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« La Chine est-elle capitaliste ? » – Vers une prolongation au débat du CUEM – Sorbonne ?

mardi 25 juin 2019, par Luniterre

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Capitalisme d’État, Capitalisme monopoliste d’État, Secteur économique socialiste, des notions qu’il est nécessaire de bien cerner et distinguer, si l’on veut savoir de quoi on parle, et ne pas sombrer dans le confusionnisme.

Surtout au sujet de la Chine, donc, où les zélateurs de l’ « économie de marché socialiste » n’ont pas peur des oxymores et en font même le fond de leur propagande, plus ou moins stipendiée, selon les cas.

Adossés à la puissance montante, désormais premier challenger de l’impérialisme US, et compte tenu des moyens dont ils disposent, ils ont nécessairement de plus en plus de relais et de « filiales » politiques en France…

Et tout aussi inévitablement, dans les cercles universitaires, où les racines de cette influence remontent à la période du nationalisme bureaucratique « maoïste », à l’époque déguisé en nouvelle forme de gauchisme « spontanéiste »…

Un bref rappel de ces notions, donc…

Le capitalisme d’État, c’est l’intervention de l’État dans l’économie capitaliste, notamment en tant qu’actionnaire, majoritaire ou non, dans le capital de sociétés privées, ou dans la détention de l’intégralité des parts d’une société.

Le capitalisme monopoliste d’État, c’est, au contraire, l’emprise du capitalisme financier sur l’État, directement ou indirectement. Il se définit comme un stade de l’évolution du capitalisme, et non comme tel ou tel aspect formel. Le rapport entre la masse de capitalisation boursière dans un pays donné et le budget de l’État peut néanmoins être une indication de rapport de force entre bourgeoisie industrielle et commerciale « nationale » et bourgeoisie monopoliste proprement dite, intervenant financièrement, directement ou non, mais de manière significative, dans les flux de capitaux internationaux dits désormais « mondialisés ».

Dans les grandes métropoles européennes telles que la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, etc…, il est clair que c’est cette classe sociale qui est dominante et que la bourgeoisie nationale, en tant que classe sociale susceptible de peser politiquement, a totalement disparu, dès les premières décennies d’après guerre.

Dans ces conditions, le capitalisme d’État lui-même n’est qu’une des manifestations de l’influence et même de l’emprise directe du capital financier sur l’État, même s’il se donne opportunément l’apparence d’un « contrepoids ».

Le capitalisme d’État n’est en rien, par lui-même, un facteur de « socialisme », en dehors d’un rapport de force dans la lutte des classes qui aboutisse à changer la nature de classe de l’État, en le détruisant et en le remplaçant par l’État de dictature du prolétariat.

Sous la pression d’un État de dictature du prolétariat il est par contre possible que le capitalisme d’État joue provisoirement un rôle progressiste dans une économie de transition.

Néanmoins, pour que cela ait un sens, pour que l’on puisse réellement parler d’économie de transition, et même de dictature du prolétariat, il est évidemment nécessaire qu’une rupture soit amorcée avec le capitalisme et que commence à se constituer un secteur économique socialiste à proprement parler, et qui soit donc différent du secteur capitaliste d’État, qui n’est réellement utile que pour aider le secteur socialiste à se développer et non pour s’y substituer, ce qui serait vider le socialisme de tout contenu de classe réel.

C’est ce que Lénine a expliqué à de multiples reprises, et notamment dans son texte de Mai 1918 (*), fondateur de la notion de capitalisme d’État, considérée du point de vue du prolétariat. Bien entendu, à ce stade de développement de l’Union Soviétique, encore à naître en tant qu’URSS, ce ne sont pas les deux seuls secteurs économiques en jeu, que Lénine identifie au nombre de cinq, mais ce sont ceux qui sont appelés à jouer le rôle essentiel dans cette phase de transition.

Ce sont donc là déjà les principes économiques qui seront à l’œuvre avec la NEP, à partir de 1921. Ce sont ceux que Lénine défendra donc durant les dernières années de sa vie, qui sont aussi les premières de la NEP. Ils ne varieront guère au cours de cette période, en dehors de leurs modalités pratiques. Ce qui est constant, dans l’expression de Lénine, c’est bien la domination de l’État prolétarien, État de dictature du prolétariat, mais aussi la délimitation claire entre secteur socialiste et secteur capitaliste d’État.

Le secteur socialiste est un secteur de propriété collective des moyens de productions, et non un consortium de sociétés par actions, fussent-elles intégralement détenues par l’État. Un tel secteur économique reste du ressort du capitalisme d’État, et non pas du socialisme, comme on l’a vu.

Au cours du débat du CUEM entre MM. Gruselle et Herrera la question de la nature sociale de l’État chinois a donc été considérée à l’aune de critères qui peuvent eux-mêmes être réévalués à la lumière des fondamentaux du ML.

En effet, les deux participants actifs du débat sont eux-mêmes tombés d’accord sur un point essentiel : la classe ouvrière n’est pas au pouvoir en Chine, pas davantage que la paysannerie, du reste.

Les élites du PCC sont aussi les élites du capitalisme chinois, la masse militante est essentiellement dans la classe moyenne montante, nouvellement enrichie.

Malgré la terminologie officielle, il est donc tout à fait impossible de parler d’un « État socialiste de dictature démocratique populaire, dirigé par la classe ouvrière et basé sur l’alliance des ouvriers et des paysans »

Il n’y a donc, à priori et selon les critères des participants au débat eux-mêmes, aucun rapport entre l’« étiquette » politique et le contenu de classe du pouvoir et de L’État en Chine.

Dans ces conditions, il n’y a aucun intérêt à ce débat, ni à s’en mêler, si ce n’était le constat que le double langage du PC chinois, prétendant diriger une « économie de marché socialiste », et cela au nom même du ML, est néanmoins accepté, relayé et activement propagé par un nombre encore relativement important de militants qui prétendent ainsi s’arroger le titre de « communistes » et de « marxistes-léninistes », au prix d’un déni constant et même acharné de la réalité.

Le combat pour éclaircir ce confusionnisme doit donc continuer.

En l’absence d’une réelle dictature du prolétariat, parler de « secteur économique socialiste » et de « propriété collective des moyens de production » n’a déjà de toute façons plus aucun sens réel, mais même identifier ce à quoi ces militants se réfèrent comme substitut devient très problématique, sinon tout à fait impossible…

Au cours du débat du CUEM, du reste, il n’en a été fait aucune mention réellement et concrètement actuellement explicite. Il a été essentiellement question de capitalisme d’État et de son rôle « révolutionnaire » éventuel.

Bien que l’un des participants ait donc constamment tenté d’assimiler l’un à l’autre, le capitalisme d’État chinois à un supposé « secteur économique socialiste », selon une méthode confusionniste qui est à la base même de la rhétorique de ces militants.

En effet, lorsque l’on parle de « sociétés d’État » en Chine, on parle bel et bien de sociétés par actions, même si certaines semblent encore détenues en totalité par l’État, ainsi « propriétaire », mais seulement en tant qu’actionnaire, de ces sociétés, c’est à dire donc bien en tant qu’acteur capitaliste… d’État !

Cette « forme de propriété », toute relative, du reste (**), qui n’est précisément que la propriété des titres, est de plus celle désormais officiellement promue par le PCC et supposée se généraliser, ce qui semble déjà effectif pour tous les secteurs importants encore sous son contrôle, par ce biais, et dans la mesure où les dirigeants du PCC sont eux même parties prenantes dans ce processus, outre le fait d’être très bien payés pour le gérer, tout à fait à l’instar du grand patronat des métropoles occidentales.

Ceci-dit, le processus montre que ces « sociétés d’État » sont elles mêmes détentrices de parts diverses mais importantes, et souvent même, majoritaires, de sociétés cotées en bourse qui ont, à quelques lettre près, le même patronyme, et surtout, exactement, la même activité économique que la « société mère », en tant que « société d’État ». Dans quelle mesure les « sociétés d’État » ont bien une activité économique réelle distincte de leurs « filiales » cotée en bourse, c’est la question importante suivante pour comprendre l’emprise du capitalisme financier sur l’État chinois et c’est ce qui reste à étudier et à préciser…

D’ores et déjà, il apparaît que toutes ces sociétés et filiales à diverses niveaux ont des participations croisées entre elles et correspondent tout à fait, en cela, à la définition marxiste-léniniste du capitalisme monopoliste D’État.

C’est en cela, mais en cela seulement, que les dirigeants du PCC ont parfaitement assimilé les fondamentaux économiques du marxisme-léninisme, en suivant, et même de manière très formelle, tous les chemins qui mènent d’un capitalisme « national » bureaucratique maoïste, puis comprador sous Deng Xiaoping, à un capitalisme financier monopoliste d’État, sous Xi Jinping, atteignant ainsi clairement le stade impérialiste, comme on l’a déjà vu dans l’évolution des rapports de forces financiers sur la planète.

Comme le signale fort à propos l’un des participants, ce qui est important, c’est de comprendre les éléments d’analyse dans leur mouvement, et non de manière statique (***). Or ce mouvement indique clairement non seulement un accroissement de la part de l’économie capitaliste privée sur celle du capitalisme d’État, mais il indique une imbrication de plus en plus forte du capital privé et du capital d’État, même si celui-ci se concentre de plus en plus, ce qui est également la signature de l’évolution monopoliste et impérialiste d’une grande puissance financière telle que la Chine, actuellement.

Luniterre

(*https://tribunemlreypa.files.wordpress.com/2019/05/05mai1918_lenine_sur-linfantilisme-de-gauche.pdf )

(**https://tribunemlreypa.wordpress.com/2018/03/10/aux-racines-de-la-crise-le-statut-des-actions-dans-le-capital-fictif/

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2018/03/15/aux-racines-de-la-crise-le-statut-des-actions-dans-le-capital-fictif-suite/ )

( ***A ce propos on se rappelle que lors d’un récent débat sur le sujet, sur TML, un défenseur acharné du « socialisme à la chinoise » cherchait à nous faire endosser son « interprétation de la NEP » : « FONDAMENTALEMENT IL S’AGIT ICI DE RECONNAÎTRE DE TA PART QUE LA LOI DU MARCHÉ NE S’ABOLIT PAS Y COMPRIS SOUS LE SOCIALISME. Son aspect « corrosif et destructeur » est contenable, contrôlable, réductible sous le socialisme où se met en branle d’autres lois, notamment celle de la correspondance entre, de tête rapidement, production toujours plus socialisée et accaparement toujours plus social sur la base de la socialisation des secteurs stratégiques et de la planification, etc. »

Si une « planification » est bien présente, en Chine, c’est donc vraiment uniquement « de tête » et pour le moins, très « rapidement » que l’on peut y voir, en rêve, mais en rêve seulement, une « …correspondance entre …production toujours plus socialisée et accaparement toujours plus social sur la base de la socialisation des secteurs stratégiques… » !!!

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2019/06/08/quelques-nouveaux-elements-du-debat-en-cours-suite/ )

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ADDENDA AU 27/06/2019 : DE NOUVEAUX ÉLÉMENTS AU DEBAT ONT ÉTÉ APPORTÉS AU COURS D’UNE CONTROVERSE EXTRÊMEMENT POLÉMIQUE AVEC M. BRUNO DRWESKI A LA SUITE DE LA PUBLICATION ORIGINALE SUR TML.

VOIR ÉGALEMENT D’AUTRES ÉLÉMENTS, EN RÉPONSE AU CAMARADE VIRIATO DANS LES POSTS LIÉS A L’ARTICLE.

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2019/06/24/la-chine-est-elle-capitaliste-vers-une-prolongation-au-debat-du-cuem/

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