VIVE LA RÉVOLUTION
Accueil du site > Comment publier un article > La hausse du salaire minimum (SMIC) n’est pas la panacée

La hausse du salaire minimum (SMIC) n’est pas la panacée

samedi 9 février 2019, par Robert Bibeau (Date de rédaction antérieure : 9 février 2019).

Hausse du salaire minimum, fallait y penser

Au stade où en est la crise économique systémique du capitalisme, on pourrait parler d’agonie du « libre » marché. Il n’existe pas de nouveautés prometteuses qui pourraient laisser espérer une relance de l’économie mondialisée. Le dernier voile à tomber est la hausse du salaire minimum, le SMIC dit-on en France, comme panacée pour encourager l’automatisation, l’innovation et les hausses de productivité. (1)

Depuis 2016, la désaffection des militants sociaux devant les discours de la gauche mondialiste est évidente. C’est l’année où Donald Trump et le Brexit ont commencé à influencer les secteurs les plus fragiles de la petite bourgeoisie paupérisée et du prolétariat précarisé, le moment où les sondages des grands médias à la solde ont déclaré que la jeunesse américaine était devenue « socialiste » (sic) alors que les démocrates ont récupéré Bernie Sanders le "socialiste" (sic). Le salaire minimum (SMIC) a été le sujet des Primaires démocrates et les facultés universitaires d’économie ont commencé à produire toute une littérature qui présente la hausse du salaire minimum comme une alternative au néoprotectionnisme préconisé par Donald Trump comme nous l’avons analysé dans notre volume : "La démocratie aux États-Unis. Les mascarades électorales" (2017).

Récemment, les Gilets jaunes français ont récupéré ce cheval de Troie des mains de l’intelligentsia occidentale. Les Gilets jaunes réclament un SMIC à 1 300 euros… Voici ce que la presse à la solde leur répond ; "Pourquoi le SMIC n’a pas augmenté de 3% le premier janvier 2019" : https://www.rtl.fr/actu/conso/pourq… L’Idée socialiste du salaire minimum (SMIC)

Cette idée « socialiste » va comme suit : la classe prolétarienne est écrasée sous les dettes alors que le salaire minimum en hausse réduirait l’étalement des salaires et les inégalités sociales, car un salaire minimum plus élevé modifie la répartition du capital en orientant les investissements technologiques vers les secteurs aux salaires plus élevés, augmentant d’autant la productivité sociale globale. Aujourd’hui, les preuves empiriques réfutent cette thèse. Pourquoi ?

Cet article est disponible en trois langues sur le webmagazine : http://www.les7duquebec.com/7-au-fr…

Pourquoi la hausse du salaire minimum gonfle-t-elle le nombre de bénéficiaires sans hausser les salaires réels ?

Comme dans toute théorie économique, les spéculations des économistes avaient un certain fondement pratique. Avec une classe ouvrière disloquée et affaiblie, dans une conjoncture de crise économique systémique et de salaires réels à la baisse, une entreprise préfère embaucher de nouveaux travailleurs précaires au salaire minimum plutôt que d’investir dans de nouvelles machineries et de nouvelles technologies afin de réduire les couts de production unitaires. Ce raisonnement de bon sens économique capitaliste s’applique non seulement aux grandes entreprises, mais à tous les investisseurs.

« Pourquoi une chaine de restaurants risquerait-elle d’acheter une fourgonnette de livraison si elle pouvait engager des travailleurs qui utilisent leurs propres vélos et sont prêts à ne facturer quasiment rien et uniquement pour ce qui est réellement livré ? On le constate la spirale de la précarisation et de la paupérisation semble sans fin. Pour régler ce problème légalement, disait la gauche, il serait intéressant d’investir socialement. » (2)

La critique marxiste est connue. Face à la crise, le capital s’acharne à accroitre l’exploitation en valeur absolue, c’est-à-dire à accroitre la plus-value absolue (allongement de la journée de travail, accélération des cadences, réduction du salaire à la pièce, etc.), ce qui signifie en moyenne moins d’heures travaillées pour une même quantité de marchandise produite. En augmentant la productivité de la force de travail – le nombre d’heures travaillé demeurant égal par ailleurs, le taux de profit a tendance à chuter, car la même valeur de force de travail est extraite grâce une plus grande quantité de capital. La manière de compenser cette baisse de rentabilité relative consiste à « augmenter la masse des marchandises produites », c’est-à-dire à tirer parti de l’amélioration technologique pour produire et vendre en plus grande quantité – à un prix inférieur – jusqu’à augmenter le profit total en termes absolus (mais non en termes relatifs, ie par unité produite).

Ce serait le secret du développement des capitalistes chinois qui réinvestissent leurs bénéfices dans la production et dans l’amélioration de la productivité ce qui entraine une hausse des salaires et renforce à son tour la demande intérieure. Qu’en est-il de ce modèle en pays émergents ?

Mais la gauche et les économistes ont oublié quelque chose d’important : il ne suffit pas de produire plus de marchandises, encore faut-il vendre ces produits afin de réaliser la plus-value qu’ils renferment. La plus-value doit être réalisée et l’existence même d’un profit sur toute marchandise suppose que la demande est extérieure au travailleur qui a produit cette marchandise, car ces travailleurs n’ont pas le pouvoir d’achat pour absorber cette production excédentaire.

En d’autres termes, s’il n’y a pas de nouveaux marchés à conquérir pour absorber l’augmentation de production, l’amélioration de la productivité provoquera une surproduction et ne fera que créer de nouveaux problèmes pour le capital. C’est pourquoi la mécanisation – la robotisation – et la numérisation de la production sont habituellement implantées au début du cycle d’accumulation capitalistique, lorsque la conjonction du crédit facile – qui crée une demande non solvable – et de l’accès à de nouveaux marchés permet d’écouler une production massive.

L’impérialisme économique et militaire

L’impérialisme peut être défini comme la résultante de l’impossibilité pour le capital national de réaliser toute la plus-value produite sur son marché intérieur où les travailleurs forment la grande majorité des consommateurs et ne peuvent acheter toute la marchandise qu’ils produisent (sinon où serait la plus-value ?). Le capital national réagit alors en se lançant à la conquête de nouveaux marchés (guerre commerciale) et à la fin, une puissance impérialiste peut être conduite à détruire de grandes capacités productives (moyens de production et force de travail) dans une guerre meurtrière.

Prenons l’exemple de la Corée et de Taiwan pays émergents qui se sont beaucoup développés dans les années soixante-dix et quatre-vingt. Pour des raisons géostratégiques de guerre froide contre le bloc soviétique les États-Unis leur ont accordé un libre accès à leur immense marché intérieur. De même pour l’immense Chine (1,3 milliard d’individus) qui a bénéficié de la réduction globale des barrières douanières permettant aux entreprises occidentales de délocaliser leurs usines vers la Chine d’où elles approvisionnent leurs ex-marchés nationaux. C’est ce que les économistes bourgeois appellent la « mondialisation – globalisation » de l’économie impérialiste qui a permis de généraliser ces pratiques commerciales à l’échelle de la planète. Maintenant qu’elle a été placée sous contrôle par le néoprotectionnisme américain, la machine productive chinoise trouve difficile de maintenir des taux de croissance à deux chiffres.

La valorisation du capital par la production de plus-value relative (amélioration des procédés de fabrication) ne fonctionne que lorsqu’il existe de nouveaux marchés pour assurer la demande. C’est pourquoi la menace protectionniste américaine et européenne remet en question la croissance chinoise et c’est pour cette raison que, dans une perspective historique, le mode de production capitaliste industriel-urbanisé et financiarisé a quitté sa phase ascendante, caractérisée par la croissance constante des forces productives, des moyens de production et de la production, lorsque les marchés émergents sont devenus insuffisants.

Car, si l’investissement est bien, à terme, la clé de la croissance, comment peut-on espérer que cet investissement se développe quand la consommation demeure bridée ? On le voit, la question de la répartition des revenus est centrale pour maintenir la dynamique économique d’un pays. Espérer qu’en favorisant les plus riches on relance l’investissement ignore cette vérité vieille comme l’économie qu’il n’y a d’investissement que si les entreprises anticipent une hausse de la consommation. (3)

L’ogre étatique, ce super consommateur surendetté est au bout de sa laisse et ne peut envisager d’accroitre sa consommation alors que sa consommation représente déjà plus de la moitié du PIB national. Voyons le cas de la France :

« L’État français obèse et spoliateur employait 5.666.000 fonctionnaires au 31 décembre 2017, soit une hausse de 47 % depuis 1980, alors que la croissance de la population n’a été que de 24 %. Les dépenses publiques atteignent le chiffre démentiel de 57 % du PIB. La France représente 1 % de la population mondiale, 3% de la production mondiale, mais, à elle seule, 15 % des aides sociales de la planète » (4)

Ce capitalisme, celui de l’impérialisme et du déclin économique ne pourra être sauvegardé très longtemps, et on peut s’attendre que tout naturellement – sans qu’il soit question de psychopathes assoiffés du sang prolétarien – ce monde désespéré s’engage dans la destruction massive – équivalente à celle de la dernière guerre mondiale impérialiste – afin d’éliminer le trop plein de capital fixe. Comprenez bien, cette guerre mondiale en préparation ne sera pas le résultat d’un complot ourdi par des banquiers malfaisants, mais le fruit des lois incontournables du mode de production capitaliste. Inutile de chercher à changer d’attelage gouvernemental au milieu du gué… c’est le système en entier qu’il faut éradiquer. Et les "néolibéraux" que disent-ils ?

« Les libéraux d’aujourd’hui ne sont pas les champions du libre-échange et du capital ascendant qu’ils étaient au XIXe siècle. Ce sont les représentants, affublés de la rhétorique du XIXe siècle, des intérêts monopolistiques les plus réactionnaires au sein du capitalisme d’État dominant. Sa mission va toujours et sans ambigüité dans le sens de l’attaque directe contre les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière. »

« Que disent les libéraux (de gauche comme de droite) à propos de tout ceci ? Ils font leurs calculs et arrivent à la conclusion que fixer un salaire minimum proche du seuil de pauvreté ne peut que… créer davantage de pauvreté, de chômage. En outre, confirmant que, comme nous l’avions prévu, l’augmentation du salaire minimum augmentera le nombre de travailleurs ayant des salaires plus bas, la Banque d’Espagne estime que la hausse de 22% du SMI ne fera que faire augmenter le salaire moyen de 0,8%. » (5)

La mécanique capitaliste à but lucratif est tellement cassée, tellement dysfonctionnelle et sans empathie pour la société et pour l’humanité, que le fameux « équilibre » qui permettait la reproduction du capital en mouvement ne peut plus valoriser suffisamment le capital pour rémunérer la dépense supplémentaire en force de travail. En payant en dessous de ce qu’il en coute pour assurer la reproduction de la force de travail – dans le cas de plus en plus répandu des travailleurs pauvres – le capital met sa survie en danger. En d’autres termes, la survie d’une « économie nationale viable » passe par la paupérisation du prolétariat et cela ne changera pas.

Conclusion

Quelle conclusion tirer de tout cela ? Qu’il n’y ait pas d’illusions sur les correctifs et les réformes. Il n’y a aucun moyen de « redémarrer » le capitalisme sans passer par une guerre impérialiste. Il est temps de se lever et d’imposer nos besoins prolétariens sans se préoccuper des avantages du capital. Nous ne pouvons pas attendre que le capital « soit profitable » comme disent les syndicats. Nous devons nous battre pour des réductions du temps de travail et pour des augmentations de salaire pour tous et pour l’embauche de tous les chômeurs. Si le capital ne peut le réaliser, cela signifie que le capitalisme est devenu inacceptable pour la société en général.

NOTES

1. https://nuevocurso.org/por-que-no-f… 2. https://nuevocurso.org/por-que-no-f… 3. http://www.les7duquebec.com/actuali… 4. https://fr.sputniknews.com/points_d… 5. https://nuevocurso.org/por-que-no-f…

À lire : "La démocratie aux États-Unis. Les mascarades électorales".

1 Message

  • Salut Robert,

    « Récemment, les Gilets jaunes français ont récupéré ce cheval de Troie des mains de l’intelligentsia occidentale. » Pas du tout, les gens crèvent de faim. C’est tout ! alors ils ont besoin de plus d’argent.

    « En augmentant la productivité de la force de travail – le nombre d’heures travaillé demeurant égal par ailleurs, le taux de profit a tendance à chuter, car la même valeur de force de travail est extraite grâce une plus grande quantité de capital. » Ce serait vrai si on n’était pas dans la société de l’arnaque ;

    http://mai68.org/spip/spip.php?arti…

    « ces travailleurs n’ont pas le pouvoir d’achat pour absorber cette production excédentaire. » C’est pourquoi Ford avait augmenté nettement ses salariés et produisait avec la Ford T une voiture que ses salariés pouvaient se payer.

    Il est temps de se lever et d’imposer nos besoins prolétariens sans se préoccuper des avantages du capital. » Là, j’approuve tout à fait. C’est ce que font les Gilets Jaunes depuis le 17 novembre 2018.

    Bien à toi,
    do
    http://mai68.org

    Répondre à ce message

Répondre à cet article

SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0