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Musulmans mes amis - Racisme d’aujourd’hui ?

samedi 7 novembre 2020, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 7 novembre 2020).

Note de Bruno Drewsky :A mon avis, la situation n’est pas aussi terrible que le décrit l’auteur de ces lignes. Nous ne sommes pas (encore ?) dans les années trente et j’espère, je crois, que nous n’irons pas vers cette répétition, car le pire n’est jamais certain, mais il n’en reste pas moins que ce rappel provenant d’un juif qui porte la mémoire d’une souffrance qu’il a assimilée, contrairement à d’autres, est lumineux par son humanité et son universalité réelle et non pas purement déclamatoire et hypocrite comme celle des bourgeois et petits bourges. Cet être humain interpelle tout être …humain, car il montre que, si on a la mémoire, on comprend pourquoi la culture du mépris se réveille à chaque crise économique, sociale, civilisationnelle, et que si l’intégration est possible dès lors qu’on relance une dynamique socialement et économiquement progressiste, l’assimilation au dominant est, elle, impossible car elle recouvre un mépris stérile, un retour ethnocentrique révélant le blocage et la régression du dominant, de la classe dominante, et, par voie de conséquente de la "culture" dominante, qui n’a plus de culture que le nom. BD


Musulmans mes amis

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Serge Grossvak

Le 3 novembre 2020

Notre pays traverse un moment terrible, horrible, plein de menaces communes. De tous les côtés montent des nouvelles angoissantes, angoissantes pour tous. Et vous, amis musulmans, de cette angoisse vous prenez le poids maximum. Comme les sorcières du moyen-âge, comme les juifs du siècle dernier, voici votre tour d’être jetés en pâture. Par mes témoignages familiaux anciens j’ai conscience de ce que vous affrontez, des mots que vous devez trouver pour vos enfants, de l’espoir que vous devez ne pas laisser éteindre.

Lorsque enfant mon père tentait de m’expliquer ce climat d’une société hostile, suspicieuse. Comme il fallait grandir dans l’incertitude d’avoir les réponses adaptées pour éviter le regard condescendant… je ne comprenais pas. Je n’avais pas envie de comprendre tant cela me paraissait loin de mon monde, de mon avenir. Maintenant je comprends ce que mon père voulait m’expliquer, ce qu’avait traversé ma famille juive avant la période du nazisme. Le racisme ordinaire, le mépris banalisé en toute bonne conscience.

Nous oublions la leçon essentielle, « la banalité du mal » expliquée par Hannah Arendt (« Eichmann à Jérusalem »). Nous oublions Jaurès, tout en le réquisitionnant caviardé pour l’hommage à Samuel Patty. Nous oublions son avertissement : « Je témoigne pour dans cent ans » disait-il lorsque visionnaire il expliquait les conséquences à venir du comportement sanglant colonialiste. « Rallumer tous les soleil, Jérome Pellissier, ed de l’Amandier, p 55 ».

Nous oublions l’Histoire et le marteau tombe maintenant sur vous, mes amis, mes frères. Mais amis caricaturés afin de vous mépriser. Nous oublions l’Histoire jusqu’à s’aveugler et refuser de voir que nous voici lancés sur le chemin de la guerre, du sang barbare. Je ne sais pas quel est le plus barbare de l’assassin imbécile et sanguinaire capable d’égorger un être humain, ou du fier cravaté aux mains propres qui nourrit le feu, l’étend. Homme de pouvoir qui use de son pouvoir, de sa puissance, pour déchirer lorsqu’il devrait oeuvrer à fraterniser, je te hais, traitre à ton devoir. Je pense à Jaurès dans ses derniers jours avant d’être assassiné, alors qu’il était submergé d’angoisse comprenant qu’il avait perdu son combat, que le carnage allait advenir. La situation se dégrade si vite que je ne sais si une nouvelle fois, un petit siècle après, nous avons pris rendez vous avec l’horreur. Comme Jaurès, nous devrons tout tenter, résister jusqu’à la dernière seconde, sans doute face à de nouveaux Péguy.

Pour nos racistes, les pires comme maintenant les plus feutrés, un musulman est soit un sanguinaire terroriste, soit un larbin illettré comme Chalgoumi. Enfant musulman, tu as le choix, notre monde est généreux.

Amis musulmans, de conviction religieuse ou d’origine familiale, votre culture est belle. Belle, splendide, riche de sa quête d’humanité, et vous n’avez à baisser les yeux devant personne. Oui, une belle culture parce que nul ne doit confondre un moment politique d’avec une civilisation.

Les daesh, les émirs d’Arabie saoudite et d’autres ne sont pas votre civilisation mais des instants politiques, tout comme les nazis pour les Allemands, tout comme les esclavagistes ou les armées envoyées pour mater la révolte du Rif ne sont pas les Français. C’est parce que toutes ces horreurs sont politiques que nous pouvons les affronter ensemble, fraternellement, dans l’égal respect mutuel. Le mot "laïc" auquel Jaurès a tant contribué avait ce sens, avant que les haineux ne le tordent.

Amis musulmans, j’aime vos sourires, j’aime vos rires, et ma voisine en attestera j’aime trop vos pâtisseries. Amis croyants, musulmans ou non, je n’ai pas du tout votre conviction de l’existence d’un Dieu, je lis vos paroles de prophètes comme d’importantes traces de l’Histoire humaine. Nous sommes différents mais nos rapports ne se limitent pas à nos différences. Quelques fois vous me bousculez dans mes convictions, m’apportez un autre éclairage auquel je n’aurais pas pensé sans vous. J’espère qu’il m’arrive de même, de quelques fois vous déstabiliser et vous amener à ajouter quelque chose à votre façon de voir. Et cela n’a rien à voir avec croire en Dieu ou non, qui est ancré en nous.

Comment mieux vous apporter ma fraternité qu’en vous évoquant ma soeur de coeur, Nadia (je ne reproduis pas son nom, j’ignore si elle le souhaiterait, mais nos amis communs sauront) ? Nadia, ma soeur de l’autre côté de la Méditerranée, que je connais uniquement par Facebook mais qui est dans mon coeur comme si nous étions de même mère. Nadia, Algérienne, poète si pleine de sensibilité, pharmacienne pleine d’humanité et de tendresse pour les gens humbles, mère merveilleuse de respect pour ses enfants, rebelle éternelle entre islam et marxisme. Voilà, si les racistes ont Chalgoumi, moi j’ai Nadia, ma soeur lumineuse pour penser aux musulmans.

Il ne faut pas que nous nous laissions déchirer. Tendrement,

Serge Grossvak

le 3 novembre 2020

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