des travaux d’infrastructure sociale ou économique, comme le pavage des rues, l’entretien des écoles ou de l’éclairage public. Le travailleur ne reçoit pas un salaire, mais une aide de 200 pesos par mois (réduite ensuite à 150 pesos - environ 36 euros). Ce paiement ne comporte aucune cotisation sociale, de sorte que ses bénéficiaires n’ont pas de protection. Face à cette forme d’assistance liée à l’obligation de travailler, certaines fractions du mouvement piquetero demandaient constamment « 500 pesos pour tous les chômeurs de plus de 16 ans », sans obligation de travail. Le but était que les planes de trabajo ne remplacent pas, pour beaucoup moins cher, des emplois déjà existant dans le public ou le privé. En 1996, le nombre de ces planes atteignait cent mille, pour la plupart distribués par les autorités locales ; il sera de quatre cent mille en 2000, indique Luis Oviedo dans son livre sur l’histoire du mouvement piquetero (4). On estime qu’en 2003, il y avait deux millions de bénéficiaires des planes de trabajo, pour un « salaire » moyen de 150 pesos, ne couvrant qu’un tiers du coût mensuel de la vie (5).

Fin 1995-début 1996, au moment où l’apparente prospérité économique liée à la gestion du ministre des finances Domingo Cavallo cédait le pas à la récession qui allait durer plusieurs années, les initiatives des chômeurs se multiplièrent.

Dans la province de Buenos Aires, où les barrages routiers n’apparaîtront que plus tard, Luis Oviedo signale le cas de Bahia Blanca, où 800 chômeurs plantèrent, en septembre 1995, une tente devant les bureaux de la Intendencia. Au bout d’une semaine, ils obtenaient plus de 100 planes de empleo (planes de trabajo financés par la province).

En novembre 1995 fut fondée la Comisión de Desocupados de La Matanza, également dans la province de Buenos Aires. Cette commission apparut publiquement en organisant, le 19 juin 1996, une manifestation de 1 000 chômeurs qui se dirigea vers la Intendencia. Elle fut repoussée par la police et, à la municipalité, personne ne voulut répondre à ses revendications. Plusieurs tendances participaient à la commission : le Frepaso (6), la CTA, le PTP-PCR (7) et le PO (8). Dès le départ, le débat entre ces tendances a été animé. Selon Oviedo, lui-même membre du PO, la discussion portait en particulier sur les objectifs qu’il fallait assigner au mouvement. Fallait-il réclamer une aide systématique de 500 pesos par chômeur et la répartition des heures de travail sans baisse de salaire (PO), ou bien fallait-il demander de la nourriture et des programmes de réactivation de l’industrie et des planes de trabajo (PTP-PCR) ? La CTA était favorable à la collaboration avec les PME, et souhaitait que le mouvement des chômeurs soutiennent leurs revendications de crédits et d’aide, dans l’idée qu’elles créeraient ensuite des emplois.

Ce débat a été permanent depuis lors dans le mouvement piquetero. D’un côté, une tendance frontiste veut associer le mouvement des chômeurs et les PME, dans une lutte pour une politique de relance économique. La CTA et le PTP-PCR étaient ainsi favorables aux assemblées multisectorielles, où chômeurs, syndicats ouvriers, petits patrons, curés, etc. se retrouvaient lorsque le chômage et la désindustrialisation ravageaient une communauté et que, souvent sous l’impulsion des chômeurs, elle se révoltait et demandait des aides aux autorités. Cela avait été le cas, par exemple, dans la province de Jujuy, à la fin de l’année 1995. Le syndicat des employés municipaux et provinciaux, en lutte pour le paiement des salaires en espèces plutôt qu’en bons, avait rejoint une assemblée multisectorielle d’intérêts divers qui, eux aussi, souffraient de la ruine des finances de la province. Ce syndicat était dirigé par un membre du PCT-PCR. D’un autre côté, des groupes ou organisations comme le PO voulaient organiser les chômeurs sur une base purement prolétarienne et, à terme, créer un syndicat de chômeurs qui s’intègre dans une centrale de la classe ouvrière, par exemple pour mener à la grève générale - l’objectif mille fois répété du PO.

Autre initiative locale, à Berazategui (au sud-est de la conurbation de Buenos Aires, voir carte page 19), une coordination fut mise en place au début de 1996. En août, elle lança une soupe populaire hebdomadaire et réclama des aides à la mairie. Celle-ci refusa de donner de l’argent, mais proposa des produits alimentaires. Ils furent acceptés à condition que leur répartition soit assurée par la coordination, et non par les hommes de main du Parti justicialiste (PJ, péroniste).

Syndicats et partis politiques ne furent pas longs à s’intéresser aux chômeurs. En juin 1996, pas moins de quatre-vingt-sept organisations de toute sorte du grand Buenos Aires se réunirent dans le quartier de San Justo pour préparer une marche des chômeurs. En Argentine, ceux-ci ne manquèrent pas d’organisateurs bénévoles ! La « Marche contre la faim, le chômage et la répression » eut lieu le 6 septembre. Elle rassembla mille personnes jusqu’à la place de Mai, la place centrale de la capitale argentine.

2. Les deux Cutralcazo

Les barrages de routes qui ont fait connaître les piqueteros partout dans le monde ont été établis en 1996 à Cutral Co et Plaza Huincul, dans la province de Neuquén. C’est ce qui fut appelé le premier Cutralcazo. Cutral Co et Plaza Huincul sont deux villes qui n’existent que par l’activité d’YPF, la société pétrolière nationale que Carlos Menem, président de 1989 à1999, décidera en 1991 de privatiser. Quatre mille salariés furent licenciés d’un seul coup. D’autres emplois furent supprimés par la suite. Sans guère d’indemnités de licenciement ou de chômage, les habitants se firent bientôt couper le gaz et l’électricité. Non seulement YPF était le principal employeur de ces localités, mais de plus la société avait traditionnellement une politique sociale avancée (protection sociale, logement, loisirs) qui en faisait un état dans l’Etat (9). La réaction des travailleurs licenciés fut d’autant plus forte. Car en plus des licenciements massifs, tout le système de protection sociale fut démantelé pour ceux qui restaient salariés d’YPF.

Après la répression d’octobre 1995, la province de Neuquén avait réduit la valeur des planes de trabajo de la loi 2128 à 150 pesos, contre 200 pesos auparavant, tout en vérifiant de plus près qu’avant que cette aide donnait bien lieu à un travail effectif. Elle avait aussi baissé le salaire des professeurs et des employés municipaux. Il y eut toutes sortes de mobilisations contre la dégradation de la situation sociale. Fin avril 1996, 5 000 travailleurs coupèrent les routes pendant quelques heures pour protester contre la baisse des salaires. On voit par là que, dès le départ, la tactique des barrages routiers n’était pas réservée aux chômeurs.

Finalement, la goutte qui fit déborder le vase fut l’échec, en juin 1996, d’une négociation pour l’ouverture d’une usine d’engrais, qui pourtant ne devait créer que cinquante emplois. Une commission « multisectorielle » appela la population à couper la route principale. La population éleva cinq barrages principaux et plusieurs barrages secondaires pour interdire les accès de la ville. Dès le 19 au soir, la radio locale appelait à venir sur les barrages, et les taxis transportaient gratuitement les gens vers les barrages. Cela laisse penser que la révolte était aidée en sous-main par les adversaires politiques du gouverneur de la province, Felipe Sapag. Par exemple, l’ex-gouverneur Adolfo Grittini payait des camionneurs pour qu’ils apportent des pneus sur les barrages, et donnait 50 pesos la nuit aux jeunes piqueteros pour qu’ils restent sur la route (il récupérait la somme en leur vendant ensuite de l’alcool et de la drogue ; mais le barrage d’Anelo et d’autres barrages mineurs restèrent sans alcool tout au long du conflit).

Le principal barrage était celui de la Torre Uno. C’est là qu’il y avait le plus de monde et le plus de politiciens de tous bords. L’universitaire américain Javier Auyero décrit dans l’article qu’il a consacré à la vie d’un piquet de grève (10) la trajectoire personnelle de Laura, une femme qui deviendra porte-parole des piqueteros sans avoir eu aucune expérience politique ou syndicale antérieure. Ayant entendu dire qu’il y avait de la nourriture et même des langes sur les barrages, elle s’était rendue une première fois à Torre Uno. Elle y retourna quand elle entendit à la radio que certains barrages manquaient de poêles pour faire la cuisine. Se donnant du courage avec sa voisine, et compte tenu du fait que « la vie est si ennuyeuse », elle se rendit sur un autre barrage, celui d’Anelo, parce qu’elle avait entendu dire qu’il s’y trouvait peu de gens et beaucoup de nourriture.

Quand la radio annonça la convocation d’une réunion générale de tous les piquets à Torre Uno, le barrage d’Anelo délégua Laura. Elle découvrit là-bas une réunion de cinq mille personnes où ceux qui étaient au micro tenaient des discours sans rapport avec ce qu’elle considérait comme les préoccupations des gens : du lait, des couches, etc. Elle retourna à Anelo, pour y entendre une avocate venue de Torre Uno dire qu’il fallait laisser passer les camions de pétrole, ce qui allait contre la consigne « personne n’entre ni personne ne sort » (de la ville). Du coup, Laura et les autres piqueteros d’Anelo convoquèrent une autre réunion de délégués de barrages à l’aéroport, sans politiciens. Le soir même, cette réunion dressait un cahier de revendications, première version d’un document que Laura signera finalement avec le gouverneur : des emplois, des aides pour les chômeurs, le report des impôts locaux, le rétablissement du gaz et de l’électricité dans les foyers où ils avaient été coupés. Cette liste fut approuvée le lendemain par une autre réunion à l’aéroport. Ainsi, dès le départ, il y a une nette césure entre l’utilisation politicienne des barrages et leur activité à la base pour la défense de revendications propres.

Le blocage dura une semaine. Le matin du 25 juin 1996, un juge et quatre cents gendarmes arrivèrent pour faire lever les barrages. Ils en forcèrent un, mais furent aussitôt confrontés à une manifestation de vingt mille personnes (soit la moitié de la population locale) qui s’avançait vers eux (11). Le juge ordonna aux gendarmes d’arrêter. Le lendemain, une négociation eut lieu avec le gouverneur Sapag, que les piqueteros contraignirent à venir sur le barrage, plutôt que de se rendre dans ses bureaux. De plus, ils refusèrent de se laisser représenter dans cette négociation par les politiciens locaux (12). Le gouverneur céda sur tous les points ; il accepta de décréter un « état d’urgence social », de distribuer des emplois publics, des colis alimentaires et de n’exercer aucune représailles contre les piqueteros. Luis Oviedo ajoute que les chômeurs obtinrent le rétablissement du gaz et de l’électricité dans les foyers où ils avaient été coupés, l’attribution d’une aide de 50 pesos à de nombreux chômeurs, ainsi que la réalisation de travaux publics urgents (tels que la construction d’un hôpital). De plus, il fut convenu que le gisement de gaz d’El Mangrullo serait exploité par l’Etat et que sa production serait réservée aux deux villes.

Aussitôt les barrages levés, les autorités montrèrent le peu de souci qu’elles avaient de respecter ces accords et la répression s’accentua contre les piqueteros, tandis que l’administration des aides échappait aux chômeurs au profit d’un organisme « multisectoriel » où se trouvaient aussi les patrons locaux. Ce qu’Oviedo dénonce avec dépit comme une « contre-révolution démocratique ».

Le deuxième Cutralcazo

Le non-respect des premiers accords entraîna la reprise de la lutte, et le second Cutralcazo eut lieu en mars-avril 1997. En mars, les piqueteros coupèrent les routes d’accès aux gisements d’YPF de Rincón de los Sauces et encerclèrent l’aéroport local pour empêcher la venue de María Julia Alsogaray, politicienne notoirement corrompue. En même temps, une grève massive des enseignants se développait. La CTA s’appuya sur elle pour promouvoir la formation d’assemblées multisectorielles. Le 24 mars les grévistes coupèrent les ponts sur la rivière Limay, séparant la ville de Neuquén de l’Etat du Río Negro. Ces ponts furent évacués de manière négociée au bout de deux jours, mais la grève continuait et la pression restait forte. ATEN, le syndicat des fonctionnaires du Neuquén, convoqua donc une journée de mobilisation le 9 avril, pour « marcher sur les routes » dans les différentes localités de la province.

A Cutral Co, la police attendit trois jours avant de faire évacuer la route, mais quand elle le fit, elle poursuivit les piqueteros à travers la ville avec une telle sauvagerie que cela provoqua la révolte de la population : quinze mille personnes firent fuir la police après des combats où il y eut de nombreux blessés et où une enseignante, Teresa Rodríguez, fut tuée d’une balle dans le cou (13). S’étant rendue maître de la ville et de la route, la population reconstruisit les barricades et forma une assemblée populaire (probablement proche d’une multisectorielle) qui dirigea de fait la zone. L’assemblée avait un secrétariat de douze personnes, renouvelable par tiers avant chaque réunion avec les autorités, afin d’empêcher la corruption des négociateurs comme cela avait été le cas en 1996. Cela n’empêcha pas cette assemblée d’exproprier de leur victoire les piqueteros, qui n’y participaient pas beaucoup, au profit des représentants des patrons locaux. Du côté des professeurs, les bureaucrates d’ATEN négocièrent un accord avec le gouverneur de la province pendant les batailles contre la police. Cet accord souleva la protestation des professeurs, mais finit par passer après plusieurs AG « de ramollissement » (14). Les professeurs reprirent donc le travail, mais le barrage de la Route 22, qui passe à Cutral Co et Plaza Huincul, fut maintenu. Pour obtenir sa levée, un vice-président d’YPF s’y rendit à l’aube du 17 avril, pour proposer aux piqueteros présents un emploi et 200 pesos d’avance sur leur premier salaire. Les piqueteros ne dirent ni oui ni non : ils demandèrent que cette solution fût offerte à tous les chômeurs. En attendant, le barrage continuait.

Cependant, comme par hasard, l’assemblée populaire de ce même matin, tenue en présence des Intendentes de Cutral Co et Plaza Huincul, se vit proposer pour la première fois de suspendre le barrage afin de faciliter la négociation dans la capitale provinciale. La manœuvre fut repoussée, mais pour vingt-quatre heures seulement. Le lendemain, la motion fut votée, le barrage levé et une commission alla négocier. Quand elle revint avec les 19 points proposés par le gouvernement, les piqueteros reprirent leur barrage tandis que commençait l’assemblée, dans une ambiance nerveuse. Les piqueteros déclarèrent qu’il fallait continuer le barrage jusqu’à ce que ces points soient inscrits dans une loi. Mais ceux qui étaient en faveur de la levée proposèrent une suspension de séance et monopolisèrent la sono après la reprise. A 20 h 20, le courant fut coupé, plongeant l’opposition dans le noir, où elle disparut. Luis Oviedo signale un fait intéressant : cette assemblée était la première à laquelle les piqueteros « du terrain » (les fogoneros) participaient de façon active. Ils disaient habituellement qu’ils « étaient là pour se battre, pas pour faire de la politique » (p. 50).

Dix jours après la levée du barrage, une tentative de le remettre en place pour protester contre la mauvaise application de l’accord échoua complètement. Tout le mouvement finit par des élections, en septembre 1997. Le porte-parole de l’assemblée populaire, Ramón Rioseco, membre du Frepaso, se présenta et reçut l’appui de nombreux piqueteros, à qui il apparaissait comme le garant de l’application de l’accord. Mais il se désista une semaine avant, appelant à voter pour un politicien de l’UCR (15), Eduardo Benitez qui, après son élection, le nomma secrétaire du gouvernement provincial.

3. Autres mouvements en province

  • Tartagal-Mosconi.

En 1997, immédiatement après le deuxième Cutralcazo, c’est dans le nord de la province de Salta que les piqueteros font parler d’eux. La tension avait commencé à monter dès le mois de janvier, lorsque des dirigeants de l’Unión de Trabajodores Desocupados (UTD) de cette zone avaient été arrêtés parce qu’ils étaient allés voir le Consejo Deliberantes (conseil municipal) de Mosconi pour poser des revendications. Cela avait donné lieu à l’auto-convocation (16) d’une assemblée de 1 000 habitants pour demander, et obtenir, leur libération. En mars, la dégradation du service de l’électricité consécutive à la privatisation provoqua une « extinction des feux » collective et simultanée pour protester. Fin avril, une manifestation eut lieu pour protester contre l’assassinat de Teresa Rodríguez.

Le 7 mai se réunit à Tartagal une assemblée populaire convoquée par différents syndicats et le PO. Les deux mille participants votèrent de barrer la route à General Mosconi, ville distante de 7 km où ils se rendirent en cortège. Dès l’établissement du barrage de Mosconi, les initiatives se multiplièrent et il y eut bientôt une centaine de barrages dans le département de San Martín (où se trouvent Tartagal et Mosconi). Le blocus de Mosconi allait durer une semaine, durant laquelle une assemblée populaire ouverte à tous fut formée. Cette assemblée désigna une Commission des habitants, qui était de fait une multisectorielle - composée d’un délégué par secteur de la population -, pour gérer la lutte au quotidien. Mais les travailleurs avaient un délégué et les chômeurs un aussi, alors que les patrons en avaient un par chambre professionnelle, ce qui leur donnait un poids disproportionné. Les revendications comptaient trente-six points, dont :

  • aide de 400 pesos mensuels aux chômeurs ;
  • 5 000 emplois (et non pas des « planes de trabajo ») ;
  • un fonds de réparation historique alimenté par les royalties du pétrole et du gaz ;
  • plusieurs points introduits au dernier moment par les patrons pour obtenir diverses aides à leurs entreprises.

Le 13 mai, des représentants du gouvernement provincial arrivèrent en hélicoptère avec l’évêque d’Orán (17). Ils entrent aussitôt en réunion avec la commission. Comme, au bout de six heures, rien ne sortait de la réunion, quelques piqueteros commencèrent à encercler le lieu de la réunion et à bloquer l’hélicoptère. Finalement, en fin de journée, la commission annonça les résultats de la négociation devant une assemblée populaire de dix mille personnes. Il y avait, entre autres :

  • 1 000 aides au chômage (applaudissements) ;
  • 1 420 postes dans le secteur pétrolier (idem) ;
  • des planes de trabajo (huées).

Pour l’ensemble de ces concessions, le gouvernement provincial demandait la levée des barrages. L’assemblée refusa. La commission retourna en réunion avec l’évêque, qui la réprimanda durement et attaqua l’assemblée populaire. Au même moment, les curés avaient déjà prévu une procession et une messe d’action de grâce pour la victoire des travailleurs, tandis que certaines radios locales répandaient la nouvelle que 70 % des revendications étaient satisfaites. De leur côté, les patrons locaux annonçaient qu’ils cessaient de donner des vivres aux piqueteros des barrages. Le porte-parole de l’assemblée populaire arriva à convaincre quelques piqueteros de lever le barrage, mais celui-ci fut rétabli une demi-heure plus tard. Cette nuit-là, le barrage fut tenu par mille piqueteros, selon Oviedo, mais selon d’autres sources (personnelles), la mobilisation a été moins soutenue qu’il ne l’écrit. Il n’y aurait eu qu’une poignée de militants de l’Unión de Trabajadores Desocupados autour de Pepino Fernández, un ancien ingénieur du pétrole, agitateur permanent qui a fait l’objet de plusieurs tentatives d’assassinat.

Mais le doute et le flottement avaient été introduits dans la population. Dans la nuit, l’évêque rencontra seul certains dirigeants piqueteros et, usant de promesses et de menaces, les convainquit de lever le barrage.

Le 14 mai, l’assemblée votait la levée du barrage sur la base de :

  • 1 000 « fonds de chômage » de 220 pesos pour un an ;
  • 2 200 planes de trabajo subventionnés de 220 pesos pour un an ;
  • 1 000 emplois pour six mois ;
  • 800 emplois dans les entreprises privées du pétrole ;
  • pas de représailles.

Ces promesses ne furent que partiellement tenues.

  • Jujuy, mai-juin 1997.

De la province de Salta, l’agitation passa aussitôt à celle, voisine, de Jujuy. Là aussi, le mécanisme démocratique des assemblées multisectorielles allait jouer son rôle, malgré une tentative des piqueteros d’y échapper. Des ouvriers agricoles (zafreros) au chômage coupèrent la Route 34 à hauteur de la ville d’Ingenio Ledesma. La répression de la gendarmerie, le 22 mai, provoqua aussitôt l’arrivée de quinze cents voisins sur le barrage, et la révolte éclata dans toute la région : en une semaine, des barrages apparurent à Perico, Palpala, San Pedro, La Quiaca, La Mendieta et Abra Pampa. Les fonctionnaires déclarèrent la grève générale. Dans la seule ville de San Pedro, les chômeurs demandaient quatre mille emplois. Or le gouvernement n’offrait, pour l’ensemble de la province, que deux mille quatre cents planes de trabajo à 200 pesos, et même 150 pesos seulement quand le paiement était assuré par les municipalités.

A Ingenio Ledesma, le barrage routier naquit en opposition à l’assemblée multisectorielle qui lui préexistait et qui comprenait des chômeurs, mais aussi des représentants du patronat local. Cette assemblée comptait même trois commissions de chômeurs, mais ceux qui montèrent le barrage avaient rompu avec elles. Sur plusieurs barrages, les piqueteros critiquèrent très durement ceux de leurs représentants qui négociaient avec les autorités. A en croire Luis Oviedo, les piqueteros ne voulaient pas de planes de trabajo, mais de « vrais emplois » à 500 pesos, « ce qui supposait la nationalisation des monopoles du sucre, de l’agriculture, du commerce et de l’énergie qui dominent ces régions » (18). Cet apparent maximalisme des piqueteros colle mal avec l’issue du conflit, car malgré le rejet d’un premier accord, celui qui fut finalement accepté par la coordination des chômeurs reconnaissait l’Eglise comme seule intermédiaire dans la gestion de tous les acquis de la lutte, postes de travail et aides. Il y avait notamment 12 579 planes de trabajo. Les piqueteros levèrent donc les barrages, mais installèrent des soupes populaires sur le bord de la route. Cette façon de faire semble indiquer une tentative de combat d’arrière-garde de la part des militants s’efforçant de surfer sur la vague des luttes. Ici comme dans les cas précédents, on est frappé par le contraste entre la radicalité des piqueteros au début du mouvement, sur le terrain, et leur apparente naïveté au moment de la résolution finale du conflit : malgré leurs déclarations contre les politiciens, ils les laissent toujours boucler la grève sur des bases insatisfaisantes et surtout sans garanties.

  • Cruz del Eje,

province de Córdoba. Des barrages ont également été implantés à Cruz del Eje en juin 1997. Les piqueteros tenaient les cinq accès principaux de la ville. Le 27 juin, une « commission multisectorielle » parvint à un accord avec les envoyés du gouvernement. L’assemblée populaire, cependant, rejeta l’accord et, de plus, destitua la commission en la traitant de « traîtres qui signent par derrière ». L’intendant fut hué et l’évêque insulté. La nouvelle commission, cependant, resta aussi démocratique et réceptive aux demandes des PME locales que la précédente. Le 28 juin, quatre mille personnes votèrent la poursuite des barrages. Le 29, alors que la nouvelle commission multisectorielle (dirigée par un curé) demandait à l’assemblée la levée des barrages, huit mille personnes votèrent à nouveau leur maintien. Le 30 juin, la commission arriva enfin à faire voter la levée à l’assemblée. La gestion des planes de trabajo obtenus fut confiée à la commission, qui se convertit en ONG et devint rapidement un centre de clientélisme et de corruption.

4. Buenos Aires

Le mouvement piquetero s’est développé plus tardivement dans la conurbation et la province de Buenos Aires. Il est issu notamment de la crise du système d’assistance mis en place par le péroniste Duhalde : les soupes populaires où les hommes de main du Parti justicialiste distribuaient de la nourriture en échange de diverses contributions (votes, soutien aux candidats…). Non seulement il devenait de plus en plus difficile pour les chômeurs de se prêter à ce jeu en faveur des politiciens qui militaient activement pour les privatisations, la précarisation, etc., mais de plus les femmes qui faisaient la cuisine dans ces soupes populaires en eurent bientôt assez de le faire gratuitement, et elles demandèrent qu’on les rémunère en leur attribuant des planes de trabajo. A Avellaneda, un regroupement de ces femmes eut lieu vers la mi-1997, pour demander à la mairie des planes de trabajo. Ce fut là, selon Oviedo, l’une des origines des mouvements de chômeurs dans la région de Buenos Aires.

Il y en a d’autres. Le terrain sur lequel le mouvement piquetero s’est développé fourmillait d’initiatives à la base. Ainsi qu’on le verra plus loin, l’Argentine connaît une tradition militante active, notamment dans l’Eglise, qui remonte au moins aux années 1970-1980 et qui sait organiser des opérations d’envergure regroupant de nombreux déshérités. Oviedo signale qu’en mai 1996, à La Matanza (zone ouest du grand Buenos Aires), un groupe de militants gauchistes installa une soupe populaire devant la mairie, pour réclamer des planes de trabajo. Ils obtinrent des produits alimentaires. En juillet 1997, ils coupèrent la Route n° 3 pendant trois jours. Mille chômeurs participaient à l’action et obtinrent soixante planes de trabajo. Sur cette base, ils formèrent le Corriente Clasista y Combativa-Desocupados de la Matanza. Ce schéma n’est pas isolé. Selon les propos d’un militant local, « nous lancions un projet quelconque d’infrastructure qui nous permettait d’entrer dans un plan national ou provincial », et à partir de là ils recrutaient des chômeurs et s’implantaient dans les quartiers. Toute une partie du mouvement piquetero s’est ainsi développé comme courroie de transmission du système d’assistance sociale, en concurrence avec les réseaux péronistes ou alliancistes.

A Florencio Varela (zone sud du grand Buenos Aires), un regroupement apparaît en 1997. Là aussi, le terrain fourmillait d’initiatives locales qui se structureront peu à peu sous forme de Movimiento de Trabajadores Desocupados (MTD). Parmi les courants qui se regroupèrent alors, il y avait notamment, en 1997, le MTD Teresa Rodríguez autour de Roberto Martino, implanté dans la grande banlieue sud et à Mar del Plata, ainsi que des groupes à tendance autonomiste, à Solano, et d’autres petits groupes en formation.

Luis Oviedo indique qu’il y avait des militants venant du parti Quebracho (nationaliste de gauche), d’autres venant de l’anarchisme, d’autres de l’Eglise et d’autres se revendiquant des Mères de la place de Mai (19). Le discours politique du MTD de Florencio Varela revendiquait en même temps du travail, des planes de trabajo et la prise du pouvoir, et se caractérisait par un fort rejet des partis politiques. Des militants du PO, actifs dans la fondation de ce MTD, en furent plus tard expulsés parce qu’ils étaient, précisément, des militants politiques. Quoi qu’il en soit, un premier petit barrage de route permit d’obtenir cinquante planes de trabajo, qui servirent de base de regroupement. Le deuxième barrage mobilisa quinze cents chômeurs et permit d’obtenir mille planes de trabajo. A Noël 1997, un barrage dura treize jours, mais fut défait par une forte répression qui marquait un tournant dans la politique de l’Etat : réduction des aides aux chômeurs, non-renouvellement des planes. Les politiciens des grands partis voyaient que leur clientélisme était de plus en plus contesté par celui des petits partis et groupuscules hostiles à toute la politique officielle. Les développements ultérieurs montreront cependant que ceux-ci constituaient un relais indispensable. Il semble que ce soit dans ce contexte de recul et de luttes défensives que le MTD entra en crise et que son dirigeant principal, Roberto Martino, fut expulsé (fin 1998). Martino fonda alors le Movimiento Teresa Rodríguez (MTR). Le MTD deviendra plus tard la Coordinadora de Desocupados Anibal Verón (voir p. 36).

L’origine du MTD de Solano se trouve, quant à elle, dans la crise du système d’assistance de l’Eglise. Cette crise impulsa la formation de nombreux groupes, qui composeront en 2002 la base d’un important mouvement de chômeurs de la zone sud, le MTD Solano. L’Eglise possédait un réseau de réfectoires et de distribution de médicaments, notamment dans la zone sud de Buenos Aires. Devant la détérioration de la situation sociale, quelques prêtres voulurent organiser les chômeurs pour revendiquer plus d’aides, mais la hiérarchie tenait à ce que son réseau reste purement caritatif. Ces prêtres, dans un premier temps, reçurent un avertissement, puis furent chassés de l’Eglise. Certains résistèrent et occupèrent les chapelles avec l’aide des habitants. D’une de ces crises surgit le MTD Solano, dirigé par le prêtre (destitué) Alberto Spagnuolo (20).

Toujours dans la zone sud de Buenos Aires, le Movimiento Independiente de Jubilados y Pensionados de Prensa (MIJP) fut fondé en 1993 par Raúl Castells pour protester contre la démolition du système des retraites. Le MIJP mit en place une vingtaine de réfectoires vers lesquels affluèrent bientôt, en plus des retraités, des chômeurs également dans la misère. Pour les alimenter, le MIJP inventa la réquisition de supermarchés : un cortège de retraités et chômeurs se rendait devant un supermarché, et une délégation allait demander au directeur des marchandises. Généralement ils en obtenaient. Le 12 mai 1997, en solidarité avec les piqueteros de Tartagal et en liaison avec le CCC (21), le MIJP réalisa le premier barrage routier du grand Buenos Aires : le pont de la Noria fut coupé pendant quelques heures. Le barrage fut violemment dispersé par la police. En août 1997, tous les centres du MIJP se mobilisèrent pour couper le pont Pueyrredon pendant quelques heures, avant de marcher jusqu’à la Intendencia de Avellaneda. Ils obtinrent cent planes de trabajo et la promesse de trois tonnes de produits alimentaires par mois. De là, ils allèrent réquisitionner le supermarché Wal Mart (22) local pour obtenir d’autres produits alimentaires.

A Mar del Plata, le mouvement des chômeurs apparut en 1997, avec le barrage de la Route 88. Le mouvement obtint une promesse de six mille planes de trabajo, dont deux mille furent effectivement attribués. Mais surtout, le mouvement obtint que ces planes soient contrôlés par lui-même, et non par les représentants de l’Alliance (23) et du Parti justicialiste. De même pour les produits alimentaires obtenus : c’est les piqueteros qui contrôlaient leur distribution. Sur cette base fut formée une coordination, dénommée Unión de Comisiones por el Movimiento Teresa Rodríguez, animée par des militants du MTD TR et présente dans trente quartiers.

En décembre 1997, cependant, la coordination ne regroupait plus que six quartiers, tandis que cinq nouvelles commissions travaillaient en dehors de la coordination. Oviedo ne nous dit rien de cette crise. En avril 1998, le mouvement occupa le siège du Consejo Deliberante, et alla jusqu’à couper la Route 226. En juillet 1999, le MTR de Mar del Plata occupa la cathédrale pendant vingt et un jours pour obtenir l’extension des planes de trabajo, la répartition des heures de travail. Les occupants furent chassés par une police parallèle.

5. Montée des luttes en province

Avec l’approfondissement de la crise, il y eut plusieurs conflits (24) caractérisés d’une part par le fait que les chômeurs et les travailleurs luttèrent côte à côte, et d’autre part par le fait que les travailleurs adoptèrent assez naturellement la méthode piquetera du barrage routier.

Il faut dire que les travailleurs concernés étaient souvent des travailleurs fraîchement licenciés ou des fonctionnaires luttant pour des arriérés de salaire. Le fait même que ces derniers ne soient pas payés montrait le peu d’intérêt que l’Etat avait pour leur « production », de sorte qu’un arrêt de travail, même sur le tas, ne pouvait pas être très efficace. Ce n’est pas exactement le cas, cependant, des mineurs de Río Turbio.

  • Río Turbio, 1998.

Río Turbio est un centre charbonnier de la province méridionale de Santa Cruz. La mine avait été privatisée au début des années 1990, ce qui avait provoqué une grève importante contre les licenciements en 1994. Une nouvelle grève éclata le 3 avril 1998 pour protester contre le licenciement de 39 travailleurs. Une partie des grévistes s’enferma dans une galerie, tandis qu’une autre partie marchait jusqu’à Río Gallegos (la capitale provinciale) et commençait une grève de la faim devant le palais du gouverneur, avec le soutien des enseignants et des étudiants. Enfin, les femmes et les enfants des mineurs coupèrent les routes d’accès à Río Turbio et à la ville « 28-de-Noviembre », tandis que les enseignants des deux localités votaient une grève de solidarité.

On est donc là devant un exemple caractérisé de lutte ouvrière employant les méthodes piqueteras et associant de larges secteurs de la population locale. Dans le dos des grévistes, les bureaucrates de l’ATE (Associación de Trabajadores del Estado, le syndicat des fonctionnaires) préparèrent un accord qui fut rejeté au cours d’une première assemblée générale, puis accepté une semaine plus tard.

  • Las Heras, 1998-1999.

Dans la même province, la région pétrolière de Las Heras a connu cinq mille licenciements en 1998, entraînés par la baisse du prix du pétrole. Début 1998, on comptait dans cette région trente-six équipes d’exploration, et un an plus tard il n’en restait que trois.

A Noël 1998, la coordination des chômeurs de Caleta Olivia, ville côtière proche de Las Heras, organisa une soupe populaire qui devint le point de ralliement des ouvriers du pétrole licenciés, et surtout de leurs femmes. Il y avait à ce moment des barrages routiers à Las Heras et à Pico Truncado. Fin janvier 1999, la coordination de Caleta réunie en assemblée générale vota le barrage de la Route n° 3. Le gouverneur, Nestor Kirchner (qui deviendra président de l’Argentine en 2003) céda en promettant un programme de trois cents planes de trabajo et les barrages furent levés. Mais en août 2000, la région explosa de nouveau. Les licenciés du pétrole encerclèrent les installations d’YPF-Repsol à Las Heras et de Vintage à Canadon Seco. Ils obtinrent quatre cents planes de trabajo à 500 pesos, dont deux cent quarante dans des sociétés pétrolières ou sous-traitantes et cent soixante dans des municipalités. Ces planes étaient financés par les pétroliers et gérés par le syndicat des pétroliers (proche de Kirchner).

  • Corrientes, juillet-décembre 1999.

Depuis le mois de juillet 1999, les travailleurs du secteur public de la province (enseignants et autres fonctionnaires) luttaient pour le paiement d’arriérés de salaires, pour le fonctionnement normal des services sociaux et contre tout licenciement. En diverses occasions, ils coupèrent le pont qui unit la ville de Corrientes à la province du Chaco, et obtinrent que l’Etat fédéral avance des fonds au budget de la province, qui était en faillite. Le 10 décembre 1999, jour de la prise de fonctions du nouveau président, De la Rúa , mille d’entre eux barrèrent encore le pont, et cette fois cela dura une semaine. Mais le gouvernement annonça nettement qu’il n’avancerait pas de fonds. Le gouverneur fit tirer sur les piqueteros du pont et il y eut deux morts. Une fois le pont rouvert, il s’occupa de répondre au mouvement en opposant les unes aux autres ses différentes fractions, payant les professeurs, mais pas les retraités, licenciant des fonctionnaires pour assainir les finances de la province.

Luis Oviedo considère que c’est au cours de ce mouvement que furent inventées les « auto-convocations » (mais nous les avons déjà rencontrées à Tartagal-Mosconi). Cela commença par les professeurs. Puis vinrent les fonctionnaires, les étudiants, les chômeurs, et même la police. L’auto-convocation consistait à planter une tente sur la place centrale de Corrientes, rebaptisée pour l’occasion place de la Dignité. La tente servait de point de ralliement, et il y en eut ainsi plusieurs en même temps pendant plusieurs mois.

  • Tartagal-Mosconi, décembre 1999.

En novembre 1999, 162 fonctionnaires municipaux furent licenciés à Tartagal. Après diverses tentatives pour organiser une riposte, un rapprochement intervint entre les fonctionnaires, les chômeurs et les bénéficiaires de planes de trabajo. Ils tentèrent quatre fois de couper la Route 34. Finalement, le 13 décembre, ils réussirent à établir plusieurs barrages. La police essaya de les déloger, mais elle dut reculer, notamment parce qu’elle se trouvait à court de munitions, lorsque la population sortit en masse pour aider les piqueteros. Le commissaire demanda une trêve, et les barrages restèrent en place. Ces événements ont eu un impact considérable dans le pays, et ont servi de modèle à de nombreux groupes (source personnelle, entretien avec des camarades argentins).

Elisant chacun leurs délégués, les fonctionnaires, les bénéficiaires de planes et les chômeurs des différents barrages formèrent une assemblée qui établit plusieurs revendications, notamment :

  • 1 420 emplois dans l’industrie pétrolière (promis en 1997) ;
  • la réintégration des travailleurs licenciés ;
  • le refus de la privatisation de l’éducation et de la santé ;
  • l’amnistie de tous les travailleurs poursuivis par la justice.

Contrairement au soulèvement de 1997, il n’y eut pas cette fois-ci d’assemblée multisectorielle. L’assemblée générale des piqueteros interdit de parole les représentants de l’Alliance et du Parti justicialiste, ainsi que ceux de l’Eglise. Le rejet du frontisme eut comme conséquence que les piqueteros ne reçurent aucune aide matérielle des commerçants et petits patrons qui avaient été associés en 1997. Il n’y avait donc, sur les barrages, qu’un repas par jour.

Les bureaucrates de l’ATE proposèrent d’envoyer une délégation de piqueteros à Buenos Aires mais, dans un premier temps, ceux-ci rétorquèrent que c’était aux représentants de l’Etat de venir sur place. Finalement, le 23 décembre, un accord permit la levée des barrages :

  • réincorporation des 162 licenciés ;
  • maintien de 1 963 planes de trabajo nationaux et création de 3 000 autres ;
  • prorogation pour un mois de 2 653 planes de trabajo provinciaux.

Mais aucun emploi dans le pétrole.

  • Tartagal-Mosconi, mai 2000.

Les gains obtenus en décembre 1999 ne résistèrent pas à l’absence de solution de fond : les planes de trabajo n’étaient jamais que temporaires, et les fonctionnaires étaient en partie payés en tickets d’alimentation. De façon générale, dans le nord de Salta comme ailleurs, la situation se dégradait rapidement (expulsion de logements, faillite du système de santé…).

La révolte commença comme un barrage de route improvisé par un groupe d’une quarantaine de piqueteros, à Mosconi. Décidés à faire un exemple, les gouvernements national et provincial envoyèrent leurs polices, lourdement armées, qui occupèrent la ville durant la nuit. Il y eut deux morts. Au lever du jour, les habitants, alertés par les pompiers, réalisèrent ce qui se passait, et une énorme manifestation (vingt mille personnes selon certaines sources) arriva des villages environnants, notamment de Tartagal. Luis Oviedo indique que les femmes jouèrent un rôle important dans ce soulèvement. Il souligne aussi que, si les bâtiments de la municipalité et de la banque provinciale furent mis à sac, il n’y eut pas de pillage de supermarchés. Il considère que c’est le signe d’une « conscience de classe politique élevée » (25) du mouvement.

Une enseignante de Tartagal témoigne : « Dès que nous entendîmes parler de la répression, nous décidâmes de quitter nos lieux de travail et de nous rassembler pour marcher jusqu’à Mosconi, distant de 7 km. A un moment, les gens voulurent s’arrêter pour brûler l’hôtel que Romero possède à la sortie de la ville, ou pour piller un supermarché. Mais moi, me souvenant qu’Altamira (26) avait dit dans un discours qu’il fallait passer au large des supermarchés pour marcher là où se trouve le pouvoir politique, je proposais de ne pas nous arrêter et de marcher jusqu’à Mosconi pour aider nos camarades (27). »

A Mosconi, les manifestants parvinrent à reprendre le contrôle de la route, de l’hôpital, de la caserne de pompiers, où les forces de police s’étaient installées. Au moment où les policiers allaient être contraints de céder complètement, l’Eglise parvint à imposer une trêve. A partir de là, le mouvement se structure autour d’une assemblée populaire, avec élections de délégués et rédaction d’un cahier de revendications :

  • libération des prisonniers et amnistie générale ;
  • 15 000 « vrais » emplois ;
  • augmentations des salaires des planes de trabajo ;
  • réduction de douze heures à huit heures de la journée de travail dans le pétrole, et embauches correspondantes ;
  • triplement des royalties sur le pétrole ;
  • satisfaction des revendications historiques des peuples originaires sur la terre ;
  • travaux publics ;
  • pas de baisse de salaire des enseignants ;
  • achats locaux et aides aux PME.

De même que l’incident du supermarché, ce cahier de revendications est le signe d’un encadrement politique assez étroit du mouvement - ce que démentent d’autres aspects, comme la spontanéité du barrage de Mosconi ou le caractère massif de la manifestation.

L’accord final se limita à :

  • maintien des planes de trabajo actuels jusqu’en décembre 2000, avec un salaire de 160 pesos ;
  • libération des prisonniers ;
  • pas de procès ;
  • crédits et aides aux PME ;
  • « examen » des autres revendications des piqueteros.

Il semble que cet « examen » permit notamment d’obtenir cent planes de trabajo qui, de plus, ne seraient pas répartis par les politiciens locaux, mais seraient sous le contrôle d’une Commission qui obtint également l’intégration de 150 travailleurs dans les sociétés de recherche sismique (28). Voici la façon dont la commission répartit les planes à Mosconi : « Une partie aux camarades les plus engagés dans la lutte, une autre aux plus nécessiteux, et le reste tiré au sort en public (la coordination de Tartagal venait d’appliquer la même méthode (29). »

Dans tout ce mouvement, le PO revendique un rôle de premier plan. Pour lui, la vraie solution du problème de la province de Salta était « la renationalisation d’YPF sous contrôle ouvrier, avec réinvestissement des bénéfices dans l’industrialisation locale (30) ». Rien de moins !

6. Argentina piquetera

Fin 2000 et début 2001, la crise prit une dimension nationale. L’Argentine se couvrit de barrages. Mais dès avant cette explosion, il faut signaler :

  • La Matanza (province de Buenos Aires), juin 2000 : 1 500 piqueteros coupent la Route n° 3 et obtiennent 9 000 planes de trabajo, 650 tonnes de produits alimentaires frais, 70 tonnes de produits alimentaires secs et 3 unités sanitaires. Les promesses ne seront pas tenues, et le conflit reprendra en novembre.
  • Las Heras (province de Santa Cruz), juillet 2000 : les travailleurs licenciés d’YPF assiègent les locaux d’YPF-Repsol et de Vintage (sociétés privées qui ont repris YPF) pour récupérer leurs postes de travail.
  • San Fernando (zone nord du grand Buenos Aires), septembre 2000 : la coordination des chômeurs plante une tente devant la mairie. Au bout de deux mois, ils obtiennent des planes de trabajo et de la nourriture.
  • Plottier (province de Neuquén), octobre 2000 : les chômeurs coupent les routes et obtiennent la prolongation sine die des planes de empleo municipaux, un panier de vivres de 50 pesos par mois et de nouveaux planes.

On a déjà remarqué que les méthodes piquetero étaient de plus en plus souvent employées par des travailleurs non chômeurs. C’est confirmé dans cette période, avec la lutte des employés municipaux de Capitán Bermudez, des chauffeurs de la société La Internacional et des ouvriers de Zanón.

  • La Matanza, octobre-novembre 2000.

L’accord de juin n’ayant pas été respecté, un regroupement de nombreuses organisations prépara une nouvelle série de barrages. La liste des organisations participantes (de chômeurs et syndicats) est longue : FTV-CTA (31), CCC, Red de Barrios, Movimiento de Mujeres, Trabadojes desocupados de Laferrere, ATE, Suteba Mantanza, Lista Naranja Grafíca, Lista Gris del UOM, Polo Obrero (32). Fin octobre 2000, la Route n°3 était coupée par trois mille piqueteros pendant plusieurs jours. Le gouvernement céda après que quatorze autres barrages furent apparus, dans la région de Buenos Aires et ailleurs.

Le 4 novembre, deux mille piqueteros votèrent à main levée leur accord pour :

  • 8 400 planes de trabajo nationaux et 7 500 provinciaux (contre 10 000 demandés en tout au départ). Le gouvernement et la province s’engagent de plus à maintenir ces planes jusqu’à ce que le chômage tombe « de façon drastique » ;
  • 2 870 tonnes de produits alimentaires frais et secs à l’année ;
  • la réalisation de travaux publics ;
  • des chaussures et des aides diverses.

Cet accord ne concernait que les piqueteros de La Matanza. Oviedo déplore qu’ils aient levé leur barrage sans se préoccuper de la satisfaction des revendications des autres barrages.

  • Sud de la conurbation de Buenos Aires.

Plusieurs barrages avaient été dressés à Solano (33) et à Varela (quartiers de Quilmes), à Lanus, à Claypole Almirante Brown, après l’annonce de la transformation des planes de trabajo nationaux en emplois-jeunes à 100 pesos ou en « emplois deuxième chance » pour les chômeurs de plus de 45 ans, le tout assorti de conditions d’accès plus restrictives. A La Plata, la Coordinadora de Trabajadores Desocupados (CTD) dressa un barrage sur la route de l’ouest, à Los Hornos. Elle demandait mille emplois. Les autorités proposèrent d’en accorder 840, mais 120 seulement seraient gérés par la CTD, tandis que 720 seraient mis à la disposition d’un « comité d’urgence du travail (34) » où la CTD n’aurait qu’un strapontin et dont le Parti justicialiste aurait le contrôle. Il était notamment prévu que les représentants de la CTD perdraient leurs aides s’ils prenaient des initiatives sans consulter ce comité d’urgence (35). Après le refus de la CTD, la police délogea les piqueteros.

  • Zone nord de Buenos Aires.

Bien que moins active en général, la zone nord de Buenos Aires n’est pas absente de cette explosion de novembre 2000. A Tigre, malgré la présence policière et les pressions de Caritas, l’organisation caritative de l’Eglise, cinq cents chômeurs coupèrent la Route n° 9 pendant vingt-quatre heures et obtinrent des planes de trabajo et de la nourriture.

  • Tartagal, novembre-décembre 2000.

A Tartagal également, le non-respect des accords du mois de mai relança la lutte des chômeurs. Ceux-ci voulaient aussi protester contre les manipulations de Caritas dans la gestion des planes (on se souvient que l’Eglise était arrivée à imposer sa médiation au moment où la crise atteignait son paroxysme). Les piqueteros étaient également furieux d’apprendre que le gouverneur envisageait d’investir 1,6 million de dollars pour construire une autre route afin de minimiser les effets des barrages. Les piqueteros établirent le cahier de revendications suivant, qui fut voté à l’unanimité le 3 novembre :

  • 1 000 planes de trabajo à 280 pesos/mois ;
  • une aide de 300 pesos ;
  • l’instauration d’un salaire minimum ;
  • un salaire horaire de 2,50 pesos de l’heure pour les manœuvres (ayudantes) ;
  • la baisse de la journée de travail de douze heures à huit heures dans le pétrole ;
  • la création d’un fonds alimenté par le triplement des royalties, notamment pour financer la reforestation des zones d’exploration ;
  • à quoi s’ajoute un appel à la formation d’un Congrès national des travailleurs et chômeurs, ce qui signale la présence des trotskystes du PO dans l’organisation du barrage.

Le barrage fut établi fin novembre et dura deux semaines. Il se renforça et reçut le soutien d’autres secteurs de la population (notamment les populations autochtones). Pour mieux se défendre en cas d’agression, il se déplaça même de Tartagal à Mosconi, où il se positionna devant le dépôt de carburant de la société Refinor, position non seulement stratégique, mais également historique puisque d’autres barrages s’étaient déjà tenus là.

Le 10 décembre à l’aube, la police attaqua le barrage et assassina de sang-froid Anibal Verón. Cela provoqua une forte réaction de la population, qui attaqua le commissariat et d’autres édifices publics et privés et obligea la police à se réfugier dans une caserne de Tartagal. Dans les jours suivants, des négociations se tinrent dans cette caserne et les barrages furent finalement levés le 13 décembre. Les piqueteros n’obtenaient que quatre cents planes supplémentaires et quelques aides.

  • Mosconi, février 2001.

En février 2001, l’UTD Mosconi barra les routes d’accès à plusieurs installations pétrolières pour imposer l’embauche de « camarades proposés par la coordination ». Depuis les barrages de mai 2000, plusieurs centaines de chômeurs avaient déjà pu être imposés dans les sociétés pétrolières. La lutte dura vingt-trois jours, avec deux piquets devant une raffinerie et trois piquets de solidarité à Mosconi. Finalement, deux sociétés acceptèrent d’embaucher quatre cents ouvriers.

7. Contre-offensive de l’Alliance.

Au début de l’année 2001, l’Etat était au bord de la cessation de paiement. L’Alliance, au gouvernement depuis un an, lança une contre-offensive contre les piqueteros. Il y eut notamment le cas de La Matanza. Le ministre du Travail, qui appartenait au Frepaso, annonça une opération de recensement des 8 400 planes de trabajo du district. Il s’agissait, sous couleur de statistique, d’en réduire le nombre et d’en reprendre le contrôle au profit des activistes de l’Alliance et du PJ local. En même temps, Luis d’Elía, dirigeant de la FTV, membre du Frepaso et conseiller de la Matanza, était attaqué en justice. Pour riposter, la FTV et le CCC appelèrent à un barrage à La Matanza. Six mille piqueteros se rassemblèrent, mais au lieu de couper l’axe important qu’est la Route n° 3 en un point névralgique, ils choisirent de couper une route de moindre importance, la Route n° 4.

Les piqueteros demandaient :

  • 10 000 planes de trabajo ;
  • l’exécution des promesses antérieures ;
  • le rejet du recensement annoncé.

Après six jours de barrage, le ministère confirma son intention de procéder au recensement, tandis que les autorités provinciales et nationales refusaient de négocier. Pour sortir de l’impasse, les piqueteros se rendirent en cortège au ministère du Travail, mais en revinrent absolument bredouilles. Cet échec engendra une sérieuse crise politique au sein du mouvement piquetero de La Matanza.

Une crise du même type survint au sein du MTD de Varela, qui dut lever un barrage au bout de douze jours à Bosques sans avoir obtenu grand-chose.

Le gouvernement poursuivit son offensive dans ce climat de défaite des piqueteros. Durant les mois de février, mars et avril 2001, il arrêta de payer 2 800 planes, tandis que des inspecteurs commencèrent à vérifier que les autres planes donnaient effectivement lieu à une prestation de travail. La riposte piquetera prit la forme d’un barrage de dix-sept jours à Isidro Casanova, l’un des quartiers de La Matanza. Finalement, le gouvernement céda et renouvela 7 500 planes sur les 8 400 qui avaient été accordés en novembre 2000.

8. Mosconi : les piqueteros du bâtiment

Au cours de la deuxième semaine du mois de mai 2001, un conflit éclata sur le chantier de l’agrandissement de l’hôpital de Mosconi. Les ouvriers se mirent en grève et firent une soupe populaire sur le chantier pour revendiquer un salaire de 2,50 pesos de l’heure, ou 600 pesos par mois (ce qui implique des mois de 240 heures, soit encore des semaines de 60 heures environ). Au bout de quatorze jours de grèves, les ouvriers décidèrent de couper la Route 34 et leur revendication s’élargit à tout le département de San Martín. A Tartagal, c’étaient les membres de la CTD qui allaient sur les chantiers pour appeler les maçons à s’arrêter et à rejoindre les piquets. Oviedo présente ces actions comme autant de gestes de solidarité ordinaire (des chômeurs allant sur les chantiers pour appeler les maçons à la grève). Il dit très exactement « des piqueteros de la Coordination des chômeurs, mégaphone en main, parcouraient les chantiers… (36) ».

Ces détails indiquent que ces chômeurs étaient des militants et que la « vague » de grève qui s’étendait n’était pas si impétueuse puisque que quand elle arriva à Embarcación, ce fut sous la forme d’une tentative de barrage routier par le Front unitaire des quartiers. La tentative échoua et se convertit en l’installation d’un piquet « au bord de la route, avec ses propres revendications de postes de travail et de nourriture en solidarité avec les revendications salariales des autres localités (37) ».

On est là en présence d’un des nombreux exemples de triomphalisme d’Oviedo, et quand il reconnaît que « le mouvement n’a pas été aussi massif que les autres fois » (ibid.), on doit peut-être comprendre que les militants trotskystes ont essayé de rejouer les soulèvements de 1997 et 2000 à partir de la grève des maçons d’un chantier. Et c’est probablement sous forte influence trotskyste qu’une coordination départementale établit le cahier de revendications suivant :

  • amnistie ;
  • salaire minimum de 2,50 pesos de l’heure sur les chantiers privés et publics ;
  • un plan de travaux publics à exécuter immédiatement dans le département de San Martín ;
  • dépense des royalties du pétrole dans le département ;
  • rétablissement des postes de travail supprimés, et du travail pour tous les chômeurs ;
  • distribution régulière de cinq tonnes de produits alimentaires ;
  • distribution immédiate d’actions YPF, dues au titre de la participation, à ceux qui ont été licenciés de l’entreprise ;
  • renationalisation des entreprises privatisées.

Bien que certaines entreprises aient fait des concessions, les barrages se maintinrent. Un nouveau barrage fut même établi au nord de Tartagal. Plusieurs militants, notamment du PO, furent arrêtés, ce qui entraîna des mouvements de protestation, comme la grève du 5 juin à Tartagal et Mosconi. Pendant le barrage, la société pétrolière Refinor aurait pu utiliser d’autres voies de communication que la Route 34 pour continuer à travailler. Il semble qu’elle ne l’ait pas fait pour aggraver délibérément la crise et tenter de vider l’abcès une fois pour toute.

Le 17 juin, la police disloque violemment le barrage sud de Mosconi, occupe la ville et y répand la terreur. Mosconi est isolée du reste du pays. Il y a deux morts. Mais le lendemain, la population sort dans les rues et reprend le contrôle de la ville. Deux mille travailleurs repoussent peu à peu les gendarmes, qui encerclent alors la ville et protègent les installations pétrolières, Les travailleurs installent des tentes sur la place centrale de Mosconi, qui devient le foyer de la résistance. Le gouverneur de la province se rend sur les lieux, mais personne n’accepte de le rencontrer, pas même les patrons de la chambre de commerce. Alors que la ville semble s’installer dans cette situation confuse, le Frepaso appelle à des élections et encourage les leaders piqueteros de Mosconi à se présenter et, pourquoi pas, à gérer la ville. Pour contrecarrer cette ruse démocratique, les trotskystes du PO, qui étaient d’ailleurs systématiquement pourchassés par la police, appellent à la formation d’une assemblée populaire constituante qui seule serait capable d’exercer le pouvoir dans le sens des revendications du mouvement. Luis Oviedo ne nous en disant rien, on suppose que cet appel est resté sans suite. Cet aspect du récit d’Oviedo est, lui aussi, ambigu. Les deux mille manifestants qui ont repoussé la police et pris le contrôle de la ville paraissent peu nombreux par rapport aux vingt mille de mai 2000 (voir p. 23).

La ville de Mosconi subit la répression de la police pendant des mois, au cours desquels les groupes de Buenos Aires se sont efforcés de marquer leur solidarité, notamment en coupant plusieurs ponts de la ville, opération qui obtint une bonne couverture médiatique. Les participants à cette action étaient le MTR, les groupes du MTD de Solano (38), le MTD Teresa Rodríguez et le MIJP. Le succès de l’action amena la formation, sans le MIJP toutefois, de la Coordination Sud.

Fin juillet, le gouvernement supprima deux cents planes de trabajo au MTR, qui protesta en occupant une banque et des bureaux d’un ministère. La coordination jugea ces actions irresponsables et exclut le MTR (source personnelle).

9. Les assemblées nationales de piqueteros.

Au même moment (24 juillet 2001) se tint à La Matanza la première assemblée nationale des piqueteros. Elle rassemblait toutes les organisations politiques et syndicales gauchistes impliquées dans le mouvement piquetero :

  • la CCC ;
  • la FTV ;
  • le Frente Único de Trabajadores Desocupados (Futrade),

qui sont des organisations plus ou moins nationales, à quoi s’ajoutait des représentants provinciaux de Tucumán, Buenos Aires, Catamarca, Nord Salta, Chaco, Mar del Plata, et le Plenario de organisaciones de lucha de la zona sur de Buenos Aires (le Movimiento Teresa Rodríguez (MTR), des MTD. Il y avait enfin des organisations syndicales de base comme des sections de la CTA de Neuquén ou des mineurs de Río Turbio.

Deux points de vue s’opposèrent, explique Oviedo. Selon le PO, la question du pouvoir se posait dans un contexte de crise économique mondiale. Selon la CTA, il s’agissait de mettre en place une stratégie de « choc redistributif » par l’intermédiaire d’un front national contre la pauvreté, comportant notamment les PME et la banque coopérative. L’assemblée se contenta de voter à l’unanimité un plan national de lutte pour parvenir :

  • la suppression de la loi d’ajustement (une des nombreuses mesures d’austérité prises au cours des derniers mois) ;
  • la libération des camarades emprisonnés et une amnistie.

Le programme de lutte consistait en appels nationaux à des barrages progressifs de vingt-quatre, quarante-huit et soixante-douze heures. Il fut appliqué : la première semaine, à partir du lundi 30 juillet, il y eut plus de trois cents barrages dans le pays. La deuxième semaine, Oviedo ne parle pas de barrages de quarante-huit heures, mais signale la mobilisation de quarante mille travailleurs sur la place de Mai. La troisième semaine, il écrit que « les barrages augmentent » et indique que des travailleurs retournèrent place de Mai.

Malgré ou à cause de ce fiasco apparent, une deuxième assemblée nationale fut convoquée pour le début du mois de septembre. Entre-temps, la province de Buenos Aires était entrée dans une crise financière aiguë. Les professeurs et les planes de empleo (planes de trabajo provinciaux) étaient payés en bons dénommés patacones (nom d’une ancienne monnaie). Au moment de l’assemblée, les professeurs étaient en grève et les chômeurs de La Matanza et de Berisso coupaient les routes pour refuser les patacones et obtenir des pesos. L’assemblée se préoccupa de problèmes généraux comme le rejet de la dette et du FMI ou les renationalisations, et appela à l’organisation d’une grève générale active de trente-six heures.

10. Les journées de décembre 2001

Dès le début décembre (39), en province, des supermarchés furent assiégés et contraints de donner des vivres, voire pillés. Dans la matinée du 19 décembre, le mouvement apparut à Buenos Aires, où les banlieues étaient pleines de rumeurs sur des dons de vivres que feraient les supermarchés locaux. La population s’y rendit, et comme il ne se passait rien, elle finit par piller les rayons également. Le soir du 19, à 23 heures, le président De la Rúa proclama l’état d’urgence. Immédiatement, la population descendit dans la rue. Tandis que les organisations politiques et syndicales, en complet décalage avec le mouvement, discutaient de savoir s’il fallait ou non manifester malgré l’état d’urgence, le centre de Buenos Aires était envahi par la population dans un immense cacerolazo. Il y eut par exemple des réunions dans les locaux des Hijos (40) et au Frenapo (Frente Nacional contra la Pobreza). Ce dernier décida une grève de vingt-quatre heures contre l’état d’urgence, à compter de ce jour-là minuit, mais sans manifestation ni mobilisation. Pendant ce temps, la foule, toutes catégories sociales confondues, envahissait le centre-ville en tapant sur tout ce qui pouvait faire du bruit.

Dans cette foule, on ne voyait pas les banderoles habituelles des organisations, mais pas mal de drapeaux argentins. L’atmosphère était à la fête, au moins jusqu’à une heure du matin, quand la police attaqua avec des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc. Tandis qu’une partie des manifestants s’enfuyait, une autre commençait à élever des barricades et à mettre le feu aux palmiers de la place de Mai. Les vitrines des banques furent brisées, et la police fut attaquée à coup de pierres.

Dans la journée du 20 décembre, les gens revinrent vers le centre-ville, et cela donna lieu à des heures de bagarres avec la police et d’attaques de bâtiments publics et privés. De la Rúa démissionna et dut fuir en hélicoptère le palais de la présidence. Durant cette journée de bataille, les coursiers motorisés jouèrent un rôle important de liaison et d’offensive. Par groupes de cent motos, ils obligèrent les agences de courses à fermer et allèrent s’attaquer à la police (qui disposait également de motos). Déjà la veille, beaucoup s’étaient spontanément joints au cacerolazo.

Le 23 décembre, Rodríguez Saá devient président en promettant un million d’emplois, un salaire minimum de 450 pesos et le non-paiement de la dette extérieure. Mais le 28 décembre, la Cour suprême confirma la légalité du corralito (limitation des retraits bancaires), ce qui provoqua un nouveau cacerolazo. D’importantes manifestations convergent alors vers la place de Mai, qui redevient un champ de bataille. A 16 heures, des manifestants envahissent le Parlement, mettent le feu au mobilier qu’ils jettent sur le trottoir. D’autres attaquent les banques ou les fast foods américains.

Saá démissionne le 30. Le 2 janvier 2002, il est remplacé par Eduardo Duhalde.

Durant toute cette période, les manifestations furent nombreuses et quotidiennes. Les banques étaient régulièrement attaquées, vitrines brisées et mobilier brûlé. A Casilda (petite ville à l’ouest de Rosario), une manifestation de 7 000 personnes, convoquée par les chômeurs, les syndicats et même les petits patrons, détruisit les six banques.

Suite : Le mouvement des piqueteros. Argentine 1994-2006 (2)

Le mouvement des piqueteros. Argentine 1994-2006 (3)

NOTES

(1) L’Argentine, de la paupérisation à la révolte : une avancée vers l’autonomie, Echanges et Mouvement 2002.

(2) La Confederación General del Trabajo (CGT)a été fondée en 1930. Etroitement liée aux péronistes, elle est plus un relais du pouvoir qu’un organe de défense des travailleurs.

(3) La Central de los Trabajadores Argentinos (CTA) : centrale syndicale alternative fondée en 1992, principalement par des travailleurs du secteur public, pour s’opposer à la politique de la CGT. La FTV (Federación Tierra y Vivienda) est la branche piquetera de la CTA.

(4) Luis Oviedo : De las primeras coordinadoras a las assembleas nacionales - una historia del movimiento piquetero, éd. Rumbos, 2001.

(5) James Petras : Argentina from popular rebellion to « normal » capitalism, avril 2004, disponible sur le site Internet de l’auteur :

http://lahaine.org/petras/articulo.php?p=1675&more=1&c=1

(6) Frepaso : Frente País Solidario : parti politique fondé en 1995.

(7) PTP : Partido del Trabajo y del Pueblo PCR : Partido Comunista Revolucionario : maoïste, fondé en 1966.

(8) Partido Obrero (trotskyste).

(9) Grimson & Kessler : On Argentina and the Southern Cone, New York, 2005, p. 160.

(10) Voir Javier Auyero, « La vida en un piquete. Biografía y protesta en el sur argentino », in Apuntes de Investigación del Centro de Estudios en Cultura y Política, año VI, nº 8, Buenos Aires, junio de 2002.

(11) Marcela Lopez Levy : We are millions, Neoliberalism and new forms of political action in Argentina, Latin American Bureau ed., Londres 2004, p. 84.

(12) Ibid.

(13) La participation des femmes à la lutte des piqueteros a été massive dès le départ. Elles ont joué un rôle de premier plan dans le regroupement des chômeurs ; c’est elles qui s’occupaient de l’alimentation, se regroupant et s’aidant pour nourrir leurs familles, puis créant des cantines dont l’approvisionnement était un combat quotidien.

(14) L’expression est de Luis Oviedo, op. cit. p. 49. De façon générale, malgré ses limites trotskystes, cet ouvrage est celui qui donne le plus d’informations pour la période 1994-2001, et je ne le cite pas systématiquement en référence pour éviter les répétitions.

(15) Unión Cívica Radical, vieux parti de droite, membre de l’Internationale socialiste. Succéda en 1999 au péronisme à la présidence de la République avec De la Rúa, qui fut chassé du pouvoir par les émeutes de décembre 2001.

(16) Néologisme inventé pour désigner des actions collectives qui ne répondent à l’appel d’aucun parti politique ou syndicat établi, mais à une initiative locale et spontanée - ce qui n’exclut nullement les groupuscules locaux (voir M. Lopez Lévy, op. cit. p. 75, et ci-dessous).

(17) San Ramón de la Nueva Orán, ville située au sud-est de Tartagal.

(18 ) Oviedo, op. cit., p. 60.

(19) L’association des Mères de la place de Mai regroupe des femmes argentines dont les enfants ont « disparu », assassinés sous la dictature militaire des années 1976-1983. Chaque jeudi après-midi, portant des foulards blancs (à l’origine : les langes en tissu de leurs bébés), elles se rassemblent et tournent sur la place pendant une demi-heure, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, remontant ainsi symboliquement le temps et critiquant l’impunité des militaires responsables des massacres et des tortures. Les militaires ont admis que plus de 9 000 personnes kidnappées ne sont toujours pas comptées comme disparues. Le gouvernement civil a estimé le nombre de disparus à 11 000. De leur côté les Mères de la place de Mai estiment que ce nombre est proche de 30 000.

(20) Luis Oviedo, op. cit, p. 70.

(21) Corriente Clasista y Combativo, bras syndicaliste/piquetero du PCR (maoïste).

(22) La chaîne américaine de supermarchés Wal Mart, implantée dans quinze pays (Amérique du Nord, Amérique latine, Chine, Japon, Royaume-Uni) est la première chaîne de supermarchés du monde et la première société mondiale par le chiffre d’affaires.

(23) L’Alliance a été formée en 1997 entre l’UCR et le tout récent Frepaso, en vue d’arracher le pouvoir aux péronistes aux élections de 1999. Elle remporta les législatives en octobre et son dirigeant, Fernando de la Rúa, fut élu président de l’Argentine.

(24) Je ne mentionne ici que les principaux conflits dont parle Luis Oviedo, qui en cite de nombreux autres mais sans donner de détails.

(25) Oviedo, op. cit., p. 98.

(26) Dirigeant du PO.

(27) Oviedo, op. cit., p. 101, note 143.

(28) Oviedo, op. cit., p. 125.

(29 ) Oviedo, op. cit., p. 125.

(30) Oviedo, op. cit., p. 100.

(31) La Federación Tierra y Vivienda (terre et logement) est une organisation membre de la CTA.

(32) Le Polo Obrero est la façade sociale/piquetera du PO.

(33) Où Spagnuolo, le prêtre destitué, déclare : « Nous ne voulons la présence d’aucun fonctionnaire ni médiateur ni ecclésiastique, car ils sont tous complices de cette situation » (Oviedo op. cit., p. 106).

(34) Les comités d’urgence sont un autre type de multisectorielle, caractérisés par la participation du gouvernement au côté des représentants des autres catégories sociales.

(35) Oviedo, op. cit., p. 37.

(36) Oviedo, op. cit., p. 146.

(37) Ibid.

(38) Il semble (source personnelle) que ce qui est devenu, en 2002, le MTD Solano (connu pour ses tendances autonomistes) ait pris forme à partir de nombreux groupes actifs dans cette zone.

(39) Ibid.

(40) Regroupement « affectif et politique » d’enfants de militants disparus sous la dictature (1976-1983). Apparus en 1995, les Hijos ont procédé à des dénonciations publiques (escraches) de tortionnaires impunis.

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