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Pouvoir d’achat – Hausse des prix : le grand matraquage

mardi 5 février 2019, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 5 février 2019).

Publié par Que choisir le 21 janvier 2019

+ 5 % en 4 ans. La hausse des prix depuis 2014 a été douloureuse pour les ménages. Ils ont grimpé plus vite que le salaire minimum, et souvent sur des dépenses contraintes : alimentation, carburant… Les Français se sont donc appauvris, et sont souvent incrédules face aux chiffres du gouvernement, selon lesquels le pouvoir d’achat serait en constante augmentation. Que Choisir démêle le vrai du faux.

Rarement le pouvoir d’achat a autant fait la Une que cet hiver. La fronde des « gilets jaunes », née en opposition à la hausse des taxes sur le gazole et l’essence, s’est vite transformée en mouvement de protestation contre la vie chère, obligeant le gouvernement à annoncer des mesures pour améliorer le quotidien des Français. S’il est trop tôt pour tirer le bilan de cette mobilisation inédite, l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) prévoit, à mi-2019, une croissance de 2 % du pouvoir d’achat. « Ce chiffre est un ordre de grandeur », nous a prévenus fin décembre Julien Pouget, chef du département de la conjoncture de l’institut, alors que le détail des mesures n’était pas connu. « Il est en partie dû à une inflation plus contenue – notamment grâce au reflux des prix du pétrole –, à la fin de la hausse des taxes sur le carburant annoncé en novembre et aux mesures sur les revenus », précise-t-il. Pour le statisticien, une hausse du pouvoir d’achat d’une telle ampleur « ne s’est pas vue depuis 2007 ». Suffira-t-elle à aider les ménages les plus modestes ? Nos calculs montrent que depuis 2014, date de notre dernière étude sur le pouvoir d’achat, les prix ont grimpé de 5 % en moyenne. Une hausse supérieure à celle du Smic sur cette période (4,6 %). Et donc, une perte de pouvoir d’achat pour les salariés concernés.

10 ans de stagnation du pouvoir d’achat

Pessimiste, Que Choisir ? Pas vraiment. Une étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) montre que les ménages ont perdu, en moyenne, 440 € de revenu disponible par an, soit 1,2 % de baisse, entre 2008 et 2016. « Il faut remonter très loin en arrière, au moins aux années 1990, pour observer un tel phénomène », assure Mathieu Plane, directeur adjoint de l’OFCE. Même sentiment du côté de l’Insee, pourtant régulièrement accusé de ne pas rendre compte du ressenti des Français. « En moyenne, les Français n’ont pas eu de gain de pouvoir d’achat depuis dix ans », résume Guillaume Houriez, chef du département des comptes nationaux de l’institut. « Le pouvoir d’achat par unité de consommation, sur cette période, a augmenté de 0,1 % par an, alors qu’il augmentait de 1,9 % par an avant la crise de 2008 », précise-t-il. Pourquoi donc l’Insee annonce-t-il régulièrement des hausses du pouvoir d’achat (+ 1,4 % en 2018, + 1,3 % en 2017, + 1,8 % en 2016…) ? « Nous publions plusieurs indicateurs, qui ne répondent pas aux mêmes besoins. L’un explique la conjoncture économique et prend donc en compte les évolutions démographiques. L’autre, le pouvoir d’achat par unité de consommation, s’intéresse aux ménages en retraçant l’évolution moyenne de leur pouvoir d’achat », précise Guillaume Houriez (voir encadré). Forcément, les gouvernements ont tendance à communiquer sur l’indicateur qui augmente le plus… quitte à créer la confusion dans l’esprit des consommateurs !

Marie Leclair, responsable de la division prix à la consommation de l’Insee, explique aussi la différence entre le ressenti des consommateurs et les chiffres officiels par le fait que les hausses de prix du quotidien (carburant, alimentaire…) sont plus visibles que les baisses sur les biens durables (électroménager, high-tech…). Autre raison : l’Insee mesure l’évolution des prix à qualité constante. Si un smartphone coûte cette année plus cher que le modèle de l’an dernier, mais qu’il est plus puissant, l’institut ne considérera pas que son prix a progressé, puisque le consommateur y gagne en fonctionnalités. « Nous le faisons pour mesurer les tensions inflationnistes dans l’économie et, dans le calcul de la croissance, pour voir si l’on produit plus et mieux que le trimestre précédent », justifie Marie Leclair. Cela n’est pas perçu par l’acheteur, qui remarque simplement qu’il doit payer plus… L’économiste Philippe Herlin, dans son livre Pouvoir d’achat, le grand mensonge (ed. Eyrolles, 2018) estime que ce procédé vise à minorer l’inflation. « Sur une longue durée, cet “effet qualité” donne des résultats incohérents : le prix d’un PC aurait ainsi été divisé par 20 depuis 1995 ! », s’étrangle-t-il. « Les modes de vie ont changé, la qualité des produits s’est améliorée et il faut bien le mesurer dans la croissance économique », répond Marie Leclair. Elle ajoute : « Il serait par ailleurs compliqué de définir de manière objective un panier type aujourd’hui et d’en comparer le coût avec celui d’il y a 20 ans. »

Ces dépenses qui explosent

Cet « effet qualité » est l’une des raisons qui expliquent que l’augmentation des prix mesurée par Que Choisir depuis 2014 (5 %) est supérieure à celle mesurée par l’Insee (3,65 %). Ainsi, dans le domaine de l’ameublement et de l’électroménager, l’Insee retient l’hypothèse d’une baisse des prix de 7 % en 4 ans, tandis que nos observations indiquent plutôt une stabilité. Idem pour les achats de biens d’équipement audiovisuels et informatiques, qui auraient baissé de 10 % selon l’Insee, alors que nos analyses montrent, là encore, une stabilité. Nous avons aussi calculé des variations de prix plus importantes dans l’alimentaire (+ 6,3 % contre 5,6 %), le carburant (+ 7,3 % contre 5,5 %) ou les dépenses de communication (0 % contre - 6 %). Nos hypothèses rejoignent celles de l’institut concernant les loyers (stables, contrairement aux achats immobiliers, qui augmentent mais ne sont pas inclus dans le calcul de l’inflation) ou les loisirs (en baisse). Mais la hausse des prix n’est qu’une partie de l’équation « pouvoir d’achat » : le budget des ménages est aussi affecté par les dépenses contraintes (loyer, assurances, abonnements, cantine…), qui représentent 32 % du budget pour les classes moyennes, mais jusqu’à 60 % de celui des ménages pauvres. Une hausse d’un de ces postes se répercute directement sur le budget, sans moyen d’y échapper. En se basant uniquement sur le revenu « arbitrable », c’est-à-dire sans les dépenses contraintes, le pouvoir d’achat a baissé de 0,1 % par an sur la période 2008-2018, alors qu’il augmentait de 2 % par an entre 1997 et 2007, souligne l’Insee.

Le problème des salaires

Pour ne rien arranger, cette hausse de l’inflation – qui sera de 1,7 % en 2019 et 1,8 % en 2020, selon les prévisions de la Banque de France – s’accompagne d’une stagnation des salaires. « Pendant longtemps, il y a eu en France une indexation forte des salaires sur les prix, voire une anticipation. Les hausses de prix étaient compensées par ailleurs, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui », rappelle l’économiste Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne. L’indexation des salaires sur les prix, toujours en vigueur au Luxembourg ou en Belgique, a été abandonnée en France en 1983, car elle était accusée de nourrir l’inflation. Seul le Smic est toujours revalorisé chaque année, en partie en fonction de l’inflation ; les autres salaires n’évoluant pas forcément aussi vite. Ainsi, en août dernier, le ministère du Travail a noté que l’indice du salaire mensuel de base (sans les primes et les heures supplémentaires) avait, sur un an, progressé moins vite que les prix à la consommation. Officiellement, c’était la première fois en 6 ans que les augmentations de salaires ne couvraient pas les hausses de prix : nos calculs montrent que le cas est peut-être plus fréquent qu’annoncé. C’est peut-être un bon argument pour demander une augmentation de salaire à votre patron, si vous n’êtes ni retraité ni fonctionnaire, mais Que Choisir ne garantit pas vos chances de succès.

Des définitions pour s’y retrouver

Pouvoir d’achat. Il s’agit de la quantité de biens et de services que l’on peut acheter avec une unité de revenu. Si les prix augmentent et les revenus stagnent, le pouvoir d’achat baisse. Ce chiffre est national. Il est notamment stimulé par la démographie (plus de Français, c’est plus de ressources) et la croissance. Cela explique que cet indice soit presque toujours en hausse : il a progressé de 5,2 % entre 2014 et 2017.

Pouvoir d’achat par unité de consommation. Pour donner un indicateur proche du pouvoir d’achat réel des individus, l’Insee a créé un indice tenant compte de la taille des ménages (le premier adulte représente une unité de consommation, les membres de plus de 14 ans, 0,5 unité, et les moins de 14 ans, 0,3). En effet, si plusieurs personnes vivent ensemble, il n’est pas nécessaire de multiplier tous les biens pour garder le même niveau de vie. La taille des ménages ayant tendance à baisser, cet indice de pouvoir d’achat progresse moins vite que l’indice global : de 2014 à 2017, il a progressé de 2,8 %.

Inflation. C’est la hausse générale et durable des prix. Elle est évaluée grâce à l’indice des prix à la consommation (IPC), qui mesure le prix des biens et services consommés par les ménages. L’IPC n’est pas un indice du coût de la vie, car il ne prend pas en compte les variations de la quantité consommée. L’inflation était de 1,9 % fin novembre 2018.

Prélèvements obligatoires

On est les champions !

La France, souvent présentée comme un enfer fiscal, mérite-t-elle cette réputation ? Oui, selon un rapport publié début décembre par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui regroupe 36 pays. Elle est la championne du monde des pays développés en termes de prélèvements fiscaux et sociaux. La fiscalité y est en constante augmentation : elle représentait 43,4 % du PIB en 2000, 45,5 % en 2016 et 46,2 % en 2017. La France devance le Danemark (46 %) et la Belgique (44,6 %) sur le podium. L’Allemagne en est loin : avec un taux de prélèvements de 37,5 %, elle ne pointe qu’à la 14e place du classement. L’Hexagone s’est hissé pour la première fois en tête du classement en continuant à augmenter son taux de prélèvements alors que le Danemark – et 18 autres pays sur les 36 analysés – baissait le sien. Ce rapport de l’OCDE a été publié deux mois après celui du député La République en marche Joël Giraud qui, à l’occasion des débats sur le projet de loi de Finances, a calculé que les impôts et cotisations sociales payés par les Français ont franchi, en 2017, la barre symbolique des 1 000 milliards d’euros, à 1 038 milliards (contre 670 milliards en 2002). Ces prélèvements devraient continuer à augmenter pour atteindre 1 070 milliards en 2019. C’est autant de pouvoir d’achat en moins pour les Français, car celui-ci est calculé en fonction du « revenu disponible brut » des ménages : leur revenu retranché des impôts et cotisations, mais auquel sont ajoutées les prestations sociales. Championne des impôts, la France l’est-elle aussi en termes de ­redistribution ? Oui, si l’on ne considère que le poids des prestations sociales dans le PIB. Mais si l’on rapporte le total des prestations sociales distribuées au nombre d’habitants, la France n’est que sixième en Europe, derrière le Luxembourg, l’Autriche, l’Allemagne, les Pays-Bas et le Danemark.

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