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E ou A, une seule lettre peut-elle changer le cours de l’histoire ?

lundi 29 mai 2017, par Luniterre

E ou A, une seule lettre

peut-elle changer le cours de l’histoire ?

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"Elaeudanla…

Sur ma remington portative

J’ai écrit ton nom Laetitia

Elaeudanla Teïtéïa "

E ou A, une seule lettre peut-elle changer le cours de l’histoire ?

Dans sa chansonnette de 1963, E et/ou A, la fusion des deux lettres n’était sans doute déjà plus le problème du poète à la dérive…

LE ou LA, il n’y a aussi qu’une lettre qui change, mais au delà du genre, il y a une infinité de sens aux quels ce qui est un simple article peut renvoyer s’il devient pronom dans la phrase suivante, et si ce qu’il désigne n’y est pas immédiatement contigu.

Tout dépend du contexte…

S’il s’agit de préciser le sens de la relation entre divers éléments d’une phrase précédente, LE ou LA ne renverra donc pas au même élément…

Au point, possiblement, d’inverser carrément les termes de la relation, selon qu’on utilisera l’un ou l’autre…

Au point d’en inverser également, et radicalement, le sens…

Au point de changer le cours de l’Histoire…?

Les joutes scolastiques, théologiques ou philosophiques, n’ont jamais été directement les motifs des grands conflits qui ont secoué le monde, au cours des siècles, mais les conceptions du monde qu’elles sous-tendaient, oui, à travers les grands enjeux économiques et sociaux qu’elles impliquaient.

Divers historiens ont tenté de voir un lien, par exemple, entre l’extension de la réforme protestante et la naissance du capitalisme moderne.

Et jusqu’au milieu des années 80 l’idée qu’une autre conception du monde puisse impliquer une transformation historique radicale ne paraissait pas forcément incongrue, ni encore moins, nécessairement négative.

Aujourd’hui, ce ne sont plus que des conceptions religieuses obscurantistes qui paraissent être en mesure de troubler le nouvel ordre mondial établi.

Néanmoins, ordre établi ne signifie pas pour autant ordre accepté, et la crise politique actuelle en témoigne, n’opérant plus de changements que superficiels et purement cosmétiques, et par une suite de défiances successives, de "déceptions", sentiments uniquement négatifs, par rapport aux pouvoirs successivement en place.

En profondeur, cette attitude de rejet populaire s’est enracinée depuis la crise de 2007-2008, et le capitalisme universel n’apparait plus que comme une "solution par défaut", mais aucunement comme une solution réelle à tous les problèmes révélés par cette crise. La prétendue "fin de l’histoire" s’avère bien être une impasse, et le fait de la remettre en cause retrouve naturellement une certaine légitimité.

Il y a peu de temps encore, on n’aurait pas imaginé une "saillie" publique telle que celle adressée par Mélenchon à l’ancien ministre de l’intérieur "socialiste", le traitant de "Bedeau du Capital" !

Et même si l’on ne s’illusionne guère sur les prétentions "révolutionnaires" des uns et des autres, le fait que le Capital, en la personne d’un de ses représentant habituels, puisse aujourd’hui être considéré comme objet d’opprobre publique, voilà qui révèle à nouveau le champ du possible en matière d’alternative anticapitaliste.

Pourtant, si ce champ semble se rouvrir, la perspective qu’il nous offre reste vague et même vide, tout à fait indéterminée, en fait. C’est ce qui a permis au système de faire retomber la vague nouvelle soulevée par sa Loi El Khomri, et aujourd’hui, lui permet d’en avancer une autre, tout aussi scélérate, sinon pire.

La genèse éventuelle d’un monde nouveau, au début du 21e siècle, n’en est pas même à ses premiers balbutiements.

Et si le champ du possible, en matière d’alternative, s’est refermé à la fin du 20e siècle, c’est bien parce qu’il était en friche, et que les restes apparents de ce qui se nommait encore socialisme n’étaient plus que des plantes desséchées, dans lesquelles toute la sève du débat semblait avoir été épuisée.

Et si elles se sont révélées telles, encore sur pieds mais stériles et creuses, incapables de produire les fruits espérés pour leur succession, c’est bien aussi qu’au temps de leur croissance et de leur épanouissement, ce débat n’avait pas non plus été clairement tranché.

A cause de ses racines multiséculaires le Capital a sans doute une faculté d’évolution et d’adaptation beaucoup plus grande que ne pouvait en avoir le Socialisme, mais au delà de ses racines, précisément, ses fondamentaux sont restés les mêmes. C’est ce que montre aussi bien le renouvellement incessant de ses crises que leur approfondissement et l’inefficacité, tout aussi chronique, des "solutions" qu’il prétend s’appliquer à lui-même.

Dès lors, il n’est pas inutile de reconstituer et reconsidérer l’histoire des solutions que le Socialisme a tenté de lui opposer et de chercher à analyser où se trouvait le défaut de la cuirasse de cet assaillant courageux et pas forcément vain dans sa lutte.

C’est l’un des axes de recherche que nous avons suivi, depuis quelques années, sur le blog Tribune Marxiste-Léniniste.

C’est ainsi que récemment nous avons été amenés à rechercher pour republication, en traduction anglaise

https://libcom.org/files/%5BPreobrazhensky,_Evgeny_Alekseevich%5D_The_New_Econo(BookZZ.org).pdf

et dans sa langure russe originale,

https://tribunemlreypa.files.wordpress.com/2017/05/preobrazhenskiy_e_a_-_novaya_ekonomika_-_2008__.pdf

l’ouvrage d’un économiste soviétique du temps de la NEP, Новая Экономика, "La Nouvelle Économique", par Evgueni Preobrajensky, malheureusement inaccessible, en français, sur le net, et bizarrement, en quelque langue que ce soit, sur "marxists.org", qui se présente pourtant comme la référence mondiale sur ces sujets…

Mais pour faire bonne mesure, il était néanmoins logique de mettre également en lien, à la suite, la réponse, directe à l’époque, à ce texte, par Nicolaï Boukharine, disponible, elle, en français, sur ce même site…

https://www.marxists.org/francais/boukharine/works/1926/07/remarques.htm

Et, comme on va le voir, il n’était pas vain, non plus, de se mettre en quête de la version originale de cette réponse, en russe, également, évidemment…

http://marxist-texts.narod.ru/olderfiles/9/bukharin_zakonomernosti_perehodnog-76353.html

Même si, pour le profane, et même pour le marxiste moderne, cette polémique présente précisément de nombreux aspects purement scolastiques et plus fastidieux que véritablement utiles, elle n’en touche pas moins, en certains passages essentiels et remarquables, aux questions fondamentales que pose le principe même de toute transition possible d’un système économique capitaliste à un autre, radicalement différent.

Et c’est ainsi que nous y retrouvons les termes essentiels du débat moderne, toujours en cours, sur la zone d’extension possible du domaine de la loi de la valeur dans une économie de transition.

La loi de la valeur doit elle et peut elle s’arrêter à la porte du Socialisme, ou bien continue-t-elle d’y exercer son influence, et dans quelle mesure, et sous quelle forme ?

La loi de la valeur est elle uniquement le reflet des rapports de production capitalistes modernes, ou bien est elle trans-historique, se manifestant de différentes manières, en fonction des différents régimes économiques et sociaux ?

Si l’on considère qu’elle est à la fois l’un des aboutissements les plus achevés de l’économie classique et de la pensée marxiste, la question n’est donc pas forcément de pure scolastique. Pour autant, ce qu’en a pensé Marx lui-même reste, aujourd’hui comme hier, sujet à polémiques. Mais en définitive, au delà de l’argument d’autorité que Marx représente encore, éventuellement, le fond de la question se trouve bien uniquement sur le terrain…

En somme, au delà des éléments de controverses historiques et dans certains cas, purement scripturaires, faire le choix de l’une ou l’autre lecture de l’œuvre de Marx, c’est bien un choix de conception du monde…

"Elaeudanla…" nous chante et nous serine encore le poète déjanté…

Pourtant, démêler le E du A, le LE du LA, il nous faudra donc choisir…

Démonstration…

Pour appuyer la sienne, en réponse à Preobrajensky, Boukharine tente à plusieurs reprises l’argument d’autorité scripturaire, en citant Marx de façon plus ou moins appropriée, comme on va le voir…

Mais comment résumer le fond de leur débat ?

Le mieux est de le remettre rapidement en situation, en 1926…

C’est à dire au moment où la NEP, "Nouvelle politique économique", mise en place depuis 1921, après avoir donné le meilleur de ses fruits, commence à dégénérer et à montrer des signes de crise, tout à fait caractéristiques de la renaissance, même si partielle, du cycle d’accumulation capitaliste.

Il faut donc rappeler que la plus grande part des ressources économiques du pays se trouvaient encore, en 1926, dans la petite paysannerie, nouvellement indépendante, pour l’essentiel, et même si travaillant de façon indépendante des terres récemment nationalisées.

Mais avec la NEP les inégalités recommençaient à se creuser et la classe des koulaks, cultivant le plus souvent des terres déjà accaparées avant Octobre, tendaient à reformer une nouvelle aristocratie rurale.

Parallèlement, dans les villes, l’industrie n’avait pas encore pris son plein essor et les zones urbaines se trouvaient dépendantes de l’approvisionnement en provenance de la paysannerie, et notamment, des koulaks.

La question de l’équilibre des échanges économiques et des transferts de richesses entre les différents modes de production en présence était donc devenue cruciale pour la survie de l’URSS. Ce n’était donc plus du tout une question purement académique, contrairement à ce que le style parfois fort byzantin des uns ou des autres protagonistes du débat pourrait laisser supposer.

A noter que, fort peu byzantin dans son style, Lénine avait, quant à lui, déjà posé, dès 1918, les bases de cette problématique qui allait devenir, trois ans plus tard, celle de la NEP, dans un article assez peu connu, mais qui constitue pourtant la référence la plus basique en matière de "Capitalisme d’État" en URSS, notion que les uns et les autres, tant "gauchistes" qu’opportunistes de droite, se sont ingéniés à embrouiller par la suite, et jusqu’à nos jours !!

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"Parmi les gens qui se sont intéressés à l’économie de la Russie, personne, semble t il, n’a nié le caractère transitoire de cette économie. Aucun communiste non plus n’a nié, semble t il, que l’expression de République socialiste des Soviets traduit la volonté du pouvoir des Soviets d’assurer la transition au socialisme, mais n’entend nullement signifier que le nouvel ordre économique soit socialiste.

Mais que veut dire le mot transition ? Ne signifie t il pas, appliqué à l’économie, qu’il y a dans le régime en question des éléments, des fragments, des parcelles, à la fois de capitalisme et de socialisme ? Tout le monde en conviendra. Mais ceux qui en conviennent ne se demandent pas toujours quels sont précisément les éléments qui relèvent, de différents types économiques et sociaux qui coexistent en Russie. Or, là est toute la question.

Enumérons ces éléments :

1__l’économie patriarcale, c’est à dire, en grande mesure, l’économie naturelle, paysanne ;

2__la petite production marchande (cette rubrique comprend la plupart des paysans qui vendent du blé) ;

3__le capitalisme privé ;

4__le capitalisme d’Etat ;

5__le socialisme.

La Russie est si grande et d’une telle diversité que toutes ces formes économiques et sociales s’y enchevêtrent étroitement. Et c’est ce qu’il y a de particulier dans no­tre situation.

Quels sont donc les types qui prédominent ? Il est évident que, dans un pays de petits paysans, c’est l’élément petit bourgeois qui domine et ne peut manquer de dominer ; la majorité, l’immense majorité des agriculteurs sont de petits producteurs. L’enveloppe du capitalisme d’Etat (monopole du blé, contrôle exercé sur les propriétaires d’usines et des commerçants, coopératives bourgeoises) est déchirée çà et là par les spéculateurs., le blé étant l’objet principal de la spéculation.

C’est dans ce domaine précisément que se déroule la lutte principale. Quels sont les adversaires qui s’affrontent dans cette lutte, si nous parlons par catégories économiques, comme le « capitalisme d’Etat » ? Sont ce le quatrième et le cinquième élément de ceux que je viens d’énumérer ? Non, bien sûr. Ce n’est pas le capitalisme d’Etat qui est ici aux prises avec le socialisme, mais la petite bourgeoisie et le capitalisme privé qui luttent, au coude à coude, à la fois contre le capitalisme d’Etat et contre le socialisme. "

Lénine,

Sur l’infantilisme "de gauche" et les idées petites-bourgeoises

https://tribunemlreypa.files.wordpress.com/2014/01/1918_lc3a9nine_sur-linfantilisme-de-gauche_.pdf

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Pour Preobrajensky la problématique consistait à transférer du capital formé par l’essor de la paysannerie indépendante en capital utilisable par l’industrie socialiste, pour lui permettre un décollage dont elle n’aurait pas eu, autrement et selon lui, la possibilité par elle même. C’est ce qu’il appelait "accumulation socialiste primitive", par analogie avec l’accumulation primitive du capital, dans les siècles qui ont précédé l’ère industrielle.

Mais ce raisonnement, effectivement de type analogique, pouvait à bon droit être vu comme simpliste et dogmatique, en dépit de son aspect à priori pragmatique.

Preobrajensky prétendait carrément que son principe d’"accumulation socialiste primitive" était en fait une loi économique objective de la période de transition, une loi qui rentrait en conflit avec la loi de la valeur, qui, elle, selon lui, ne concernait plus que le secteur privé.

Il pensait qu’elle se trouvait déjà abolie, de fait, dans le secteur économique étatique. Et cela également par analogie, ce qui est particulier à cet économiste, avec l’idée que le monopole capitaliste, même en économie capitaliste donc, avait pratiquement déjà aboli cette loi…!

Mais comme on va le voir, et c’est précisément notre sujet, quant au fond, les conceptions économiques de Boukharine n’en étaient pas moins étranges, bien que pourvues d’un intérêt relatif plus important et mieux étayé, théoriquement, que celles de Préobrajensky.

En effet, par un autre biais, plus subtil, Boukharine tente également d’escamoter le fait que la loi de la valeur puisse s’appliquer à la période de transition, dans l’économie socialiste. Il prétend avoir trouvé chez Marx lui-même une "loi de la dépense du travail", qui serait, en quelque sorte, plus fondamentale que la loi de la valeur elle même, et s’appliquerait donc de manière trans-historique, c’est à dire y compris à la période de transition.

Le tour de passe-passe est opéré, dans son cas, et c’est donc un tour de "force", en réalité, à partir d’une célèbre "lettre à Kugelmann" du 11/07/1868,

https://www.marxists.org/francais/marx/works/1868/07/km18680711.htm

où Marx explique précisément en quoi la loi de la valeur est trans-historique et ne varie, concrètement, que par les formes selon lesquelles elle se manifeste selon les situations historiques différentes.

Étant bien évidemment compris que cet aspect trans-historique est lié à la valeur par sa manifestation à travers les différents types d’échange, selon les périodes historiques, et que la valeur et son aspect trans-historique sont appelés à disparaitre ensemble dans la phase supérieure du communisme…

En somme, Boukharine rebaptise "loi de la dépense travail" la forme que prend la loi de la valeur sous le socialisme, pour tenter paradoxalement de limiter la signification et la portée générale de la loi de la valeur à la seule forme qu’elle prend sous le capitalisme !

Le paradoxe est donc que bien des aspects de la "transformation" qu’il fait subir à sa "loi de la dépense du travail" pour l’"extraire" du cadre de la loi de la valeur, auraient pu être réellement utiles pour comprendre comment la loi de la valeur peut être maitrisée, autour de la notion de valeur-travail, pour la réalisation des objectifs de la planification socialiste.

Malheureusement, par ce procédé scolastique qui est le sien, et en réponse aux procédés également scolastiques utilisés par Préobrajensky dans ce débat, il a, en pratique renoncé à rendre sa démarche opérationnelle, au delà de la polémique.

Et c’est précisément dans le même esprit de manipulation scolastique qu’il tente d’utiliser une autre citation de Marx, qui est en fait une note de bas de page, dans le Livre I du Capital, note dont il n’utilise qu’une partie, tout comme le passage de la "lettre à Kugelmann", du reste, soigneusement séparé de son contexte.

Alors que cette note de bas de page, mais assez importante, à tous points de vue, constitue, elle aussi, quasiment un texte assez complet par elle même, une sorte de commentaire pratiquement indépendant du corps du texte, en fin de compte. Indépendant à tel point, du reste, que selon les éditions du Capital, elle peut se trouver indifféremment rattachée à une partie ou l’autre, voyageant entre Capital I, 1-3 et I, 1-4…

Mais outre cette particularité déjà assez étrange, cette note de bas de page est aussi, et indépendamment de sa place dans l’ouvrage de Marx, l’objet de variantes de traduction qui ne sont manifestement pas, quant à elles, purement fortuites…

"LE" ou "LA", nous y voilà…!

Enfin…, penseront la plupart des lecteurs, mais pour bien comprendre le sens de la nuance, et voir qu’il s’agit bien du sens fondamental du propos de Marx et non pas de pure scolastique, il était donc nécessaire de resituer l’emploi que Boukharine fait de cette citation dans son contexte historique.

Il se trouve que la version française la plus courante de cette "note de bas de page", indépendamment de sa situation dans l’œuvre de Marx, et seulement située "Tome premier", sans plus de précision, dans le texte de Boukharine, colle étonnamment avec son propos polémique, à tel point qu’on aurait pu s’interroger sur l’origine réelle de ce texte…

En effet, si l’on se rapporte à la version russe couramment disponible sur le net, la signification de cette "note de bas de page" est tout autre, et carrément inverse, sur ce point essentiel, à savoir que c’est le mode de production bourgeois qui NE PEUT aucunement être tenu pour la forme "éternelle", c’est à dire trans-historique, de la loi de la valeur.

Alors que dans la version française, c’est précisément la "forme valeur" elle même qui perd absolument tout caractère trans-historique, n’étant plus reliée qu’au mode de production bourgeois lui même ! Ce qui implique ipso-facto que la loi de la valeur elle même ne vaut que pour ce mode de production, ce qui est précisément, sur ce sujet, le propos de Boukharine…

C’est donc pourquoi nous nous sommes donc mis en quête de l’original russe du texte de Boukharine…

Effectivement, le fragment de la "note de bas de page", tel que cité en russe dans le texte de Boukharine, non seulement conserve cette idée "française" mais constitue une variante de traduction encore plus délibérément orientée dans ce sens, si possible !

Mais néanmoins, étrangement, cette "citation" est assortie, dans la présentation actuelle du texte de Boukharine, d’une autre note, encore plus longue, et visant en quelque sorte à "garantir l’authenticité" de cette "traduction"… Une version qu’on ne trouve, en réalité, nulle part ailleurs… La démarche la plus logique consistait donc à se référer au texte original allemand, et c’est ce que nous avons fait…

Et en fin de compte,

c’est évidemment là que se trouve la clef du mystère…

"Die Wertform des Arbeitsprodukts ist die abstrakteste, aber auch allgemeinste Form der bürgerlichen Produktionsweise, die hierdurch als eine besondere Art gesellschaftlicher Produktion und damit zugleich historisch charakterisiert wird."

Il se trouve que en allemand Wertform, "forme valeur", et Produktionsweise, "mode de production", sont tous les deux des substantifs féminins…!!

En allemand, ce n’est donc pas LE ou LA, mais réellement… LA ou LA !

De sorte qu’il nous reste toujours à déterminer à quoi se rapporte le pronom "sie", LA, dans la phrase suivante dans le texte de Marx…,

"Versieht man sie daher für die ewige Naturform gesellschaftlicher Produktion, so übersieht man notwendig auch das Spezifische der Wertform, also der Warenform, weiter entwickelt der Geldform, Kapitalform usw. "

La traduction russe actuelle, tout comme la traduction anglaise sur "marxists.org", du reste, a carrément remplacé la traduction éventuellement ambiguë de "sie" par "mode de production", en toutes lettres…

"If then we treat this mode of production as one eternally fixed by Nature for every state of society, we necessarily overlook that which is the differentia specifica of the value form, and consequently of the commodity form, and of its further developments, money form, capital form, &c."

https://www.marxists.org/archive/marx/works/1867-c1/ch01.htm#33b

En russe, on a même l’expression totale, "mode de production bourgeois"… :

"Если же рассматривать буржуазный способ производства как вечную естественную форму общественного производства, то неизбежно останутся незамеченными и специфические особенности формы стоимости, следовательно особенности формы товара, а в дальнейшем развитии — формы денег, формы капитала и т. д."

http://www.esperanto.mv.ru/Marksismo/Kapital1/kapital1-01.html#c1.3.a.4

En français, si l’on se rapporte à la traduction la plus ancienne que l’on connaisse de ce texte :

https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Marx_-_Le_Capital,_Lach%C3%A2tre,_1872.djvu/27

on constate simplement, en définitive, qu’il suffit de remplacer LA par LE pour obtenir exactement l’autre sens, celui qui signifie précisément la spécificité historique de la forme valeur actuelle du capitalisme, et le caractère trans-historique général de la loi de la valeur…!!!

"La forme valeur du produit du travail est la forme la plus abstraite et la plus générale du mode de production actuel, qui acquiert par cela même un caractère historique, celui d’un mode particulier de production sociale. Si on commet l’erreur de LE prendre pour la forme naturelle, éternelle, de toute production dans toute société, on perd nécessairement de vue le côté spécifique de la forme valeur, puis de la forme marchandise, et à un degré plus développé, de la forme argent, forme capital, etc."

CQFD…!!!

Comme on peut le voir, il s’agit là d’un problème de cohérence et de compréhension générale de l’œuvre de Marx. Si l’on veut bien se livrer à une lecture du Capital dépourvue de tout préjugé idéologique dogmatique, il parait tout simplement naturel de chercher le sens le plus basique qui permette de conserver un lien signifiant entre tous ces textes, et même un lien qui les éclaire réciproquement, dans leur cohérence, à commencer par le tout premier chapitre sur la notion de valeur, où se trouve cette note, du reste, même si sa place réelle est incertaine entre deux parties de ce chapitre.

Cette cohérence sur la question fondamentale de la valeur-travail se retrouve magistralement reformulée, dans la perspective d’une économie de transition, dans la célèbre Critique du Programme de Gotha,

MARX, MARXISME, Critique du Programme de Gotha, Glose marginale 1, les fondamentaux économiques de la transition socialiste prolétarienne !!!

et la lettre à Kugelmann de 1868 semble être en quelque sorte presque un lien entre ces textes…

Et pour une compréhension de ces idées telles qu’elles sont cohérentes avec le monde de notre temps :

2017, Pour sortir de l’impasse… La Révolution du retour au réel !

Luniterre

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PS : Mais on ne saurait mieux conclure cet article qu’en republiant la version complète de cette fameuse "note de bas de page", telle que nous la connaissons dans sa version française la plus ancienne, avec seulement cette petite correction, particulièrement signifiante…

"L’économie politique classique n’a jamais réussi à déduire de son analyse de la marchandise, et spécialement de la valeur de cette marchandise, la forme sous laquelle elle devient valeur d’échange, et c’est là un de ses vices principaux. Ce sont précisément ses meilleurs représentants, tels qu’Adam Smith et Ricardo, qui traitent la forme valeur comme quelque chose d’indifférent ou n’ayant aucun rapport intime avec la nature de la marchandise elle-même. Ce n’est pas seulement parce que la valeur comme quantité absorbe leur attention. La raison en est plus profonde. La forme valeur du produit du travail est la forme la plus abstraite et la plus générale du mode de production actuel, qui acquiert par cela même un caractère historique, celui d’un mode particulier de production sociale. Si on commet l’erreur de le prendre pour la forme naturelle, éternelle, de toute production dans toute société, on perd nécessairement de vue le côté spécifique de la forme valeur, puis de la forme marchandise, et à un degré plus développé, de la forme argent, forme capital, etc. C’est ce qui explique pourquoi on trouve chez des économistes complètement d’accord entre eux sur la mesure de la quantité de valeur par la durée de travail les idées les plus diverses et les plus contradictoires sur l’argent, c’est-à-dire sur la forme fixe de l’équivalent général. On remarque cela surtout dès qu’il s’agit de questions telles que celle des banques par exemple ; c’est alors à n’en plus finir avec les définitions de la monnaie et les lieux communs constamment débités à ce propos. — Je fais remarquer une fois pour toutes que j’entends par économie politique classique toute économie qui, à partir de William Petty, cherche à pénétrer l’ensemble réel et intime des rapports de production dans la société bourgeoise, par opposition à l’économie vulgaire qui se contente des apparences, rumine sans cesse pour son propre besoin et pour la vulgarisation des plus grossiers phénomènes les matériaux déjà élaborés par ses prédécesseurs, et se borne à ériger pédantesquement en système et à proclamer comme vérités éternelles les illusions dont le bourgeois aime à peupler son monde à lui, le meilleur des mondes possibles."

Karl Marx

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*********** Source de l’article :

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2017/05/29/e-ou-a-une-seule-lettre-peut-elle-changer-le-cours-de-lhistoire/

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1 Message

  • Le problème de ce genre d’analyse est double.

    D’une part elles réduisent l’homme à son seul rôle de producteur-consommateur, ce qui implique qu’elle ne l’affranchisse ni de l’aliénation causée par le travail obligatoire, ni de celle causée par le mythe du progrès et son cri de guerre suprématiste "On n’arrête pas le progrès".

    En fait en voulant mettre au travail obligatoire les actionnaires et les propriétaires, une telle analyse ne fait que tendre notre mode de vie, la civilisation industrielle de consommation, vers plus d’efficacité. Elle participe donc au problème au lieu de le résoudre.

    D’autre part, Marx avait l’honnêteté intellectuelle de reconnaître que son oeuvre manquait de cohérence. Et pour preuve, dans "La question juive" il arrive à la conclusion qu’il faut se débarrasser de l’argent et dans le reste de son oeuvre, il limite son analyse à une simple question économique de répartition. Il n’a pas été capable de voir que se débarrasser de l’argent n’implique pas de se débarrasser du seul capitalisme mais de se débarrasser des 3 piliers de notre concept de civilisation que sont le progrès, l’argent et le travail obligatoire (le capitalisme n’y survivrait pas).

    Marx était progressiste et productiviste. Ainsi il se tire un obus dans le pied et se condamne à échouer. La civilisation a toujours procédé de la même manière, elle commence par construire une route. Celle-ci amène toutes les nuisances de la civilisation (comme aujourd’hui en Amazonie ou au Niger où, pour chaque kilomètre de route construites par l’état, entre 3 à 5 km de routes sauvages sont construites en toute illégalité par des brigands). Ensuite pour construire la route il faut de l’argent et toutes ses inégalités. Enfin pour construire la route il faut des robots (Saint-Exupéry - Lettre au général X) qui se tuent au travail pour gagner une vie qu’ils ont déjà (Coluche - Sois fainéant).

    Ces 3 mythes - progrès, argent et travail obligatoire - sont indissociables de notre mode de vie - la civilisation, aujourd’hui industrielle de consommation. Il est donc illusoire de croire qu’il pourrait être possible de se débarrasser seulement de l’un des trois. Et même si nous y arriverions, comme le montre l’histoire la civilisation ne ferait que tendre vers plus d’efficacité et renaître des ces cendres encore pire qu’avant.

    Ce que rendent possible ces 3 mythes est écrit en page 2 de la bible quand dieu donne son ordre de mission à l’homme : "Tu domineras la terre et toutes ses créatures". Nous voyons aujourd’hui où une telle idéologie suprématiste, idéologie suprématiste à la base de notre concept de civilisation, nous mène : à la destruction du vivant sur notre seule source de vie, la Terre. Nous n’avons donc plus le choix ni le temps de tergiverser. Nous devons régler ce problème une fois pour toutes ce qui implique de nous débarrasser de notre concept suprématiste de civilisation expansionniste pour le remplacer par un modèle qui pose que nous devons respecter la Terre et toutes ses créatures.

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