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Gisèle Halimi, mort d’une avocate emblématique de la cause des femmes

samedi 1er août 2020, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 1er août 2020).

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29 juillet 2020

Assawra

De la lutte qu’elle livra contre ses parents pour faire des études à son infatigable combat pour le droit à l’avortement, elle fut sur tous les fronts du féminisme. L’avocate et ancienne députée socialiste est morte ce mardi 28 juillet 2020. Elle avait 93 ans.

Dans la carrière d’un avocat, il y a toujours un procès qui le fait sortir du lot, celui qui obtient un retentissement médiatique et qui coïncide avec une évolution de la loi et de la société. Il y en eut plusieurs dans celle de Gisèle Halimi, qui vient de s’éteindre à l’âge de 93 ans. La jeune Zeiza Gisèle Élise Taïeb, née à La Goulette, en Tunisie, lutta contre ses parents pour faire des études et s’inscrivit au barreau de Tunis en 1949. Elle y défend alors des déserteurs et des syndicalistes, et pendant la guerre d’Algérie, des coupables dont les aveux ont été arrachés sous la torture. Sa défense militante, aux côtés d’avocats communistes ou proches du Secours populaire, lui vaudra d’être arrêtée par les parachutistes.

En 1960, elle assure la défense d’une jeune Algérienne de 22 ans, Djamila Boupacha, accusée d’avoir posé une bombe à la Brasserie des Facultés, à Alger, violée et torturée, qui sera condamnée à mort mais amnistiée en 1962 après les accords d’Évian. Ce procès fera l’objet d’un article de Simone de Beauvoir, dans Le Monde du 2 juin 1960, adjurant le gouvernement de ne pas laisser l’Algérie « à l’illégalité, à l’arbitraire, aux caprices sauvages de quelques enragés ». Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir publieront un livre sur cette affaire, Djamila Boupacha, aux éditions Gallimard.

Mais le grand public la découvre en 1972. À la sortie du tribunal, le 22 novembre, elle déclare devant la nuée de journalistes qu’« il est certain que ce jugement est à l’image même du désarroi des juges devant cette loi sur l’avortement […], le procès lui-même a marqué un pas irréversible ». Elle vient de défendre Marie-Claire, une jeune mineure de 16 ans qui a avoué avoir avorté après avoir été violée. Son avocate obtiendra sa relaxe après avoir fait comparaître des témoins renommés comme les professeurs François Jacob, Paul Milliez, Jacques Monod (prix Nobel de médecine), Jean Rostand de l’Académie française, le député socialiste Michel Rocard, ou l’actrice Delphine Seyrig. Un procès qui s’inscrit dans les débats qui portent sur la loi de plus en plus contestée de 1920 qui interdisait la contraception et l’avortement, près de cinq cents personnes ayant encore été condamnées pour avortement en 1971.

Le 5 avril de cette même année, Le Nouvel Observateur avait publié un appel de 343 femmes en faveur de l’avortement libre, dénonçant la situation des femmes obligées de recourir aux faiseuses d’anges ou, pour les plus fortunées, de faire le voyage en Suisse. Parmi les signataires, dont Gisèle Halimi, on relevait aussi les noms de Stéphane Audran, Catherine Deneuve, Françoise Fabian, ou Jeanne Moreau… Toutes déclaraient s’être fait avorter et, devant l’ampleur de cette publication, n’ont pas été poursuivies.

L’épisode judiciaire resté dans les mémoires comme étant « le procès de Bobigny » constituera une étape essentielle vers la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse, avec la loi Veil en janvier 1975. Gisèle Halimi défendra encore deux femmes victimes d’un viol collectif en 1978, encore un marqueur pour la criminalisation du viol, et ne cessera, avec le Mouvement pour la libération des femmes (MLF) ou l’association Choisir la cause des femmes qu’elle présida, de mener le combat pour la cause des femmes. C’est d’ailleurs le titre, simple et explicite, qu’elle choisit pour son livre publié en 1973 (éd. Grasset) et encore pour La Nouvelle Cause des femmes, publié en 1997 (éd. Le Seuil).

Elle y écrivait : « Pour qui ce livre ? Je n’écris ni pour les élites ni pour les spécialistes… J’écris pour les autres. Pour l’immense majorité des femmes qui ressent – sans en bien comprendre les raisons ou le mécanisme –, pour celles qui – sans pouvoir le définir comme un dysfonctionnement majeur du sytème – savent qu’une démocratie où la moitié de la population parle ou décide pour l’autre n’en est que la caricature. »

Cette caricature, elle en fit encore l’expérience dans sa carrière politique, un monde qu’elle qualifia de « no woman’s land ». Après avoir fondé avec Évelyne Sullerot et Colette Audry le Mouvement démocratique féminin, pour soutenir la candidature de François Mitterrand en 1965, elle devint députée socialiste de la quatrième circonscription de l’Isère de 1981 à 1984 puis ambassadrice déléguée de la France auprès de l’Unesco. Une femme, avocate, féministe, vient de disparaître sans que les causes qu’elle défendit aient perdu de leur urgence.

Gilles Heuré
Télérama du 28 juillet 2020

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